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Elections En Afrique: Les Missions D’observation : Quelle Utilité ?

Publié le vendredi 16 avril 2021  |  Matin libre
Conférence
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Conférence de presse conjointe des observateurs de L`Union Africaine, de la Communauté des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO), de l`Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et du conseil de l`Entente sur le déroulement du scrutin présidentiel du 11 avril 2021 au Bénin
Cotonou, le 13 avril 2021, hôtel Golden Tulip.Conférence de presse conjointe des observateurs de L`Union Africaine, de la Communauté des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO), de l`Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et du conseil de l`Entente sur le déroulement du scrutin présidentiel du 11 avril 2021 au Bénin
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La période avant, pendant et même après les élections législatives et présidentielles en Afrique, on les voit dans le pays concerné, pour l’observation. Mais de plus en plus, en dépit de leur présence ou de leur passage, les scrutins se soldent généralement par des contestations voire des violences meurtrières pendant que, dans leur déclaration, c’est du « tout s’est bien passé malgré quelques difficultés qui n’entachent pas la transparence et la crédibilité du scrutin ». Une certaine opinion pense que « c’est une formule diplomatique passe-partout » et ne trouve d’ailleurs pas l’utilité des Missions d’observation sur le continent. Votre journal Matin Libre s’est intéressé au sujet.



Que ça soit les Missions d’observation des Organisations non gouvernementales (Ong) locales ou celles que font des institutions régionales et internationales, une frange de la population assimile cette pratique, pourtant vieille de trois décennies, à une simple formalité dont l’issue est connue à l’avance. Joël Atayi-Guèdègbé, expert en gouvernance, membre de la société civile, fait la genèse de l’observation électorale : « C’est désormais un vaste sujet de récriminations pour ne pas dire de méfiance. La question qu’on pourrait se poser est celle des attentes que l’opinion publique met dans une Mission d’observation. Alors, nous avons commencé à entendre parler d’observation avec le vocable ‘’observateurs internationaux’’. Qui étaient ces observateurs internationaux qui tranchaient quand ils arrivaient, en tout cas donner une opinion assez péremptoire parfois contentieuse par rapport à un processus électoral ? C’est quelque chose qui a été initié de l’Europe, du Parlement européen en général voire de quelques élus Américains bien avant que le président Jimmy Carter n’ait initié la Fondation Carter qui a un gros volet observation électorale. Donc c’est des parlementaires en général qui essaient d’accompagner la démocratisation un peu partout dans le monde : Europe de l’est, fatalement Afrique aussi. Donc, c’était un regard orienté à d’autres réalités socio politiques avec des outils voire les moyens de puissance tout simplement. L’origine de ces observateurs, c’était les pays occidentaux qui tenaient également les cordons de la bourse de l’autre côté. Donc leur opinion pourrait quasiment faire force de loi.». Membre de la Plateforme électorale des Organisations de la société civile (Osc) qui a observé la présidentielle de 2021 au Bénin, Joel Atayi-Guèdègbé poursuit : « Qu’est-ce qu’ils voient quand ils sont là. Ils arrivent une semaine ou trois jours avant, peut-être que beaucoup de choses sont déjà jouées, d’où progressivement, il a fallu travailler à légitimer l’observation nationale avec des citoyens du pays qui ont l’avantage de mieux connaître leur terrain, mieux comprendre leurs langues, les subtilités sociolinguistiques, qui ont certainement la capacité de se déployer en plus grand nombre et à coût moindre. Un parlementaire européen qui descend, il faut lui prendre le billet d’avion, la chambre d’hôtel ; louer des bagnoles 4*4 sans parler de ses perdiems. Mais un enjeu pour nous Africains pendant qu’on parle de démocratisation, c’est aussi qu’on démocratise l’observation. Donc ça, ça s’est mis en place cahin-caha. Il y a des pays qui n’en ont jamais voulu pendant très longtemps comme le Togo. Je fais partie de ceux qui ont fait le plaidoyer pour que le Togo admette que ses concitoyens sont aptes, ont la légitimité pour jouer le rôle de l’observation, qu’on ne va pas toujours s’en remettre à des puissances étrangères qui ont leurs agendas, qui ont parfois des déclarations péremptoires ». Ainsi, chemin faisant, l’Afrique optera pour une observation de ses processus électoraux par les Africains. Sur le continent, c’est l’Oing panafricaine dénommée Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement économique et social (Gerddes-Afrique) qui détient la paternité de l’initiative. « Lorsque nous avons inventé cette notion d’observation des élections africaines par les Africains, en 1990, l’objectif essentiel était de faire en sorte que notre manière de faire les élections, soit observée par les nôtres à travers des critères que nous avions mis en place en disant les meilleurs témoins des progrès de notre processus démocratique c’est d’abord nous-mêmes. Et, de cette habitude de voter, nous espérions devrait naître de nouveaux espoirs, chacun essayant de mieux faire dans les compétitions électorales puisque tout le monde est témoin donc, éviter les fraudes qui caractérisaient les élections. Et à cette sortie du système du parti unique qui était à la mode, à cette époque, nous avons donc établi des règles d’observation des élections. L’une des règles, c’était d’abord des élections inclusives et pacifiques. Que tous ceux qui ont envie de compétir électoralement puissent aller à la compétition. Nous avons essayé à ce titre, de vulgariser cette idée à travers toute l’Afrique francophone et même anglophone », explique Me Sadikou Alao, président du Gerddes-Afrique.

Après la genèse, les acquis…

Selon le président du Gerddes-Afrique, ce pas franchi, il y a eu des acquis en ce qui concerne ces Missions d’observation. « Nous avons réussi à former des observateurs dans presque tous les pays, qu’ils soient anglophones, francophones et même lusophones. Nous sommes allés jusqu’en Afrique du sud. L’Oua qui est l’Union africaine aujourd’hui nous a sollicités pour former ses observateurs. Nous en avons fait de même avec la Cedeao avec cette notion de base que les élections doivent être plurielles. Nous avons aidé à former l’Association des institutions d’observation des élections sont nous avons promu la création dans chaque pays. La Cena et autres que vous connaissez aujourd’hui n’existaient pas à l’époque. C’est à l’initiative du Gerddes Afrique que ces institutions ont été créées dans chaque pays. Et nous avons été la seule Ong en Afrique à être membre de cette Association des institutions d’observation des élections en Afrique. Toute chose dont nous avons été et dont nous restons très fiers », souligne Me Sadikou Alao. Il ajoute : « L’observation des élections a tellement rapporté des choses intéressantes pour l’Afrique, pour la démocratie. Il y a eu le pluralisme politique dans de nombreux pays et les commissions électorales qui ont été créées dans la foulée, les associations qui ont été créées pour aller observer les élections un peu partout, c’est dans l’éclosion du processus démocratique pluriel que tout ça a été fait ». Parlant d’associations créées à la suite de l’implémentation faite par le Gerddes-Afrique, l’expert en gouvernance Joêl Atayi-Guègègbé en donne ici la preuve : « Nous, on s’est battu avec le réseau des Ongs béninoises à partir de 1995 pour avoir une observation locale que les Allemands ont appuyée. Le Pnud, un peu. On a aussi démontré qu’on pouvait déployer 1000 observateurs. Je pense qu’on peut même déployer 5000, 13000. Il faut simplement arriver à former les gens, à mettre le réseau de communication en place. Si vous êtes sûr de leur intégrité professionnelle, c’est un appui formidable pour le système électoral à condition que parallèlement il y ait la volonté de s’améliorer ».

L’utilité des Missions d’observation vue par des observateurs de l’Ua, de l’Oif, de la Cedeao et du Conseil de l’Entente

Aux côtés d’autres Missions d’observation électorale arrivées au Bénin dans le cadre du scrutin présidentiel du 11 avril 2021, l’ancien président de la Sierra Léone, Ernest Bai Koroma, Chef de la Mission d’observation électorale de la Cedeao, aborde le pourquoi de ces Missions : « En tant que Cedeao, il est de notre responsabilité de soutenir nos Etats membres dans les processus électoraux et d’apporter nos recommandations. En tant que Cedeao, nous avons essayé, à travers Econec (le Réseau des Commissions électorales de la Cedeao) et autres d’améliorer le processus électoral dans la sous-région. Nous utilisons tous ces éléments pour pouvoir standardiser tout ce qui se passe dans notre sous-région ». L’ancien Ambassadeur, ancien premier ministre, ancien président du Sénat du Rwanda et chef de la Mission d’observation de l’Union africaine (Ua) va apporter plus de détails : « l’intérêt de la présence des missions d’observation de l’Union africaine aussi des autres comme la Cedeao, l’Oif, le Conseil de l’Entente est aussi important dans le sens de s’informer de ce qui se passe dans le cadre d’une élection parce qu’il faut bien le dire : si nous parlons de la démocratie, les élections ne sont pas en soi la démocratie mais c’est une composante peut-être essentielle de la démocratie. La démocratie c’est un concept assez vaste. En ce qui l’Union africaine, il y a cette déclaration préliminaire mais aussi, nous allons faire un rapport final qui contient tous les éléments, qui va être soumis au président de la Commission et qui va être échangé avec le pays observé, avec toutes ces institutions-là qui participent au processus électoral : la Cena et les autres, société civile. C’est un rapport final qui contient plus de détails que la déclaration préliminaire et avec des recommandations. Il y a le forum des Chefs d’Etat, par exemple l’évaluation par les pairs. Et cet aspect de démocratie, de gouvernance, chaque pays est évalué. Et s’il y a de dissonance ça et là dans un pays, les sages qui sont dans ce mécanisme le mentionnent aux chefs d’Etat ou de gouvernement présents dans cette séance d’évaluation. J’ai eu le privilège d’assister à ce genre d’évaluation. Je pense que c’est très important parce que ces genres de constats de ce qui a été fait ou vu pendant une élection reviennent dans ce mécanisme d’évaluation par les pairs ». Bernard Makuza ajoute : « En plus, il faut noter qu’ici et là avec l’expérience que je viens d’avoir dans ces élections, on a de très bonnes pratiques. Mais aussi il y a là où il faut améliorer. Les bonnes pratiques, on les met en exergue, on les vend pour d’autres pays où il n’y a pas ces bonnes pratiques. C’est un enrichissement mutuel, compte tenu des contextes, compte tenu des cultures, compte tenu de l’histoire de chaque pays. On évolue en démocratie de cette manière-là. On ne peut pas évoluer dans un contexte qui n’est pas le vôtre. On essaie mais dans la mesure du possible, il y a des principes auxquels tous les Etats du monde adhèrent, mais la façon de les mettre en exécution peut varier d’un pays à un autre. Donc ces processus démocratiques aussi, les élections en particulier, les pays africains avec les missions d’observation comme celle-ci de l’Union africaine on en fait un échange pour améliorer là où il y a besoin. Je pense que ça a déjà porté de fruits pour améliorer les systèmes électoraux dans l’un ou l’autre des pays de l’Union africaine. Ces missions d’observation, je pense que c’est une très grande contribution au niveau de la promotion de la démocratie et des élections en particulier. Autre chose, même quand la mission est surplace avec les informations, avec le constat que l’on fait, nous engageons les autorités ou les acteurs locaux même durant notre mission. On peut les engager sur l’une ou l’autre question que l’on voit, qui est par exemple en train de faire des remous. Bien sûr c’est au pays hôte ou organisateur de corriger ce qui peut être corrigé dans la mesure du possible. Donc ces missions d’observation sont d’une utilité j’estime capitale ». Pour l’ancienne ministre du Burkina Faso, Minata Samate Cessouma, chef de la Mission de la Francophonie, « lorsqu’une mission est déployée sur le terrain, c’est un travail qui est fait avant parce que le président Baï Koroma a parlé d’observateurs de long terme qui font partie des missions électorales. Ces observateurs de long terme sont dans le pays, pendant des semaines. Ils font des rapports qui remontent au siège de ces organisations pour permettre de prendre en charge les difficultés en amont pour éviter qu’il y ait des difficultés au moment des processus électoraux ». Au cours de la conférence de presse post scrutin présidentiel au Bénin, l’ancienne ministre burkinabé n’a pas tari d’arguments sur l’apport des Missions d’observations aux processus électoraux : « Je voudrais aussi dire de ne pas voir uniquement la mission de court terme. Au moment des élections, il y a également des missions de haut niveau qui sont déployés et qui font partie justement de ces missions électorales. Des missions de haut niveau s’il y a des difficultés et qu’on puisse prendre en charge ces questions pour les régler. Cela se fait généralement par les responsables de nos organisations internationales qui sont là peut-être des mois avant les processus électoraux, qui font également partie de ces missions électorales. J’ajouterai aussi à cela, les missions préventives. Lorsque vous voyez la Cedeao, notre ami des Nations Unies est là avec l’Union africaine, la Francophonie arrivés au pays longtemps à l’avance, parfois à plusieurs reprises, et ces missions sont déployées pour aider à aplanir les difficultés. Lorsque vous voyez des problèmes résolus avant les élections, c’est qu’il y a eu un travail de fond avant le déploiement de la mission électorale. Il y a des concertations avec l’ensemble des acteurs politique pour éviter les difficultés, pour nous assurer que nous aurons des élections apaisées. C’est vrai, notre organisation l’Oif n’a pas une grande mission : une mission d’observation, une mission de contact. Toutefois, nous tenons à souligner que l’Oif a soutenu, en amont du scrutin, la Plateforme des Organisations de la société civile. La Francophonie également a soutenu la Commission béninoise des droits de l’homme. Et l’Oif a soutenu les médias. Aujourd’hui nous avons des difficultés avec les fakenews, des informations qui peuvent mettre à feu et à sang un pays. Mais l’Oif a contribué à former justement ces médias pour se retrouver à l’intérieur du pays pour convoyer les informations. C’est vous dire, la mission, certainement n’est pas allée loin, je demande de nuancer cela parce que nous étions là à travers des organisations béninoises qui s’occupent des questions électorales et qui faisaient remonter les informations. D’ailleurs, on l’a signalé, ces organisations, que ça soit la plateforme, la Commission béninoise des droits de l’homme, il y a eu plus de 1600 observateurs qui ont été déployés avec le soutien de nos organisations. Nous ne sommes certainement pas à la frontière du Bénin mais nous étions là aussi à travers ces organisations de la société civile qui ont fait un excellent travail ». De son côté, Kommabou Fandjinou de la Mission d’observation du Conseil de l’Entente pense que « les missions d’observation ont avant tout une valeur dissuasive ». « Lorsque vous savez que par exemple dans cette salle il y a des caméras qui vous observent, peut-être pour faire des rapports à votre chef hiérarchique, ça va vous donner une autre posture. Vous allez être beaucoup plus sérieux dans votre travail, dans votre manière de faire. Vous allez beaucoup plus observer vos gestes et vous allez savoir aussi qu’après il y aura un rapport sur vous, peut-être qui ne sont pas vu par les yeux qui sont dans la salle mais qui sont vus par les caméras. C’est comme l’œil Caïn. Je ne dis pas que la mission d’observation va se mettre à la place des organes ou à la place de la population. Chaque pays est une exception. Au niveau du Conseil de l’Entente par exemple, les cinq pays dans lesquels les missions d’observation viennent de se faire, l’année passée et cette année, vous allez remarquer que les élections se sont bien passées. Ce n’était pas qu’on est obligé pour les beaux yeux des populations, mais c’est parce qu’il y a des engagements du Conseil de l’Entente pour promouvoir de bonnes pratiques. Et ces bonnes pratiques vont se dégager et nous allons les partager à travers des séminaires qui seront bientôt organisés », déclare-t-il.

« …comme les démocraties doivent être restaurées, ces structures elles-mêmes doivent être restaurées… »

Cependant, malgré ces acquis et arguments développés pour justifier l’utilité des Missions d’observation électorale sur le continent, de plus en plus une certaine opinion pense que ça n’en vaut plus la peine. En effet, elle voit en ces Missions de la routine avec des déclarations, recommandations ou rapports qui valident toujours les scrutins quelle que soit l’ampleur des irrégularités observées. Dans certaines discussions privées, c’est qu’il vaut mieux consacrer les financements que nécessitent ces Missions dont l’issue est connue à l’avance, à d’autres fins parce que souvent certaines Missions sont limitées à la Capitale du pays et les villes périphériques. Mais, à l’arrivée, ce sont des déclarations et rapports holistiques qui sont faits sur le déroulement du scrutin partout sur l’étendue du territoire. « Nous reconnaissons qu’il existe encore des difficultés et des défis à relever », a confié le président Baï Koroma. Face à ces appréhensions, l’ancien premier ministre rwandais, chef de la Mission de l’Ua pour la présidentielle 2021 au Bénin précise : « C’est une question de logistique propre à chaque mission. Pour ce qui concerne la mission d’observation de l’Union africaine, on essaie de déployer au maximum possible dans les localités non seulement dans les villes. S’il advienne que le temps matériel ou la taille même de la mission peut-être ne permet pas d’aller un peu plus éloigné de la ville, on prend les lieux que l’on peut atteindre dans le temps matériel qui nous est imparti. Mais généralement, nous essayons chaque fois de déployer les équipes dans des régions de façon équitable. Evidemment, quand nous sommes dans un pays et qu’il y a des problèmes, par exemple sécuritaire et que le pays nous informe ou apprend par les médias que l’accès n’est pas recommandé, on n’y va pas. C’est tout à fait compréhensible. Mais, généralement, une grande partie du territoire, c’est là où se passe les élections sinon sur tout le territoire et les équipes de l’Union africaine essaient d’aller un peu partout dans la mesure du possible. Donc ce n’est pas une mission qui se cramponne dans les villes seulement ; sauf si les circonstances l’exigent ainsi ». Sur les aspects d’impartialité que redouteraient certaines langues, Bernard Makuza martèle : « (…) nous travaillons avec tous les acteurs politiques, avec toutes les institutions du pays, avec la société civile ; les acteurs politiques : l’opposition, la majorité. Quand une mission arrive dans un pays, on se met à la disposition de tout le monde. C’est pourquoi nous faisons ce que nous appelons Déclaration d’arrivée, et nous mentionnons là où nous sommes. Et c’est une déclaration qui est donnée à la presse et quiconque veut contacter la mission pour échanger, pour donner des informations ; que ça soit les candidats ou que ça soit d’autres acteurs du processus, les missions diplomatiques qui sont accréditées dans un pays, nous restons à la disposition de tout le monde ». Et d’ajouter : « Néanmoins, on ne néglige pas le rôle de la presse (du pays). On suit. On essaie de collecter des informations et on complète avec ce que l’on peut voir sur le terrain. Une chose que je dis toujours aussi et qui doit être bien clarifiée, une mission d’observation, du moins en ce qui concerne l’Union africaine- je pense que les autres aussi, c’est la même chose- ne remplace pas les Commissions électorales, ne remplace pas les institutions du pays. Mais nous travaillons avec les instruments de l’Union africaine, donc les instruments locaux, les instruments internationaux mais aussi avec les instruments nationaux, donc les Constitutions des pays, les lois en rapport avec l’objet qui nous intéresse ». Kommabou Fandjinou de la Mission d’observation du Conseil de l’Entente abondera dans le même sens : « Même si nous ne sommes pas à l’extrême nord du pays, nous avons eu des informations à travers vous, à travers d’autres relais. Ne nous amenez pas à dévoiler nos batteries. Nous avons des agents qui nous donnent des informations et nous essayons de les entrecouper pour être sûr de ce qui se passe de l’autre côté, même si nous n’y sommes pas ». Il va plus loin dans ses propos en mentionnant : « Certains pensent même que nous faisons du doublon. Non, au niveau du Conseil de l’Entente dont les membres sont en même temps de la Cedeao, en même temps membres de l’Union africaine, nous nous basons sur la complémentarité et la subsidiarité et puis nos missions ne s’arrêtent pas seulement à l’observation des élections. Il y a aussi la mission de sécurisation. Nous voulons la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, de la sécurité au sein de notre espace et du respect surtout de la population ». Si à l’instar du président Koroma, chef de la Mission d’observation de la Cedeao à Cotonou, Me Sadikou Alao reconnaît qu’il y a des problèmes et des défis à relever, comme thérapie, le président du Gerddes-Afrique propose : « comme les démocraties doivent être restaurées, ces structures elles-mêmes doivent être restaurées ». Mais en amont, il faut avoir posé le diagnostic du pourquoi certains citoyens africains banalisent les Missions d’observation électorale. Me Sadikou Alao, président du Gerddes-Afrique se livre à l’exercice : « Mais en fait, qu’est-ce qui s’est passé ? C’est que les chefs d’État ayant compris l’importance de cette observation des élections ont réussi d’abord à les maîtriser au niveau des institutions comme l’Union africaine, la Cedeao et ont inondé les différents pays d’observateurs des élections qui n’étaient plus des observateurs indépendants. Et de là, ces observateurs des institutions régionales ont réussi à infiltrer les structures nationales d’observation des élections. Au début, presque toutes étaient indépendantes, et aujourd’hui elles ont été toutes maîtrisées de manière à ce que les dirigeants politiques ont réussi à les domestiquer. Et à partir de ce moment, l’éthique n’existant pas en politique, cette éthique a disparu au niveau des institutions d’observation des élections que ça soit national ou régional. C’est vrai que la plupart des pays ont recruté des membres des Gerddes nationaux et même du Gerddes Afrique au niveau de la Cedeao et d’autres institutions pour asseoir leur structure. Mais un individu qui aide à asseoir la structure, il devient rapidement fonctionnaire et il applique les règles que les maîtres dictent à cette structure nationale ou régionale. Alors, vous avez compris, tout comme la démocratie elle-même, ayant été domestiquée par les régimes politiques qui veulent garder le pouvoir et qui ne veulent pas l’abandonner, cette observation a été dégradée et ce qu’on en sait aujourd’hui n’est que le résultat de cette observation mal maîtrisée ou domestiquée par les politiciens comme ils ont réussi à galvauder la démocratie elle-même ». Me Alao semble dire que les Missions d’observation les mieux réussies, sans remous, ont été celles réalisées entre les années 90 et 2005 : « (…) Ça a duré une bonne dizaine d’années avant que cette appropriation étape par étape et État par État ne se soit réalisée pour atteindre les institutions régionales qui ont vu leur processus aussi passer à la phase d’édulcoration. Donc le système a commencé à s’affaiblir à partir des années 2005-2010 pour être ce que nous connaissons aujourd’hui ». Toutefois, l’Avocat au Barreau du Bénin ne perd pas espoir : « Tout le monde espère qu’avec le Renouveau démocratique, tous ces processus seront un jour ou très bientôt, réhabilités et pourront aider nos processus électoraux à reprendre leur bonne route. Le processus démocratique est un système très fragile. Le plus malin qui essaie de s’en approprier, et de le contrôler, peut le galvauder. Mais il ne faut pas penser que la démocratie plurielle est morte à jamais. Pas du tout. Les pays remonteront la pente tôt ou tard ».



Jacques BOCO
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