Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Faits Divers
Article
Faits Divers

Edito: La falsification de l’histoire

Publié le lundi 10 mai 2021  |  L`événement Précis
Côte
© APA par DR
Côte d’Ivoire: inauguration d’une stèle en mémoire de l’esclavage
Jeudi 6 juillet 2017. Côte d`Ivoire. Une stèle en mémoire de l`esclavage a été inauguré en présence de nombreuses personnalités dont l`ancien président béninois Nicéphore Soglo, le champion du monde de football français Lilian Thuram et l`historien congolais Elikia M`Bokolo. La stèle a été dressée dans le petit village de Kanga-Gnianzé, haut-lieu du commerce des esclaves, situé à 120 kilomètres au nord d`Abidjan.
Comment


Ce 10 mai marque en France la journée nationale de commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition. Une commémoration qu’Emmanuel Macron a voulu solennelle puisque, comme à l’accoutumée, il se rendra pour cela au Jardin du Luxembourg, en compagnie du Président du Sénat, Gérard Larcher. Il en est ainsi depuis 2006, à la différence que 2021 marque les 20 ans de la « loi Taubira », qui en 2001 avait déclaré la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, adoptée à l’unanimité à l’époque par l’Assemblée Nationale et le Sénat.
C’est la période choisie par l’artiste plasticien béninois Romuald Hazoumè pour exposer la responsabilité des Africains dans cette tragédie. Il organise en effet une exposition de ses œuvres avec l’historien ivoirien Gildas Bi Kakou, du 19 mai au 14 novembre prochain, au musée d’Histoire de Nantes sur l’esclavage. Nantes, on le sait, fut le premier port négrier de France. Vingt pièces de Romuald Hazoumé y seront donc exposées sous le thème «Expression(s) décoloniale(s) #2». Pour ceux qui ne connaissent pas cet artiste, il faut dire qu’il est l’un des petits-fils de l’écrivain Paul Hazoumè et qu’il expose dans le monde entier des œuvres réalisées à partir de matériaux de récupération. Romuald Hazoumè, présentant son exposition la semaine dernière, a confié ceci à l’AFP: « J’ai le devoir, comme artiste, de dire aux miens qu’il faut prendre notre part de responsabilité dans l’histoire de l’esclavage pour faire notre résilience et régler les problèmes d’aujourd’hui ». Pour lui, « il faut arrêter de dire que les Occidentaux sont les seuls responsables, car pour qu’il y ait des acheteurs d’esclaves, il fallait des vendeurs ».
Je suis sidéré par cette volonté affichée de déconstruire des faits historiques avérés. Ceci est d’autant plus ahurissant que cette volonté émane de la crème de nos intellectuels. Il y a quelques mois, le Professeur Félix Iroko, de regrettée mémoire, avait laissé entendre, quelque temps avant son tragique décès, qu’«il faut condamner les Africains » pour la traite négrière. Dans une interview réalisée avec BeninwebTV, il ajoutait : « il n’y a pas d’acheteurs sans vendeurs, nous (Africains) étions des vendeurs… C’est une question de coresponsabilité. » Je rappelle que le Professeur Iroko fut mon professeur et qu’il fut de surcroit auteur d’un ouvrage sur la traite négrière intitulée La côte des esclaves et la traite atlantique : les faits et le jugement de l’histoire, publié en 2003. Malheureusement, j’ai toujours considéré que ce point de vue manque d’objectivité. Car tout ce monde parle comme si dès le départ les Africains s’étaient offert pour vendre leurs frères et leurs sœurs aux Européens demandeurs.
Or, tout prouve que les Africains n’ont jamais accepté la traite. L’installation partout sur nos côtes des forts français, anglais et portugais en est l’une des preuves les plus patentes. Ces forts sont en effet des ouvrages militaires dotés d’armement de défense, pour que les négriers se protègent contre les attaques des autochtones opposés à la vente de leurs parents. Le fort portugais de Ouidah par exemple a été construit en 1721 principalement pour protéger ce florissant commerce. Et nous sommes au XVIIIème siècle, en pleine période d’épanouissement de la traite qui ne sera abolie que plus d’un siècle plus tard. On oublie toujours de dire aussi que la traite ne s’est étendue que parce que des gens ont été payés et armés pour aller chercher de force des captifs de guerre qui sont ensuite vendus. C’est l’origine des nombreuses guerres esclavagistes qui ont modelé le peuplement de notre pays jusqu’à nos jours.
Nos élites et nos artistes qui parlent de coresponsabilité disent exactement ce que les descendants des négriers et de leurs collaborateurs africains veulent que nous retenions de l’histoire. Car en effet c’est eux qui ont engrangé les bénéfices colossaux de ce commerce et veulent bien s’en laver la conscience. Le plus aberrant, c’est que pendant que les Français instaurent des commémorations pour que les générations qui passent ne falsifient pas cette tragédie, le plus aberrant disais-je, c’est que ce soit les Africains, c’est-à-dire les victimes qui passent leur temps, comme Romuald Hazoumè et d’autres, à dire aux blancs : « Non, ne vous en faites pas, nous aussi nous sommes responsables de ce qui nous est arrivé. »
C’est exactement comme si les Français allaient aujourd’hui à Berlin pour faire des expositions d’œuvres artistiques montrant la responsabilité des Français dans l’occupation allemande. Que des Français comme Pétain aient collaboré avec l’Allemagne nazie ne fait pas des Français des coresponsables de l’occupation de leur pays. C’est un peu comme si des artistes israéliens allaient exposer leurs bibelots à Auschwitz, sur les lieux même où leurs parents ont été tués par millions, pour dire : « Ne vous en faites pas. Il y a quelques Juifs qui ont aidé Hitler. Par conséquent les juifs sont aussi responsables de la Shoah ! »
Pourquoi donc ce qui est inconcevable chez les Européens devient-il parfaitement défendable chez nous ?

Par Olivier ALLOCHEME
Commentaires