Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Education
Article
Education

Harcèlement sexuel en milieu estudiantin: Un phénomène qui ronge en silence les victimes

Publié le mercredi 12 mai 2021  |  Matin libre
ENSTIC/UAC:
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
ENSTIC/UAC: lumière sur l’institut public de formation en journalisme, audiovisuel et communication au Bénin" Invité : Dr. Wenceslas MAHOUSSI, Directeur-Adjoint de l`ENSTIC
Vendredi 16 octobre 2020 à Cotonou s`est tenue Café médias plus numéro 285 ,Causerie 1 sous le Thème de : "ENSTIC/UAC: lumière sur l’institut public de formation en journalisme, audiovisuel et communication au Bénin" avec Dr. Wenceslas MAHOUSSI, Directeur-Adjoint de l`ENSTIC
Comment


Le harcèlement sexuel est un phénomène qui se généralise partout au Bénin. Présent dans les universités, il ronge progressivement les étudiantes victimes, sape leurs études et hypothèque leur avenir avec à la clé des séquelles psychologiques, psychiques et morales parfois incurables. Face à ce drame qui se joue contre le développement de la Nation, le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Mesrs) a lancé un assaut contre le harcèlement sexuel dans les hauts lieux de savoirs pour, à défaut de l’éradiquer, réduire son élan.


Le harcèlement sexuel est une violence fondée sur des rapports de domination et d’intimidation qui peut se produire sur le lieu de travail mais aussi dans d’autres milieux. Dans les universités publiques comme privées, le phénomène est monnaie courante. Les victimes se comptent par dizaine et le cercle ne cesse de s’élargir d’année en année. «Je vous avoue que j’ai été une victime depuis le secondaire jusqu’à l’université. Mon professeur des mathématiques m’a fait des avances auxquelles je m’étais opposée. Il a fallu ce refus pour que ce professeur vide ma note de conduite dans l’intention de me faire échouer. Ce qu’il n’a pas pu. L’année qui a suivi, mon père, informé de la situation, m’a inscrite dans un autre collège. Arrivée à l’université, le même scénario s’est produit, je l’ai géré avec tact», raconte Pulchérie A. «Moi j’en entendais parler. Mais c’est à l’université que je l’ai vécu. Malgré tout, le professeur a abusé de moi. Si je ne cédais pas, mon échec était garanti. Or la scolarité est une fortune, difficile à payer par les parents. Donc je n’avais plus le choix que de m’offrir», confesse Sandrine D. Tel est l’enfer que vivent au quotidien des étudiantes des universités du Bénin. Ces harceleurs, censés être des éducateurs incapables de se transcender, oublient dans des occasions pareilles qu’ils sont en face de leurs enfants. Partie d’une petite tache, la pratique prend alors des proportions inquiétantes au mépris des textes de lois au point où elle commence par inhiber les efforts de plusieurs années durant. «Le harcèlement sexuel est un phénomène qui sévit dans les universités, mais difficile à déceler», fait remarquer Dr Peace Hounkpè Wendéou, enseignante chercheure à l’Ecole nationale des sciences et des travaux publics (Enstp). Selon elle, plusieurs facteurs sont à l’origine de cette pratique. Il s’agit des liens de la subordination ou la vulnérabilité de la victime, la répétition des faits et le fait que l’action soit contre la volonté de la victime. «Tout cela mis ensemble résume le harcèlement sexuel» A cela, s’ajoute aussi la recherche de la facilité de certaines étudiantes qui créent elles-mêmes les conditions pour être harcelées. Il y a le fait de laisser la chance aux enseignants de rencontrer les étudiants en privé dans des conditions données et l’absence de la répression facilite le harcèlement. Par conséquent, à cause des stress, des déprimes, les victimes abandonnent précocement les études. C’est le cas par exemple de Viviane L., ancienne étudiante de l’Université d’Abomey-Calavi rencontrée à Bohicon. «Pour n’avoir pas cédé aux avances d’un de mes enseignants de la Flash, j’ai perdu plusieurs années. Fatiguée de mes échecs répétés, j’ai dû raccrocher et aujourd’hui je suis ménagère à la maison», conte-t-elle les yeux larmoyants. «C’est un phénomène qui doit être pris en compte en dehors de l’éducation, de l’enseignement qu’on leur donne pour protéger les victimes» suggère Dr Peace Hounkpè Wendéou

Un arsenal juridique existe pourtant

Le Bénin dispose d’un arsenal juridique lui permettant de lutter efficacement contre le mal. On peut citer entre autre la loi N°2006-19 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin et bien d’autres textes connexes. D’après cette loi 2006-19, toute personne coupable des faits du harcèlement sexuel écope des peines privatives de liberté d’un an à deux ans et une amende allant de 100.000F à un million de francs Cfa. En cas de récidive, la peine passe au double. Il en est de même pour les complices. «Avec cette loi, les victimes et même celui qui dénonce sont tous à l’abri» Cependant, le phénomène persiste dans les établissements d’enseignements, dans l’administration, dans les centres de formation et d’apprentissage. Résiste-t-il alors aux textes de lois, ou bien la volonté politique s’est-elle émoussée? Autant de préoccupations qui trottent dans la tête des victimes et de leurs parents. Pour Eléonore Yayi Ladékan, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Mesrs), ces textes sont caducs et il va falloir les actualiser pour les adapter aux réalités actuelles afin de mieux accompagner les victimes. Dr Peace Hounkpè Wendéou, Maître assistant des universités, pense que les raisons qui justifient le faible taux de répression sont bien au-delà de la caducité des textes. «Par peur, les victimes n’arrivent pas à dénoncer. Elles ont peur de devenir la risée de tout le monde. Elles ont peur des stigmatisations et des préjugés si bien que très peu ont le courage de se confier. Ce faible taux de dénonciation des conditions des victimes du harcèlement fait que la répression est faible», note-t-elle. Elle poursuit en évoquant les difficultés des victimes à rassembler les preuves. «Devant la justice, il faut les preuves. Parfois, les victimes ne sont pas préparées à réunir les preuves pour pouvoir présenter les faits», souligne-t-elle. Autant de contraintes qui ne favorisent guère la mise en application rigoureuse des textes.



Des approches pour en venir à bout

En puisant dans ses expériences professionnelles, Eléonore Yayi Ladékan, Mesrs et mère de famille, a attiré l’attention des étudiantes sur le caractère intermittent du phénomène qui a la peau dure. A en croire ses propos, on ne saurait totalement enrayer le harcèlement de la société dans la mesure où les hommes, quelles que soient les mesures prises, ne cesseront de faire des avances aux femmes. « Temps que vous êtes belles, les gens vont chercher à se rapprocher de vous. Il aura toujours des actions, cela dépend du contenu que vous en donnez. C’est à vous d’être aux aguets pour ne pas tomber dans leurs pièges. Tout dépend de vous. En matière de harcèlement, ah oui! Les hommes! Oh Dieu! J’ai eu tellement de prétendants. Mais je suis restée imperturbable. C’est à vous de savoir ce que vous offrez. Mais si vous le faites, soyez responsable jusqu’au bout. N’allez pas dire que c’est quelqu’un. Vous devez pouvoir faire la part des choses», conseille la ministre. «Dans notre communauté universitaire, beaucoup de choses se passent. Nous avons aussi pris par là. Chacun a géré à sa manière le problème du harcèlement», confie Augustine Alexandrine Houinato, Secrétaire général à l’Université nationale des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (Unstim) d’Abomey. C’est dire donc que le harcèlement est un vieux phénomène. En guise de prévention, Eléonore Yayi Ladékan a partagé avec les filles universitaires quelques astuces pour empêcher la constitution du phénomène. Elle leur a indiqué que dans la courtoisie on peut user des astuces pour dire non à un harceleur. Dr Peace Hounkpè Wendéou, enseignante chercheure à l’Ecole nationale des sciences et des travaux publics (Enstp), ajoute qu’il faut renforcer la sensibilisation des étudiantes à travers la mise en place des cellules d’écoute et autre creuset d’échange en vue de les amener à savoir comment constituer les preuves nécessaires, connaître les procédures pour pouvoir dénoncer. Il faut aussi vulgariser les textes et permettre aux vulnérables de connaître leurs droits. « En cas de déclaration vous êtes protégées et on ne peut rien vous faire si vous déclarez que vous êtes harcelées. Et là on pourra sanctionner l’auteur. Selon la procédure, il faut d’abord une plainte, avant une sanction. S’il n’y a pas plainte, il n’y aura pas de sanction. Moins il aura de sanction, plus le phénomène va évoluer», prévient-elle. Augustine Houinato, la Sg/Unstim exhorte donc les étudiantes à rompre le silence. «Sortez de vos mutismes. Il faut avoir le courage de dénoncer. Mais attention! N’allez pas chercher vous-même et quand cela va tourner, venir dire que vous avez été harcelé. Il faut nécessairement avoir les preuves puisque devant la justice, il faut brandir les preuves», insiste-t-elle. Le Mesrs vient en appui en rappelant à leur attention que les fausses déclarations sont passibles de sanctions pénales.



Les actions des pouvoirs publics

Conscient du phénomène qui semble défier les lois, le Gouvernement n’est pas resté insensible. Eléonore Yayi Ladékan, le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, au vue des risques que représente le harcèlement sexuel pour l’avenir des filles, notamment celles qui évoluent dans les filières porteuses, a pris son bâton de pèlerin pour écouter les étudiantes des universités du Bénin et instaurer entre elles et les acteurs universitaires des moments d’échange sur la question. Cette initiative mise en œuvre depuis mars dernier a produit de bons résultats. « Nous sommes partis des hésitations pour parvenir aux langues déliées et à une collaboration. C’est un résultat très positif. Nous sommes devenus moins ignorants», s’est réjouie la ministre. Pour elle, cette rencontre a permis aux uns et aux autres de mieux cerner le rôle qui est le leur dans la réussite des universitaires de l’Unstim qui se veut une université thématique. Elle a appelé les responsables à divers niveau de la pyramide universitaire à prendre leur responsabilité puisque «rien ne serait plus comme avant» a-t-elle laissé entendre. Le Professeur Gérard Dègan, recteur de l’Unstim d’Abomey a déjà pris la mesure de la situation. Il est intransigeant sur le harcèlement sexuel. A l’Unstim, le harcèlement sexuel n’a pas droit de cité. Un constat que confirme l’une des étudiantes de cette université thématique. «Dans notre université, nous n’avons pas de cas mais je suppose que cela existe forcément», déclare Natacha Adangnitodé, étudiante en cycle d’ingénierie en Génie civil à l’Enstp. « Les autorités rectorales ne sont souvent pas informées des cas du harcèlement sur une étudiante. Si on est informé, on a tout ce qu’il faut pour tranquilliser celui qui vous harcèle. Si un professeur vous harcèle, rapprochez-vous du directeur de votre centre. Au cas où cela dépasse ses limites, venez directement me voir», a indiqué le professeur Gérard Dègan. Il a même promis de créer, au sein de l’université, un service qui pourra s’occuper des questions relevant de la vie quotidienne des étudiants. A l’en croire, l’indigence ne peut en aucun cas amener une étudiante à se laisser faire. «J’ai ouï entendre une étudiante dire que c’est la règle parce que les frais de scolarité sont élevés. En acceptant soi-même que les choses se passent ainsi, n’est pas une bonne chose», déplore le recteur qui garantit l’anonymat aux étudiantes. Par rapport aux cas d’indigence signalées, Eléonore Yayi Ladékan et ses pairs agissent en faveur de ces étudiantes en situation difficile en vue de leur permettre de tenir jusqu’au bout. Par ailleurs, en leur contant ses expériences personnelles, elle a recommandé aux étudiantes de se mettre résolument au travail et de se consacrer aux recherches dans les bibliothèques. Ce n’est qu’à ce seul prix, qu’elles pourront réussir leur avenir.



Fernand Kinmahou
Commentaires