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Cantines scolaires et universitaires au Bénin : Une restauration en proie à des dysfonctionnements structurel
Publié le lundi 16 decembre 2013   |  Educ'Action


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© Autre presse par DR
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Considérée comme l’un des indicateurs de performance dans les formations scolaires et universitaires d’une part, et identifiée comme défi majeur dans l’accroissement du taux de scolarisation et le maintien des apprenants à l’école, la cantine scolaire au Bénin est confrontée à de véritables heurts. Lesquels heurts entament parfois la santé des enfants. Que ce soit au primaire, au secondaire ou au supérieur, la situation varie selon que l’on est au public ou au privé. Ce dossier qui donne la parole aux différentes parties prenantes, fait l’état des lieux de la situation actuelle et ouvre les horizons pour une meilleure structuration des cantines dans les établissements de formations au Bénin.

« Les cantines scolaires constituent un domaine mal encadré de notre point de vue ; le constat reste inquiétant parce que nous ne pouvons pas attester de la qualité des mets proposés à nos élèves.», a déclaré M. Ernest GBAGUIDI, président de l’Association des consommateurs au Bénin. Il est rejoint par plusieurs parents d’élèves qui se plaignent de devoir gérer tout au long de l’année scolaire, des toux, rhumes, diarrhées chroniques, typhoïdes, hépatites, etc. Et pour cause, la restauration à l’école ne suit pas toujours les règles de l’art. Du primaire à l’université en passant par le secondaire, le tableau n’est pas des plus reluisants. Pourtant les Orientations Stratégiques de Développement (OSD) du Bénin, le Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education (PDDSE) intègrent l’amélioration des infrastructures éducatives, la qualité de l’éducation et le développement de l’alimentation scolaire à travers les cantines comme défis majeurs à relever pour atteindre l’éducation universelle d’ici 2015. Il a été démontré que les cantines scolaires constituent un des moyens pour attirer les enfants à l’école, pour les y maintenir et pour contribuer à une amélioration des résultats scolaires, donc à l’atteinte des objectifs de l’Education Pour Tous (EPT). Ce qui explique la décision gouvernementale de créer mille (1000) nouvelles cantines selon une approche déconcentrée/autogérée, sous jacente à la mesure de gratuité des enseignements maternel et primaire, qui vise à améliorer l’offre d’éducation et à en accroître la demande, dans la perspective de la scolarisation primaire universelle. A cet effet, des ressources ont été mobilisées pour assurer l’alimentation scolaire dans les écoles primaires publiques des zones défavorisées. Tel est le cas du Fonds Catalytique de l’initiative Fast Track et du Fonds Commun Budgétaire dont une partie est allouée au développement des cantines scolaires. Il existe plusieurs types de cantines au niveau primaire.

Les cantines Fast Track couvrant 555 écoles avec un effectif de 128.077 écoliers

La mise en œuvre de ce type de cantine se fait selon un dispositif qui s’appuie sur les structures décentralisées que déconcentrées et des organes statutaires de l’école. Ce dispositif prend en compte la nécessité d’avoir une approche qui renforce les acteurs à la base et s’inscrit dans la durabilité. Il s’articule autour de deux axes. Il s’agit d’un dispositif organisationnel et de suivi qui est composé de plusieurs niveaux à savoir : le niveau de l’école (il est créé un comité de gestion de trois membres : 01 représentant des parents d’élèves, 01 représentant des enseignants et 01 représentant des élèves) dont la mission est d’une part de contrôler la qualité et la régularité des repas, de faire le point journalier des repas servis, d’autoriser le paiement des prestataires ( toutes les deux semaines) et d’autre part d’élaborer le point journalier des repas servis et un rapport hebdomadaire sur la gestion des cantines qu’il transmet au comité communal au plus tard le 05 suivant le mois échu. La même ossature est observée aux autres niveaux à savoir communal, départemental et national coiffée par la Direction de l’Alimentation Scolaire qui en assure la coordination nationale.

Pour ce qui est du dispositif de mise en place des fonds, il est prévu un service d’un repas journalier à raison de cent vingt cinq (125) francs CFA par écolier excepté les jours fériés, les congés et les vacances. Les fonds alloués à chaque école sont domiciliés au niveau de la Recette Perception territorialement compétente. Ce compte est alimenté à partir du compte budgétaire du MEMP par le truchement de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique. Le prestataire recruté pour chaque école se charge de fournir un repas par jour à midi à chaque enfant dans ladite école. Le prestataire est payé par quinzaine.

Les cantines scolaires appuyées par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) couvrant 300 écoles avec un effectif de 65.566 écoliers

Depuis 1975, le PAM a mis en œuvre au Bénin, des projets de cantines scolaires. Durant cette période de plus de 40 ans, le PAM a développé une expertise en matière de ciblage, d’achat et de logistique, de suivi des indicateurs, d’élaboration des rapports, d’obligation de résultats vis-à-vis des donateurs et des bénéficiaires. Une convention budgétaire est établie entre le PAM et les Partenaires Techniques et Financiers regroupés au sein du FTI-FCB, et est en vigueur depuis 2010 pour appuyer 300 écoles primaires. Le projet a pour but de contribuer au développement des politiques nationales visant à réduire la pauvreté, l’insécurité alimentaire et améliorer l’accès et le maintien des enfants à l’école. Ici, les vivres sont achetés par le projet PAM, stockés et transportés dans les magasins régionaux (au nombre de 8) et les écoles par la Direction Nationale des Projets PAM (DN/PAM).

L’expérience des cantines gouvernementales

Les cantines gouvernementales poursuivent le même objectif que les autres, à savoir l’amélioration de la fréquentation scolaire. Les écoles bénéficiaires sont ciblées selon les critères de sélection bien définis. Les cantines gouvernementales sont financées par le budget national à concurrence d’un milliard cinq cent trente-trois millions quatre cent mille (1.533.400.000) francs Cfa entre 2012 et 2013, et sont présentes sur toute l’étendue du territoire national. Elles sont au nombre de mille deux cent onze (1.211). Un repas est servi par jour aux enfants, les parents donnent une contribution de vingt cinq (25) francs CFA par écolier et par jour. Il est à préciser que les cantines gouvernementales fonctionnent de façon analogue aux cantines assistées par le PAM à la différence que leur suivi est assuré par la Direction de l’Alimentation Scolaire (DAS).

En dépit de cette structuration organisationnelle qui semble couvrir le milieu éducatif, l’Association des consommateurs, les parents d’élèves, la police sanitaire et même la Direction de l’Alimentation et de la Nutrition Appliquée, s’interrogent sur le contenu nutritif des mets servis dans les cantines.

Sur le Campus d’Abomey-Calavi, la plus grande université du Bénin, Olivier Hugo KINKPE, étudiant en 2ème année de Linguistique à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH) n’a pas caché ses récriminations quant au fonctionnement des différents restaurants ouverts sur le campus. « Nous avons trois restaurants, le restau U, le restau annexe et le restau BID. Mais ce que je déplore au niveau de ces trois restaurants, c’est que ce sont les mêmes mets qu’on nous propose chaque jour. J’aurais souhaité que les mets soient variés au niveau de ces restaurants. », a-t-il indiqué très indigné. Puis, il poursuit « l’autre chose qui retient également mon attention, c’est le retard répété dans l’ouverture des restaurants. L’heure d’ouverture officielle décrétée par le COUS dans la matinée, c’est 11h30 minutes. Mais force est de constater que parfois, c’est à 14h que les restaurants ouvrent leurs portes. Pendant ce temps, les étudiants qui reviennent des cours la faim au ventre sont obligés de patienter encore des heures durant avant de se faire servir. C’est triste », a-t-il lâché avec l’espoir que cette préoccupation liée à la gestion et au fonctionnement des restaurants universitaires, trouve rapidement une solution. Frédéric BOKO, est, lui, étudiant en fin de formation, option didactique de la langue française et Directeur de publication du Révélateur, un journal universitaire, il apprécie mal le soin qui entoure la cuisson des repas. « Je pense que beaucoup de choses restent encore à corriger au niveau de l’hygiène dans les restaurants. C’est vrai qu’un effort est fait chaque année par la D/COUS. Ce qu’il faut améliorer, c’est l’environnement des bonnes dames qui travaillent franchement dans des conditions difficiles. Ce sont des femmes, qui, tôt, sont au boulot mais rentrent tard à la maison et subissent les aléas de la pollution des fumées dégagées par les fourneaux puisque ce sont les fagots de bois qui servent à la préparation des repas », a-t-il dit. A cela, s’ajoute la conservation des nourritures préparées qui, selon lui, est également un autre problème crucial. « Parfois au moment de la rupture des nourritures, les bonnes dames pressées de servir les étudiants font du forcing sur elles-mêmes pour préparer des repas mal cuits », a-t-il informé. Pour lui, le voandzou est un met qui n’est pas apprécié par tous les étudiants. Alors il est important aujourd’hui qu’on supprime de la liste de la programmation ce met, souhaite-t-il.

De graves dysfonctionnements

Sur le terrain, les agents de la police sanitaire dénoncent des dysfonctionnements pathologiques. « Ce que nous remarquons très souvent, les conditions d’hygiène ne sont pas respectées. Normalement les bonnes dames doivent se soumettre à des bilans de santé trimestriels ou semestriels pour ne pas infecter les apprenants mais bien souvent, ce n’est pas le cas. Nous vérifions aussi les eaux pour la vaisselle, il doit y avoir 3 bassines d’eau. Une eau savonneuse et deux de rinçage. Les fourchettes et cuillères doivent être plongées dans de l’eau chaude avant utilisation. Mais là encore rien n’est fait », a déploré Esther DEGBEGNIN, agent sanitaire en service à la Direction départementale de la Santé, section Brigade sanitaire. Le président de l’Association des consommateurs va plus loin : « Quand vous regardez en amont les intrants utilisés pour la cuisson de ces mets, nous dénonçons la qualité des huiles non étiquetées, les pattes alimentaires et autres avariés et libérés sur le marché. Pour ce qui est des tomates, piments et oignons, on a fait le constat que les bonnes dames vont chercher des tomates qui sont déjà en décomposition qu’elles vont faire broyer dans des machines pour en faire des sauces. Et nous savons que dans ces fruits, il y a des bactéries qui auraient déjà libéré des toxines. Même si les gens pensent qu’une fois passées au feu, les bactéries seront détruites, je dis non ce n’est pas évident. Ce n’est pas toutes les bactéries qui sont détruites à une certaine température. Mieux, les toxines sont toujours présentes. Les œufs utilisés sont aussi inconnus de sources. Donc, il va de soi que les enfants qui consomment ces repas puissent tomber facilement malades.»

Quoique conscient de la réalité, les apprenants mangent quand même ce qui leur est servi, n’ayant pas les moyens de se nourrir décemment : « Quand on vient en tant qu’étudiant, on a faim et quand on a faim, quelle que soit la qualité du repas, on en consomme d’abord et c’est lorsqu’on est un peu rassasié qu’on commence par exiger la qualité », a indiqué Hugues OTOU, président de l’UNEB, l’Union Nationale des Etudiants du Bénin. « Cependant, quand la situation est très criarde, nous bloquons le service et demandons aux bonnes dames de vider le comptoir, de vider les bassines pour ne pas intoxiquer les étudiants et elles exécutent parce qu’elles comprennent la gravité de la chose. Et quand l’autorité veut opposer de résistance, nous avons notre propre manière d’agir pour l’obliger», a précisé Hugues OTOU. De même, Rodrigue AGBO, président de la Fédération Nationale des Etudiants du Bénin, président du bureau exécutif fédéral mandature 2012-2013, a indiqué qu’ « en termes de cuisson, la qualité des mets n’est pas toujours ce qui est souhaité, parce qu’en général, nous constatons une grande différence entre les repas achetés dans les centres commerciaux privés installés sur le campus et ceux servis dans les restaurants universitaires.» Il a aussi incriminé le caractère insalubre des toilettes au niveau des restaurants qui pourrait mettre en péril tous les soins pris en amont. Néanmoins les étudiants saluent les efforts du COUS et souhaitent que le service sanitaire du COUS-AC réinstaure la commission bipartite chargée du contrôle de la qualité des vivres avant même qu’ils n’atterrissent au magasin.

L’un des responsables du COUS, Désiré LOGLA, chef magasinier du restaurant U, a tenté de rassurer. Quant à la qualité des mets servis, il évoque la sollicitude de la DANA. « Nous avons souvent fait recours à la DANA qui nous donne le grammage qu’il faut, le nombre de Kg pour 100 personnes. C’est sur cette base là que nous sortons les vivres pour aller les remettre au chef restaurant pour la préparation », martèle-t-il avant de poursuivre « je peux vous assurer que les repas sont de qualité.» Il ajoute : « Nous respectons un menu de semaine validé de concert avec les responsables d’étudiants. Nous leur servons du lundi au jeudi du riz au gras, attassi, spaghetti, et du voandzou. Durant ces jours, nous avons un effectif de 2.000 étudiants au niveau du restaurant U. Les vendredis, ils prennent du couscous, leur nourriture phare. Ils sont estimés à 3.000 voire 3.200 étudiants. Les week-ends, nous leur servons du amiwo. »

Interrogée, la DANA décline toute responsabilité dans le suivi des cantines au Bénin. Selon Marie-Claude ADISSIN, Chef service Formation Education Nutritionnelle et de la Documentation, la Direction de l’Alimentation et de la nutrition Appliquée n’a été associée à quelque contrôle que ce soit. « Il n’y a pas d’équipe de la DANA qui va vers les cantines de l’Etat pour un suivi. La DANA n’a jamais fait une formation en direction d’une cantine donnée, on n’a jamais contrôlé un repas ni la quantité d’un repas », a-t-elle précisé. « Si quelqu’un vous dit que la DANA intervient dites lui que c’est faux», avertit-elle.

Si dans le public, les cantines sont plus présentes au primaire et au supérieur, dans les établissements privés d’enseignements secondaires, la pratique est très avancée. Les collèges privés visités ont une organisation plus ou moins acceptable. Le temps entre 12 heures et 15 heures est subdivisé en trois phases. D’abord, le repas, ensuite la sieste et enfin le temps de révision. Ici encore, des surprises surviennent puisque des parents en visite inopinée dans les établissements de leurs enfants à midi constatent malheureusement que leurs enfants régulièrement inscrits à la cantine n’y sont pas. Il se pose donc un problème de surveillance. D’ailleurs, la liste des problèmes au niveau des cantines est loin d’être exhaustive; nous avons la lourdeur des procédures de passation des marchés publics qui ne permet pas l’acquisition à bonne date des vivres, le manque de moyens roulants pour le suivi régulier dans toutes les écoles à cantines, du crédit alloué à la DAS pour satisfaire les demandes sans cesse grandissantes, le faible engagement des communautés bénéficiaires (contribution des parents pour l’achat de condiments, construction de cuisine, etc..), l’insuffisance et la lenteur du décaissement de la contrepartie gouvernementale, les difficultés logistiques qui allongent les délais de mise en place des vivres, les cas de malversations/détournements de vivres généralement constatés etc. Même si tout n’est pas rose dans la gestion des cantines, il y a quand même des points positifs.

Des points appréciables

La cantine scolaire non seulement remplit sa mission d’équité, de rétention et d’amélioration des résultats scolaires, mais aussi contribue à un renforcement de capacité de gestion des différents acteurs à la base dont surtout les femmes. Grâce à la cantine scolaire, il a été noté une amélioration des indicateurs de performance dans les écoles assistées surtout l’accroissement des inscriptions : le nombre d’enfants inscrits par école en moyenne a augmenté de 70%. Le nombre de filles inscrites par école est passé à 81% en moyenne par école assistée par les cantines PAM alors que celui des garçons est de 61%. Le taux d’abandon a fortement diminué à 10% alors que le taux de promotion avoisine 90% dans les écoles assistées et le rapport filles sur garçons est en constante évolution, à en croire le Chef service suivi et évaluation de la DAS, Safiatou CHABI LAFIA. Un exemple à l’école Primaire Publique de Yétoé-Kpakpahoin dans la commune de Bopa partagé avec les participants d’une formation organisée à l’intention des membres de comité de gestion témoigne des bienfaits de la cantine : « Un matin, une cuisinière a alerté l’administration de l’école à la découverte d’un enfant couché à même le sol dans un état fébrile à côté de la cuisine. Les investigations ont permis de comprendre que cet écolier n’avait rien mangé depuis la veille au soir et avait en réalité très faim. Ce jour-là, le repas lui a été servi assez tôt et il a retrouvé ses sens. » Sans la cantine de son école, le petit Constant actuellement en classe de CP à 7ans, n’aurait pas eu la chance de continuer ses études. Il vit en effet, avec sa grand-mère de 70 ans. Son père et sa mère divorcés sont tous partis en aventure au Nigéria.

Les perspectives

Selon Marie-Claude ADISSIN de la DANA, Il y a un document qui va bientôt sortir sur la politique de l’alimentation scolaire. Ledit document a connu une pré-validation il y a quelques jours. S’il est adopté, ce sera un grand pas dans le cadrage des cantines au Bénin. Et là, la DANA retrouvera tout son sens. « Quand on donne des repas aux gens, il faut viser un objectif. Quand on mange, il faut manger équilibré, il faut manger sain. Ces enfants qui sont en âge de croissance, doivent manger équilibré. Pour satisfaire l’état nutritionnel des enfants, il y a un tout. Il faut savoir quelle quantité l’enfant doit manger compte tenu de son âge et de son poids. Même si c’est ce seul repas de midi, il faudrait qu’il mange équilibré», a souhaité Marie-Claude ADISSIN. Pour Ernest GBAGUIDI, Il faudrait que le service d’hygiène reprenne du poil de la bête et surprenne de temps en temps les bonnes dames pour vérifier la qualité des intrants utilisés.

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