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Espacement et contrôle des naissances dans les zones côtières à Cotonou et environs: Ces communautés si proche si loin des services PF

Publié le vendredi 1 octobre 2021  |  Matin libre
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© Autre presse par Dr
Photo d`illustration: droit des enfants
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De Xwlacodji à Cotonou pour Togbin, dans l’arrondissement de Godomey (commune d’Abomey-Calavi), les populations vivant le long des côtes béninoises rencontrent diverses difficultés pour accéder aux services de santé. Bien qu’elles résident dans la capitale économique (Cotonou) ou encore dans une commune à statut particulier (Abomey-Calavi), ces communautés côtières semblent “exclues“ des services de Planification familiale. Et ceci, malgré le fort taux de fécondité dans ces localités…



A l’ombre sous un hangar en paille non loin de la mer, D. Philomène ou “Maman Véro“, comme on la surnomme ici à Ahouangamé, une localité située à quelques kilomètres de Fidrossè, était entourée dans l’après-midi de ce samedi, 25 septembre 2021, de cinq gamins dont une petite fille. “Ce sont mes petits-enfants, ce sont les enfants de ma fille unique“ nous a confié cette dernière. En effet, elle a décidé de prendre la charge des enfants parce que sa fille serait enceinte à nouveau. Si l’on aperçoit tout au moins une école primaire publique notamment de Thior, une localité voisine, il n’y a simplement pas de centre de santé. “Pour trouver un hôpital, il faudra prendre la barque pour traverser la lagune et atteindre Pahou (une localité sur la route de Ouidah) ou vous pouvez aller à Avlékété (localité située à près de quatre ou cinq kilomètres“ confie Maman Véro, bien surprise lorsque nous avons évoqué la planification familiale. «Planning ou quoi vous dites, moi j’ai fini d’accoucher et je n’en ai jamais utilisé. C’est la deuxième fois de ma vie que j’entends parler de cela. Allez un peu devant, vous trouverez celles qui font encore des enfants, ce sont elles qui en ont besoin » a-t-elle lancé pour s’occuper de ses paniers de tomates.

A quelques mètres, un petit marché semble s’animer. Environ une dizaine de femmes y vendent des paniers de tomates et des noix de coco. Pour la plupart d’entre elles, très peu de femmes s’intéressent à la planification familiale dans la localité si non personne. B. Diane est mère de sept enfants et se réjouit d’avoir pu avoir ses enfants sans recourir à la planification familiale. “Je ne sais même pas comment cela se présente au point de savoir si je dois l’adopter ou pas’’, confie Diane. Quant à Julienne, la vingtaine environ et mère de deux garçons, elle estime n’avoir pas fait suffisamment d’enfant pour songer à se mettre sous méthode contraceptive. “Je viens juste d’arriver dans un ménage et mon mari ne peut entendre que j’ai eu recours à la PF pour quoi que ce soit“, a-t-elle déclaré sans attendre. En effet, dans ces localités, seul l’homme décide de quand il souhaite avoir un enfant et quand il le décide rien ne devrait empêcher la femme de tomber enceinte, nous confie Vianney G, l’un des jeunes élèves de la localité. Tout comme Julienne, Dorcas s’oppose à toute idée de planification sans avoir donné vie à un nombre important d’enfants au risque de voir son couple se disloquer. Cependant, certaines femmes adoptent les méthodes de contraception dans cette localité. C’est le cas de Nadège A., encore appelée “Maman Eric“, mère de cinq enfants. “J’ai adopté une méthode contraceptive pendant deux mois mais après j’ai eu des difficultés pour concevoir, c’est pour cela j’ai renoncé depuis“ s’est-elle expliquée. En effet, de Fidjrossè à Thior en passant par Togbin-Daho, aucune infrastructure sanitaire n’y est érigée afin de fournir les services de planification familiale à ces populations.

A Xwlacodji, localité située à quelques mètres du centre de la ville de Cotonou, la réalité est toute autre. Si les populations disposent d’un centre de santé, il reste moins fréquenté par elles. Dans ce centre de santé, il n’est pas rare de voir les agents de santé désœuvrés. A la question de savoir pourquoi cette absence de fréquentation, Corneille G, étudiant confie que les populations ne s’y rendent que lorsque l’état du malade est grave, si grave que les plantes médicinales ou encore “médicaments de rue“ ont montré leurs limites. Ces populations adhèrent-elles aux méthodes de contraception moderne ? La sage-femme du centre de santé de Xwlacodji précédemment en service au Centre hospitalier universitaire de la mère et de l’enfant (Chu-Mel) a estimé ne pouvoir répondre à la préoccupation que sur autorisation de son médecin-coordonnateur. Rencontré dans son bureau ce mercredi, 29 septembre 2021, le médecin coordonnateur de la zone Cotonou 1 et 2 a donné son quitus avant de s’opposer à tout échange avec la presse. “Moi je suis sous contraception depuis l’accouchement de mon troisième enfant. Mon bébé n’avait que trois mois quand je suis tombée enceinte et la sage-femme m’a conseillé d’utiliser la contraception et je l’ai adoptée depuis bientôt six mois“, confie A. Mireille. Chose curieuse, la plupart des femmes rencontrées rejettent toute idée de planification familiale. Si la majorité évoque comme raison, les effets secondaires, certaines estiment que seul Dieu décide de combien d’enfants fera chaque femme. Triste réalité dans un contexte où la capture du dividende démographique demeure un défi à relever pour les pays en voie de développement dont le Bénin.

“…c’est un constat amer et on se demande aussi si ce n’est pas la situation géographique qui explique cela. Mais cela ne devrait pas constituer un obstacle car dans le village lacustre de Ganvié, Commune de Sô-Ava par exemple, c’est une grande barque motorisée construite par une Ong qui permet aux populations d’accéder aux services PF. Le gouvernement doit pouvoir mettre à contribution toutes les formations sanitaires qui sont dans l’environnement de ces zones pour qu’un travail se fasse en direction des femmes qui ont vraiment besoin de se mettre sous méthode contraceptive », alerte Nourou Adjibadé, Chef de file de la section Bénin de l’Alliance Droits et Santé et Directeur exécutif du Centre de Réflexions et d’Actions pour le Développement Intégré et la Solidarité (CeRADIS-Ong), une organisation de référence en matière de santé sexuelle et reproductive au Bénin.

De la sensibilisation à l’accueil dans les hôpitaux…

Outre les difficultés de ces communautés côtières à accéder aux services de planification familiale, il faut également reconnaitre que des campagnes de sensibilisation semblent ne pas s’étendre à ces zones qui, pourtant, constituent des cibles importantes pour améliorer la prévalence contraceptive au Bénin. A Ahouangamè non loin de Togbin-Plage et à quelques kilomètres de Ouidah, point d’activités de sensibilisation sur la PF depuis de longues années. “Des équipes sont venues ici en parler une seule fois et il y a de cela sept (07) ans déjà. Si non près d’une vingtaine d’années que je suis ici, je n’en ai plus vu de sensibilisations“ a confié Maman Véro. Une version confirmée par B. Diane qui estime que le fait que personne ne soit intéressée par le service, fait que les équipes de sensibilisations n’y sont plus revenues. Directeur exécutif du Centre de Réflexions et d’Actions pour le Développement Intégré et la Solidarité (CeRADIS-Ong), Nourou Adjibadé confirme également que des activités de communication ne sont pas développées à l’endroit de ces populations. A l’en croire, il revient aux Ongs, par le bais des radios locales captables par les populations, de les sensibiliser “sur la nécessité de le faire et la possibilité pour elles d’en bénéficier” tout en insistant sur le fait qu’il faut surtout associer les hommes pour plus d’impact.

De même, ces femmes souvent mère de plusieurs enfants, ne sont presque pas les bienvenues dans les hôpitaux ou centres de santé, selon les confidences. Les sages-femmes les accableraient d’injures du fait qu’elles ne fassent aucun effort pour espacer les naissances et surtout en raison de leurs moyens limités. “On nous insulte quand nous allons à l’hôpital surtout quand tu es enceinte. Je ne vais quand-même pas parcourir toute cette distance pour aller me faire insulter“ se plaint Bernice, enceinte et mère de trois enfants. “Si j’ai les moyens, je préfère aller dans une clinique sinon il me suffit d’entrer dans la brousse et je me ferai de la tisane“ déplore B. Diane. Et à Julienne de renchérir “je ne vais à l’hôpital que lorsque je veux accoucher. Même quand tu y vas pour la vaccination du bébé, ils t’insultent copieusement“. C’est donc évident que l’accueil dans les hôpitaux constitue un frein à une adhésion massive de ces populations aux méthodes contraceptives. Car, faut-il le préciser, le taux de fécondité reste élevée dans ces zones côtières malgré les ressources économiques très limitées dont disposent les ménages. Et il urge de non seulement de peaufiner des stratégies de sensibilisation pour déconstruire les fausses informations sur la planification familiale et surtout prendre des mesures idoines pour faciliter l’accès de ces communautés à la PF.

Pourtant, le besoin existe…

L’une des rares femmes à avoir adopté une méthode contraceptive à Xwlacodji, A. Mireille estime que plusieurs femmes expriment le besoin de se mettre sous méthode contraceptive mais plusieurs raisons justifient leur réticence. Elle a évoqué entres autres, l’environnement défavorable, les informations erronées sur les effets secondaires, l’accessibilité notamment la disponibilité et le coût. “Si vous pensez nous en amener, je vous garantis que plusieurs femmes en veulent ici et elles sont prêtes à se mettre sous contraception“ nous a lancé Nadège A., qui pensait qu’il s’agissait des agents des services PF. Nul doute que le besoin existe au sein de ces communautés, menacées de déguerpissement ces dernières en raison des différents projets du gouvernement béninois. Pour Nourou Adjibadé, il importe que le gouvernement acte l’opérationnalisation du plan de communication conçu pour accompagner la mise en œuvre du Plan national budgétisé pour la PF 2019-2023. Ceci, devrait permettre d’inverser la tendance dans ces zones côtières, précise-t-il. Notons que le taux de prévalence contraceptive au Bénin est estimé à 17% en 2020 alors que le gouvernement s’était engagé à franchir la barre des 22%.



Aziz BADAROU
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