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Dr Raphaël Totongnon au sujet de la loi sur l’avortement: « Les filles pourront désormais avoir droit à un choix responsable »

Publié le vendredi 22 octobre 2021  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Dr Raphaël Totongnon, coordonnateur du projet Plaidoyer pour l’avortement sécurisé du Collège national des gynécologues obstétriciens du Bénin
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Par Arnaud DOUMANHOUN,

Dr Raphaël Totongnon, coordonnateur du projet Plaidoyer pour l’avortement sécurisé du Collège national des gynécologues obstétriciens du Bénin, se prononce sur la relecture de la loi 2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction, qui élargit les conditions d’accès à l’avortement.

La Nation : Comment appréciez-vous la relecture de la loi 2003-04 du 3 mars 2003 intervenue au parlement dans la nuit du mercredi 20 octobre ?
Dr Raphaël Totongnon : Ce n’est pas gagné d’avance. C’est un acte des députés qui ont appréhendé l’ampleur du problème, au même titre que le gouvernement qui a voulu donner cette chance à nos filles, qui meurent dans le silence pour des causes qu’on peut éviter. Elles pourront désormais avoir droit à un choix responsable. Le protocole de Maputo, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, demande à tous les Etats membres de l’Ua de garantir aux femmes de leurs pays, l’accès au service d’avortement. Le Bénin a ratifié ce protocole, mais la loi de 2003 était restrictive et n’offrait cette chance qu’à une femme sur cinq.

Que gagne le Bénin avec le vote d’une telle loi ?

C’est une grande opportunité pour le pays. Nous devons commencer par remercier le gouvernement qui a apprécié l’ampleur de la situation. L’avortement est un fléau et lorsqu’il est clandestin, il peut causer la stérilité, des hémorragies non maitrisées entrainant la mort. Au Bénin en 2018, il a été révélé par une étude conduite par le ministère de la Santé que 200 femmes meurent pour raison d’avortement clandestin. Une autre étude qui date de 2016, effectuée toujours par le même ministère, révèle que 1 500 femmes meurent pour une cause liée à l’accouchement et à l’avortement. Alors que nous sommes tenus par les engagements internationaux. Les Nations Unies demandent à tous les pays, au titre des Objectifs de développement durable (Odd 3) relatifs à la santé et au bien-être pour tous, de ramener le taux de mortalité à 70 décès maternels sur 100 000 naissances vivantes d’ici 2030. A cette échéance, si le Bénin peut être déjà à 123, au lieu de 395 comme c’est le cas actuellement, selon l’Enquête démographique de santé 2018-2022, le pari serait gagné. Avec le vote de la présente loi, nous pensons que la réduction de la mortalité maternelle au Bénin va s’accélérer.

Quelle est la part de l’avortement clandestin dans les taux de décès maternels ?

Déjà, face à un tel tableau, vous êtes obligés en tant que gouvernants de prendre des mesures fortes, qui permettront de réduire la mortalité des femmes pour une cause qu’on pourrait éviter. Dans le plan opérationnel de réduction de la mortalité maternelle et néonatale 2018-2022, les décès par avortement clandestin ont été cités comme la troisième cause de décès des femmes en République du Bénin. La première cause l’hémorragie, la seconde l’éclampsie. Des efforts sont entrepris pour minimiser les décès liés à ces deux causes par les gouvernements successifs à travers la mise en place des Soins obstétricaux néonataux d’urgence (Sonu), mais nous n’avons pas réussi à tenir le pari. Le gouvernement a donc décidé d’agir sur la troisième cause.
Mais l’environnement juridique sur l’avortement est caractérisé par les dispositions de la loi 2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et la reproduction. En son article 17, les conditions dans lesquelles une femme portant une grossesse non désirée, peut accéder à l’Interruption volontaire de cette grossesse (Ivg) ont été énumérées. Il s’agit notamment d’une grossesse issue d’un viol ou d’un inceste, un bébé malformé révélé par l’échographie, ou lorsque la poursuite de la grossesse va menacer la vie ou la santé de la mère. C’est pourquoi, cette loi ne résolvait le problème que pour une femme sur cinq portant une grossesse non désirée. Les quatre autres femmes qui n’y ont pas accès, se réfèrent aux charlatans, aux apprentis sorciers qui se font passer pour des agents de santé, des amis qui leur donnent des potions magiques à boire ou à introduire dans le sexe et les dégâts s’ensuivent. Lorsqu’on met ensemble le nombre de femmes qui meurent par an soit 1500 en voulant donner la vie, les 200 qui meurent pour cause d’avortement clandestin par an, on constate que dans notre pays, 4 à 5 femmes continuent de mourir par jour pour des causes évitables. Or, ce sont les restrictions de la loi sur l’avortement qui encouragent son caractère clandestin. Le gouvernement en initiant ce projet de loi qui a été voté a pris la mesure de la situation pour réduire la mortalité maternelle.


Quelles sont les innovations de la loi ?

En dehors des trois conditions qui étaient prévues, lorsque la femme est dans des conditions de détresse matérielle, professionnelle et éducationnelle non seulement pour elle-même mais pour l’enfant à venir, elle peut demander une Interruption volontaire de grossesse (Ivg). Et pour apprécier les caractères de la détresse, plusieurs acteurs vont intervenir. Donc, un avortement ne sera plus jamais l’affaire des seuls médecins ou sages-femmes qui vont rester dans leurs quatre murs pour opérer. Cela fera appel à plusieurs ministères sectoriels dont les cadres vont s’asseoir pour élaborer les décrets d’application de la nouvelle loi.
Il y a eu également des innovations sur l’adoption d’une méthode contraceptive, et la contraception est rendue gratuite. Sur ce plan, la cible 7 de l’Odd 3 est celle qui va évaluer tous les pays, d’ici 2030 par rapport aux prouesses que nous avons faites en matière de prévalence d’adoption de méthode contraceptive. Malheureusement, dans notre pays jusqu’en 2019, le taux de prévalence contraceptive était encore en-dessous de 18 %, alors que les Nations Unies, selon l’agenda 2030, demandent à tous les pays d’être entre 55 % et 65 %. La Tunisie qui a ouvert l’avortement sans limite du terme de la grossesse, a un taux de prévalence en décembre 2020 qui est déjà de 62 %, dix ans avant l’échéance des Nations Unies. Nous avons encore une bataille à faire à ce niveau afin de multiplier les stratégies et permettre à un grand nombre de femmes d’adhérer aux méthodes contraceptives lorsqu’elles ne sont pas prêtes pour porter une grossesse. Parce que les décès par rapport à l’avortement clandestin, c’est qu’à l’origine, il y a une grossesse non désirée. Pourquoi ne pas prévenir la grossesse non désirée en allant adhérer en amont aux méthodes contraceptives.
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