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COP26 : les femmes, victimes et solution du dérèglement climatique

Publié le mercredi 10 novembre 2021  |  Fraternité
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© Autre presse par DR
Le changement climatique au nord du Bénin
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Les femmes, essentiellement celles du Sud, sont en première ligne des catastrophes naturelles. Comment un phénomène naturel peut-il affecter différemment les genres humains ? Le lien n’est pas forcément évident. Pour le comprendre et l’expliquer, nous avons rencontré des femmes lauréates du prix « Solution Genre et Climat », remis à Glasgow, à la veille de la journée climat et genre à l’agenda de la COP26 ce mardi 9 novembre.

Lorsque Lucie Gamond-Rius, Française de 28 ans, monte sur la scène du magistral auditorium du Scottish Event Campus, pour recevoir son prix dans la catégorie innovation, des youyous montent soudainement du public, de même que des slogans – « Climat ! Genre ! Justice ! » – et un hymne personnalisé « Women got the power… », qui sera chanté en hommage à chacune des six femmes mises à l’honneur en 2021.

Lucie vit à Izmir, en Turquie, depuis plus de trois ans. Elle travaille pour une petite ONG locale, Imece, dont elle est la seule étrangère. L’association est au chevet des réfugiés afghans ou syriens pour la plupart, qui ont pris la route de l’exil. Pour rappel, l’une des principales causes profondes et indirectes à la guerre civile syrienne serait d’origine climatique. Depuis 2018, elle et son équipe portent le projet Solar Age, une solution pratique… qui tient dans la main : une batterie portable solaire. Baptisées EFE (pour Energy for Everyone qui signifie Robin des bois en turc), elles servent à la fois de lampe de poche et de chargeur universel d’appoint : tout type téléphone portable peut s’y brancher. « Les personnes déplacées n’ont parfois pas accès à l’électricité pendant des semaines. L’idée est qu’elles aient toujours un minimum de batterie pour appeler les secours en cas de d’urgence », explique Lucie.

Surtout, cette petite unité énergétique, ce sont les réfugiées elles-mêmes qui la fabriquent. « Cela commence par une première étape : une formation aux bases de l’électricité, à la soudure, au câblage… Celles qui le peuvent et veulent peuvent poursuivre en apprenant à fabriquer ces batteries. » À l’issue de leur apprentissage, elles savent même normalement installer des panneaux solaires. Toutefois, peu passent à la seconde étape.

Pendant que les femmes sont à l’atelier, leurs enfants – très nombreux – suivent un programme scolaire dispensé par l’ONG. « En Turquie, 70% des réfugiés sont en fait des femmes et des enfants. Les hommes sont morts à la guerre ou bien ont tenté la traversée. »

Près de 200 femmes ont bénéficié de cette formation et aujourd’hui, sept d’entre elles, désormais qualifiées en électricité, ont trouvé un emploi et perçoivent un revenu régulier. Un premier pas vers une relative indépendance, au moins financière. L’expérience s’est donc avérée concluante et est amenée à se développer pour, potentiellement, toucher des milliers de migrants installés dans la région. Bientôt, 200 de ces boîtiers solaires vont être distribués en Bosnie, un pays situé sur l’une des principales routes de migrations. « Un important flot de réfugiés afghans pourrait arriver cet hiver », avance Lucie.

Le Saloum sénégalais, un écosystème dégradé
Les chiffres avancés par les études sont sans équivoque et montrent que les femmes sont les premières victimes du changement climatique et des catastrophes qui en découlent : sécheresses, tempêtes, inondations… Selon une étude d’Oxfam publiée après le tsunami dévastateur en Indonésie (2004), 70% des victimes d’une région étudiée étaient des femmes. Plus récemment, le séisme de 2015 au Népal aurait affecté environ deux millions de femmes et de filles en âge de procréer, dont environ 126 000 femmes enceintes, selon le Fonds des Nations unies pour la population, parce que les services de santé habituels étaient perturbés. À l’époque, 1 500 femmes par mois avaient eu du mal à accéder aux soins et risquaient des complications.

Les femmes ont beaucoup plus de risques de mourir lors de cyclones ou de tsunamis parce qu’elles n’ont pas accès au système d’information et d’alerte ; parfois parce qu’elles sont enfermées chez elles et qu’elles n’ont pas le droit de sortir toutes seules. Des chiffres disent que les femmes et les enfants seraient affectés entre dix et quatorze fois plus [que les hommes].

Étonnement, c’est un homme, le ministre de l’Environnement du Sénégal Abdou Karim Sall, qui devait remettre les prix aux femmes – il n’est pas resté et a rejoint sa délégation. « Ce choix est justement fait pour impliquer davantage les décideurs politiques de haut niveau, en particulier les hommes, dans l’intégration des inégalités au sein des politiques climatiques », explique Anne Barre, qui coordonne l’association internationale Women for a Common future, organisatrice de l’évènement.

« L’expérience a montré que les femmes sont des agents de changement incontournables. Les femmes sont en première ligne des techniques innovantes dans l’agriculture. Elles s’adaptent de manière intelligente en faisant appel à leur savoir-faire traditionnel » et « notamment par leur rôle d’éducatrice dans nos choix de consommation et de production ».

La sécurité alimentaire, c’est justement la raison pour laquelle Fatou Ndoye a reçu son prix en 2016. Elle est invitée à prendre la parole : « La femme est au cœur du système énergétique : pour aller chercher le bois, l’eau, transformer... Cela nécessite des efforts physiques énormes tout maintenant le suivi éducatif des enfants. » Avec toutes ces charges, elles sont éloignées de facto des prises de décision.

Au sein de l’organisation Enda Graf Sahel (comme sa compatriote Aïssatou Diouf pour la branche Energie Climat), Fatou Ndoye accompagne des organisations de femmes qui tentent d’assurer la sécurité alimentaire, de la production à la transformation, dans le delta Sine-Saloum, une vaste zone au sud du Sénégal où la pêche, notamment aux arches (un mollusque) est la principale activité économique. Las, depuis une vingtaine d’années, la salinisation des terres, facilitée par l’érosion, perturbe largement cet écosystème. « Les hommes ont abandonné l’agriculture pour se tourner vers la pêche », activité normalement réservée à la saison sèche. Première conséquence : une surexploitation des ressources. Le rapport avec les femmes ? « Sur elle, la pression s’est accrue, poursuit la responsable. Il y a eu un exode rural des hommes de la zone insulaire de Dionewar et de Fimela qui ne pouvaient plus vivre dans cet écosystème trop dégradé » pour permettre une activité rentable. De plus, alors que la récolte des arches dans le sol vaseux se faisait traditionnellement à pied, la montée des eaux a poussé les femmes à prendre des pirogues, ce qui génère des accidents.

Alléger le fardeau féminin
À partir de là est née une initiative hydriforme : le reboisement de la mangrove (un puits de carbone très efficace mais trop utilisé pour le chauffage), la création d’élevage (ensemencement) d’arches, petit maraîchage biologique, la transformation de céréales et la mise en place de 200 fours améliorés pour transformer les fruits de mers, réduisant ainsi la combustion de bois et donc de 75% de CO2, selon l’association. Pour couronner le tout, plus de 4 800 pêcheuses du delta ont été formées au plaidoyer. Avec cette compétence et cette légitimité, vingt d’entre elles ont pu investir des organes locaux de régulation de la pêche.

Dès le début du projet en 2014 et jusqu’à l’année dernière, une étude d’impact a été menée sur la répartition des tâches au sein de 200 ménages. Les résultats montrent de nets progrès, selon Fatou Ndoye : « De plus en plus d’hommes vont aller chercher les ressources comme le bois ou l’eau, ou prennent davantage en charge les enfants. » Ces projets d’ensemencement et d’étude sont étroitement liés, explique-t-elle : « Si la femme s’occupe à la fois de l’activité économique et des enfants, elle n’aura plus de temps libre pour participer aux prises de décisions. Beaucoup d’entre elles sont depuis devenues conseillères de village. »

« Les femmes bien souvent n’ont pas accès à la prise de décision politique, et donc ne peuvent pas mettre en œuvre les solutions qu’elles ont imaginées », décrypte Anne Barre, qui suit ces femmes et ces projets depuis des années. « Or, bien souvent, justement à cause du rôle que les femmes ont de manière historique dans la société, c’est-à-dire de préserver la vie » en alimentant le foyer notamment, « elles sont détentrices de savoirs ancestraux fondamentaux pour la protection du climat. C’est cette inégalité de droit qui empêche les femmes d’être des actrices à part égale de l’action climatique. » Pour cela, WECF demande « depuis très longtemps que cette question d’inégalité de genre soit prise en compte par la finance climatique ».

Partout dans le monde, des femmes en action
Née dans le sillon du sommet de la Terre à Rio, premier grand sommet climat de l’histoire, WECF fédère 150 organisations féminines environnementales dans le monde. L’ONG est l’un des fondateurs de la Constituante Femmes et Genre, comptant parmi les neufs acteurs reconnus par la convention-cadre des Nations unies. Depuis sa création en 2015 à la COP de Paris, 15 projets sur quatre continents ont été récompensés par ce prix Solution Genre et Climat.

On notera parmi eux celui de Pauline Lançon (lauréate 2019 à Madrid avec Univers-sel) sur les rizicultures et salicultures solaires en Guinée-Bissau, qui réduit les émissions et transforme les conditions de travail (photo ci-dessous).

Celui de Dorothée Maria Lisenga en RDC (lauréate 2018 avec la CFLEDD) sur le droit des femmes à la propriété foncière dans la foulée de la réforme de 2012, sujet fondamental dans ce pays. S’appuyant sur le dialogue avec les chefs coutumiers, un travail cartographique a permis d’attribuer 1 600 ha de terres à des femmes avec l’approbation des autorités locales.

Ou encore celui de Karen Dubois (lauréate 2021) pour son projet au Guatemala avec Fundaeco. Elle travaille avec les populations autochtones dans la forêt primaire pour la conservation de celle-ci. Dans ces communautés mayas et q’eqchi, les jeunes filles sont mariées très jeunes, souvent victimes de violences sexuelles. Karen Dubois a mis en place 28 cliniques au sein desquelles ces filles reçoivent à la fois des informations sur leurs droits sexuels et reproductifs et une formation à l’agroforesterie. Quelque 50 000 femmes ont bénéficié du programme jusqu’à présent.
Source : rfi
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