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Théodore Ahouassou, international des années 80-90 : enfant prodige du football béninois

Publié le mercredi 22 decembre 2021  |  La Nation
Théodore
© Autre presse par DR
Théodore Ahouassou, international béninois
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Par Sabin LOUMEDJINON,

Attaquant retors reconverti en arrière-droit, Théodore Ahouassou était un jeune prodige du football béninois des années 80 et 90. Il a éclaboussé de son talent et son audace sa génération. Défenseur technique et athlétique, le natif de Porto-Novo a été … simplement un étalon pur.
« Dimanche 9 février 86. Stade municipal de Porto Novo. Finale-aller de la super Coupe du Bénin, deuxième édition. Le tableau des scores affiche Dragons 1- Requins 0. On joue depuis une demi-heure. Oumorou Soumaïla, gardien de but des Requins, vide sa cage pour essayer d’enrayer une velléité offensive des Ouémènou. Un jeune défenseur des Dragons remarque sa position avancée et des 35 m tente et réussit un superbe lobe qui double la mise pour les Dragons. Le stade explose. Et pour cause !
Théodore Ahouassou, l’arrière-droit des Dragons venait ainsi de faire montre d’un sang-froid, d’un coup d’œil, d’audace et d’une adresse impressionnante. Peut-être pas la meilleure action de sa vie de footballeur, mais assurément l’une des plus belles d’une carrière dont le moins qu’on puisse dire, à l’heure actuelle, est qu’elle promet… ».
Morceau choisi de la Tribune libre intitulée : Théodore Ahouassou : Une nouvelle perle pour le football béninois (In Ehuzu du 13 janvier 87).
Prémonition. ? L’auteur du texte, Eric Franck Saizonou, agent du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération (Maec), et passionné du foot, avait vu juste. Théodore Ahouassou, l’un des plus jeunes footballeurs de l’époque a effectivement connu une carrière footballistique dense et impressionnante. Cela pouvait-il en être autrement pour le jeune homme nourri au foot depuis sa tendre enfance ? Il est issu d’une famille de sportifs: (Papa amoureux du foot, des frères tous des sportifs) Tout petit déjà au quartier, l’image de ‘’Théo’’ (son diminutif), était liée au ballon rond. Les parties de football à la récréation, à la sortie des cours, et même parfois très tôt les matins avant le démarrage, c’est toujours ce gamin souriant au visage angélique qui est au cœur de l’organisation. C’est lui le propriétaire du ballon de fortune autour duquel se rassemblent ses amis. Partout dans l’école, c’est Théodore …Encore et toujours lui « l’éternel retardataire, en sueur, la tenue uniforme portée à l’envers». A cause du ballon de foot, Théodore est souvent puni ; mis à genoux à l’entrée de la classe, le temps de sécher, avant de reprendre les cours. Mais cela n’a guère dissuadé ce jeune meneur de la troupe composée de gamins de son âge, qui était également réputée dans le maraudage juvénile.
Depuis son jeune âge, Théodore a toujours été un écolier insouciant. Il a eu tout le temps maille à partir avec ses enseignants. En classe de deuxième année de cours moyens (Cm 2) sa directrice, madame Kpadonou appréhendait mal qu’un garçon aussi intelligent comme son « bien-aimé élève Théodore Ahouassou » se concentre plus sur le jeu de football au détriment des cours. Et croyant parvenir un jour à remettre le garnement sur le droit chemin, elle y est allée par tous les moyens : compliments, sévices corporels…. Tout était mis dans la balance, mais rien n’y fit. Son acariâtre d’écolier semble être possédé par un esprit : celui du football !
Ecolier au caractère bien trempé, Théodore aime à raconter qu’il a été profondément marqué par la scène du jour de la délibération de son Certificat d’études primaires (Cep).
Dans la cour de l’école, alors que les noms des candidats admis se lisaient à haute voix, une des ritournelles de sa directrice traverse, un instant, l’esprit du jeune écolier visiblement déjà abattu par l’inquiétude de son probable échec. « Tu es intelligent, mais si tu ne laisses pas le football, tu ne peux pas évoluer», lui rappelle une voix intérieure. Et son cœur se met à battre la chamade. Les instants qui ont suivi, l’expression de la lectrice se fait plus solennelle, et le débit plus lent. Puis, avec emphase, une annonce presque à la fin de la lecture d’une longue liste : «Ahouassou Théodore, 113, 5 points : admis. Félicitations, chef footballeur ! ».
Insulte ou réel encouragement? Toujours est-il qu’à l’instant même, c’est un sentiment mitigé qui a traversé l’esprit du néo-lauréat du Cep.

Foot, rien que le foot !

Plus tard au cours secondaire, le cursus du jeune Théo n’a pas été aussi reluisant que son jeu de football. Les longues périodes de mise au vert, les séances d’entrainement ainsi que les multiples voyages liés au football n’ont pas permis à l’élève-footballeur d’aller au-delà de la classe de seconde. Ceci, en dépit des vœux aussi bien de sa directrice que de son géniteur Georges Ahouassou, agent du ministère des Finances. Une situation à tout le moins gênante dont le joueur s’en repent régulièrement, même s’il avoue ne pas nourrir totalement de remords. «J’ai toujours senti que c’est par amour pour moi que ma directrice me traitait comme elle l’a fait », confesse, aujourd’hui le quinquagénaire épanoui, qui n’a de regret que de n’avoir pas fait plus tard une brillante carrière à l’international à la mesure de ses ambitions d’enfance.
Huitième enfant d’une nombreuse fratrie, Théodore était un garçon espiègle, qui se faisait passer pour un ange au sein du cocon familial, du fait certainement de la rigueur paternelle.
Petit collégien-footballeur, il a intégré très jeune l’équipe cadette de son collège : le Lycée Béhanzin à Porto-Novo. Mais était un abonné assidu, les après-midi de mardi et jeudi, des séances d’entrainement de football des enseignants de l’Ecole normale supérieure de Porto-Novo sise à quelques encablures du domicile familial au quartier Avakpa à Porto-Novo. Un mardi après-midi ; « jour inoubliable », le chemin du jeune élève croise celui d’un grand footballeur de l’époque: Hounguè Toudonou alias Patati, l’une des vedettes des Dragons Fc et qui deviendra son mentor. Ainsi fut lancée, à jamais, la carrière du petit Théodore Ahouassou dont la qualité est exaltée avec des superlatifs par tous les reporters et commentateurs sportifs.
En effet, c’est suite à ses dribbles (double-contacts) par lesquels il anéantit, avec aisance, ses adversaires directs que le jeune Théo a subjugué Hounguè Toudonou, l’un de ses idoles. Admiratif de la finesse du geste technique de ce gamin encore dans la fleur de l’âge, l’arrière-gauche des Dragons FC a dû arrêter un jour son jogging pour suivre le reste de la séance d’entrainement. Partie au cours de laquelle Théo a démontré toute son aisance balle au pied et son audace dans les contacts. Félicitations et mots d’encouragement à l’endroit du jeune prodige, puis Patati lui prédit un avenir radieux dans le foot, avant de convier la « future pépite » à la prochaine séance d’entrainement des Dragons Fc de l’Ouémé.
Hébété, Théodore s’empresse de décliner, sans ambages, l’offre. « Moi, jamais ! Doyen je ne peux pas jouer avec les chefs. C’est impossible ! », a naïvement servi, les yeux hagards, le jeune adolescent, la quinzaine à peine, à celui qu’il considérait, à l’époque, comme son idole après do-Rego Saadou et le roi Pelé.
De retour à la maison, Théo n’a pas fermé les yeux de toute la nuit. Pressé qu’il était que le fameux jour arrive. Mais à l’arrivée, ce fut plus de peur que de mal. La peur au ventre, le jeune gringalet aux jambes légèrement arquées a fait forte sensation aux premières séances chez les seniors de l’équipe A du département de l’Ouémé (subdivisé plus tard en deux: Ouémé et Plateau), même s’il y a affiché au départ, un « temps de timidité teintée de panique » avant que le talent s’éclose totalement… et définitivement.
Sa facilité d’intégration du groupe ainsi que sa vision du jeu ont valu tôt à la nouvelle pépite la sympathie des aficionados du club et fait douter certains détracteurs qui prétendaient, au départ, que le jeune élève était un « bébé ».

Latéral un jour, latéral pour toujours !

En tout cas, c’est à cœur joie que ses ainés au sein du club phare de Porto-Novo ainsi que l’encadrement et les supporters l’ont vite adopté. Et lui Théo s’est vite adapté au point de devenir une des vedettes de ce club et plus tard de la sélection nationale.
Ailier de débordement aux dribbles déroutants, Théodore Ahouassou a fait souffrir bon nombre de défenseurs de sa génération sur le flanc droit des Dragons.
Il était, pour beaucoup de dirigeants, un talent pur qui s’est révélé comme un redoutable chasseur de buts. Véritable feu follet, le natif de Porto-Novo a vite écrasé la concurrence pour s’imposer comme leader. Car, bien qu’officiant chez les seniors, son jeune âge autorisait qu’il aille de temps à autre renforcer l’équipe junior. Si la titularisation de Théodore n’a paru, en réalité pas surprenante, ce qui en revanche fit un peu frissonner, ce sont les nouvelles responsabilités à lui confiées. En 1984, son coach, le Belge Tamas Klivit, a décidé en l’absence d’un défenseur, de faire de son attaquant Théodore Ahouassou, un latéral. Mais malgré sa reconversion, sa carrière a connu, depuis lors, une courbe ascendante fort remarquable. Et la réussite du jeune homme, à ce niveau, lui a donné légitimement le droit de rêver à une rapide sélection nationale.
Bénéficiant du soutien permanent de son mentor Hounguè Toudonou, le jeune homme n’a eu de cesse de multiplier les exploits. « Les compliments et les conseils des ainés me dopent à chaque instant.», aime-t-il à seriner à ses interlocuteurs.
Tel un chapelet, Théo a du plaisir à égrener ses souvenirs. Et c’est avec excitation dans la voix, qu’il insiste sur ce qu’il appelle : « les rencontres capitales » : les matches de Coupe d’Afrique. Il enchaine avec l’aventure au cours d’une campagne africaine de son club, où lors d’un match décisif, les dirigeants ont insisté que le coach n’aligne que des joueurs expérimentés. Un critère qui met hors course le jeune Théo. Mais son parrain, le doyen Patati, a insisté auprès des dirigeants pour que son protégé y soit. « Vas-y mon petit, je te sais capable. J’ai parlé avec le coach. Il te fait confiance. Et il a mis son poste en jeu en te faisant jouer cet après-midi ». Cette phrase a fait tilt dans la tête du jeune latéral.
Comme toute réponse, c’est un hochement de la tête, suivi de: « Doyen, je ne vais pas vous décevoir ». Ainsi, Théo livre un match plein au terme duquel, le commentateur de la radio nationale s’est émerveillé : «Petit, je ne dis pas ça pour que tu aies la grosse tête. Pour ce que j’ai vu à Ouagadougou ce soir, tu es le meilleur des 22 acteurs ». Une prestation qui a valu une forte récompense financière au jeune talent de la part de ses dirigeants.
Avec le temps, le jeune Théo a pris de l’assurance et s’est bonifié. Galvanisé par les encouragements de ses ainés et du public, il se dit, chaque jour, que « ce sont des gens à ne pas décevoir». Et telle une rançon de sa gloire, c’est « toute la ville qui scande son nom et le traite comme un prince à la fin de chaque rencontre de football». Et lorsqu’il y pense, il a les larmes aux yeux.
Comme souvenirs encore vivaces dans la mémoire de l’ex-latéral droit des Dragons, il y a les grands moments vécus avec les Orange-noir qu’il évoque non sans un brin de nostalgie dans la voix.
Dragons-Real de Bamako, Dragons Dihep Di Nkam du Cameroun, Dragons -Vita club du Congo. La confrontation entre Dragons et Fc Metz (France) qui a été le premier match des vedettes ghanéennes Opoku N’ti et Papa Arko, la rencontre qui a opposé les Dragons au Cercle Sportif Imana de la Rd Congo, Dragons – Fez du Maroc, Dragons – Club Olympique Kankandé de Boké de la Guinée …De toutes ces rencontres, la plus palpitante dont l’évocation fait jubiler Théodore Ahouassou remonte en 1985. Le fameux match ayant opposé le National du Caire au Dragons Fc de l’Ouémé. Le club phare d’Egypte et du continent, à l’époque, avec en son sein ses vedettes : Taher Abdu Zeid et l’inusable Mahmoud El Khatib. Tellement les deux attaquants égyptiens ont changé de côté au cours de la rencontre pour mieux pilonner la défense béninoise, en vain. Théodore n’a pas été le maillon faible de la muraille défensive des ‘’Ouémènou’’(Dragons). Au terme de la rencontre, la star égyptienne a étreint dans ses bras le latéral de Porto-Novo en le gratifiant d’un «Good…, good job ». (Tu as fait du bon boulot). Et au quotidien sportif cairote de s’extasier le lendemain : « Ahouassou, un combattant », a-t-il simplement titré.
L’ex-latéral des Dragons rappelle également les grands moments du tournoi international de football de Cotonou (Tifoco), dans les années 80 : Dragons – Hearts of Oak d’Accra, Dragons- Asec d’Abidjan, Dragons-Agaza de Lomé, Dragons – Iwanyanwu national du Nigeria…

Inoubliable 86 !

De la longue carrière de
Théodore Ahouassou, 1986 fut son année de gloire. Car le défenseur a participé à tout un championnat sans le moindre carton jaune. C’est, peut-on dire, le fruit d’un travail personnel acharné qui amenait ce joueur à quitter Porto-Novo presque tous les matins en compagnie de son coéquipier Jacques Tchoki pour se rendre à la plage à Sèmè aux fins d’y faire des exercices physiques dans le sable marin. Cerise sur le gâteau, il s’est vu décerner le trophée de meilleur joueur de cette année.
Calme, le regard droit, Théo est un joueur qui affiche confiance sérénité. Des qualités sur lesquelles, l’ex-gardien de but des Dragons, le Nigérian Peter Rufai, ne tarit pas d’éloges. Un « défenseur serein capable de dribbler même les attaquants dans la surface de réparation. Même si Théodore a un adversaire dans le dos et que je lui envoie le ballon, je suis assuré qu’il va se débrouiller», complimente-t-il à l’endroit de son coéquipier.
Des caractéristiques qui ont rendu incontournable le défenseur, au point où au cours de ses treize années de présence au sein des Ecureuils, Théodore y a disputé toutes les rencontres. Il a donc évolué sur la période aux côtés d’autres grands noms du football de son pays : Saadou do Régo, Expédit Dossou-Gbété, les frères Zèvounou, Adolphe Ogouyon, Charles
Ahouandjinou, David Fêliho, Abdoulaye Mohamed….
Au sommet de son art, le joueur a été au cœur d’une longue bataille relative à son transfert. Un embargo était mis sur le départ de la pépite à l’étranger. Le déplacement à Cotonou du puissant président d’Africa Sports d’Abidjan, Simplice de Messy Zinsou, ainsi que le courrier de transfert envoyé par Lille Olympique Sporting Club de France suite à leur participation à un tournoi à Cotonou, n’ont pas connu de suite favorable. « Ahouassou est intransférable », c’était le mot d’ordre des dirigeants des Dragons.
Alors que le championnat du Bénin connaissait des difficultés en 1988, le joueur prend son destin en main et décide de s’envoler pour la France. Essai concluant au Fc Nantes, Mais avec un effectif déjà pléthorique, le joueur est prêté d’abord à Creil, un petit club communal du Département de l’Oise en région Hauts-de-France. Manque de pot, il contracte une grave blessure la veille de son retour à Nantes. La blessure de trop qui a fini par avoir raison de sa témérité et l’éloigne des pelouses pour un long moment. Contre mauvaise fortune bon cœur, le joueur a dû retourner au bercail, réintégrer son club de cœur de Porto-Novo. Il garde de son aventure française le souvenir du petit trophée qu’il a remporté avec le club de Creil.
En 1999, au terme de la finale de la Coupe du Bénin qui a opposé son club à Mogas 90, Théodore, alors capitaine des Dragons, se rend dans les studios d’une radio privée près de Porto-Novo et annonce, contre toute attente, la fin de sa carrière. Il n’avait alors que 34 ans dont la moitié passée au service du football de son pays. La nouvelle a été considérée au départ comme un canular avant que ses fans ne se rendent compte plus tard de la réalité.
Retraité épanoui depuis une vingtaine d’années, l’ex-international de football, mène aujourd’hui, avec sa petite famille, une vie paisible dans la capitale économique. Il y tient une papeterie et passe le clair de son temps en famille ou avec ses anciens coéquipiers. Même si pour lui, le football c’est du passé, il affirme continuer à bénéficier néanmoins de la faveur de bon nombre de ses compatriotes qui affichent toujours une certaine reconnaissance à son égard. Et telle une rançon de l’immense talent du latéral droit des Ecureuils, l’évocation de son simple nom lui ouvre encore des portes. Et Théo s’en réjouit… Et il regrette de ne pas pouvoir recouvrer une nouvelle jeunesse aux fins de réécrire en lettres d’or une nouvelle page de ce qu’il a su si bien faire.
Vivement que son héritier se révèle enfin ! Et qu’il soit à la hauteur de l’ambition que son talentueux défenseur de papa- poule nourrit pour lui.
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