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Ferme « Retour à la terre » : un modèle d’adaptation aux inondations à Athiémé

Publié le jeudi 23 decembre 2021  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Un champ de maïs au Bénin
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Par Désiré C. VIGAN A/R Mono Couffo,

« Retour à la terre » est une ferme installée sur environ 10 ha à Athiémé, au Sud-ouest du Bénin. Il s’y développe, sous l’égide du promoteur Gilbert Comlan Gnanmé, une vie paysanne qui a réussi à s’adapter aux inondations cycliques dans la commune.

Une ferme dénommée « Retour à la terre » sert de cadre d’expérimentation pour une bonne adaptation aux inondations qui touchent Athiémé, une commune située dans le Sud-ouest du Bénin. Athiémé est la collectivité territoriale du département du Mono où le débordement du fleuve Mono cause beaucoup de dégâts. Entre autres, les eaux fluviales inondent presque toutes les exploitations agricoles. La ferme « Retour à la terre » ne fait pas exception à ce phénomène. Mais dans le cas d’espèce, s’adapter au sinistre en le transformant en une opportunité de prospérité est le pari que s’est fixé le promoteur de la ferme, Gilbert Comlan Gnanmé, natif d’Athiémé.
Pour pouvoir toucher du doigt cette expérience d’adaptation, il faut s’armer de détermination, chausser de longues bottes et se munir d’un troisième poumon. « Retour à la terre » se situe à Hounkponou, dans le village d’Atchountohoué, à l’autre bout de la commune d’Athiémé. Elle se laisse découvrir au bout d’une longue piste argileuse dont la traversée se fait en deux temps: une bonne partie à moto en faisant preuve de beaucoup de dextérité dans la conduite puis le reste du trajet à pied. A pied, il faut rester attentif aux bouses de vache ainsi qu’aux branches mortes des palmiers à huile traînant au sol. Il faut, avant de poser un pas, tâter, s’assurer de la solidité du sol à l’endroit où les pieds se posent de manière à ne pas subir des chutes brusques.
« Retour à la terre » est un ensemble d’exploitations agricoles réparties sur une dizaine d’hectares. A son siège à
Hounkponou, la production du palmier à huile, l’extraction de «l’huile rouge légère » et la pisciculture constituent les activités phares. Accessoirement, Gilbert Comlan Gnanmé et ses ouvriers cultivent du maïs, élèvent des petits ruminants et la volaille. Ils sont aussi dans le maraîchage.

L’adaptation

En matière de production de palmier à huile, la préférence de Gilbert Comlan Gnanmé est allée à la semence sélectionnée. L’adoption de cette semence est l’acte 1 du processus d’adaptation en ce sens que, selon le fermier, les palmiers à huile sélectionnés sont indiqués pour les sols hydromorphes d’Athiémé. Cette espèce de plant, après castration, est prolifique en régimes de noix de palme si elle est au contact de l’eau, explique-t-il.
A l’en croire, la consistance des récoltes est tributaire des saisons. En saison pluvieuse, souligne-t-il, 12 à 15 tonnes de régimes sont récoltées par quinzaine et l’extraction de « l’huile rouge légère » se fait sur place. Conditionnée dans des bidons de 25 litres, l’huile rouge est commercialisée à travers le warrantage qui est un mécanisme de vente adopté par les producteurs d’Athiémé réunis dans un creuset dénommé l’Union communale des producteurs de palmiers à huile. Environ 2 000 producteurs de palmiers à huile sont recensés dans chacun des cinq arrondissements d’Athiémé. Après le retrait des eaux, le fermier projette de faire « deux ans de récolte au niveau des palmiers à huile ». « Sur un ha, je suis à quatre millions francs Cfa étant donné que le bidon de 25 litres d’huile rouge coûte 18 000 francs Cfa (le prix de vente actuel sur le marché, ndlr) », détaille Gilbert Comlan Gnanmé.
Après le choix de la semence dans le processus d’adaptation, vient la technique culturale peu ordinaire qui permet aux plants de la ferme « Retour à la terre» de résister au débordement du fleuve Mono. En effet, la plantation se fait sur des buttes de terre à raison de 143 plants par hectare. Les bottes de sable réalisées à 9 m l’une de l’autre en quinconce permettent de tenir les jeunes plants au-dessus du seuil atteint par les eaux au cours de la précédente période d’inondation. Mais cette technique est encore à l’étape rudimentaire, notamment en ce qui concerne la détermination de la taille des buttes de terre. Le fermier confirme : « C’est à partir des traces laissées par l’inondation sur les plants que nous déterminons la taille des nouvelles buttes ». Ce tâtonnement est l’une des faiblesses de ce processus prometteur pour lequel l’attention des chercheurs pourrait se révéler utile à plus d’un titre. « Pour la première année de cette expérience, nous avons eu des difficultés à gérer la crue et nous avions perdu plus de la moitié de nos plantations», regrette le fermier. L’idée des buttes, à l’en croire, est une initiative personnelle inspirée de ses participations aux ateliers organisés par la Snv et bien d’autres structures qui interviennent dans le secteur agricole au Bénin. Le fermier se dit convaincu que les buttes sont incontournables en matière de plantation sur les sols de sa ville natale. Ceci, pour faire profiter aux diverses cultures les fertilisants que les sols reçoivent en période d’inondation, insiste M. Gnanmé.


Pièges à poissons

La pêche est le second pôle d’activité qui permet à Gilbert Comlan Gnanmé et à ses collaborateurs de tirer davantage profit du débordement du fleuve Mono sur le plan économique. Elle se pratique au niveau de cinq étangs dont le plus grand est d’une superficie de 500 m2, tous creusés sur la ferme tels des pièges pour les poissons entrainés par le courant des eaux fluviales. Ici, la pêche se pratique entre août et septembre, peu avant une nouvelle période d’inondation. Les recettes des ventes sont impressionnantes. « J’ai vendu plus d’un million cinq cent mille francs Cfa de produits halieutiques », confirme-t-il pour le compte de cette année. Ceci représente une belle cagnotte, surtout dans la mesure où l’équipe de Gilbert Comlan Gnanmé n’a déboursé au préalable aucun franc. « Ce n’est pas moi qui ai élevé les poissons et crevettes apportés par les eaux du fleuve qui sont, par ailleurs, riches en nutriments pour l’alimentation », reconnaît le fermier. Selon ses dires, ils ne sont pas nombreux à s’approprier cette approche des étangs dans la commune d’Athiémé.


Avenir économique

Grâce à la culture du palmier à huile et à l’extraction de l’huile rouge légère qui viennent s’ajouter à ses revenus tirés de la pêche, le fermier se dit comblé. Selon ce natif d’Athiémé, l’inondation n’est pas un sinistre, ni un malheur pour sa communauté. Pour lui, l’avenir économique de la commune est largement tributaire de l’agriculture, notamment, de la transformation et de la production du palmier à huile. « L’histoire du palmier à huile, souligne-t-il, a commencé ici, à Athiémé, depuis les temps coloniaux. C’est cette terre qui a abrité la phase expérimentale au niveau de la bretelle Zounhouè-Athiémé. Et quand l’expérience fut concluante, les colons sont allés réquisitionner des superficies plus grandes à Lokossa, précisément dans l’arrondissement d’Agamè pour y faire une exploitation à l’échelle industrielle. Athiémé n’étant pas un vaste territoire… Ce n’est qu’à partir de la période révolutionnaire que la filière a été ouverte à tout le monde ».
Le promoteur de la ferme «Retour à la terre » est intarissable de détails sur l’évolution de la filière palmier à huile qu’il a embrassée depuis plus de 30 ans et ce, après son retour du Togo, pays voisin où il a passé son enfance. Pour lui, il est évident que les colons n’ont pas choisi sa terre natale par hasard pour introduire le palmier à huile au Bénin.
« S’ils l’ont fait, soutient-il, c’est parce que Athiémé présente les facteurs de développement de cette culture ». « Chaque milieu doit être adapté à la culture qui lui convient », retient le fermier. Pour lui, les inondations cycliques auxquelles sa communauté est confrontée constituent pour elle une chance. « Je me réjouis d’être natif d’Athiémé dont le sol répond à n’importe quelle culture. Les vivriers sont cultivés pendant la grande saison. Mais la source de richesse de la commune demeure le palmier à huile», soutient Gilbert Comlan Gnanmé dont la ferme n’est pas à l’abri des dégâts, des pertes quand les inondations surviennent. Bien au contraire. « Si vous allez dans ma ferme, confirme-t-il, j’ai un champ de plus de 3 ha de maïs en floraison qui se trouve inondé. Mais je suis prêt à perdre le maïs parce que ce que les palmiers à huile vont générer couvre largement la perte. Et ça, c’est très sûr ! ». Dans le champ de maïs de M. Gnanmé, il est certain qu’aucune récolte ne sera possible cette année. Les feuilles des quelques tiges de maïs qui tiennent encore débout dans les eaux fluviales ont d’ailleurs entamé leur jaunissement. Le bilan des dégâts est sans appel. Pourtant, c’est tout souriant que le promoteur en parle. « Quand il ne pleut pas, on se plaint. Et quand l’eau vient, on ne doit plus se plaindre», ironise-t-il. Dans son entendement, « Si les gens se plaignent, c’est parce qu’ils ne veulent pas s’adapter ». Les motivations de ceux qui n’arrivent pas à opérer l’adaptation peuvent être de plusieurs ordres. « Soit, c’est qu’ils sont ignorants des pratiques en cette matière, soit ils n’ont pas le financement nécessaire pour se faire réaliser les buttes et acheter les semences sélectionnées », pense Gilbert Comlan Gnanmé.
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