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Dissolution de l’Agence Bénin presse : Les appréhensions et suggestions des Professionnels des médias

Publié le mercredi 26 janvier 2022  |  Fraternité
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© Autre presse par DR
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La décision est tombée. Elle a été annoncée par le porte-parole du gouvernement. Créée en 1961, l’Agence Bénin presse (ABP) est dissoute. La disparition de ce maillon important de la chaîne de production et de diffusion de l’information suscite des réactions et des interrogations. Dans le rang des professionnels des médias, c’est une pilule difficile à avaler. A cœur ouvert, des journalistes contactés évoquent leurs appréhensions et font des suggestions pour le renouveau de la presse.

Etienne DEDO, agent conventionné de l’ABP
« Je ne peux pas être dans une maison et souhaiter qu’on la casse »

A chaud, c’est une surprise parce que cela entraîne l’arrêt du contrat de travail. En tant qu’agent, cela me choque et me désole. Mais, ayant fait plus d’une dizaine d’années dans la maison, je comprends le gouvernement, parce que la création de l’ABP est de son ressort. S’il décide de la dissoudre, il y a certainement des raisons.
Jusqu’au moment où je vous parle, la décision ne nous est pas parvenue. De par ses membres, le gouvernement n’est jamais venu vers nous pour discuter de quoi que ce soit. C’est pour cela que je disais à l’entame que la dissolution était une surprise. Mais les supputations allaient bon train depuis quelques mois et d’une manière ou d’une autre, on pouvait s’attendre à une telle chose. Ce qui a surpris, c’est que cette décision ait été prise sans concertation avec les travailleurs de la maison.
L’ABP est mal en point, il faut l’avouer. Mais en tant qu’agent, j’accuse le gouvernement, parce que l’ABP est en partenariat avec d’autres structures de la sous-région et ailleurs. Et nous échangeons entre nous. Le constat est que les problèmes des agences, en Afrique surtout, sont quasiment les mêmes. Ce sont juste les noms qui changent, mais les problèmes demeurent. Et les gouvernements essaient tant bien que mal de trouver des solutions. La dissolution qui est tombée sur l’agence du Bénin est une première en quelque sorte. Il faut dire que le personnel souffre, qu’il s’agisse des conventionnés ou des fonctionnaires, tout le monde en pâtit. Les agents de l’Etat qui sont avec nous cherchent à partir. S’il n’y a pas un problème, les gens ne chercheront pas à partir. Donc nous sommes conscients qu’il y a un problème.
Je ne peux pas être dans une maison et souhaiter qu’on la casse. La meilleure solution serait d’apporter un nouveau souffle et c’est même ce souci qui a amené les représentants d’une partie du personnel à rencontrer le secrétaire général adjoint du gouvernement. C’était pour solliciter une éventuelle bouée de sauvetage. Hélas, cela n’a pas porté ses fruits. Pour le moment, nous sommes encore là puisque nous n’avons pas reçu l’arrêté portant dissolution de l’ABP. A l’heure où je vous parle, nous ne savons pas à quel saint nous vouer.

Houndji AMEGNIHOUE, ancien agent de l’ABP
« La liberté ne se construit pas sur un cimetière de journaux »

Il faut dire que je suis un ancien de la maison et je suis parti en 2015. Je ne connais pas les motivations. C’est vrai que sur la toile, j’ai lu le porte-parole du gouvernement qui dit que c’est avec un pincement au cœur qu’ils ont dû prendre cette décision. Toujours est-il que c’est une mauvaise chose parce que déjà quand un journal tabloïd ou un quotidien du genre magazine disparaît, c’est regrettable parce que la liberté ne se construit pas sur un cimetière de journaux. Mais là, il s’agit d’une agence, c’est-à-dire le journal des journaux. C’est le grossiste de l’information qui disparaît de cette manière, ça ne peut être qu’une mauvaise chose.
On pourrait également s’attendre à une telle décision, parce que quand un organe vit sous « subvention », lorsque celui qui subventionne a des difficultés, il met une croix là-dessus. Pourquoi parler de rentabilité en termes d’agence ? C’est là qu’il y a un petit problème. Le mot « rentabilité » est trop fort. La question est de savoir si l’ABP accomplit sa mission et ça c’est un autre débat. C’est vrai que depuis un moment, l’ABP n’arrive plus à accomplir sa mission, donc si on y met de l’argent, c’est à perte. Au moins, si on y mettait de l’argent et que ça accomplissait sa mission, on comprendrait. Donc, parler de rentabilité n’est pas le terme adéquat. Je ne sais pas si au monde il y a une seule agence de presse ou un journal qui soit vraiment rentable. Mais la question est de savoir plutôt si l’organe accomplit sa mission, s’il occupe la parcelle de pouvoir qu’on lui a attribué de manière statutaire, et là je crois que depuis un moment, la réponse est non pour ce qui concerne l’ABP.
D’un autre côté, je ne pense pas que la dissolution de l’ABP ait vraiment un impact sur le paysage médiatique. Il faut constater que très peu de journaux, de radios et télévisions reprennent les dépêches de l’ABP. C’est pourquoi je posais la question de savoir si l’ABP occupe son espace. Il faut reconnaître que l’ABP est absente des productions des médias alors que c’est là que réside sa mission fondamentale. A titre personnel, je suis un utilisateur de l’ABP. Pour mes cours d’agence, j’ai recours à des papiers produits par l’ABP. Mais les papiers que vous avez, c’est de l’institutionnel. Cela n’apporte pas grand-chose en terme d’informations. Il y a donc un problème. Mais quand il y a un problème, est-ce qu’on dissout ? On restructure plutôt. Si on allait sur la voie de la restructuration, on pourrait trouver des moyens de relancer l’ABP pour qu’elle soit utile aux médias.

Jacques Boco, directeur de la rédaction Matin Libre
« Ce qui est fondamental, ce sont les emplois à sauvegarder »

Si on doit suivre le porte-parole du gouvernement, des discussions ont été menées avec l’équipe que ce soit avec la direction générale ou les confrères concernés pour qu’ils aillent réfléchir et trouver le moyen de ressusciter la maison afin qu’elle continue de voler de ses propres ailes. A bien l’écouter, le gouvernement n’est pas prêt à y injecter de nouvelles ressources. Je pense que cela s’inscrit dans l’option de rationalisation des ressources prises par le gouvernement. Quand un secteur ne marche pas bien, on préfère le dissoudre au profit d’autres secteurs prioritaires. Telle est la logique du gouvernement. La maison ABP serait moribonde et ce que fait une agence de presse, c’est-à-dire nourrir d’autres médias en termes d’informations, alerter sur certains faits, le gouvernement juge que d’autres le font déjà. Avec l’avènement des réseaux sociaux, l’ABP ne serait plus utile ? Ne fallait-il pas solliciter des experts pour repenser la chose ? Je ne sais pas si le gouvernement a déjà exploré cette piste. Dans tout ceci, je pense que ce sont les emplois perdus qui font mal. Le porte-parole du gouvernement a indiqué qu’il y a deux types d’employés à l’ABP : les fonctionnaires et les conventionnés. Deux options s’offrent à eux. Ceux qui sont agents permanents de l’Etat seront redéployés dans d’autres ministères. Quant aux conventionnés, le liquidateur se chargera de leur cas en fonction des contrats et de la loi sur l’emploi au Bénin. C’est vraiment dommage que ça se passe ainsi. Le gouvernement est dans une option de rentabilité. Quand un secteur ne marche pas, on n’y injecte pas de l’argent. Le gouvernement n’est donc pas prêt à subventionner une denrée aussi capitale que la production de l’information. Qu’est-ce que nous pouvons ? La décision est actée. Comme je le dis, ce qui se passe avec l’ABP, c’est pratiquement toute la presse qui le vit, sauf qu’on n’a pas encore prononcé la dissolution dans le privé. A ce niveau, c’est l’hécatombe avec des entreprises de presse qui doivent des arriérés de salaire à leurs employés, on en met aussi au chômage technique. Ce qui est fondamental, ce sont les emplois à sauvegarder. Quand vous avez déjà fait 12 ou 15 ans dans une entreprise de presse et du jour au lendemain on vous met à la porte alors que vous n’avez appris que ça et que vous n’avez pas d’autres revenus, c’est que vous broyez du noir. Cela va impacter toute la famille qui est ainsi privée de ressources. Lorsque le père de famille qui est l’arbre fruitier n’est plus actif, souffrez que tout le reste en pâtisse. La gestion du social fait aussi partie des devoirs du gouvernement. On ne demande pas de distribuer de l’argent à tout va. Mais quand ça ne va pas chez X, c’est toute la chaîne nourrie par ce X qui est négativement impactée.

Serge ADANLAO, DP Le Matinal
« Il faut que les professionnels des médias se réorganisent pour continuer d’exister »

La décision de la suppression de l’ABP peut être vue sous deux angles. Le premier serait que les professionnels des médias trouvent inadmissible une telle décision. L’information pour un professionnel des médias est une denrée capitale. Une agence qui met l’information à la disposition des rédactions devrait être maintenue. Vous remarquerez que l’ABP est présente un peu partout sur l’étendue du territoire. A notre niveau, nous avons souvent recours aux dépêches de l’ABP pour informer nos lecteurs. Entre temps, nous étions même abonnés à l’ABP, un dispositif a été installé chez nous et de façon systématique, nous recevions leurs dépêches. C’est vrai que le groupe de presse Le Matinal est représenté dans tout le Bénin, mais il y a des informations importantes qui échappaient à nos bureaux régionaux et les dépêches nous permettaient de rattraper cela.
Le second angle, ce sont les arguments avancés par le gouvernement pour justifier la décision. Lorsque les réseaux sociaux prennent le dessus sur tout, qu’un fait se produit dans une localité aussi lointaine qu’elle soit et que les secondes après, les réseaux sociaux tuent l’information en la diffusant de manière intempestive, on peut craindre que la presse ne détienne plus les exclusivités. Il faut donc que les professionnels des médias se réorganisent pour continuer d’exister. Aujourd’hui, les réseaux sociaux constituent une sérieuse menace pour les organes de presse traditionnels. Le gouvernement qui met les moyens à disposition de l’ABP a apprécié la situation et pris une décision. Les agents permanents de l’Etat qui y officiaient seront redéployés. Quant aux contractuels, ils seront dédommagés en fonction de la législation en vigueur.

Lucien DOSSOU, Capp Fm
« C’est un coup dur pour les professionnels des médias »

Je crois que la suppression de l’ABP est un coup dur pour les professionnels des médias. Le rôle joué par cette structure reste non négociable. L’ABP est un bon relai des informations en provenance de nos localités. Cela aide aussi bien la presse écrite que la presse audiovisuelle. Puisqu’on ne peut être partout à la fois, on s’inspire des dépêches pour nourrir nos émissions et éditions de journal. Il va falloir penser à une autre structure pour remplacer l’ABP afin qu’un vide ne soit pas créé à ce niveau. Pour les professionnels qui se retrouvent à la rue, je pense à leur survie.

Marcel ZOUNMENOU, SG ODEM
« La chaîne de production de l’information est perturbée »

J’ai appris comme tout le monde la dissolution de l’ABP. Je l’ai appris avec beaucoup de désolation en tant que journaliste parce que chaque fois qu’un média ferme ses portes, c’est un espace de liberté qui est fermé. Je suis peiné d’apprendre que l’ABP ait été dissoute. Je suis d’autant plus peiné parce que ceux qui ont pris la décision ne savent sûrement pas dans quel esprit l’ABP a été créée. Dans l’architecture des médias au Bénin, l’ABP a été créée comme une boîte à informations. Si le système fonctionnait très bien, l’ABP serait comme une agence qui produit de l’information qu’elle vend à la radio et à la télévision nationales ainsi qu’au quotidien de service public, La Nation. C’était une architecture classique et donc La Nation, l’Ortb (la télévision et la radio nationales) devaient être des diffuseurs et l’ABP produit l’information. Il faut que je nuance en disant que l’ABP est censée être plus proche des populations à travers des ramifications. C’est pourquoi dans son organigramme elle a des représentants dans les chefs-lieu de département et dans les communes. Elle produit donc l’information des régions qui est remontée vers les autres médias. Quand on vient à supprimer cela, la chaîne de production de l’information est perturbée. J’ai été vraiment abasourdi quand j’ai entendu l’explication qui en a été donnée. On dit que l’ABP a été dissoute parce qu’elle n’est pas rentable. Et si vous vous rappelez bien, le thème de l’édition 2021 de la liberté de presse était : « l’information comme denrée publique ». Quand je produis une information dans mon média, tous ceux qui la consomment ne paient pas. Il faut comprendre que ceux qui ont pour mission, la recherche, la collecte, le traitement et la diffusion de l’information vendent une denrée précieuse que personne ne débourse pour acheter.

Agapit Napoléon MAFORIKAN, DG E-télé
« J’espère que après l’ABP, l’Etat béninois pensera à autre chose »

La situation à l’ABP a de quoi préoccuper les professionnels des médias. C’est avec un pincement au cœur que j’ai appris sa dissolution. Lorsque j’écoute le porte-parole du gouvernement, on ne peut qu’être d’accord avec lui, parce qu’on ne peut pas continuer sur cette lancée. Le problème aujourd’hui lorsqu’on examine la situation, elle n’est que la résultante des décisions qu’on n’a pas osé prendre ou des initiatives qui auraient pu permettre d’anticiper. C’est la résultante de tout ça qui nous amène à cette dissolution. Avant, c’était le cas du CNCB, de l’Infosec…Lorsque vous voyez un quotidien comme Le Matinal, qui à sa création, avait des bureaux régionaux, en 1994, lorsque Le Matin naissait, nous étions abonnés au fil de l’ABP pour avoir des informations. Mais à partir du moment où les gens n’ont pas su se mettre au pas des innovations technologiques, quand les gens n’ont pas pu analyser le nouvel environnement médiatique, quand on n’a pas su profiter de l’émergence des radios et télévisions privées pour offrir de nouveaux services, on assiste malheureusement à ce qui arrive. Les Quotidiens n’ont pas assez de moyens pour avoir des correspondants régionaux en nombre suffisant, alors qu’en s’abonnant aux fils de l’ABP, ils peuvent réécrire et s’inspirer des dépêches et cela fait moins de dépenses. Comment l’Agence s’est positionnée face à tous ces enjeux pour être efficace ? Il y a totalement absence d’initiative et d’anticipation. Les gens se sont comportés comme des fonctionnaires, des salariés et c’est bien dommage. J’espère qu’après l’ABP, l’Etat béninois pensera à autre chose parce que une agence de presse est importante. On a besoin d’une agence de presse qui se mette au diapason des technologies et anticipe sur les progrès.

Eklou KOKOUVI, Rédacteur en chef « La Nation »
« Voir un tel fleuron de la presse disparaître n’est pas pour nous gaver d’espoir »

Personnellement je reste peiné pour le sort réservé à l’Abp en ce moment et suite à toutes les infortunes que je ne vais pas étaler ici. Je le suis plus pour les confrères dont le devenir reste en suspens et pour ce que cette agence a été dans l’univers des médias. Elle a connu son heure de gloire et elle a écrit les plus belles pages de la presse béninoise par le rôle qui a été le sien dans l’animation de la vie sociopolitique du pays. Voir un tel fleuron de la presse disparaître pour de bon n’est pas pour nous gaver d’espoir pour la survie des médias. Ceci reste à mon avis un signal et il importe que des réflexions soient profondément menées autour de cette situation pour que l’essentiel soit fait dans l’intérêt des acteurs et animateurs de la presse nationale. Les associations professionnelles en premier doivent pouvoir porter ces réflexions. Si les pouvoirs publics rassurent quant au repositionnement des agents de l’Abp, il n’est point exagéré de dire que c’est un gâchis. Face au contexte actuel avec l’avènement du numérique et toutes les difficultés à voir la presse tirer le diable par la queue, les débats doivent pouvoir se faire.

Jean-Eudes MITOKPE, Bi News TV
« Le rôle et l’importance de l’ABP ne sont plus à démontrer »

Dans le PAG 2, le gouvernement avait annoncé vouloir renforcer la liberté de presse et promouvoir l’accès public à l’information. Le budget a été estimé à 20 milliards. Dans ce contexte où on attendait des actions allant dans le sens de la professionnalisation des acteurs, cette décision devrait inquiéter. Le rôle et l’importance de l’ABP ne sont plus à démontrer. Toutefois, j’avoue n’avoir pas été très surpris par cette décision du Gouvernement. La suppression du Ministère de la Communication avait fait jaser déjà à l’époque, et à mon avis les explications des voix autorisées n’avaient pas vraiment convaincu les professionnels des médias. Ces différentes décisions contrastent avec les objectifs du gouvernement en ce qui concerne la mise en œuvre du PAG. On ne peut pas vouloir renforcer la démocratie et l’Etat de droit, et chercher à consolider la bonne gouvernance en supprimant des agences de presse.
La décision aurait été prise après une consultation des responsables de la structure. Soit. Il ne nous revient pas de défendre les employés et ou confrères de l’ABP, mais il faut se désoler du mépris affiché à l’endroit des professionnels des médias. A mon avis, ni la prééminence des rumeurs sur les réseaux sociaux, ni le manque de moyens ne peuvent justifier la dissolution de l’ABP. C’est comme si le gouvernement cessait de financer l’ORTB. Pourtant nous savons bien que les responsables de l’ORTB ne peuvent pas dire aujourd’hui que cet office est autonome et que son service des relations publiques couvre ses charges. Les médias au Bénin vivent exclusivement des contrats avec le gouvernement et la classe politique. Sur les deux tableaux, c’est une grosse déception depuis 2016. L’aide de l’Etat à la presse est une illusion depuis des années, pendant que les partis politiques reçoivent illico un financement avec lequel on organise des tournois de football et autres activités ludiques sur la base d’une loi votée, il y a quelques mois seulement. Il y a aujourd’hui des personnes insoupçonnées qui continuent de financer les médias et c’est le lieu de les remercier. Pour conclure, je dirai qu’il y a aujourd’hui beaucoup de jeunes journalistes en formation qui avec l’évolution du digital vont se perfectionner et offrir quelque chose de nouveau. Il faut donc que les dirigeants d’aujourd’hui protègent ce métier en mettant à la disposition des acteurs des outils qui pourraient renforcer leurs actions.

Déo-Gratias KINDOHO
« L’ABP était à restructurer, pas à supprimer »

Dans tous les pays démocratiques - et même non démocratiques - qui se respectent, l’agence nationale de presse est un maillon important du dispositif du Service public de la presse. Elle est une vitrine pour le pays et une source d’alimentation pour les médias nationaux et internationaux.
À Radio Bénin - du moins jusqu’à ce que je quitte la maison - les journalistes de l’Agence Bénin Presse faisaient partie de notre réseau de correspondants sur le terrain. Nous les sollicitions régulièrement, en plus de nos reporters et envoyés spéciaux dans diverses contrées du pays. Cela facilitait beaucoup de choses même si le partenariat ne fonctionnait pas toujours de façon optimale.
La suppression plutôt que la réorganisation de l’Agence Bénin Presse participe de la vision mercantiliste que le régime en place a de l’exercice du pouvoir d’État. Tout doit lui rapporter de l’argent. Le tout-profit, le tout-capitalisme. À cette allure, c’est le Service public, dans son essence même, qui est en péril. C’est dramatique. D’autant plus dramatique que c’est un ancien journaliste de La Nation, le quotidien de service public qui est venu motiver une telle annonce arguant entre autres que l’ABP n’était plus rentable. Mais depuis quand un organe public de presse doit être rentable ? Il n’a pas à l’être.
Le service public est investi d’une mission d’intérêt général, le service public de la presse l’est encore plus. Les médias publics ne sont pas des entreprises commerciales. L’État n’a pas à leur imposer des objectifs de rentabilité à atteindre au point de les déclarer en faillite quand ils n’y arrivent pas. Au contraire, l’État a l’obligation de pourvoir à leur entier financement et de s’assurer que l’information qu’ils produisent à l’endroit du peuple - dont le droit à l’information est un droit fondamental - ne souffre d’aucun biais, que ce biais résulte d’un manque de moyen financier ou d’une pression quelconque.
Il peut arriver qu’en fonction de ses ambitions, un organe public de presse décide de mobiliser des ressources financières additionnelles. Cela lui est possible mais il ne peut y être contraint. Il faut que ce soit sa décision et s’il le décide, l’État doit veiller à ce qu’il le fasse sainement et sereinement. Pour l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) par exemple, des textes existent, autorisent et encadrent la mise en œuvre de ce genre d’option.
L’ABP était à restructurer, pas à supprimer.

Maurille AGBOKOU, expert média
« La décision pourrait être vue comme le choix de tourner une page »

Au regard de la situation de l’ABP, financièrement exsangue depuis 10 ans, je dirais que la décision du gouvernement était très attendue. Elle pourrait être vue comme le choix de tourner une page : ce qui suppose que ladite page a été bien lue. Puisque le gouvernement aurait pu décider aussi d’y aller par sevrage...
Ceci étant, la situation finale de l’ABP est le résultat de choix stratégiques et/ou d’une incapacité structurelle à s’adapter au progrès technologique du numérique. J’évoque les deux options parce qu’elles relèvent de la détermination politique de l’Etat et de l’entreprise à s’adapter pour continuer d’exister dans le nouvel environnement numérique conformément à l’évolution de la collecte de l’information, en utilisant les ressources disponibles.
Espérons que les médias de service public pourront consolider les premières solutions palliatives mises en place face à l’affaiblissement de l’ABP et à sa suppression par le Gouvernement.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU
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