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Adjinakou N° 2362 du 27/12/2013

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Première interview de Angelo Houssou depuis les Etats-Unis / " … Demandez à Patrice Talon s’il me connait "
Publié le vendredi 27 decembre 2013   |  Adjinakou


Le
© Autre presse par DR
Le Juge Angelo Houssou


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Le juge Houssou a accordé à Afrika 7, ce 25 décembre 2013, une interview exclusive dans laquelle il évoque sa gestion des affaires d'empoisonnement et de tentative de coup d'état, ainsi que sa fuite du Bénin.


Vous êtes au cœur d'une affaire d'Etat, qui a dépassé les frontières du Bénin. Après être entré illégalement aux Etats-Unis, vous avez été placé dans un centre de détention, puis libéré. Quel est aujourd'hui votre statut juridique à New York?

A ma libération du centre de détention Elizabeth, du New Jersey, ce vendredi 20 décembre, l'officier de déportation en charge de mon dossier m'a remis un I94. Ce papier est essentiellement provisoire, en ce qu'il est valide pour une année renouvelable. Il a été délivré en attendant l'aboutissement de la procédure d'asile devant le juge de l'immigration. En termes de droit, il me confère le statut d'un résident légal demandeur d'asile et me permet de circuler librement dans tous les Etats des USA. La procédure d'asile aux Etats-Unis connait deux étapes : la première est purement administrative et consiste en une étude sommaire du caractère crédible de la peur alléguée qui fait que vous ne pouvez retourner dans votre pays d'origine. Dès que la peur est jugée crédible, l'officier de l'immigration vous met en liberté et renvoie le dossier au tribunal de l'immigration. A contrario, lorsque votre peur est jugée insuffisamment crédible, une décision de déportation est immédiatement prise à votre encontre. La seconde étape est essentiellement judiciaire et consiste en un examen plus approfondi des éléments et pièces versés à l'appui de la peur alléguée par le juge de l'immigration.


En clair, vous n'êtes pas dans l'illégalité aux Etats-Unis, en ce moment...

Non, je ne suis pas dans l'illégalité aux Etats-Unis, je suis considéré comme un citoyen régulier, un résident légal, impliqué dans une procédure d'instance d'asile.


Pourquoi avoir essayé de quitter une deuxième fois le Bénin?

Il ne s'agit pas d'une deuxième tentative de fuite. Il s'agit plutôt d'une fuite. C'est une première tentative, c'est un départ forcé. Quand j'ai décidé de quitter cette géhenne, j'ai organisé ma fuite en l'espace de vingt-quatre heures, en prenant de court tous les agents commis à ma filature. Vous comprenez que le 17 mai 2013, il n'était pas question d'une tentative de fuite...


Vous aviez fait valoir que vous alliez juste passer le week-end au Nigeria...

Voilà. Car celui qui veut prendre la fuite ne se soumet pas aux formalités d'usage. Or, ce vendredi 17 mai 2013, c'est moi-même qui me suis délibérément porté, en toute connaissance de cause, vers l'agent de police de faction, qui était une femme. Elle ne savait pas que c'était moi le Angelo Houssou au sujet duquel on a donné des consignes fermes d'arrestation. Ce n'est donc pas une tentative de fuite, c'est une première sortie forcée.


Mais vous comprenez très bien que cette tentative de sortie du territoire, quelques heures seulement après avoir rendu vos ordonnances de non-lieu, pouvait être assimilée à une tentative de fuite, voire à une certaine forme de connivence avec Patrice Talon...

Les pressions qui ont été exercées sur moi avant que je ne rende ces ordonnances étaient telles que j'avais besoin de me cacher dès les premières heures. C'est la raison pour laquelle j'ai, dans un premier temps, éteint mon portable, pour rester injoignable. C'est certainement ce qui m'a sauvé la vie, puisque le chef de l'état, qui pensait que mes ordonnances n'avaient pas encore été portées à la connaissance des avocats de la défense, m'a fait chercher en vain ; ensuite, j'ai pris le chemin du Nigeria, pour un long week-end de pentecôte. Ceux qui parlent d'une fuite vers les Etats-Unis à cette époque n'ont trouvé en ma possession aucune pièce ou document déterminant pouvant permettre de soutenir qu'il s'agissait d'une fuite. Ceux qui pensent que j'étais de mèche avec la partie gagnante, cette pensée n'engagent qu'eux.

En fait, en règle générale, toute personne qui perd un procès de cette envergure a tendance à penser à tort que le juge a été entrepris par la partie gagnante. De plus, les juges sont habitués à ce type de situations. Mais cela devient sérieux, quand de telles pensées sont accompagnées de déclarations tapageuses, de surcroît venant des autorités gouvernementales. Je préfère personnellement ne pas répondre à toutes ces accusations portées contre ma personne, que je considère, somme toute, comme des déclarations gratuites et irresponsables, à la limite de la provocation. Je tente depuis un certain temps de comprendre l'attitude du gouvernement comme la réaction normale d'un animal, qui après avoir pris un coup mortel, ne peut s'empêcher de faire des soubresauts. Sinon comment comprendre que le gouvernement, qui est passé maitre dans les déclarations cacophoniques dans les médias, n'a pas, depuis sept mois, rendu public l'état des enquêtes qu'il a d'initiative déclenchées sur toutes mes opérations bancaires, mes appels téléphoniques, mes fréquentations, etc., même à l'étranger. Donc, c'est en vain qu'il cherchera despoux sur un crâne tondu. Ce qu'il est important de savoir, c'est que si moi, Angelo Houssou, je devais ignorer les règles déontologiques qui régissent le corps de la magistrature, auquel j'appartiens, si je devais sortir de la réserve professionnelle à laquelle je suis tenu et me mettre à parler, même à bavarder, comme le font certaines personnes qui n'ont pas été formées à la réserve et à la pondération dans les propos, il y a longtemps que la République serait à terre et l'image du pays en prendrait un coup difficilement réparable. C'est pour toutes ces raisons que je préfère encore me taire. Je présente donc toutes mes excuses à tous les parents et amis qui pensaient qu'une fois en exil à l'étranger, je pourrais parler sans réserve.

Le juge se découvre et se lie à travers ses décisions. Pour l'instant, mes deux ordonnances de non-lieu suffisent.


On vous reproche d'avoir quitté le pays, à la veille de la décision de la Cour d'appel de Paris, qui devait se prononcer sur la demande d'extradition de Patrice Talon vers le Bénin. Le juge que vous êtes peut comprendre que cette fuite ait pu influencer la décision de vos confrères parisiens. Avez-vous délibérément fui le Bénin, pour faciliter la décision des juges français?

Mon départ du pays a été forcé, en ce sens que j'avais marre du traitement auquel le gouvernement m'a soumis depuis le 17 mai 2013. Les informations qui me parviennent régulièrement des proches du gouvernement n'étaient pas toujours bonnes. Depuis les réquisitoires défavorables du procureur général à Paris, le 23 octobre 2013, ces informations relatives aux actes attentatoires à ma vie ont pris de l'ampleur. Je n'ai pas manqué d'informer le l'Unamab - le syndicat des magistrats, NDLR- de mes réelles inquiétudes quant à la sécurité de ma vie. C'est d'ailleurs pour cela que dans la motion de grève du mardi 3 décembre 2013, la question de ma sécurité a été inscrite au premier plan. Le coup fatal qui était en préparation contre ma personne, en cas de rejet de la demande d'extradition de Patrice Talon, m'a été révélé par des agents de renseignements ulcérés par l'acharnement systématique contre ma personne. Les voitures aux vitres teintées qui me suivaient discrètement, partout depuis le début du mois de novembre et à bord desquelles se trouvaient des inconnus, me permettent de dire qu'il ne s'agissait pas de simples rumeurs. Dans ces conditions, avais-je besoin d'attendre la décision du 4 décembre 2013, dont l'issue défavorable par rapport à l'extradition était déjà connue de toute personne raisonnable, pour prendre la poudre d'escampette ?


Quand la maison brûle, on n'attend pas le juge avant d'envoyer les sapeurs-pompiers.

Maintenant, que les gens établissent un lien entre mon départ forcé et l'issue défavorable de cette audience, libre à eux. C'est infantiliser les juges de la cour d'appel de Paris que de vouloir établir un quelconque rapport entre leur arrêt de rejet de la demande d'extradition et le 29 novembre, date à laquelle j'ai précipitamment et clandestinement quitté le Bénin. Au demeurant, il ne s'agit pas d'une date choisie, mais d'une date imposée, au regard des informations alarmantes en ma possession, au regard de la sécurité de ma personne et de ma famille.


Parlez-nous maintenant des conditions de votre départ du Bénin. Comment cela s'est-il organisé ?

Pour des raisons de convenance personnelle, je ne voudrais pas relater ces conditions. Cependant, je puis vous dire tout simplement que ce vendredi 29 novembre 2013, j'ai laissé ma voiture à mon domicile, pour faire croire aux agents commis à ma filature, qui sont positionnés en face de ma rue, que j'étais bien à la maison. Après avoir changé de voiture à trois reprises, je me suis retrouvé dans le Mono. D'abord, par la brousse, puis en pirogue, je me suis retrouvé à Lomé, puis Accra, où j'ai passé la nuit. Le lendemain, samedi, autour de 23 heures, j'ai pris le vol Delta Airways, pour me rendre à New York.


N'aviez-vous pas peur d'être rattrapé à tout moment par les forces de l'ordre du Bénin?

Pourquoi la police béninoise viendrait-elle me rattraper aux Etats-Unis ? En vertu de quoi ? Etais-je recherché au Bénin ou suis-je sous le coup d'un mandat d'arrêt international ? Et dans le cadre de quelle procédure judiciaire ? Ici aux Etats-Unis, les gens sont plus sérieux. La police béninoise ferait mieux de s'occuper véritablement de la sécurité de ses populations.


Dans quelles conditions les autorités américaines vous ont-elles signifié que vous étiez entré illégalement en territoire américain?

A l'aéroport John Fitzgerald Kennedy de New York, les policiers m'ont notifié autour de 6 heures, le dimanche 5 décembre 2013, que mon visa n'était pas valide, parce qu'annulé par l'ambassade des Etats-Unis au Bénin, sur demande du gouvernement. Après avoir en vain cherché le motif d'annulation, ils m'ont posé la question de savoir si j'avais des problèmes avec le gouvernement de mon pays. Sans désemparer, je leur ai brièvement raconté la persécution dont je fais l'objet depuis le 17 mai 2013, dans deux dossiers dans lesquels le chef de l'état béninois est intéressé parce que victime. Après leur avoir raconté les conditions terribles et inimaginables dans lesquelles j'ai précipitamment fui mon pays, dans la soirée de ce vendredi 29 novembre 2013, je leur ai clairement indiqué que j'avais peur de retourner dans mon pays, ainsi que dans les pays voisins. C'est alors qu'ils m'ont immédiatement fait suivre un entretien préliminaire, lequel a déclenché la procédure d'asile à proprement parler. Le lendemain, autour de 5 heures du matin, j'ai été conduit, les menottes aux mains, au centre de détention d'Elizabeth, à, où j'ai été retenu pendant dix-huit jours, le temps qu'on procède à une étude sommaire de mon cas. Il ne s'agit pas d'une prison - loin s'en faut. C'est plutôt un centre de rétention administrative qui a vocation à recevoir les personnes demandeurs d'asile, sous toutes ses formes. Je rends au passage hommage à la police newyorkaise qui, ayant constaté que j'étais un juge en difficulté, m'a dignement traité. Les policiers ont en effet retrouvé dans mon sac à main ma carte professionnelle, ainsi que des cartes de visite des éléments du FBI venus à Cotonou, commis dans le dossier tentative d'assassinat. Je remercie également au passage l'agent d'asile et l'officier de déportation qui, ayant jugé ma peur crédible, ont décidé de ma libération et de la saisine du juge de l'immigration, aux fins de l'octroi de l'asile politique.


Que vous reprochent exactement les autorités béninoises ?

C'est aux autorités béninoises qu'il faut poser cette question. Je sais au moins que le chef de l'Etat ne supporte pas d'avoir perdu dans une affaire dans laquelle il prétend être victime, alors même qu'il est en fonction.


Quand vous dites qu'il prétend être victime, pensez-vous donc qu'il ne l'est pas ?

Il faut tirer toutes les conséquences juridiques de la décision de non-lieu. Quand une procédure d'instruction se solde par un non-lieu, c'est que la victime n'a pas gain de cause. Elle prétend être victime, mais c'est à l'occasion de l'instruction qu'on peut savoir si la victime a subi effectivement un préjudice. C'est donc un non-lieu, dans le cas présent. C'est ce qui lui fait mal; il considère cela comme une humiliation. Or la règle de droit est la même pour tout le monde, y compris le chef de l'Etat. Et la seule manière légale de contester un juge dans ses décisions, c'est de relever appel. Appel a été relevé depuis le 1er juillet 2013, la cour d'appel a confirmé ces ordonnances. De sorte qu'aujourd'hui, devant la Cour Suprême, ce ne sont plus mes ordonnances qui sont querellées. Ce sont plutôt les arrêts de la chambre d'accusation qui font l'objet d'une étude en cassation, auprès de la Cour Suprême. Je me demande donc pourquoi, en définitive, il y a tant d'agitation au sujet d'une affaire qui reste et demeure un non-lieu.


Au Bénin, la presse a relayé des rumeurs faisant état de ce que vous auriez déjeuné avec le chef de l'Etat, peu avant de rendre votre décision. Confirmez- vous cette information ?

C'est la première fois que j'entends parler de ça. Cela n'engage que ceux qui le disent. Vous savez, moi je suis un magistrat. Ce n'est pas bien qu'on parle ainsi d'un magistrat. Que ceux qui le disent apportent les preuves de leurs allégations. Moi je suis un juge indépendant, je ne suis pas le procureur. Ce sont les procureurs qui sont tout le temps avec le ministre de la Justice. Il parait que le chef de l'Etat appelle directement les procureurs. Mais moi je suis un juge indépendant. Alors, que ceux qui le disent en apportent la preuve.


On vous accuse également d'avoir été acheté par Patrice Talon...

Demandez à M. Patrice Talon s'il me connait. Et puis, cela n'engage que ceux qui le disent et ceux qui y croient. Une affirmation telle que celle-là mérite d'être prouvée. Je crois que le gouvernement a les moyens d'investigation, les moyens de savoir si oui ou non j'ai été acheté par la partie gagnante. C'est un peu comme si on disait que même les juges de la cour d'appel, ainsi que les juges français, ont été achetés. Je crois que c'est suffisamment sérieux pour qu'on cesse d'infantiliser les gens et qu'on tire toutes les conséquences. C'est une affaire qui, comme je vous l'ai dit, devait en rester à un non-lieu.


Un célèbre syndicaliste béninois, M. Pascal Todjinou, a déclaré en direct à la radio qu'il ne faudrait pas que vous rentriez avant avril 2016, date à laquelle un nouveau président aura, théoriquement, été élu par les Béninois. Etes-vous de son avis?

Oui, je pense qu'il faut être de son avis. Vous savez, le camp de Boni Yayi et sa troupe ont promis de me rendre la vie difficile d'ici à 2016, parce qu'ils y sont jusqu'en 2016. Il n'est donc pas question que je rentre au pays avant 2016. Je suis donc d'accord avec M. Todjinou, que je salue au passage, parce qu'avec ses pairs, ils m'ont apporté un soutien au-delà de mes espérances.


M. le juge, beaucoup se sont inquiétés pour la vie de vos proches. Comment se porte votre famille aujourd'hui?

Je ne sais comment se porte ma famille. Je prends tout le peuple béninois à témoin quant à sa sécurité et je rends le gouvernement responsable de tout ce qui pourrait arriver aux miens de fâcheux.


Depuis le début de cette affaire, avez-vous parlé avec M. Patrice Talon?

Demandez donc à M. Patrice Talon s'il me connait.


J'imagine que la réponse est non.

Posez-lui la question de savoir s'il me connait, en dehors des photos sur l'Internet.


Mais puisque nous vous avons en face, vous... Connaissez-vous, oui ou non, M. Talon?

La réponse est négative. Vous la sentez dans ce que je vous dis. Demandez à Partrice Talon s'il me connait. Je demande à ceux qui disent que je suis en contact avec M. Talon d'aller dans les détails pour dire à quelle époque, de quelle manière nous nous sommes connus. Il s'agit d'affirmations gratuites ; on devrait dire la même chose des juges de la cour d'appel qui ont confirmé l'arrêt. On devrait en dire autant des juges français. Vous savez que même ici aux Etats-Unis, le gouvernement béninois a prétendu que Patrice Talon m'a pris des avocats, de brillants avocats, pour défendre ma cause et que ces derniers travaillaient pour ma libération, alors que j'ai subi mon interview au centre de détention d'Elizabeth Center, sans la présence d'un avocat. J'ai subi seul mon interview. Jusqu'à présent, je n'ai pas reçu la visite d'un seul avocat. Vous comprenez que ce qui se dit ne correspond donc pas à la vérité.


En ce qui concerne votre visa d'entrée aux Etats-Unis, qui vous avait été délivré par l'ambassade américaine à Cotonou, puis annulé, vous a-t-on signifié les raisons de cette annulation?

La raison de l'annulation de mon visa ne m'a été notifiée, ni dans la correspondance non-signée du 20 mai 2013 qui m'a été adressée par l'ambassade des Etats-Unis à Cotonou, ni à l'aéroport JFK de New York. J'en conclus donc qu'elle n'existe pas, puisque les motifs d'annulation d'un visa américain sont clairement connus. Je dis en définitive qu'il s'agit d'une annulation fantaisiste.


Revenons à présent sur vos ordonnances du 17 mai 2013, qui ont fait l'effet d'un coup de tonnerre. Aviez-vous conscience de la gravité de l'acte que vous avez posé?

Il ne s'agit pas d'un acte grave. Prendre une décision de justice est un acte ordinaire de ma fonction de juge. Et c'est ce que j'ai fait ce 17 mai 2013. Les gens lui donnent un caractère grave parce que les décisions sont contraires à la volonté d'un chef d'Etat dont le souci doit être de respecter la magistrature.


Aujourd'hui, vous jouissez d'une certaine liberté de parole, pouvez-vous nous dire ce qui a motivé votre première tentative de fuite, quelques heures seulement après avoir pris ces ordonnances de non-lieu?

Encore une fois, il ne s'agit pas d'une fuite. Aussitôt après avoir pris les ordonnances, ce 17 mai 2013, les pressions qui avaient été exercées sur moi étaient telles que j'avais besoin de me retirer après les premières heures qui ont suivi la prise de ces ordonnances. Et ce jour, j'ai été en vain recherché par le chef de l'Etat. J'entendais me rendre au Nigeria pour me reposer et j'avais prévu de laisser l'un de mes portables allumé, pour suivre la suite des événements à Cotonou. Malheureusement, j'ai été arrêté à la frontière de Kraké. Je devrais préciser, eu égard à ces pressions, que je me suis porté vers l'ambassade des Etats-Unis, pour prendre, par mesure conservatoire, mon visa d'entrée aux Etats-Unis, parce que je me disais qu'en cas de problème sérieux, j'allais demander l'asile politique aux Etats-Unis. Mais ce week-end-là, comme je le précise, j'allais vraiment en week-end au Nigeria. La preuve, les policiers qui m'ont arrêté et ont fouillé d'autorité les valises que je portais, ainsi que ma voiture. Mais ils n'ont pas trouvé un billet d'avion ou tout autre document, qui aurait constitué une preuve matérielle de mon intention de me rendre aux Etats-Unis ce soir-là. Ils n'ont trouvé que des valises, ils ont compté des chemises et ont publié tout cela dans les médias, violant ainsi le droit au respect de ma vie privée. Mais je suis libre de me déplacer avec tout un camion de chemises et de pantalons. Ce n'est l'affaire de personne. Maintenant, que les gens fassent une liaison avec la décision que je venais de rendre, c'est probablement parce qu'ils pensaient que c'était un acte grave, du fait que le chef de l'Etat avait perdu. Vous savez qu'il y a un dossier dans lequel un juge a condamné Lionel Agbo. Ce juge-là, parce que cela arrangeait le chef de l'Etat, on l'a laissé se promener et aller où il voulait. Tous les week-ends, des juges, comme des citoyens ordinaires, traversent la frontière du Nigeria ou du Togo pour aller en week-end. Dans le cas présent, on a décidé d'en faire un acte extraordinaire parce que le chef de l'Etat a perdu. Il faut se dire la vérité.


Vous auriez fait l'objet de menaces de mort, après la publication de vos ordonnances. De la part de qui venaient ces menaces?

J'ai fait l'objet de menaces de mort de la part du chef de l'Etat et de ses valets. Mais il ne s'agit pas de menaces ouvertes. C'est dans les états-majors fermés du palais de la République que la question est sérieusement discutée. Le problème qu'ils ont, c'est comment trouver un caractère déguisé à mon assassinat. C'est cela qui leur a posé problème. Je suis au parfum de tout ceci. Quand on a l'information, il faut anticiper. C'est ainsi que j'ai devancé mes détracteurs, en prenant la fuite. La tentative d'assassinat du mari de ma tante, Martin Assogba, le lundi 9 décembre 2013, ne vient que corroborer une petite partie de tout ce qui se tramait sur ma personne.


Que s'est-il précisément passe à cette occasion ?

J'étais déjà aux Etats-Unis, retenu au centre de rétention, quand la presse a fait état d'informations faisant état de ce que j'étais retenu à l'aéroport JFK de New York et qu'on ignorait ma destination finale. Les populations, qui me supportent massivement à Cotonou, ont commencé à s'inquiéter par rapport à mon sort. Certains sont montés au créneau, pour menacer le gouvernement. M. Martin Assogba, qui est le président d'une ONG, faisait précisément partie de ces personnes. Il est donc monté aussi au créneau pour mettre en garde le gouvernement, au sujet de ma sécurité. Trois jours après, il a été criblé de balles par des inconnus, alors qu'il rentrait chez lui à la maison. Il se trouve aujourd'hui encore en France, où il suit des soins intensifs en rapport avec les séquelles de cette agression (…)

Source : Afrika 7

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