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Charlemagne Lokossou, coordonnateur du Psie : « Les offres de formation ne sont pas en adéquation avec le marché d’emploi»

Publié le jeudi 24 fevrier 2022  |  La Nation
Charlemagne
© Autre presse par dr
Charlemagne Lokossou, Coordonnateur du Programme spécial d’insertion dans l’emploi (Psie)
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Par Ariel GBAGUIDI,

Le Programme spécial d’insertion dans l’emploi (Psie), une initiative du président Patrice Talon, lancé en juin 2020 pour une durée de cinq ans, porte peu à peu ses fruits. Son coordonnateur, Charlemagne Lokossou, dresse ici un bilan du chemin parcouru.

La Nation : Bientôt deux ans que le Programme spécial d’insertion à l’emploi (Psie) a été lancé. Rappelez-nous son esprit.

Charlemagne Lokossou : Je voudrais avant tout, rappeler qu’il s’agit d’un programme entièrement dématérialisé. Donc, il fallait aussi que nos services techniques se préparent. Il fallait tout huiler d’abord. Disons que nous avons commencé par faire le travail pratiquement à partir d’octobre 2020. Et il s’agit d’un programme essentiellement destiné aux entreprises. Contrairement à ce que beaucoup croient, le Psie n’est pas un Programme où on recrute les jeunes qu’on va placer. Même si on doit placer 2 000 jeunes par an, c’est en réponse à la demande des entreprises. Cela veut dire que si les entreprises demandent 2 000 postes, on va pourvoir aux 2 000 postes. Si elles demandent 500 postes, on va pourvoir aux 500 postes. Mais on n’ira pas prendre 2 000 jeunes et les imposer aux entreprises. Le chef de l’Etat est très clair là-dessus : « ce n’est pas par décret qu’on crée l’emploi. C’est l’activité économique qui crée l’emploi ». Donc notre rôle essentiel était d’aller vers les entreprises et de les sensibiliser parce qu’il s’agit d’une subvention salariale pour laquelle le chef de l’Etat dit : « si vous recrutez des jeunes qui correspondent à vos besoins d’activités, l’Etat supporte le salaire pendant un an à 100 %. Il n’y aura aucuns frais pour l’entreprise mais la deuxième année, elle supportera les frais en partie». Voilà un peu le modèle qui a été mis en place. Cela suppose que ce n’est pas dans une approche de régler les crises sociales. C’est dans une approche purement économique. Et cela nous a permis de connaître les besoins des entreprises qui ne voulaient pas des diplômés génériques: Bac A, B, C, D. Etant donné que c’est en réponse aux entreprises, ce sont elles qui déclenchent le processus.
Le Programme a deux objectifs. Le premier, c’est de soutenir financièrement le salaire et les charges associées pour le compte des entreprises qui vont accepter de recruter des jeunes qui correspondent à leurs besoins d’activitéss. Le second objectif, c’est d’accompagner l’employabilité des jeunes pour qu’après les deux ans, ils puissent avoir l’expérience professionnelle qu’il faut pour voler de leurs propres ailes ou carrément trouver un emploi.

D’octobre 2020 à aujourd’hui, que peut-on retenir en termes de bilan à mi-parcours ?

A la date du 31 décembre 2021, sous réserve de ce qui va être validé par l’autorité, nous avons un total de 4 086 entreprises qui se sont inscrites mais ce ce ne sont que 442 entreprises qui remplissent les conditions d’éligibilité. L’entreprise doit être formelle, avoir l’encadrement qu’il faut, s’engager à mettre les moyens de travail à la disposition des jeunes, parce qu’il est hors de question qu’on envoie les jeunes en pâture. C’est quand même des diplômés professionnalisés !
Les 442 entreprises ont formulé au total 2 039 postes. 1 535 de ces postes ont été mis en ligne. Mais il y avait un autre souci. Beaucoup de jeunes candidats à l’emploi n’ont pas les profils que recherchent les entreprises. Par exemple, une entreprise dit qu’il faut savoir utiliser un logiciel de comptabilité si tu es comptable. Vous avez des jeunes qui ont fait Bts ou Licence en Comptabilité mais ils n’ont jamais vu un logiciel de comptabilité. Vous avez des gens en Btp qui n’ont jamais utilisé des outils de télédétection ou des sondes pour travailler dans le forage des sols. Ce n’est pas de leur faute ! Et le chef de l’Etat a vu juste en affirmant que la réforme du système de l’emploi est étroitement liée à la réforme du secteur de la formation professionnelle. Le gouvernement va inverser la tendance avec le Pag II. On quitte maintenant 70 % d’enseignement général pour migrer vers 70 % d’enseignement technique et professionnel. On ne va pas empêcher ceux qui veulent faire de la philosophie, les beaux-arts, … de le faire. C’est pourquoi on leur concède 30 % de ressources publiques en matière d’investissements. Maintenant, si quelqu’un veut faire sa chose, il peut le faire avec ses ressources privées.
Là où je veux en venir, c’est que notre offre de formation n’est pas en adéquation avec le marché de l’emploi. Mais on ne va pas s’enfermer à cette situation. C’est pourquoi on demande aux entreprises de contribuer du point de vue de la responsabilité sociale de l’entreprise, d’accompagner les pouvoirs publics. Ce qui fait que les entreprises commencent par prendre les jeunes qui viennent et qui n’ont pas une grande expérience. Et c’est déjà un effort.
Sur les 1 535 postes publiés, nous avions eu 71 000 candidatures. Ce qui veut dire que le besoin est là pour les jeunes. Maintenant, est-ce que c’est une réponse pour les entreprises ? C’est un autre débat. Nous avions évalué
9 480 jeunes en Questions à choix multiples en ligne, et 3 422 ont été présélectionnés. Ce sont eux qu’on a proposés aux entreprises qui ont sélectionné un peu moins d’un millier. Et ce sont ces personnes recrutées qui reçoivent aujourd’hui leurs salaires directement du Trésor public.
Voilà un peu les résultats. Mais je crois qu’il faut voir l’aspect qualitatif du travail. Si on s’enferme dans les chiffres, on va biaiser l’analyse. Au départ, on a eu 4 086 entreprises mais c’est seulement 10 % qui ont été jusqu’au bout du processus. Les questions sont là. Avec la crise sanitaire mondiale due à la Covid-19, certains chefs d’entreprise n’entrevoient pas, à court terme, un avenir meilleur de leurs entreprises, mais qu’à cela ne tienne, les mesures de soutien du gouvernement doivent les booster. Et si nous avons, au 31 décembre 2021, près de 37 000 entreprises inscrites et régulières, cela veut dire que si même une entreprise demandait un seul agent, on a de quoi combler le tableau.
Nous avons fait des propositions à l’autorité. Lorsqu’elle prendra les décisions, il y aura des améliorations pour que les entreprises soient plus enclines à formuler des besoins en main-d’œuvre pour que nos jeunes trouvent du travail et qu’ils apprennent à travailler pour eux-mêmes ou pour l’entreprise.

Avez-vous de bons retours de la part des entreprises d’accueil et des jeunes eux-mêmes depuis leur insertion ?

Il y a deux catégories d’opinions du côté des entreprises. Certaines entreprises nous disent qu’il y a des jeunes qui ont compris l’enjeu et qui travaillent, et qu’elles en sont contentes. Ces entreprises tournent autour de 60 %. Le reste nous dit : « les jeunes que vous nous avez envoyés, ils croient que c’est la fonction publique. Comme c’est l’Etat qui paye les salaires, ils peuvent s’absenter du travail et ils pensent qu’ils pénalisent l’entreprise, … »
La convention dit que c’est l’entreprise qui gère et nous rend compte. Ce qui veut dire qu’on peut suspendre leurs contrats, qu’on peut les licencier si les manquements relevés par l’entreprise sont vérifiés.
Au niveau des jeunes insérés dans l’emploi, il y a aussi deux tendances. Il y a ceux qui, vraiment, sont épanouis et qui apprennent. Par contre, il y a d’autres qui veulent la facilité et qui estiment que les entreprises sont trop exigeantes, qu’elles maltraitent les employés, etc. C’est vrai, il y a des brebis galeuses parmi les entreprises. Il y en a qui veulent tirer des jeunes plus qu’il n’en faut. C’est bien de le faire mais il y a une limite à ne pas dépasser.
Au niveau du Psie, ce que j’en dis, c’est que c’est la première fois de manière formelle et systématique qu’on applique un modèle d’insertion qui s’appelle: insertion par l’activité économique. Avant, c’était des mesures sociales. Donc, quand on prend ce modèle, ce n’est pas le premier jour qu’on l’a mis en place qu’on aura de bons résultats. Mais les objectifs seront atteints pour la simple raison que la mayonnaise commence par prendre. Avec le temps, avec les associations professionnelles, avec la Cci-Bénin qui est le partenaire privilégié du Psie, l’initiative commence par mieux prendre.
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