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Arrestation et condamnation de Aïvo/Me Ousman Fatiou: « Ceux qui ont rendu cette décision n’ont pas dit le droit

Publié le vendredi 15 avril 2022  |  Matin libre
Joël
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Joël Aïvo,constitutionnaliste, professeur des universités et homme politique béninois membre de L`opposition lors de lancement du Front pour la restauration de la démocratie collective
Cotonou, le 13 janvier 2021, la coalition de l`opposition ``Front pour la restauration de la démocratie collective `` mis sur les fonds baptismaux. Se regroupement vise le retour aux acquis de la Conférence nationale des forces vives de février 1990.
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15 avril 2021-15 avril 2022. Un an déjà que le Professeur Frédéric Joël Aïvo est privé de liberté. Arrêté, alors qu’il venait des cours à l’Université d’Abomey-Calavi, le constitutionnaliste, candidat recalé à la présidentielle de 2021, sera condamné à 10 ans de prison et 50 millions FCFA d’amende. L’un de ses avocats, Me Fatiou Ousman revient ici sur les circonstances de son arrestation et les charges qui ont conduit à sa condamnation.



Matin Libre : Aujourd’hui 15 Avril 2022, il y a exactement un an le Pr Frédéric Joël Aïvo, candidat recalé aux élections présidentielle de 2021 a été arrêté, alors qu’il revenait des cours à l’université. Avec du recul douze mois après, comment vous avez vécu cet événement?

Me Fatiou Ousman: En arrachant à sa famille, à ses étudiants et à ses partisans et à ses amis le Professeur Aïvo, dans ces circonstances et avec cette violence, le régime dit de la rupture a voulu encore frapper les esprits des Béninois et décourager toutes velléités de reconquête des libertés.

En s’en prenant à celui dont le courage et la volonté de défendre les Béninois et le Bénin, le seul homme du Landernau politique béninois qui a assumé son opposition face à un pouvoir, ce n’est pas que Frédéric Joël AÏVO seul qui était visé, mais tous les esprits libres et les citoyens opposés à la gouvernance depuis 5 ans.

Vous me demandez comment j’ai vécu cette arrestation et ce procès… Je pense plutôt aux proches de Joël Aïvo, à ses enfants, à sa femme, à ses parents et à ses étudiants. Je pense aux jeunes et aux moins jeunes béninois qui se trouvent désormais privés de leur espoir en cet homme politique aux convictions vissées au corps et au patriotisme inébranlable.

Je suis partagé entre une colère froide et un espoir fort car ceux qui lui font subir cette incarcération dégradante et illégale ont aussi réussi à l’installer dans le cœur des Béninois.

Nous voilà privés d’un homme d’un grand talent et d’une grande valeur pour le Bénin depuis un an.

Mais nous sommes confiants en ce que ses convictions et son refus de toutes compromissions ne vont faire que se renforcer et que dans peu de temps, quand liberté et démocratie des Béninois seront reconquis, il faudra compter sur Fréderic Joël Aïvo.

La justice accuse le constitutionaliste d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de blanchiment, et la CRIET l’a condamné en Décembre dernier de 10 ans d’emprisonnement et de 50 millions d’amende. Vous avez suivi le procès à l’époque, quels ont été vos sentiments à l’annonce du verdict ?

Ce n’est pas la justice qui est à l’œuvre mais la Politique et les politiciens en place actuellement à Cotonou qui ont voulu éliminer un concurrent de taille et un opposant sans peur.

Pour se convaincre de cette vérité, je vous renvoie aux propos du Chef d’Etat sur les antennes de RFI et de France 24 quelques jours après l’électorale du 23 mai 2021 où il a fait le procès public de ses deux concurrents, accusant l’une de porter des valises d’argent et l’autre d’annoncer que 5 ans c’était 5 ans et pas 45 ans jours de plus, octroyés par une révision constitutionnelle illégitime et annulée par la CADHP de manière incontestable.

C’est d’ailleurs clairement ce qui est ressorti de ce procès rocambolesque et indigne qui s’est tenu, à la vitesse Grand V en décembre 2021, et qui a conduit à une condamnation tout aussi inique.

Comment vous pouvez comprendre qu’un dossier d’enquête et d’instruction vide et illégal puisse conduire à une condamnation d’un homme politique ?

Comment accepter qu’alors même que les mis en cause ont clairement indiqué n’avoir jamais été en contact avec lui et n’avoir jamais reçu la moindre instruction du candidat recalé, il ait pu être retenu dans les liens d’une cause judiciaire tronquée ?

Comment peut-on nous faire avaler, à nous Béninois, qu’un dossier matériellement vide de toutes preuves de la moindre implication de Frédéric Joël Aïvo, a pu conduire à une condamnation et à un emprisonnement infamant.

Ce n’est pas de la justice ça. C’est de la brutalité politique dont des juges sont les instruments.

C’est du règlement de comptes politiques dont le furoncle juridictionnelle CRIET est le bras armé aveugle et sélectif car selon que vous êtes soutien ou non du régime, la justice vus frappera différemment.

Cette justice a inventé la culpabilité par association d’idées et par intérêts, leur motivation allant jusqu’à reprocher à un candidat déclaré et avançant sans masque qu’il ne pouvait que tirer avantage d’une prétendue opération de tentative de déstabilisation, dont on a vu en réalité qu’il n’en a jamais rien été au vu de la pauvreté des éléments matériels retrouvés chez deux des mis en cause.

C’est un scandale. C’est tout sauf de la justice. Ceux qui ont rendu cette décision n’ont pas dit le droit. Ils en assumeront aujourd’hui et demain la responsabilité devant l’histoire et devant les Béninois.

D’ailleurs, je vous renvoie aux déclarations pleines de dignité et de courage du Professeur Aïvo lors de son procès.

Ils ont voulu écarter un homme politique. Ils ont créé un Homme d’Etat. Le Bénin d’après pourra compter sur un de ces citoyens les plus dignes et patriotes, Frédéric Joël Aïvo.

Le verdict prononcé, le Pr AIVO refuse de faire appel, n’est-ce pas là, une mauvaise stratégie ?

C’est une question qui revient souvent et qui reviendrait presqu’à reprocher au condamné l’absence d’exercice des voies de recours.

Mais cette question nous renvoie à une chose simple : quel recours exercer dans un pays où la justice n’est plus rendue au nom du peuple mais pour les intérêts des puissants ?

Comment croire qu’un pays qui ne respecte pas les décisions de la CADHP puisse respecter les droits de ses citoyens et rendre une décision juste et équitable ?

Je vous rappelle que le Bénin s’est illustré depuis 2016 et s’évertue à ne plus respecter les droits des justiciables Béninois, avec l’aval d’une cour constitutionnelle dont les revirements jurisprudentiels sont véritablement des reniements du Droit. Il faut le dire sans ambages ni embarras, notre justice est politique et une justice politique ne dit pas le Droit, elle obéit aux ordres.

Le procès de Frédéric Joël Aïvo , de Reckya Madougou et de centaines d’autres citoyens libres a été fait publiquement à la télévision. Il ne faut plus rien attendre des juges de la CRIET et de sa chambre des appels.

Je ne vois dans cette décision de ne pas interjeter appel de cette inique condamnation que de la cohérence. Je n’y vois que la fidélité à ses convictions.

Je vois mal les mêmes juges de la même CRIET remettre en cause et infirmer la décision de leurs pairs. Je vais même plus loin dans mes doutes, j’en ai encore le droit, et considère que la Cour Suprême même est loin d’être impartiale.

A décision politique évidente, réaction politique assumée.

Ce dossier est politique et les béninois le savent pertinemment. Ils savent que le Professeur Aïvo subit un emprisonnement politique comme avant lui Nelson Mandela et bien d’autres vaillants combattants des libertés et libérateurs de leurs pays.

À présent que tout est consommé, qu’attendez-vous du pouvoir de Patrice Talon par rapport à au professeur Aïvo ?

Personnellement, je n’attends rien et ne demande rien à ce régime.

Je le renvoie à sa propre conscience et à sa volonté affichée de rassembler les Béninois et d’apaiser le contexte sociopolitique de notre pays.

Si les dirigeants actuels aiment le Bénin et les Béninois, comme ils le prétendent, ils savent parfaitement ce qu’ils ont à faire pour rendre à leurs familles des hommes et des femmes arbitrairement détenus.

En 2019, ils ont tenu un dialogue politique puis fait voter une loi d’amnistie. Ils savent donc ce qu’ils ont à faire.

Je répète, en Amour comme en Politique, les déclarations ne suffisent pas, seuls les actes comptent et ils savent ce qu’ils doivent faire pour apaiser notre peuple qui souffre déjà beaucoup de leur gestion fort contestable.

Vous avez les dernières nouvelles du Pr Aïvo, quel est son état d’esprit ?

Les épreuves, les obstacles, les difficultés, les menaces, les intimidations et les brimades n’ont fait que le conforter dans ses engagements pour les Béninois.

Vous ne pouvez pas imaginer les conditions dans lesquelles lui et des milliers d’autres prisonniers Béninois vivent actuellement dans la promiscuité et l’insalubrité la plus totale.

Joël Aïvo se tient fort, droit et fier.

Malgré son incarcération dégradante et inhumaine, il garde un moral d’acier car il a pour lui son innocence et l’amour des Béninois.

Il se met même au service des autres prisonniers qui le consultent sur leurs droits en prison.

C’est un fait extrêmement rare et important qu’un détenu aide les autres détenus à sortir alors que lui-même est arbitrairement détenu.

Et bien c’est cela un Homme d’Etat. C’est ce qu’est Joël Frédéric Aïvo, c’est ce qu’il est depuis longtemps mais c’est aussi ce que cette condamnation politique a révélé ou confirmé.

Voilà l’homme de valeurs et de conviction dont sa famille et les Béninois sont privés depuis douze mois désormais.

En guise de conclusion qu’avez-vous à ajouter à cet entretien ?

Je voudrais d’abord m’adresser à mon Ami Frédéric Joël Aïvo et l’inviter à ne rien lâcher de ses convictions et de sa force mentale. Je voudrais lui dire de tenir bon car il a pour lui sa conscience et son innocence.

Je voudrais lui recommander de rester digne et fier de ce qu’il est et de ce qu’il fait car son embastillement prouve qu’il était et qu’il est toujours dans le Vrai.

Nous, proches et amis, et Béninois de tous horizons sommes tristes de le voir ainsi mais lui promettons de ne pas l’abandonner. Nous comptons sur lui pour le Bénin d’après. Il peut aussi compter sur nous.

Je voudrais enfin m’adresser aux Béninois pour leur dire qu’ils ne doivent rien perdre de leur foi et de leur lucidité.

Je sais et nous savons que les Béninois ne sont pas dupes et que malgré les discours officiels et la propagande médiatique de ce régime, les Béninois les observent avec circonspection.

Je nous invite, Béninois, à nous souvenir des sacrifices consentis par les compatriotes emprisonnés pour avoir osé se dresser contre l’arbitraire.

Je nous invite, nous Béninois, à ne pas oublier ceux qui sont morts pour la patrie sous les balles meurtrières de la répression policière et militaire.

Je nous invite, tous, à ne jamais oublier qu’au-delà de Reckya Madougou et Joël Frédéric Aïvo et des centaines de prisonniers politiques, l’objectif est plus large et vise la soumission de tous.

Soyons tous mobilisés pour reconquérir notre pays, nos libertés et notre Démocratie.
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