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A la découverte de Nelly KELOME, Professeure Titulaire et Vice-Recteur de l’UAC : « Je passais des nuits au laboratoire … mais la finalité était vraiment ce qui me motivait »

Publié le vendredi 22 avril 2022  |  Fraternité
Nelly
© Autre presse par DR
Nelly KELOME, Professeure Titulaire et Vice-Recteur de l’UAC
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Le monde de la recherche scientifiquement regorge d’hommes comme de femmes amazones qui contribuent à son développement. Dans cette interview, madame Nelly KELOME, Professeur Titulaire de Géosciences et Environnement, explique son quotidien de femme universitaire, ses challenges en qualité d’enseignante-chercheure et donne quelques conseils aux femmes qui souhaitent faire carrière dans l’enseignement et la recherche.

Qu’est-ce qu’une femme scientifique ?
C’est une femme qui se consacre à l’étude des sciences avec rigueur et méthodes.

Pourquoi avez-vous choisi cette carrière ?
Parce que j’aime croire en ce que je touche et manipule. En plus je suis une femme de terrain, je suis une femme pratique.

Quel est le quotidien d’une femme scientifique ?
Une femme scientifique universitaire, comme l’homme, a des enseignements qui lui sont attribués à côté de la recherche. Vous préparez vos cours et suivez la planification de l’administration pour pouvoir donner ces cours à vos apprenants. Vous avez l’obligation, au-delà des cours, d’organiser des Travaux dirigés et Travaux pratiques. Et parallèlement, vous devez faire de la recherche. Puisque notre progression dans la carrière dépend également des publications. Vos devez répondre à des appels à projets, gagner des financements et apporter quelque chose de plus à ce qui existe pour pouvoir soulager un tant soit peu tout problème qui se pose à la communauté en fonction de votre domaine d’intervention.

Comment arrivez-vous à concilier la vie professionnelle et celle conjugale ?
Lorsque je suis à la maison, je suis la mère de mes enfants, et je joue pleinement mon rôle. Je planifie correctement, priorise les actions que je dois faire moi-même, et délègue ce que je dois déléguer.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le cadre de vos activités de recherche ?
Je peux vous dire très personnellement que le terme « difficulté » est un mot que je n’aime pas. C’est bon à utiliser mais je ne l’accepte pas tel quel. Parce que pour moi, il y a des épreuves qui se dressent devant nous. Et après chaque épreuve, on apprend. A chaque fois que je n’arrive pas à atteindre l’objectif que je me suis fixé, je crois qu’il y a un travail que je dois faire sur moi-même afin d’identifier ce qui n’a pas été fait, n’a pas bien fonctionné dans la méthodologie et ce que je dois améliorer. Donc, c’est ma technique de fonctionner, et cela m’empêche de raisonner en termes de difficulté.

Quelles sont alors les épreuves majeures auxquelles vous aviez été confrontée au cours de la préparation de votre thèse de doctorat ?
Ma thèse, je l’ai réalisée dans des conditions que je vais qualifier de favorables. Parce que j’ai fait une thèse avec financement. J’ai obtenu la bourse de l’ambassade de France pour faire une thèse en sandwich. C’est-à-dire, j’ai passé 6 mois au Bénin et 6 mois en France. J’ai fait ma thèse à l’Université de Bourgogne. Toute la partie terrain s’est fait à Cotonou puisque j’ai travaillé beaucoup plus dans cette ville. Je ne peux pas vous dire que j’ai eu des épreuves en tant que telle. Mais, avec ma moto d’alors, ma mate 50, je devrais parcourir toute la ville alors que je ne la connaissais pas entièrement. Il a fallut que je négocie avec notre technicien d’alors, monsieur Aimé Okoudjou, que je remercie encore pour sa disponibilité et tout le temps qu’il m’a accordé. On travaillait beaucoup plus les dimanches, puisqu’il est sensé être au laboratoire pour appuyer l’organisation des travaux pratiques auxquels je participais aussi. J’ai également eu l’appui de Dr Raoul Laïbi, un de mes jeunes collègues aujourd’hui, qui m’a beaucoup aidée. Avec ces deux, j’ai beaucoup plus découvert Cotonou, ce qui était une bonne aventure. Concernant la France, il fallait affronter le froid. Je crois que la passion pour la chose, le désir d’atteindre l’objectif fixé m’a permis de surmonter tout ceci. Même pour les échecs dans certaines analyses, ce qui n’a pas été bien fait, ce qui a été loupé dans la méthodologie, n’ont pas été des facteurs décourageants. Je crois aussi que j’ai eu un encadrant qui était passionné de cette recherche, et qui à chaque fois que cela ne marchait pas, me motivait à faire davantage. Il fallait reprendre des manipulations, réfléchir pour voir ce qui n’a pas marché et trouver des solutions. Et donc, je passais des nuits au laboratoire, des fois, trois jours sans rentrer chez moi. Mais la finalité était vraiment ce qui motivait : le document sera rédigé, la soutenance se fera et je serai docteur.

Après avoir réalisé ce travail, qu’est-ce qui vous a le plus marquée au niveau des résultats ?
C’est l’utilisation du carburant. La vétusté des moyens de transports que nous utilisons contribue énormément à la pollution aussi bien de l’atmosphère que des sols. L’autre point concerne l’influence du climat sur la répartition des productions agricoles à Cotonou. Les vents dominants étant de direction nord-est vers nord-ouest. Ainsi quelle que soit la taille de la population, les polluants de l’atmosphère sont concentrés au niveau du sud ouest, bien que la zone ne soit pas forcément trop habitée.

Parlez-nous un peu de vos perspectives de recherches aujourd’hui.
Il faudra noter que ma thèse s’est intéressée à deux types de pollutions : la pollution atmosphérique et celle des sols. Au niveau des sols, je me suis préoccupée aussi bien de la pollution organique que celle par les métaux lourds. Dès mon retour au Bénin, l’essentiel de mes travaux se sont beaucoup plus appesantis sur les métaux lourds. J’ai travaillé au niveau des cours d’eau et plans d’eau. Je me suis aussi bien intéressée à la pollution de l’eau qu’à la pollution des sédiments ainsi qu’à l’impact de ces polluants sur la ressource halieutique contenue dans ces eaux. Et jusque-là, je crois que ce sont les secteurs dans lesquels je compte toujours continuer à travailler. Parmi les travaux que j’ai en cours, se trouve une étude qui porte sur l’impact des activités anthropiques au niveau de la lagune côtière et une autre sur la mobilité et la biodisponibilité des polluants au niveau de la lagune de Porto-Novo. Ces études permettront d’identifier le circuit d’éventuelle contamination des crustacées et des poissons que nous consommons. Je suis dans un groupe de recherche composé des chimistes, hydrologues, microbiologistes, etc, pour travailler ensemble sur ces thématiques.

Un mot à l’endroit des femmes qui désirent embrasser la carrière de femme universitaire ?
Je les invite à donner le meilleur d’elles-mêmes, à se faire remarquer par leur travail, se fixer des objectifs nobles. Vous êtes parmi les meilleures et vous avez plus de chance de vous faire remarquer positivement par l’enseignant qui désire réellement mettre en place une équipe de recherche, et bénéficier des opportunités. Si vous êtes repérée par un enseignant, c’est que vous êtes brillante, et vous vous verrez proposer des opportunités de formation et d’étude. C’est de la sorte que le feu recteur Alidou m’a identifiée alors que j’étais en année de licence, et m’a ouvert des portes. Ce qui m’a permis de faire une maitrise, un DEA et une thèse à l’université de Bourgogne. Par ailleurs, au niveau du vice-rectorat chargée de la Coopération interuniversitaire, des Partenariats et de l’Insertion professionnelle (CIPIP), nous avons un service chargé de la veille stratégique et de mobilisation qui essaie d’aller chercher toutes les opportunités de financement de projets qui existent puis les partager avec la communauté universitaire.

Au delà de ce service de mobilisation, quelles sont les autres stratégies que vous mettez en place pour le rayonnement de l’Université d’Abomey-Calavi ?
Le poste que j’occupe aujourd’hui est chargé de coordonner toutes les activités de coopération au niveau national ou international, avec les universités et les institutions, mais aussi de s’occuper de l’insertion professionnelle. Parlant de la coopération, nous essayons de tisser des relations avec des institutions pour l’élaboration des programmes de recherche afin d’accompagner nos différents laboratoires à renforcer les équipes de recherche au niveau national ainsi que les compétences de nos enseignants et faciliter le chemin de recherche aux doctorants. Dans le domaine de l’insertion professionnelle, nous essayons d’organiser des ateliers pour informer les étudiants sur des thématiques données afin d’augmenter leurs compétences et faciliter leur insertion professionnelle. Mais le gros souci que nous avons par rapport à ce dernier objectif, c’est celui de la mobilisation. Vous imaginez que l’on signe les partenariats, les partenaires viennent mais les étudiants sont absents. Je salue au passage le président de la Fédération Nationale des Etudiants du Bénin pour le travail formidable qu’il fait dans ce sens pour mobiliser ses camarades étudiants.

Parlez-nous un peu de votre expérience avec le harcèlement sexuel en milieu universitaire ?
Le harcèlement sexuel, il faut le reconnaitre, est un mal qui existe en milieu universitaire. Les expériences ? Pas personnellement. Mais, il y a des collègues qui m’ont approché et posé des problèmes par rapport à leurs nièces ou cousines qui se retrouvent en difficulté. Le temps de recevoir certaines de ces filles et échanger avec elles, elles disparaissent. Plus tard, si vous arrivez à les croiser, elles vous expliquent que c’est déjà réglé et qu’elles ont déjà obtenu leur unité. Mais de l’autre côté, il y a une catégorie de femmes qui se dit ‘’non’’, je vais passer en année supérieure mais sans cette méthode. Donc, des filles sont capables d’utiliser ce moyen pour pourvoir obtenir ce qu’elles désirent. Je crois qu’en tant qu’enseignants, nous sommes avant tout des éducateurs. Ce sont nos sœurs, nos enfants et nous devons les aider à consolider l’éducation qu’elles ont reçue depuis leur maison, et décourager celles qui pensent que le moyen le plus facile d’obtenir son diplôme, c’est d’utiliser la voie sexuelle.

Votre mot de fin !
Le travail libère l’homme dit-on. Donnons-nous tous les moyens pour réussir ce que nous faisons. Soyons suffisamment réceptifs des avis des autres pour pouvoir nous améliorer. Ayons du temps pour recevoir et écouter les autres pour pouvoir leur apporter notre soutien si besoin en est.
Propos recueillis par Paul FANDJI (Stag)
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