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La Presse du Jour N° 2043 du 31/12/2013

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Rejet par les députés de la loi de finances gestion 2014 : la décision de la Cour constitutionnelle qui invalide le vote
Publié le mardi 31 decembre 2013   |  La Presse du Jour


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Siège de l`Assemblée Nationale du Benin


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DECISION DCC 13-171DU 30 DECEMBRE 2013
La Cour Constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 20 décembre 2013 enregistrée à son Secrétariat le 23 décembre 2013 sous le numéro 2379/188/REC, par laquelle Messieurs Gilbert BANGANA, Emile TOSSOU et Moussou MONHOUSSOU, Députés à l’Assemblée Nationale, forment un « recours en annulation du vote de la loi de finances portant budget général de l’Etat, exercice 2014 » ;
VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ;
VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Madame Marcelline-C. GBEHA AFOUDA en son rapport ;
Après en avoir délibéré,


CONTENU DU RECOURS

Considérant que les requérants exposent : « Nous,Députés signataires de la présente requête, déférons devant la Haute Juridiction la procédure ayant conduit au vote du projet de loi de finances portant budget général de l’Etat, exercice 2014, rejeté par les Députés à la séance plénière du jeudi 19 décembre 2013 par 44 voix contre, 39 voix pour. Notre requête vise l’annulation pure et simple du vote qui a conduit au rejet du projet de loi, parce qu’il est intervenu en violation des dispositions des articles 42 et 50 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale qui font bloc de constitutionnalité.
Il importe donc, avant d’aborder ces violations, de faire un rappel des faits…
Le mardi 17 décembre 2013, à dix heures cinquante minutes (10h50mn),s’est tenue au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo, sous la présidence du Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Justin Yotto SAGUI, la séance plénière consacrée à l’examen du rapport relatif au projet de loi de finances pour la gestion 2014. Faute de quorum, l’ouverture de la séance a été renvoyée à une (01) heure plus tard, conformément aux dispositions de l’article 41 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale.
Après l’ouverture de la séance à douze heures vingt-quatre minutes (12h 24mn), le Président de l’Assemblée Nationale a fait donner lecture des communications et du compte-rendu de la séance du jeudi 12 décembre 2013 qui a été lu et adopté sans amendement.
Appelant l’unique point de l’ordre du jour, le Président de l’Assemblée Nationale a demandé au Rapporteur de la Commission des Finances et des Echanges de prendre la parole pour présenter son rapport. Au cours des débats, le Président de la Commission des Finances et des Echanges a sollicité une suspension pour réunir les membres de sa Commission aux fins de connaître du contenu et des implications du nouveau décret reçu par sa Commission. La séance fut alors suspendue à quatorze heures (14h) pour reprendre à seize heures dix-huit minutes (16h 18mn). Les débats se sont poursuivis jusqu’à la demande d’une nouvelle suspension par le Député Nicaise FAGNON. Après l’avis contraire de Madame Rosine VIEYRA SOGLO, la demande de suspension a été soumise au vote et adoptée par cinquante (50) voix, six (06) contre et trois (03) abstentions. Sur ce, la séance a été suspendue le mercredi 18 décembre 2013 à zéro heure dix minutes (00h10mn).
C’est au cours de cette suspension que le Député Eric HOUNDETE et quatre (04) autres Députés ont déposé au Président de l’Assemblée Nationale leur lettre de demande d’organisation d’un scrutin secret pour le vote du Budget Général de l’Etat, gestion 2014, le mercredi 18 décembre 2013 à une heure trente-trois minutes (01h 33mn)du matin.
A la reprise à quatre heures trente-neuf minutes (04h 39mn), le Président de la Commission des Finances et des Echanges a, sur invitation du Président de séance, fait le point des concertations avec le Gouvernement au cours de la même suspension. Ce point a permis de clôturer le débat général. » ;
Considérant qu’ils affirment : « Abordant la discussion particulière, le Président de séance a demandé à la Commission des Finances et des Echanges de passerà la présentation des dispositions de la loi de finances pour la gestion 2014. Ainsi démarra la lecture du projet de loi, partie par partie.

A la fin de la présentation de la première partie du texte du projet de loi, le débat a été ouvert. A la clôture de ce débat et avant de passer au vote, le Président de l’Assemblée Nationale annonce à la plénière qu’il a été saisi d’une lettre du Député Eric HOUNDETE et quatre (04) autres de ses collègues demandant, conformément aux dispositions de l’article 57.2, le vote au scrutin secret du projet de loi en examen.
Etant donné que le projet de loi comporte trois (03) parties, le Président de séance a invité le Député Candide AZANNAI,
cosignataire de ladite lettre, à prendre la parole pour situer
davantage la plénière sur leur requête notamment si le vote au
scrutin secret doit se faire successivement sur les trois (03) parties du projet de loi ou s’il fallait attendre que l’on l’applique seulement à l’ensemble du texte de projet de loi.
Prenant la parole, le Député Candide AZANNAI a précisé que ce mode de votation sera appliqué à la phase finale du vote de
l’ensemble du texte de loi.
Sur ce point, le Député Eric HOUNDETE a indiqué sa préférence pour voir appliquer le vote au scrutin secret à toutes les étapes de la procédure, opinion partagée par la suite par le Député Candide AZANNAI.
D’autres Députés ont diversement apprécié l’application des
dispositions de l’article 57.2 du Règlement Intérieur.
Le Président demande de mettre le matériel électoral en place. Mais les débats se poursuivent. C’est dans ce contexte que le Président de l’Assemblée Nationale annonce qu’il a reçu une autre demande introduite par le Député Djibril MAMA DEBOUROU et quatre autres Députés. Cette dernière demande sollicite, sur le fondement des mêmes dispositions de l’article 57.2, l’organisation d’un scrutin public ordinaire pour le vote du budget général de l’Etat, gestion 2014.

Les deux demandes, dont l’une introduite par le Député Eric HOUNDETE et quatre (04) autres de ses collègues et l’autre introduite par le Député Djibril MAMA DEBOUROU et quatre (04) autres de ses collègues, sont toutes faites en se basant sur le même article 57.2 du Règlement Intérieur qui dispose : « En toute autre matière, et à la demande de cinq députés au moins, il est procédé par scrutin public ou par scrutin secret, sans préjudice des dispositions des articles 55 alinéa 2, 56 alinéa 3 et 64 alinéa 2 ».
A la suite de l’annonce de cette deuxième demande relative au mode de votation à appliquer pour le vote du projet de loi de finances portant budget général de l’Etat, exercice 2014, plusieurs Députés ont demandé et obtenu la parole et ont diversement apprécié son opportunité.

L’Assemblée Nationale se retrouve désormais en présence de deux demandes équivalentes, mais contradictoires dans leur mise en œuvre. A l’évidence, c’est qu’il va falloir trancher.
Ayant constaté une divergence des points de vue, le Président de l’Assemblée Nationale a suspendu la séance le mercredi 18 décembre 2013 à six heures cinquante minutes (06h 50mn) pour permettre aux deux groupes de se concerter.
A la reprise à sept heures quarante-sept minutes (07h 47mn), le Président de l’Assemblée Nationale a fait savoir que les deux requérants ont maintenu leur position.
Pour permettre aux deux (02) groupes de trouver une solution consensuelle, le Président de l’Assemblée Nationale a suspendu la séance jusqu’au jeudi 19 décembre 2013 à dix heures (10h). » ;
Considérant qu’ils poursuivent : « Le jeudi 19 décembre 2013, s’est tenue au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo, sous la présidence du Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Mathurin Coffi NAGO, la séance plénière consacrée à la poursuite de l’examen du rapport relatif au projet de loi de finances pour la gestion 2014 et des questions au Gouvernement.

Après l’ouverture de la séance, le Président de l’Assemblée Nationale a fait donner lecture des communications et du compte-rendu de la séance du mardi 17 décembre 2013. Le compte-rendu a été lu et adopté sous réserve de toutes les observations.
Après l’adoption du compte-rendu sommaire de la séance du 17 décembre 2013, le Président de l’Assemblée Nationale est revenu sur les deux demandes. Mais, au lieu d’appliquer le Règlement Intérieur «pour présenter l’état de la question et ramener l’Assemblée Nationale à cette question», comme le prescrit l’article 50 du Règlement Intérieur, le Président de l’Assemblée Nationale alourdit le débat par la mise à l’écart des règles applicables. Il déclare en substance: ‘’En faisant tout cela, ma seule motivation est de contribuer à l’unité de la Nation, de contribuer au progrès et au développement de la Nation, à la défense des intérêts de la Nation. C’est dans cet esprit que j’ai travaillé durant mon premier mandat et notamment pour apporter ma petite contribution à la stabilisation du pays et j’en suis fier. C’est aussi dans cet esprit que je travaille aujourd’hui. Au regard de mes prérogatives et au nom de mes responsabilités, et dans ma position que j’occupe en ce moment, je ne travaille pas pour un camp contre un autre. Je me dois de travailler exclusivement pour les intérêts de la Nation béninoise et je voudrais inviter chacun et tous à faire de même pour que ensemble… nous puissions véritablement défendre les intérêts de la Nation …’’ .Le Président de l’Assemblée Nationale poursuit:

«Pour en venir au dossier qui nous intéresse depuis quelques deux jours, je voudrais vous dire que les débats ont été riches, libres, totalement libres ; ce qui fait la fierté de tout béninois, de notre démocratie. Nous avons utilisé les dispositions légales, la procédure législative relative à la loi des finances. Mais aussi, nous avons fait travailler nos méninges, parce que c’est aussi de ça qu’il s’agit. Nous ne sommes pas des automates, des robots pour n’appliquer que des dispositions. Nous sommes arrivés, malgré tous ces efforts, tous ces sacrifices, à un blocage, à une situation inédite parce que pour le vote des projets de loi de finances, le mode de votation utilisé était toujours à main levée.
Cette fois-ci, un groupe de Députés, conformément à l’article 57.2 de notre Règlement Intérieur, a demandé qu’on utilise le scrutin secret. C’est tout à fait légal et conforme aux dispositions du Règlement. Mais, il y a eu une deuxième requête qui souhaite un scrutin public ordinaire. Après des discussions, vous comprenez que ce n’était pas évident de trouver une solution le plus rapidement possible.

J’ai estimé que dans une telle situation de fatigue généralisée, de fatigue intellectuelle, il importe de trouver une solution. C’est au nom d’une volonté d’apaisement, au nom d’une volonté de trouver une solution consensuelle que j’ai décidé de suspendre la séance comme les dispositions du Règlement Intérieur m’en donnent droit. Cela a été diversement interprété. Sachez tout simplement que ma seule motivation est de favoriser un terrain d’entente, le dialogue pour que nous puissions très bien terminer ce qu’on a commencé pendant deux mois. Je vous prie de retenir que la seule motivation qui m’a conduit à cette suspension, c’est celle que je viens de vous dire.

Nous sommes revenus frais et disponibles … nous avons eu 24 heures pour échanger entre nous, pour poursuivre les débats, pour tenter des rapprochements. Je m’attends que l’on puisse débloquer la situation et qu’on avance au prix d’une volonté de servir le peuple béninois. Nous avons demandé aux deux groupes d’aller échanger entre eux et de revenir nous dire la solution consensuelle… Je constate que l’objectif poursuivi en faisant la suspension n’est pas atteint… Je constate malheureusement que les deux groupes ne sont pas arrivés à un consensus. Il est de la responsabilité du Président de l’Assemblée Nationale de dire ce qu’il faut faire. Le Président de l’Assemblée Nationale ne fuira pas ses responsabilités.» » ;
Considérant qu’ils ajoutent : « A notre grand étonnement, le Président de l’Assemblée abandonne la logique de recherche de consensus, s’écarte du Règlement Intérieur en déclarant: … « Je constate qu’il y a deux requêtes:


1) le scrutin secret;

2) la seconde qui souhaite un scrutin public ordinaire.

Les dispositions de l’article 57.2 sont claires à ce sujet. Permettez-moi de constater que ces deux propositions constituent une avancée par rapport au mode de votation qui est utilisé par nous en ces circonstances. Je constate que les collègues Députés ont décidé d’aller de l’avant … Par conséquent, la suggestion du Président, c’est de faire en sorte que cette avancée soit acceptée et je demande que la plénière accepte le scrutin secret tel qu’il est proposé. L’essentiel, c’est que chacun de nous puisse utiliser son bulletin dans l’intérêt de la Nation béninoise. Nous avons suspendu pour 20 minutes, mais nous avons passé deux heures quinze minutes (02h 15 mn). C’est largement suffisant, j’imagine, pour que chacun puisse mobiliser les siens. Tout à l’heure, nous avons retenu le scrutin secret. Je voudrais préciser une chose. Ce n’est pas le Président qui a décidé le scrutin secret. C’est les textes qui en disposent ainsi… Nous avons des textes, nous devons respecter les textes pour chercher le consensus. Si on ne trouve pas un consensus, c’est les textes qui parlent. Si nous ne voulons pas que les dispositions soient appliquées, changeons-les.Nous devons à présent procéder à l’adoption de ces parties.»
Ainsi se présentent les faits qui ont conduit à l’organisation du vote de la loi de finances pour la gestion exercice 2014. Ces faits constituent une violation flagrante du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale. » ;
Considérant que les requérants développent : « … Le droit commun veut que les Assemblées votent à main levée et par assis et levé. L’article 56.1 du Règlement Intérieur consacre ce vote en ces termes :
« L’Assemblée Nationale vote normalement à main levée en toute matière, sauf pour les nominations personnelles.». L’article 56.2 ajoute: « En cas de doute sur le résultat du vote à main levée, il est procédé au vote par assis et levé ;si le doute persiste, le vote par scrutin public ordinaire est de droit.»
Un point capital sur lequel il faut insister est la confirmation de ce vote par le Président de l’Assemblée Nationale en ces termes: ‘’…Nous sommes arrivés, malgré tous ces efforts, tous ces sacrifices à un blocage, à une situation inédite parce que pour le vote desprojets de loi de finances, le mode de votation utilisé était toujours à main levée.» … Dès lors, en présence de deux propositions, le Président n’avait pas à choisir mais à consulter la plénière sur le choix à opérer.

Le vote au scrutin public ordinaire présente un gros avantage en démocratie. Dans une fonction de représentation, il oblige chaque Député à montrer au peuple son choix, notamment sur la politique budgétaire à mettre en œuvre à travers la loi de finances. Cela dissuade également le votant à voter suivant son intérêt personnel qui serait contraire à celui de la Nation qu’il est censé représenter. Le vote au scrutin secret est utilisé généralement pour les désignations personnelles comme par exemple l’élection à une fonction politique (Président de la République, Député, Conseiller Communal ou Municipal…), le choix des Représentants du Parlement, etc… Le scrutin secret n’est donc qu’une dérogation à la procédure normale etordinaire. » ; qu’ils font observer : « Les pouvoirs que la loi donne au Président de l’Assemblée Nationale sont fixés de façon limitative par l’article 42 du Règlement Intérieur en ces termes :

« Le Président de l’Assemblée Nationale :
- dirige les débats ;
- donne la parole ;
- met les questions aux voix ;
- proclame les résultats des votes ;
- fait observer le Règlement Intérieur et maintient l’ordre ;
- suspend ou lève à tout moment la séance ;
- indique, après avoir consulté l’Assemblée, la date et, s’il y a lieu,l’ordre du jour de la séance suivante ;
- arrête toute intervention soit de sa propre initiative soit sur une motion de procédure ou d’ordre soulevée par un membre de l’Assemblée Nationale.’’.
Le législateur n’a pas établi une règle élastique dont l’application par le Président est susceptible de modalités variables. Au lieu de s’en tenir à l’application stricte du Règlement Intérieur, notamment de l’article 42, le Président de l’Assemblée Nationale déclare : ‘’ Nous avons fait travailler nos méninges, parce que c’est aussi de ça qu’il s’agit. Nous ne sommes pas des automates, des robots pour n’appliquer que des dispositions.»
Pour notre part, le Président de l’Assemblée Nationale est tenu par la règle de droit et quand il n’y a pas de solution pour un problème qui est posé, le Président de l’Assemblée Nationale peut combler la lacune. Or, dans le cas précis, la solution existe. Elle est prévue par l’article 42 du Règlement Intérieur qui demande au Président d’engager le débat et de mettre aux voix les deux propositions de Eric HOUNDETE et de Djibril MAMA DEBOUROU.
Le sort réservé à la proposition de Djibril MAMA DEBOUROU est significatif. Il témoigne de la farouche détermination du Président de choisir, malgré ses dénégations, un camp contre un autre. Ainsi, l’exercice du pouvoir législatif se réduit à la volonté du Président de l’Assemblée Nationale de choisir à la place de la plénière et pour la plénière. De ce fait, il confisque la souveraineté de la plénière. » ;
Considérant que poursuivant leur analyse, les requérants Gilbert BANGANA, Emile TOSSOU et Moussou MONHOUSSOU écrivent : « L’article 50 alinéa l du Règlement Intérieur dispose : ‘’ Le Président de l’Assemblée Nationale ne peut prendre la parole dans un débat que pour présenter l’état de la question et ramener l’Assemblée Nationale à cette question’’. Au lieu de présenter l’état de la question et de se limiter à cette prérogative, le Président de l’Assemblée Nationale intervient pour imposer son choix en ces termes : ‘’ Je demande que la plénière accepte le scrutin secret tel qu’il est proposé. L’essentiel, c’est que chacun de nous puisse utiliser sonbulletin dans l’intérêt de la Nation béninoise.» …
Si le Président de l’Assemblée Nationale est libre d’intervenir
personnellement et en tant que Député dans un débat, il doit le faire conformément aux dispositions de l’article 50 alinéas 2 et 3 qui disposent : ‘’ Toutefois, s’il désire intervenir personnellement dans un débat, ilquitte le fauteuil et ne peut le reprendre qu’après la conclusion dudit débat.

Il yest alors remplacé par l’un des Vice-Présidents’’.
Le Président de l’Assemblée Nationale devrait ‘’quitter le fauteuil du Président de l’Assemblée Nationale’’ et proposer le choix qu’ilsouhaite en sa qualité de Député. Faute d’appliquer cette disposition, il y a lieu de constater que le Président de l’Assemblée Nationale a violé les règles de l’article 50 alinéas 2 et 3. Le législateur ne confère pas au Président de l’Assemblée Nationale un pouvoir discrétionnaire pour choisir entre deux propositions et pour suggérer à la plénière le scrutin secret. La liberté de choix revient entre ces deux propositions exclusivement à la plénière souveraine. Dans cette perspective, on retiendra que la volonté du Président de l’Assemblée Nationale est de ne pas appliquer les dispositions du Règlement Intérieur. » ;
Considérant que par ailleurs, les requérants expliquent qu’il y a violation de la pratique parlementaire et développent : « Lorsqu’il y a un blocage, le Bureau de l’Assemblée Nationale, lesgroupes parlementaires, et même la Conférence des Présidents sont des structures de base de travail et de direction de l’Institution parlementaire puisque c’est à partir de ces structures et non des débauchages de Députés que sont constitués les organes de travail et d’aide à la décision de l’Assemblée Nationale. On ne comprend à quel dessein le Président de l’Assemblée Nationale n’a pas voulu consulter ces structures. Dans cette perspective, on retiendra la volonté du Président de l’Assemblée Nationale d’opter pour un camp contre un autre. Dès lors, tout s’éclaire d’un jour nouveau. Ecoutons le Président de l’Assemblée Nationale : ‘’…Tout à l’heure, nous avons retenu le scrutin secret. Je voudrais préciser une chose. Ce n’est pas le Président qui a décidé le scrutin secret. C’est les textes qui en disposent ainsi…Nous avons des textes, nous devons respecter les textes pour chercher le consensus. Si on ne trouve pas un consensus, c’est les textes qui parlent. Si nous ne voulons pas que les dispositions soient appliquées, changeons-les.»…
Faute de recourir à la pratique parlementaire dont il maîtriseparfaitement les rouages, le Président de l’Assemblée Nationale adélibérément choisi de rejeter pour la circonstance cette pratiquequi lui a permis, durant tout le cours de la cinquième législature, de resserrer les rangs, d’éviter la destitution orchestrée de façon injuste contre sa personne par l’opposition parlementaire. A aucun moment et dans aucun pays, le vote du budget général de l’Etat ne se fait au scrutin secret parce que le vote de la loi definances est une pièce maîtresse de l’activité et de la vieparlementaires. C’est à cette occasion que chaque Députétémoigne de sa fidélité à sa mission de Représentant du Peuple. Levote introduit une nouvelle dimension en matière d’éthique et demorale. C’est pourquoi, il est souhaitable de ne pas faire du scrutin secret un choix pour le vote de laloi de finances afin que l’exception sous d’autres cieux de démocratie avancée ne devienne chez nous la règle. » ;

Considérant qu’ils concluent : « Dans notre environnement très vulnérable à la corruption, le rôle historique de rempart que joue la Haute Juridiction entretient encore l’espoir de lendemain meilleur pour le Peuple béninois. Soucieux de préserver les prérogatives du Parlement, les Députéssignataires de la présente requête vous prient de déclarer que la procédure suivie pour le vote de la loi de finances constitue une violation du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale. » ; qu’ils demandent en conséquence à la Cour de constater que le Président de l’Assemblée Nationale a violé les dispositions des articles 42 et 50 du Règlement Intérieur et d’instruire en conséquence le Parlement béninois aux fins de reprendre dans les meilleurs délais le vote du projet de loi des finances exercice 2014, conformément à la pratique universelle reconnue par le monde libre auquel notre pays, par sa démocratie, s’efforce d’appartenir;


INSTRUCTION DU RECOURS

Considérant qu’une mesure d’instruction a été initiée le 24 décembre 2013 en direction du Président de l’Assemblée Nationale lui demandant de « faire parvenir diligemment » à la Haute Juridiction ses « observations ainsi qu’une copie du compte-rendu des débats parlementaires de la période du 17 au 19 décembre 2013 » ; qu’en raison de l’urgence liée à la nécessité de régler le problème de vote du budget avant le 31 décembre 2013, la Lettre de rappel n° 1525 lui a été adressée le 28 décembre 2013, sollicitant la réponse à la mesure d’instruction pour le lundi 30 décembre 2013 à onze (11) heures au plus tard ;
Considérant que dans sa Réponsen° 2013-121/AN/Pt/SP-C du 30 décembre 2013 reçue à la Cour le même jour à 11h 40mn, le Président de l’Assemblée Nationale, Professeur Mathurin Coffi NAGO, écrit: « J’accuse réception de votre correspondance citée en première référence qui m’est parvenue dans la soirée du mardi 24 décembre 2013.
Dès lors, j’ai instruit les transcripteurs aux fins de m’élaborer, tous travaux cessants, le compte-rendu intégral des débats parlementaires de la période du 17 au 19 décembre 2013. Ceux-ci ont travaillé même le jour de Noël et le week-end. Mais les débats ayant été longs, le compte-rendu ne pourra être disponible que ce jour lundi 30 décembre 2013.
En conséquence, toutes les diligences seront faites pour vous le faire parvenir, accompagné de mes observations, ce jour à 18 heures au plus tard au lieu de 11 heures comme souhaité dans votre correspondance citée en deuxième référence, parvenue à mon secrétariat il y a quelques instants. » ;
Considérant que dans la réponse parvenue le même jour à 17h 26mn, le Président de l’Assemblée Nationale, Professeur Mathurin Coffi NAGO, écrit : «… B. Le choix du mode de scrutin :
L’étude particulière du projet de loi de finances, gestion 2014 devant déboucher sur le vote des différentes parties du texte de loi et par la suite de l’ensemble du texte, j’ai informé la plénière du dépôt, le 18 décembre 2013 à 1H33mn (au petit matin) à mon secrétariat, d’une demande de cinq (05) députés pour l’organisation d’un scrutin secret pour le vote dudit budget.
En effet, se fondant sur les dispositions de l’article 57.2 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les députés HOUNDETE Eric, HONFO Charlemagne, FAGBOHOUN Séfou, FIKARA Sacca et AZANNAI Candide ont sollicité l’organisation d’un scrutin secret pour le vote dudit budget …
Ladite demande étant de droit, j’ai, après cette annonce, interrogé les auteurs sur le contenu réel de leur demande: s’agit-il pour eux de faire appliquer le scrutin secret à toutes les étapes du vote ou seulement à l’étape de l’adoptionde l’ensemble du texte, l’examen du projet de loi se faisant partie par partie ?
Après des échanges sur la question, l’unanimité a été faite sur l’application du vote secret à toutes les étapes de l’examen du projet de loi. A la lumière de cette option, la plénière tendait vers une suspension de la séance aux fins de permettre à l’administration parlementaire de mettre en place le matériel de
vote …
C’est à ce moment précis que j’ai reçu au perchoir une demande manuscrite de cinq (05) autres députés que sont Djibril MAMA DEBOUROU, Karimou CHABI-SIKA, Nouréni ATCHADE, Gaston YOROU et Gansé R. BIO KANSI enregistrée à mon secrétariat particulier à 06H09mn … sollicitant
l’organisation d’un scrutin public ordinaire sur le fondement de l’article 57.2 durèglement intérieur. J’en ai immédiatement informé la plénière. Cette correspondance a suscité diverses réactions. A travers ces réactions, j’ai noté deux grandes tendances: l’une qui indiquait que cette nouvelle demande n’est pas recevable et l’autre qui affirmait qu’une telle mesure est de droit et est en conséquence valable.
Face à cette situation de mésentente, j’ai demandé aux deux groupes d’entreprendre des échanges pour une solution consensuelle. En application de l’article 42 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, j’ai alors suspendu d’autorité la séance ce 18 décembre 2013 aux environs de huit (08) heures jusqu’au jeudi 19 décembre 2013 à dix (10) heures pour faciliter la concertation.
A la reprise, le jeudi 19 décembre 2013 à douze heures trente-deux minutes (12H32mn) j’ai, en application des dispositions de l’article 50 du règlement intérieur, fait, dans un premier temps, le point de la question en discussion, en insistant en particulier sur mon rôle et les objectifs du consensus recherché…
Après cette clarification, j’ai donné la parole aux représentants des deux groupes qui ont formulé des demandes sur le mode de scrutin à appliquer. De leurs interventions, il ressort qu’aucune concertation n’a eu lieu. C’est donc sur le constat d’impasse que j’ai fait «la suggestion à la plénière» d’accepter l’utilisation du scrutin secret pour le vote du budget général de l’Etat, gestion 2014, en application des dispositions de l’article 57.2 et tenant compte de l’antériorité de la demande relative à ce mode de scrutin…
N’ayant enregistré aucune opposition majoritaire formelle à cette suggestion, la séance a été suspendue pendant près de cent quarante (140) minutes, soit deux heures vingt minutes (au lieu des vingt (20) minutes initialement prévues), pour permettre non seulement la mise en place du matériel de vote, mais également au groupe du député MAMA DEBOUROU de se concerter éventuellement. A la reprise, aucune objection n’a, non plus, été enregistrée, même de la part des députés MAMA DEBOUROU et CHABI SIKA, deux des auteurs de la deuxième demande relative au mode de scrutin public ordinaire.C’est donc sur le consentement de la plénière que le vote a été engagé et conduit jusqu’à son terme. » ;
Considérant qu’il poursuit : « Les faits ci-dessus rappelés appellent de ma part certaines observations et réponses face aux allégations des requérants et ce, au regard des dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée nationale…
A. De l’irrecevabilité irréfragable de la deuxième requête
Contrairement à ce que soutiennent vainement les requérants, il n’a jamais été soumis au débat deux demandes; cela n’aurait jamais été possible. Ainsi qu’il se dégage de la chronologie des faits, la plénière n’a débattu que de la requête introduite par cinq (05) députés le 18 décembre à 01H33mn comme indiqué plus haut. C’est bien après, soit à 06H09mn, que cinq (05) autres députés ont fait enregistrer à mon Secrétariat Particulier, alors que j’étais en plénière, une requête en contradiction avec la première en ce qu’elle vise en dernière analyse à remettre en cause le scrutin secret déjà retenu par la plénière faisant droit aux premiers requérants. Visiblement, cette introduction d’une requêtetardive à un moment où la plénière a accédé au mode de scrutin secret procède d’un dilatoire et d’une manœuvre de ses auteurs tendant à faire revenir in extremis la plénière sur sa décision prise quelques heures plus tôt. A tout point de vue, cette requête impromptue postule par ailleurs d’un abus de droit. Enfin, il est constant que la plénière, dès l’annonce de cette seconde requête, a focalisé le débat sur la recevabilité de cette dernière. Dès lors qu’aucun consensus n’a été obtenu sur la question, il m’appartenait tout simplement de faire valoir le droit. Ce qui fut fait. Donc, c’est à tort que les requérants arguent de la violation de l’article 42 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale en ce sens que l’état des débats sur le choix du mode de scrutin relatif au vote du budget 2014 n’a jamais abouti à la mise aux voix des questions. Il ne pouvait en être autrement puisque l’article 57.2 du règlement intérieur en fait une question « de droit»…
C’est également à tort que les requérants soulèvent la violation de l’article 50 du règlement intérieur notamment en ses alinéas 2 et 3 en excipant certains de mes propos et en les présentant dans une chronologie inexacte et ce, dans le seul dessein de justifier leur requête.
En effet, ainsi que les requérants l’ont rapporté, aucun de mes propos dans ce débat ne saurait être considéré ou interprété comme une intervention au sens des dispositions de l’article 50 du règlement intérieur évoqué.
A ce titre, n’est-ce pas présenter l’état de la question et ramener l’Assemblée nationale à cette question que de demander à la plénière de s’en tenir au mode de scrutin proposé? En quoi cette observation peut-elle être traitée ou retenue comme une intervention personnelle du Président de l’Assemblée nationale ? …
En tout état de cause, votre Haute Juridiction ne laissera pas tromper sa religion par ce renvoi abusif à cet article 50 du règlement intérieur, en ce sens que les requérants n’ignorent pas que l’article 17.1-c du même règlement intérieur confère au Président de l’Assemblée nationale la « haute direction des
débats». Il va sans dire que cette disposition engage le Président à « diriger» les débats. A cet effet, le dictionnaire renseigne sur le verbe «diriger» en précisant que «c’est avoir la responsabilité du fonctionnement, de la gestion de ; commander, régler le déroulement de ; orienter … « (Le Petit LarousseGrand Format, 100ème édition, p. 369).
Comme votre Juridiction le constatera, le Président de l’Assemblée nationale, tout au long des débats en cause, n’a jamais usé de ses prérogatives au perchoir pour imposer son choix personnel à la plénière. A cet égard, le passage de mes propos fort heureusement rapporté par les requérants est sans
équivoque: « Tout à l’heure, nous avons retenu le scrutin secret. Je voudrais préciser une chose. Ce n’est pas le Président qui a décidé le scrutin secret. C’est les textes qui en disposent ainsi…Nous avons les textes, nous devons les respecter (…). Si on ne trouve pas un consensus, c’est les textes qui parlent. Si nous ne voulons pas que les dispositions soient appliquées, changeons-les … ».
Au total, ni la plénière, encore moins le Président de l’Assemblée nationale, n’a violé le règlement intérieur en accédant à la première requête en ce qu’elle a proposé le mode de scrutin secret pour le vote du budget 2014…
Enfin, il est indiscutable que la seconde requête, tardive et impromptue, est radicalement irrecevable étant entendu qu’elle viole un principe acquis. » ;
Considérant qu’il ajoute : « B- Des violations alléguées de la pratique parlementaire
… Par ailleurs, indépendamment du fait que la deuxième requête est écartée et n’est pas recevable après l’acceptation de la première par la plénière comme indiqué ci-dessus, j’ai pris soin dans ma synthèse de suggérer à la plénière d’accepter le scrutin secret comme mode de vote. La plénière n’y a trouvéaucune objection, reconnaissant ainsi le bon droit de la première demande. En conséquence, sur la décision du mode de scrutin choisi, la plénière n’a fait qu’accepter l’application du droit tel que défini par le règlement intérieur. Je n’en veux pour preuve que la participation de tous les députés au scrutin comme en témoignent les résultats du vote.
C’est le lieu de repréciser les pouvoirs du Président de l’Assemblée nationale. En effet, l’article 17.1-c du Règlement intérieur dispose que « le Président a la haute direction des débats». Or, «diriger, c’est avoir la responsabilité du fonctionnement, de la gestion de ; commander; régler le déroulement de ; orienter … « » (Le Petit Larousse, Grand Format, 100è éditionp.369).
De ce point de vue, toutes les démarches que j’ai entreprises durant la période ne visaient que le consensus, même si elles apparaissaient aux yeux de certains comme de la complaisance…
Il est curieux que les requérants dans leurs efforts de justification, s’appuient sur le concept de «témoignage de fidélité» à la mission d’un député, concept qui n’a aucun fondement juridique. Dans ce cadre, votre Haute Juridiction en déclarant irrecevable leur demande leur rappellera que:
1 – aux termes des dispositions constitutionnelles en vigueur enRépublique du Bénin, le représentant du peuple n’est soumis à aucun mandat impératif. De même, il n’est sujet à aucune obligation de témoignage de fidélité à sa mission de député lors du vote du budget de l’Etat.
2 - étant électeur à l’occasion de tout vote à l’Assemblée, à l’instar de toute élection en démocratie, deux règles doivent être observées au profit du représentant de la Nation, à savoir:
- la garantie de sa liberté;
- l’assurance de la sincérité du scrutin.
De ce point de vue, le secret de vote reste le plus démocratique dans les systèmes démocratiques de type libéral.
En définitive, il convient d’éviter une violation des normes
constitutionnelles en s’acharnant contre le scrutin secret au nom d’une certaine transparence ou d’une fallacieuse exigence morale et éthique.
En conséquence, il y a lieu de déclarer infondée leur requête en cette articulation. » ;
Considérant que le Président de l’Assemblée nationale fait observer : « A – Sur l’application antérieure des dispositions de l’article 57.2 du règlement intérieur :
Les requérants dans leur démarche ont fait croire que le mode appliqué est inédit et que le mode de scrutin habituellement utilisé est la main levée. A titre de rappel, l’histoire retiendra qu’à la troisième législature de l’Assemblée nationale, pour la ratification des commissions permanentes par l’Assemblée nationale, le député Maxime HOUEDJISSIN et quatre autres ont sollicité l’application de l’article 57.2 du règlement intérieur (Séances plénières des 17, 20 et 28 mai 1999).
B – Sur la notion du bloc de constitutionnalité
Les requérants tentent en réalité à faire apprécier par la Haute Juridictionla violation du règlement intérieur. La Cour n’a admis la recevabilité des recours fondés sur la violation du règlement intérieur qu’avec une grande nuance. La Cour précise en effet que « Les articles du règlement intérieur ne font partie du blocde constitutionnalité que s’ils constituent la mise en œuvre d’une disposition constitutionnelle ou à valeur constitutionnelle» (Décision DCC 01-013 du 29 janvier 2001, SannyBabatoundé, Rec. 2001, p. 69).
De ce point de vue, il me paraît évident que les articles 42 et 50 du règlement intérieur ne concourent à la mise en œuvre d’aucune disposition constitutionnelle.
C – La notion de « sans préjudice » contenue dans l’article 57.2.
L’argumentaire soutenu par les requérants tend à s’interroger sur le sensprofond de l’expression «sans préjudice» employée dans les dispositions de l’article 57.2.
Dans le langage juridique, «sans préjudice» est une expression couramment employée dans les textes de loi pour indiquer que la règle posée laisse intégralement subsister telle autre disposition (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, p. 706) » ;
Considérant qu’il conclut : « Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de dire que :
1-la Haute Juridiction n’est pas compétente pour apprécier la violation des articles 42 et 50 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;
2 – la première demande relative au scrutin secret est recevable et s’impose à la plénière en ce qu’elle est une exigence des droits et libertés reconnus par la Constitution et qu’elle reste conforme à l’article 57.2 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale;
3 -la deuxième demande est tardive, impromptue, radicalement sans objet et donc irrecevable;
4- le scrutin secret est conforme à la Constitution;
5 – le Président de l’Assemblée nationale n’a pas violé le règlement intérieur dans la conduite des débats, lors de l’examen du projet de loi de finances, gestion 2014 ;
6- le vote émis le 19 décembre 2013 est conforme aux dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. » ;
ANALYSE DU RECOURS
Considérant qu’aux termes de l’article 109 de la Constitution : « L’Assemblée Nationale vote le projet de loi de finances dans les conditions déterminées par la loi. … » ; que les dispositions des articles 53 à 59, 94 à 97 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale concernent les modes de votation à l’Assemblée Nationale et la procédure relative aux lois de finances et constituent la mise en œuvre de celles de l’article 109 précité de la Constitution ; qu’il en résulte qu’elles font par conséquent partie intégrante du bloc de constitutionnalité ; que dès lors, la haute Juridiction est compétente pour connaître de leur violation ;
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que lors du processus devant conduire au vote de la loi de finances exercice 2014, après les débats et à l’étape des votes, deux groupes de Députés, se fondant sur les dispositions de l’article 57.2 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, ont proposé deux modes de votation différents, à savoir, le scrutin secret pour le premier groupe et le scrutin public ordinaire pour le second ; que face au blocage entraîné par la position irréductible des deux groupes, le Président de l’Assemblée Nationale a estimé y mettre fin en suggérant à la plénière « d’accepter l’utilisation du scrutin secret pour le vote du budget général de l’Etat, exercice 2014 » ; qu’à l’issue du scrutin secret ainsi mis en œuvre, la loi de finances exercice 2014 a été rejetée le jeudi 19 décembre 2013 par l’Assemblée Nationale par 44 voix contre et 39 pour ;
Sur la procédure suivieet le vote :
Considérant que l’article 55 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, qui traite des ‘’Différentes formes d’expression du vote’’, édicte en ses points 1 et 2 : « Les votes s’expriment soit à main levée, soit par assis et levé, soit au scrutin public ordinaire, soit au scrutin public à la tribune, soit au scrutin secret.
Toutefois, lorsque l’Assemblée doit procéder à des nominations personnelles, le scrutin est secret. » ;
Considérant que les points 1, 2 et 3 de l’article 56 relatif aux ‘’Modes ordinaires de vote’’ énoncent : Article 56.1 : « L’Assemblée nationalevote normalement à main levée en toute matière, saufpour lesnominations personnelles. » ; Article 56.2 : « En casde doute sur le résultat du vote à main levée, il est procédé au vote par assis et levé ; si le doute persiste, le vote par scrutin public ordinaire est de droit. » ; Article 56.3 : « Toutefois, lorsque la première épreuve à main levée est déclarée douteuse, le Président peut décider qu’il sera procédé par scrutin public ordinaire. » ;
Considérant que l’article 57relatif au ‘’Scrutin public et au scrutin secret’’ indique en ses points 1 et 2 : « Sans préjudice des dispositions de l’article 186 ci-dessous, il est procédé par scrutin public à la tribune ou par scrutin secret à la tribune dans tous les cas où la Constitution exige une majorité qualifiée.
En toute autre matière et à la demande de cinq (5) députés au moins, il est procédé par scrutin public ou par scrutin secret, sans préjudice des dispositions des articles 55 alinéa 2, 56 alinéa 3 et 64 alinéa 2. » ; queces articles ainsi visés énoncent respectivement :
Article 55 alinéa 2 : « Toutefois, lorsque l’Assembléedoit procéder à des nominations personnelles, le scrutin est secret. » ;
Article 56 alinéa 3 : « Toutefois, lorsque la première épreuve à main levée est déclarée douteuse, le Président peut décider qu’il sera procédé par scrutin public ordinaire. » ;
Article 64 alinéa 2 : « La censuresimple et la censureavecexclusion temporaire sontprononcées sur proposition du Président de séance, par l’Assemblée nationale, à la majorité des deux tiers des membres présents et au scrutin secret. » ;
Considérantqu’il résulte de la lecture combinée et croisée de ces dispositions que l’Assemblée Nationale vote normalement à main levée en toute matière, sauf dans les cas spécifiquement énumérés ci-dessus et à la demande de cinq députés au moins ; que s’il est généralement admis que le vote soit secret pour préserver la liberté de l’électeur et le soustraire à d’éventuelles pressions, le législateur a voulu, en matière de vote au Parlement, que les élus expriment leur vote publiquement, sauf pour les nominations personnelles et les cas de censure ; qu’en effet, bien que leur mandat ne soit pas impératif, cette procédure de scrutin public permet au Peuple, unique détenteur de la souveraineté, de connaître les choix effectués en son nom par ses Représentants et de s’assurer que ces choix sont conformes à l’intérêt général et ainsi pourrait-il leur renouveler ou non sa confiance à la fin de leur mandat ; que la pratique du scrutin public par l’Assemblée Nationale participe donc d’une exigence fondamentale de la démocratie et est en parfaite adéquation, non seulement avec celle des grandes démocraties, mais aussi avec la doctrine constante pour laquelle l’adoption du budget par le Parlement s’effectue par un vote public ;
Considérant qu’il est établi que la loi de finances ne relève pas des cas spécifiés par le législateur pour lesquels l’Assemblée Nationale peut procéder par un scrutin secret ; que le Parlement béninois l’a si bien compris que, depuis le Renouveau démocratique, les différentes législatures qui se sont succédées n’ont utilisé pour le vote de la loi de finances que le scrutin public, ainsi que l’a rappelé le Président de l’Assemblée Nationale lui-même lorsqu’il a déclaré lors des débats le jeudi 19 décembre 2013 : « …nous sommes arrivés à une situation inédite. Inédite parce que pour le vote des projets de loi et notamment des projets de loi de finances, le mode de votation utilisé était souvent, toujours, un vote à main levée… » (cf. compte rendu intégral des débats parlementaires de la séance du jeudi 19 décembre 2013, page 7) ; que par ailleurs, en affirmant dans sa réponse à la mesure d’instruction que « l’histoire retiendra qu’à la troisième législature de l’Assemblée nationale, pour la ratification des commissions permanentes par l’Assemblée nationale, le député Maxime HOUEDJISSIN et quatre autres ont sollicité l’application de l’article 57.2 du règlement intérieur (séances plénières des 17, 20 et 28 mai 1999) », le Président de l’Assemblée Nationale confirme que le scrutin secret n’est utilisé que pour les nominations personnelles ; qu’en effet, dans le cas évoqué, il s’agissait bien de nominations personnelles faites conformément aux dispositions des alinéas 1 et 2 de l’article 31du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale qui indiquent : « 31.1 : Chaque groupe parlementaire présente au bureau la liste de ses candidats aux différentes commissions en veillant à ce qu’elle soit proportionnelle à la représentativité du groupe au seinde l’Assemblée.
Les députés non- inscrits présentent leur candidature à la commission de leur choix… ; 31.2 : La liste ainsi établie est soumise à la ratification de l’Assemblée » ;
Considérant que dans le cas d’espèce, deux groupes de Députés ont fait l’option d’user de l’alternative proposée par les dispositions de l’article 57 alinéa 2 du Règlement Intérieur ; qu’un premier groupe composé des Députés Eric HOUNDETE et quatre autres a demandé, sur le fondement dudit article 57.2, un vote secret ; qu’un second, formé par les Députés Djibril MAMA DEBOUROU et quatre autres, a, sur le même fondement textuel, formulé la demande d’un scrutin public ordinaire ; que le Président de l’Assemblée Nationale, pour résoudre la difficulté ainsi créée par les deux positions, a suggéré à la plénière l’utilisation du scrutin secret ;
Considérant que l’article 57.2 du Règlement Intérieur ci-dessus cité dispose qu’en toute autre matière et à la demande de cinq (5) Députés au moins, il est procédé par scrutin public ou par scrutin secret, sans préjudicedes dispositions des articles 55 alinéa 2, 56 alinéa 3 et 64 alinéa 2 ; que selon le dictionnaire Le Robert 2012, page 2002, le membre de phrase « sans préjudice de » signifie « sansporter atteinte à » ; que dans l’ouvrage ‘’Le Vocabulaire Juridique’’ de Gérard CORNU, éditions PUF, Paris, juillet 2012, page 782, il est mentionné que « l’expression est couramment employée dans les textes de loi pour indiquer que la règle posée laisse intégralement subsister telle autre disposition ». ; que le Lexique des Termes Juridiques, 20ème édition 2013, Dalloz, Paris,page 830, définit l’expression « sans préjudice de » comme une « formule souvent employée dans des textes ou dans des conventions signifiant : ‘’sans faire obstacle à’’ » ; que, de fait,pour la loi de finances, les modes de votation prévus par l’article 57.2 sur lesquels sont fondées les demandes des deux groupes ne sauraient être mis en œuvreque pour autant qu’ils sont cumulés avec ceux prévus à l’article 56.3 du même Règlement Intérieur ; qu’ainsi, le mode de votation de la loi de finances exercice 2014 doit incontestablement être celui prévu à l’article 56 du Règlement Intérieur, le scrutin secret n’étant réservé qu’aux cas prévus aux articles 55 alinéa 2 (nominations personnelles) et 64 alinéa 2 (censures de Député) ; qu’en conséquence, la procédure de vote de ladite loi, pour n’avoir pas suivi ces dispositions qui constituent la mise en œuvre de la Constitution, n’est pas conforme au Règlement Intérieur et par conséquent, viole la Constitution ; que, dès lors, le vote intervenu le jeudi 19 décembre 2013 doit être déclaré nul et de nul effet ;
Sur la demande de reprise du vote de la loi de finances
Considérant qu’aux termes des articles 96 et 99 alinéa 1 de la Constitution : « L’Assemblée Nationale vote la loi et consent l’impôt. » ; « Les lois de finances déterminent les recettes et les dépenses de l’Etat. » ; que selon l’article 114 de la même Constitution : « La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » ;
Considérant que le vote de la loi de finances exercice 2014 doit intervenir le 31 décembre 2013 au plus tard ; qu’il y a lieu pour la Cour, en vertu de l’article 114 de la Constitution précité qui consacre son rôle d’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, de dire et juger, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par les requérants, que l’Assemblée Nationale doit prendre toutes les dispositions pour voter impérativementladite loi dans le délai, et ce, conformément aux dispositions de l’article 56 du Règlement Intérieur de l’Institution ;
D E C I D E:
Article 1er.-La procédure suivie pour le vote de la loi de finances portant budget général de l’Etat, exercice 2014, par l’Assemblée Nationale le jeudi 19 décembre 2013, est contraire à la Constitution.
Article 2.-Le vote sur la loi de finances portant budget général de l’Etat, exercice 2014,intervenu àl’Assemblée Nationale le jeudi 19 décembre 2013, est nul et de nul effet.
Article 3.- L’Assemblée Nationale doit voter impérativement la loi de finances exercice 2014 le 31 décembre 2013 conformément aux dispositions de l’article 56 de son Règlement Intérieur.
Article 4.- La présente décision sera notifiée à Messieurs Gilbert BANGANA, Emile TOSSOU et Moussou MONHOUSSOU, Députés à l’Assemblée Nationale, à Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, à Monsieur le Président de la République et publiée au Journal Officiel.



Ont siégé à Cotonou, letrentedécembre deux mille treize,
Messieurs Théodore HOLO Président
ZiméYérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice C. DATO Membre
Bernard D. DEGBOE Membre
Madame Marcelline-C GBEHA A. Membre
Monsieur Akibou IBRAHIM G. Membre
Madame Lamatou NASSIROU Membre

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