Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Art et Culture

Amazones du Danxomè : Sceau indélébile de la reine Tassi Hangbé sur l’histoire

Publié le mardi 17 mai 2022  |  Fraternité
Le
© Autre presse par Dr
Le Monument Amazone
Comment


Emblème du courage guerrier et de l’ingéniosité des femmes, les amazones du danxomè ont, de façon significative, contribué au rayonnement de ce célèbre royaume d’Afrique de l’Ouest dont l’économie était basée sur le commerce, l’agriculture et surtout la culture de la guerre. Si aujourd’hui encore plus que par le passé, les regards, même de très loin se portent sur l’histoire de ces femmes vaillantes, un vibrant hommage mérite d’être rendu à cette femme, trop souvent occultée qui fonda cette redoutable armée : la valeureuse reine Tassi Hangbé.

« Nous sommes des hommes, non des femmes. Celles qui rentrent de la guerre sans avoir conquis doivent mourir. Si nous battons en retraite, notre vie est à la merci du roi. Quelle que soit la ville à attaquer, nous devons la conquérir ou nous enterrer nous-mêmes dans ses ruines. » Ainsi s’énonce un des chants guerriers des amazones. Ce texte publié sur le site de l’Université Paris Cité, dans la section Culture, traduit sans équivoque, l’état d’esprit des Agoodjié, ces combattantes farouches et loyales au trône du Danxomè. Servir et défendre le roi et le royaume au prix de leur propre vie étaient la seule raison d’être de celles-là dites sanguinaires et dont l’évocation du nom semait la terreur et l’éffroi au-delà des limites du royaume de Danxomè, alors très craint. Vaillamment, elles ont œuvré au triomphe du Danxomè dans plusieurs batailles dont la renommée victoire sur le royaume de Savi en 1727. Expertes en espionnage des camps ennemis et intervenant dans les attaques finales des batailles, la robustesse, l’endurance physique et l’impitié de ces femmes ont, très tôt, été remarquées par les européens qui les ont baptisées « amazones », référence faite aux amazones de la mythologie grecque, elles également guerrières impitoyables. Des traces écrites de leurs caractéristiques atypiques ont été laissées par le prêtre italien Francesco Borghero et l’administrateur colonial français Jean Bayol respectivement en 1861 et en 1889. Toutefois ce sont leurs exploits guerriers au cours de la lutte contre l’impérialisme français qui, à tout jamais, ont inscrit leur nom dans l’histoire des peuples d’Afrique. Mémorable, leur part active à la bataille du 26 Octobre 1892 contre les troupes françaises en est un fort exemple. Déjà à cette époque où la bravoure était uniquement associée à des traits masculins, l’armée des amazones fut extraordinaire d’exister. Bien que des écrits du colon français édité de 1911 étaient tenté d’en attribuer la création au roi Guézo (qui règna de 1818 à 1858), le souverain dont le règne a été remarquable par ses prouesses agricoles et ses percées guerrières, n’en est que le brillant réformateur. La tradition orale autochtone reconnait le mérite de l’institution du premier régiment des amazones à une figure du XVIII ème siècle, éclipsée de la dynastie royale d’Abomey : la reine Tassi Hangbé (littéralement traduit en langue fongbé la prêtresse à la voix de rossignol.).

Le courage chevillé au corps
Née femme, Tassi Hangbé, fille du roi Houegbadja, le fondateur du Danxomè, n’était pas appelée, selon la tradition à monter au trône. Mais quand, à la veille d’une bataille décisive, son frère jumeau, le roi Akaba part à Allada (dans le Danxomè, façon figurative de signifier que le roi est mort), la vie de Tassi Hangbé prit un décisif tournant. Ne voulant pas démoraliser les troupes par l’annonce d’une si mauvaise nouvelle, elle mit en place un stratagème. Usant de sa stupéfiante ressemblance avec le défunt roi, elle se travestit en homme et mena les troupes au combat contre les Ouémènou. Rentrée victorieuse de la bataille finale de Lissèzoun, son exploit, jamais accompli par aucune femme auparavant, se répandit telle une trainée de poudre dans tout le royaume, inspirant respect et admiration. Dans un contexte où l’héritier légitime au trône, Agbo sasa, fils du roi Akaba était trop jeune pour gouverner, Tassi Hangbé devint la 5ème reine du Danxomè en 1708. Bien que certaines sources disent qu’aucune cérémonie officielle ne l’a intronisée, elle portait tous les insignes royaux : les sandales royales (saloubata), le pagne tissé et décoré (avotita), la récade (mankpo). Aussi occupait-elle le parasol royal (awè) et le tabouret tripode (kataklè) lui a conféré son pouvoir royal comme tous les autres souverains du Danxomè. Elle poursuivit les combats de ses prédécesseurs, demeura proche de son peuple et à l’écoute de ses besoins.

Hélas, incomprise !
Son cran, son fort caractère et son franc parler la firent menaçante aux yeux de la noblesse, en ce temps-là très phallocrate, qui n’eût de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Tassi Hangbé, trois années durant, dut affronter plusieurs complots intestins visant à la déstabiliser. Pour sauver la vie de son fils, otage de ses conspirateurs, la reine abdiqua en 1711 et remit le pouvoir aux mains de son jeune frère, le roi Agadja. Néanmoins pour s’assurer qu’aucune réclamation au trône ne vienne de sa descendance, les comploteurs firent assassiner le fils de Tassi Hangbé. Pour autant, Tassi Hangbé ne se calfeutra pas. Elle fit entendre et compter sa voix notamment à la majorité de son neveu, fils héritier du roi Akaba afin qu’Agadja tienne parole en cédant le trône au jeune homme.

Un règne court, mais fort d’impacts pérennes
En dépit de la durée très courte de son règne, ces trois années ont gravé dans le marbre, du progrès pour la condition féminine. La reine s’était résolument engagée pour la promotion de la femme. A son accession au pouvoir, elle mit en place un conseil pour penser les stratégies à cette fin. Elle incita les femmes à l’apprentissage du tissage, de la vannerie, de la forge, de la poterie…des métiers autrefois pratiqués uniquement par les hommes. Elle créa aussi l’ordre des Tassi, femmes dignitaires reconnaissables à leurs pagnes posés sur la tête. Ces actions la positionnent comme une précurseuse des mouvements actuels en faveur de l’émancipation des femmes.
Le tribut payé par la reine Tassi Hangbé à travers les tourments endurés et la perte de son fils n’auront pas été vains ; car elle a légué à la postérité le modèle selon lequel le pouvoir surtout politique, le courage guerrier et le travail dit d’homme peuvent être exercés brillamment par la femme. Elle a formé le corps des amazones, une armée de femmes héroïques, qui très tôt a suscité curiosité et admiration. Dès 1987, elles sont représentées au cinéma dans le film Cobra Verde du réalisateur allemand Werner Herzog. Il y a peu, en 2018, le blockbuster Black Panther s’est aussi inspirée de l’armée des amazones du Danxomè pour mettre en scène les Dora Milaje, la garde royale exclusivement féminine mais également une unité des forces spéciales du royaume fictif du Wakanda. Le succès planétaire du film est tel qu’il se suppute que les studios Marvel, son producteur, en prépareraient un spin-off consacré aux Dora Milaje.

Devoir de mémoire
De nos jours, la fascination qu’a provoquée l’armée des amazones du Danxomè loin de s’être étiolée, s’est même accrue. En raison de leur passé glorieux, cette armée nourrit un intérêt croissant chez ceux qui cherchent à comprendre l’évolution du statut de la femme actuelle. En 2021, c’est l’actrice oscarisée, Lupita Nyong’o qui s’est rendue à Abomey dans le cadre de la réalisation d’un documentaire sur les Agoodjié diffusé sur le bouquet « Canal + ». La jeune femme est d’ailleurs annoncée pour incarner le rôle de Nawi, une amazone du Danxomè dans le film The Woman King. La mexico-kenyane y jouera le rôle de la fille de Nanisca, la générale militaire des agoodjié (que devrait incarner la très distinguée Viola Devis). Ces allusions régulières du cinéma aux amazones du Danxomè témoignent de l’impact combien historique qu’a eu le chef-d’œuvre de la reine Tassi Hangbé. Cependant, le nom de cette dernière reste méconnu et son leadership sous valorisé. Si Arnaud Zohou, en 2002, a eu le mérite d’avoir réalisé le film documentaire Hangbé, la reine oubliée, il faut bien admettre que la valorisation du leadership de cette figure avant-gardiste requiert beaucoup plus d’actions. Dans ce sens, saluer la présentation du 22 décembre 2021, de la pièce de théâtre Tassi Hangbé revient à lancer une invite à d’autres représentations de cette pièce de théâtre mobilisant le grand public. Faciliter l’accès des scolaires et universitaires au texte Tassi Hangbé de Florent Couao-Zotti, à son adaptation et mise en scène par Ousmane Aléji ainsi qu’à d’autres réalisations écrites ou animées sur le sujet pourrait faire revivre la reine méconnue dans les esprits. Aménager le système éducatif de manière à valoriser tous les peuples du Bénin et des personnalités de son passé qui se sont démarquées serait tout aussi bénéfique à la restauration de la mémoire de la souveraine.
Aujourd’hui encore, les bas-reliefs qui ornent les murs des palais royaux d’Abomey, ancien royaume du Danxomè, illustrent avec originalité l’habileté des amazones à manier les massues, les machettes et les mousquets sur les champs de bataille. Mieux, le palais royal originel de la reine Tassi Hangbé résiste avec peine aux atteintes du temps. Ces ouvrages architecturaux représentent pour notre temps, des tableaux tangibles, retraçant le passé, ce passé digne de fierté. Les entretenir pour les léguer aux générations futures est un devoir qui contribuerait à perpétuer l’histoire. A ce prix, le MEARD (Musée des Epopées des Amazones et des Rois du Danxomè) à bâtir, ne viendrait pas leur ravir la pâle attention dont ils jouissaient, pour les pousser vers une disparition prématurée. Au contraire, il servirait de pertinent faire-valoir à ces témoins de l’histoire faite par les anciens. Sur le sujet, des réflexions plus approfondies sont susceptibles de produire des solutions encore plus adaptées à la mise en valeur de ces héroïnes qui ont fait et font notre identité culturelle.
Fredhy-Armel BOCOVO (Stag)
Commentaires