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Amélia Lakrafi: « Je travaille avec une de nos grandes banques pour créer un produit spécifique aux Français résidant à l’étranger »

Publié le mardi 21 juin 2022  |  Matin libre
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© Autre presse par DR
France: la députée Amélia Lakrafi entend porter la voix des députés de l’étranger
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Depuis 2017, Amélia Lakrafi représente, à l’Assemblée nationale, 140 000 Français qui vivent dans 49 pays d’Afrique et du Moyen Orient. Experte en cyberdéfense, elle dirige plusieurs entreprises spécialisées dans la sécurité informatique. Aujourd’hui, elle sollicite un second mandat à l’occasion des élections législatives françaises de ce mois de juin.



Agence Ecofin : Dans plusieurs pays africains de votre circonscription, une partie de la population exprime une vive hostilité à l’égard de la France. Les Français qui résident dans ces pays font-ils face, de ce fait, à des difficultés particulières ?

Amélia Lakrafi : Si on prête attention à l’immense superficie de la 10e circonscription, je ne pense pas que dans les pays qui la composent il y a une tension particulière ni une hostilité prononcée à l’encontre de la France. Si vous faites allusion aux dernières manifestations au Tchad, leur l’ampleur ne signifie pas, à mon sens, une hostilité générale à l’égard de la France. Les Français qui vivent dans ces pays rencontrent les difficultés que rencontrent les habitants des pays où ils se résident. Ils sont respectueux des lois des pays où ils se trouvent et vivent en totale tranquillité.

Agence Ecofin : Comment, selon vous, la France peut-elle restaurer son image dans ces pays d’Afrique ?

Amélia Lakrafi : Un sondage a été réalisé récemment sur l’image de la France en Afrique. Nonobstant une érosion réelle qui devrait nous interpeller, globalement l’image n’est pas mauvaise et elle est même positive s’agissant des entreprises et de la présence française. Il n’est pas question pour moi de dire que tout va bien mais je n’aime pas le défaitisme et l’autoflagellation. Cela dit, il faut faire constamment attention à son image et la France y travaille.

Agence Ecofin : Les pays d’Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, ont été moins touchés par la pandémie de Covid 19 que les pays européens. Comment les Français vivant en Afrique ont-ils vécu cette pandémie ?

Amélia Lakrafi : La pandémie a touché tout le monde d’une façon ou d’une autre. Le monde étant un village, cette pandémie nous a appris que personne n’est à l’abri et que nous devons être capables d’avoir des réponses collectives. Vous avez raison de dire que le continent africain, en dehors de l’Afrique du Sud et du Maghreb, a été moins touché et pour certains pays peu touchés. Je ne peux pas ne pas penser au cas spécifique de l’Afrique du Sud où nous avons pu donner l’impression de ne pas nous préoccuper des Français établis là-bas, à cause du variant Omicron. Le virus ayant été séquencé là-bas, les gouvernements ont été extrêmement prudents. Cela a été mal compris, ce que je comprends tout à fait. J’ai alerté à ce moment-là et je regrette de ne pas toujours avoir été suivie. Je ne doute pas que nous en ayons tiré les leçons.

Agence Ecofin : Ont-ils bénéficié d’un soutien particulier de la part de la France durant cette période ?

Amélia Lakrafi : La France a été parmi les premiers pays au monde à soutenir massivement son économie. Le président Macron a mis en place ce qui est aujourd’hui connu sous l’appellation « quoi qu’il en coûte ». La doctrine était claire : aucun Français ne doit être abandonné et aucune entreprise ne doit souffrir des conséquences de la pandémie. Si on a connu des problèmes au démarrage à cause des choix qui nous ont précédés, tout le monde est unanime pour saluer la gestion de la pandémie et la maîtrise des différentes étapes de son évolution.

Agence Ecofin : Vous avez initié, il y a une année, l’association SOS Expat destinée à faciliter les relations administratives des Français de l’étranger en France. Que propose concrètement cette association ?

Amélia Lakrafi : L’idée de l’association SOS Expat est partie d’abord d’un problème grave que nos concitoyens ont rencontré au Liban. Nous devions réagir car les drames sont incalculables. On se retrouve du jour au lendemain dans un état de désespoir total et complètement ruiné par un système bancaire devenu inopérant. Je ne sais si vous imaginez une personne qui possède de quoi vivre mais il ne peut accéder à son argent car les banques sont insolvables. Puisqu’on fait face à un blocage juridique il nous fallait réagir par des actions de groupe et c’est comme ça que l’idée de SOS nous est venue. En quoi cela consiste : il s’agit d’une association de défense des intérêts des Français de l’étranger, dès qu’ils sont victimes d’injustices, bafoués dans leur droit (celui de disposer de son argent dans son compte bancaire en est un), l’association propose des initiatives et encadre un collectif de victimes pour saisir la justice ensemble. Je peux aussi vous parler de FIBRE, la fédération des OLES du monde (https://lafibrefde.org/), première association que j’ai créée après plus de 2 ans de terrain. Ces organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES) incarnent et illustrent à l’étranger les valeurs fortes que portent la France et les Français en matière d’accompagnement des plus vulnérables et des plus précaires. L’utilité sociale de ces associations n’est plus à démontrer, leur capacité à mobiliser de généreux contributeurs soucieux d’aider leurs concitoyens en font les partenaires privilégiés de notre réseau consulaire dans la mise en œuvre de notre vision des solidarités. Elles ont des difficultés de nature organisationnelle, comme toutes les associations elles ont du mal à recruter des bénévoles pour faire vivre l’activité, et souffrent d’un manque de visibilité, peu de Français établis à l’étranger connaissant leur existence. Ce manque de reconnaissance et d’identification est fort dommageable. Or, toutes les associations de Français à l’étranger étaient fédérées, sauf ces associations de bienfaisances. J’ai donc décidé avec des acteurs associatifs de confiance de travailler à la constitution de cette fédération à destination des OLES. Cette réflexion et ce travail ont abouti à la constitution de la Fédération international des bienfaisances (FIBRE). L’union fait la force, peut-être même plus dans l’humanitaire.

Agence Ecofin : Les Français vivant en Afrique ont souvent rencontré des difficultés pour ouvrir, et même parfois pour conserver, un compte bancaire en France. Qu’avez-vous fait pour régler ce problème ?

Amélia Lakrafi : Le problème des comptes bancaires est l’un des sujets sur lequel je me suis penchée au tout début de mon mandat. En France les choses sont claires : le droit à un compte est un droit garanti à chaque citoyen mais les banques jouent souvent dans les limites de la loi. Qu’avons-nous fait ? La procédure était inadaptée pour lutter contre le fléau de la fermeture inopinée des comptes des Français de l’étranger. Mon travail a été constant avec la Banque de France, la Fédération bancaire française et le ministère de l’Économie, pour lever les freins. Désormais la procédure est dématérialisée et l’allègement des justificatifs acquis. Je continue ce travail avec une de nos grandes banques pour créer un produit bancaire spécifique aux Français résidant à l’étranger.

Agence Ecofin : En quoi la digitalisation des services pourrait-elle faciliter davantage la vie des Français vivant en Afrique ?

Amélia Lakrafi : Développer la dématérialisation des démarches administratives, tout en les simplifiant, est une attente de tous nos compatriotes. Cet impératif est d’autant plus nécessaire lorsque l’on vit à l’étranger puisque pour un ensemble de raisons, il n’est pas toujours commode, ni possible de se déplacer au consulat pour réaliser une formalité ou de multiplier les appels en France, pour comprendre ce que l’on a à faire véritablement. Il faut ajouter que lorsqu’une administration fonctionne encore avec des échanges de courriers par voie postale, certains de nos compatriotes passent à côté de leurs obligations et de leurs droits parce que lesdits courriers n’arrivent jamais à destination. La digitalisation remplit donc un double objectif de simplification et d’amélioration du service public. Elle n’a toutefois de sens que si elle est accompagnée d’une aide aux démarches en ligne. Certains Français n’ont pas de connexion ou ne sont pas à l’aise avec les démarches par internet. C’est pour cela que j’ai proposé le déploiement de « référent internet » pour assurer cette mission. Le projet pilote de cette initiative a vu le jour au Liban. A terme, je veux le déployer pour tous les pays, afin de ne laisser personne sur le bord du chemin. J’ai aussi la conviction que la digitalisation permettra à brève échéance aux services consulaires de se recentrer sur une mission d’orientation et d’accueil, avec un rapport « plus humain » au public reçu. C’est une demande forte de nos compatriotes en Afrique et ailleurs.

Agence Ecofin : Quelles nouvelles perspectives peuvent s’ouvrir pour les enfants de Français vivant à l’étranger suite aux progrès de l’enseignement à distance ?

Amélia Lakrafi : Il n’y a jamais meilleur enseignement que celui dispensé en classe, mais effectivement l’enseignement en ligne ouvre certaines facilités et perspectives pour nos jeunes compatriotes de l’étranger. Pour ceux qui n’ont pas accès à un établissement d’enseignement français, cela peut leur permettre de rester dans notre système en rendant plus confortable et plus accessible les programmes dispensés, par exemple par le CNED. C’est donc aussi un moyen de faire vivre l’usage de la langue française dans des lieux où celle-ci n’est pas répandue. J’ai également appuyé, durant mon mandat, une initiative privée concernant le développement de l’aide au devoir pour nos compatriotes de l’étranger. Cette aide au devoir (soutien scolaire) se développe aussi dans le cadre d’une offre en ligne, élément qui peut être très intéressant pour nos compatriotes de l’étranger. A ce jour, elle n’est pas encore éligible au crédit d’impôt dont bénéficient les « usagers » d’un soutien scolaire classique à domicile. Je soutiens le principe d’ouvrir ce crédit d’impôt à l’aide au devoir en ligne et bien sûr de le rendre éligible aux Français de l’étranger.

Agence Ecofin : Vous souhaitez que les entreprises françaises installées en Afrique bénéficient d’une préférence sur les marchés africains financés en tout ou partie par l’AFD. Mais la mission de l’AFD n’est-elle pas de donner toutes leurs chances aux entrepreneurs africains ?

Amélia Lakrafi : C’est ce que font tous les pays donateurs car il y a là un soutien aussi à leur commerce extérieur. Les États de l’OMC, pays donateurs en principe, obéissent tous à la même règle, à savoir que l’aide est déliée… Mais on y arrive avec beaucoup d’exigences dans les cahiers des charges, notamment concernant les critères RSE.

La mission première de l’AFD est de déployer les objectifs de la politique française d’aide au développement, en menant et finançant des projets à haute valeur sociale, environnementale et éducative. Je souhaite que les marchés attribués dans ce cadre, lorsqu’il y a une offre égale en qualité et en tarifs, favorise l’éventuelle entreprise française avec un partenaire local. Les entreprises françaises implantées en Afrique participent à l’économie locale et je ne vois pas pourquoi on les exclurait d’emblée.

Agence Ecofin : Si les électeurs reconduisent votre mandat, quelle sera votre priorité No 1 sur cette législature ?

Amélia Lakrafi : Ma priorité numéro 1 sera de déposer, dès le premier jour de ce nouveau mandat, la proposition de loi que j’ai préparée pour améliorer la protection sociale et la prise en charge des soins des Français de l’étranger. J’y ai bâti plusieurs dispositifs pour améliorer l’accès à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) pour les plus modestes et les indigents, élargir les conditions d’accès à la prise en charge des soins en France pour les retraités et leurs ayants droit et lever le délai de carence donnant droit à l’assurance maladie lors du retour en France. Mais aussi me concentrer à appliquer mes propositions lors de mes rapports au budget de l’Etat pour le commerce extérieur en faveur de nos entreprises françaises avec un accent particulier sur les ICC (industrie culturelle et créative), l’environnement et nos entreprises du numérique.



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