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Publication d’un Professeur de l’Université d’Abomey-Calavi sur la Cité des Oman Jagu _Un document scientifique qui retrace le royaume de Igbo Idaacha

Publié le jeudi 1 septembre 2022  |  aCotonou.com
Sylvain
© Autre presse par DR
Sylvain ANIGNIKIN,professeur d’histoire à l’Université d’Abomey-Calavi
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(« Le royaume nago de Igbo Idaacha est largement plus vieux que le Bénin et ses institutions.», écrit l’historien Sylvain ANIGNIKIN)

Dans un document d’une vingtaine de page A4, datant de juillet 2022, le Professeur d’histoire à l’Université d’Abomey-Calavi a pondu un travail scientifique qui fait la synthèse sur l’histoire du royaume de Igbo Idaacha. Titré : «Le royaume de Igbo Idaacha : mythe ou réalité ? », ce support déterminant de l’éminent historien est une résultante des publications présentées pour obtenir des diplômes universitaires (mémoires de Maitrise, de Doctorats) ainsi que de nombreux articles publiés sur les Idaacha, leur pays et leur royaume.

«C’est un archéologue auto proclamé historien qui a écrit dans un document du département d’histoire que Igbo Idaacha n’est pas un royaume mais une chefferie ». Voilà une phrase tirée des écrits du Professeur Sylvain ANIGNIKIN qui ne comprend pas pourquoi, le statut quo est maintenu malgré ses efforts pour rectifier cette erreur. C’est donc pour corriger cette désinformation et restituer les faits que l’historien Sylvain ANIGNIKIN a produit un document scientifique qui fait la synthèse sur l’histoire du royaume de Igbo Idaacha. Plus d’une douzaine de documents exploités pour démontrer l’existence du royaume nago de Igbo Idaacha qui selon l’historien a été créé au XVII ème siècle. « Le royaume nago de Igbo Idaacha est largement plus vieux que le Bénin et ses institutions », a indiqué le Professeur Sylvain ANIGNIKIN pour qui, le Roi de Igbo Idaacha ne réclame pas un renouveau démocratique d’être reconnu comme Roi, mais comme le 26ème souverain sur le trône de Jagu Ogoudu. Un trône qui est actuellement occupé par Jagu Affoman, Egbakotan II.

Une réalité

Ce n’est pas une allégorie comme le pensent ceux qui refusent d’aller à la source de l’information. « Le royaume de Igbo n’est donc pas un mythe », lit-on dans le document du Professeur ANIGNIKIN qui ajoute que la faible connaissance de ce royaume est due à plusieurs facteurs. Le premier selon le Professeur, c’est sa position dans un site de refuge que constituent les collines du Moyen Bénin. Le deuxième facteur est que le nom de ce royaume a été effacé par les interprètes Mahi de l’Administration coloniale. « Au lieu de répondre Igbo Idaacha à l’Administrateur qui voulait savoir le nom de la localité, les interprètes ont annoncé ‘’Dassa-Zoumè’’», se désole l’historien. « Le troisième facteur est que la recherche scientifique universitaire nationale qui ne produit son premier élément qu’en 1978 », relate le Professeur Sylvain ANIGNIKIN qui a fait remarquer que le retard de la connaissance scientifique est également dû à l’absence de travaux de synthèse et de vulgarisation.

Des témoignages sur le royaume de Igbo Idaacha

La réalité du royaume de Igbo Idaacha a fait l’objet de plusieurs publications d’Universitaires nigérians dans le cadre du « Yoruba project ». C’est le cas de « Kingdom of Yoruba » dans ce cas écrit par Smith (S. Robert) ce qui nous intéresse dans la première partie du texte. Il est intitulé “Kingdoms of the West: Kétu, Shabè and Dassa”. Pour le Professeur ANIGNIKIN Sylvain, cette réalité vivante et attestée par les témoignages et surtout par la Science a été ignorée par certains enseignants du département d’Histoire de l’UAC. La raison selon le professeur, c’est d’abord le manque d’information. En dehors de ces publications présentées pour obtenir des diplômes universitaires, (mémoires de Maitrise, Doctorats), de nombreux articles ont été publiés sur les Idaacha, leur pays et leur royaume. On peut citer à cet effet les écrits de R. Cornevin, de A. Morel, ainsi que les publications et les travaux inédits du Professeur ANIGNIKIN. En effet, au XVIIème siècle après la chute du Royaume d’Oyo, les Egba, anciens serviteurs de ce royaume défunt ont migré vers les collines du Moyen Bénin. Ce sont les anciens soldats Egba qui ont pris la direction du groupe. Ils ont pu rétablir le pouvoir des Omo Jagu sur les autres Nago arrivés par vagues successives depuis le XIIIème siècle dans les grottes des collines du Moyen Bénin. Il s’agit pour l’essentiel des Iléma, des Ifita, des Ijehun, des Iwagu, des Ado, des Okéila, des Chachegu, des Kamaté, des Isho etc. Les Omo Jagu du groupe ethnique Egba, ont fédéré ce monde de chefferies et des communautés en un ensemble cohérent appelé « le pays Idaacha des quarante et une collines » c’est-à-dire : « Ilu Idaacha oké giga logoji ».

Gabin Euloge ASSOGBA

L’INTÉGRALITÉ DU DOCUMENT ÉCRIT PAR LE PROFESSEUR SYLVAIN ANIGNIKIN

Le royaume de Igbo Idaacha : mythe ou réalité ?

Par le Pr. Sylvain C. Anignikin

LabRA-UAC

Juillet 2022

Introduction

Le royaume de Igbo Idaacha (Dassa-Zoumè) a été créé au XVII ème siècle par les Egba, anciens serviteurs du défunt royaume d’Oyo sur le modèle dynastique yoruba des Omo Oduduwa tout comme Kétu et Sabè. Cette réalité a été reconnue et saluée en 1894 par l’armée coloniale française du Général Dodds. C’est en effet en 1894, un an avant Savalou, qu’a été signé le traité de protectorat entre la France et le royaume de Igbo Idaacha. Cette réalité a été par ailleurs reconnue et consignée par l’université du Dahomey aujourd’hui Bénin en 1978 et en 1985.

En effet, deux mémoires de maitrise de l’U.A.C ont été publiquement soutenus respectivement sous la direction du professeur Karl Emmanuel et sous ma direction. A l’étranger, la réalité du royaume de Igbo Idaacha a été étudiée et consignée par l’Université du Nigéria et celle de la Côte d’Ivoire à travers les thèses soutenues publiquement et respectivement par Biodun Adédiran (Ilè-Ifè 1974) et Boko Adékin (Abidjan 1986).

Des publicistes français ont immortalisé par leurs plumes, le royaume Igbo Idaacha. Il s’agit de Palau Marty en 1951 et de Robert Cornevin en 1962. La réalité du royaume de Igbo Idaacha a fait l’objet de plusieurs publications d’Universitaires nigérians dans le cadre du « Yoruba project ». C’est le cas de « Kingdom of Yoruba » dans ce cas écrit par Smith (S. Robert) ce qui nous intéresse dans la première partie du texte. Il est intitulé “Kingdoms of the West: Kétu, Shabè and Dassa”.

Cette réalité vivante et attestée par les témoignages et surtout par la Science a été ignorée par certains enseignants du département d’Histoire de l’UAC. La raison à ma connaissance, c’est d’abord le manque d’information. C’est ensuite le fait qu’un archéologue auto proclamé historien, a écrit dans un document département d’histoire que Igbo Idaacha n’est pas un royaume mais une chefferie. Malgré mes efforts pour rectifier par écrit cette erreur, le statut quo est maintenu.

Pour corriger cet état de chose, je produis ici un document scientifique qui fait la synthèse sur l’histoire du royaume de Igbo Idaacha. Comment se présente cette histoire ?

1- Une documentation relativement large et suffisante

Il est aujourd’hui possible d’esquisser une synthèse de l’histoire des Idaacha en raison de l’existence d’une documentation de qualité relativement abondante. Cette documentation aborde l’étude du royaume de Igbo Idaacha sous différents aspects. Ainsi Palau Marty (1951) dans ses « Notes sur les rois de Dassa » trace une chronique sur les différents rois de Igbo Idaacha. Cette chronique qui date de 1951 parlait déjà des « Rois de Dassa ».

Le mémoire de Maitrise de Afouda (Laurent) soutenu en 1978 à l’Université d’Abomey-Calavi est la première étude scientifique réalisée sur le royaume à l’Université d’Abomey-Calavi. Ce document est consacré à l’histoire et à la civilisation du royaume de Igbo Idaacha. Il a en particulier élaboré la première présentation de la dynastie des Rois Djagu de Dassa.

Akpaki (Soumon Roger) a représenté en 1985 sous ma direction, un autre mémoire de Maitrise de bonne facture sur le Royaume à l’Université Nationale du Bénin. Ce travail a été consacré à l’étude des relations inter communautaires à Igbo Idaacha. Cette étude est importante parce qu’elle montre clairement les luttes pour la conquête du pouvoir royal d’une part et d’autre part comment les différentes communautés y compris celles qui ont été vaincues s’associent pour gérer le pouvoir royal.

A l’étranger, deux recherches importantes ont été réalisées sur le royaume. C’est d’abord en 1984, les travaux du Professeur Adédiran (Biodun) qui a soutenu sa thèse (phd) sur le royaume Igbo Idaacha. La première publication est consacrée à l’étude de la structure de l’administration d’Igbo Idaacha sous la colonisation. La deuxième publication concerne l’étude de la formation de l’Etat du royaume. D’autres publications du Professeur Adédiran (B.) dans le cadre plus général du Yorubaland, ont pris en compte les Idaacha et leur royaume.

La deuxième importante recherche effectuée à l’étranger est celle du regretté docteur Boco (A.E), sous la direction du Professeur Ekanza de l’Université de Côte d’Ivoire. Boko Adékin a voulu prouver aux chercheurs nigérians qu’il existe d’autres Yoruba en dehors du territoire du Nigéria.

En identifiant les relations entre populations Idaacha et le monde Yoruba, il a mis en évidence les sources yoruba des institutions du royaume de Igbo Idaacha. Ainsi, ce royaume tire sa source des systèmes dynastiques fondés par Oduduwa. En effet, l’ethnie des Egba a fourni au royaume d’Oyo ses soldats et chefs des armées. La chute du royaume d’Oyo au 16ème siècle a conduit les « Omo Jagu » aristocratie militaire (Jagu Jagu ) issue de l’Ethnie Egba à aller chercher fortune ailleurs. Ils se sont rendus dans les collines du Moyen Bénin qui présentaient le même paysage que leurs pays, « le pays Egba ». Ils y ont mis en place, un pouvoir présentant les mêmes caractéristiques que celles du Royaume d’Oyo.

En dehors de ces publications présentées pour obtenir des diplômes universitaires, (mémoires de Maitrise, Doctorats), de nombreux articles ont été publiés sur les Idaacha, leur pays et leur royaume. On peut citer à cet effet les écrits de R. Cornevin, de A. Morel, ainsi que mes propres publications ainsi que les travaux inédits. A ce niveau, j’insisterai sur mes propres publications. Celle qui me parait la plus fréquente pour la circonstance a pour titre : « La gouvernance dans l’ancienne Afrique : perception et gestion du pouvoir chez les Kaaro-Ojiré des collines du Moyen Bénin ». Le royaume Igbo Idaacha a été recensé dans les publications étrangères surtout nigérianes. Ainsi, en dehors des Recherches et publications de Biodun Adédiran, on peut noter en particulier celle de R.S. Smith, 1976-1988, kingdoms of Yoruba, 3ème édition London, Currey , 174 pages.

L’expression « Kaaro-Ojiré » signifie en Yoruba « bonjour, comment ça va ? ». Cette expression est peu ou prou employée par les Nago ainsi que les Yoruba. Dans le détail, il s’agit des Ifè Isha Idaacha, Sabè et de Manigri, populations toutes Nago. L’étude a mis en évidence les généralités qui concernent ces populations Kaaro-Ojiré dans divers secteurs. Elle s’est ensuite étendue sur la perception, l’organisation et la gestion du pouvoir royal. C’est le royaume de Igbo-Idaacha qui a servi d’exemple ainsi que le principal objet de recherche. Dans le document, on trouvera cette recherche pages 8 à 11. Dans ces parties indiquées, je montre à suffisance que les populations Idaacha étaient organisées dans le cadre d’un royaume, le royaume « Igbo Idaacha ». Les artisans de cette organisation sont les Omo Jagu.

Les Omo Jagu constituent une aristocratie sans laquelle, il ne pouvait y avoir de pouvoir royal, de royaume. Ce critère d’une « aristocratie royale » ne figure pas dans la typologie élaborée par J. Alladayè pour définir les royaumes. C’est pourtant à mon avis le critère numéro 1 pour la création des royaumes. Il en a été ainsi des Omo Oduduwa chez les Yoruba, Oyo en particulier.

Chez les Batonou, le pouvoir royal est organisé par l’aristocratie des Wassangari. Le royaume du Danxomè est essentiellement l’œuvre de l’aristocratie des Houégbadjavi.

Pour en revenir au royaume de Igbo-Idaacha, soulignons qu’il a été créé au XVIIème siècle. C’est en effet au XVIIème siècle, après la chute du Royaume d’Oyo, que les Egba, anciens serviteurs de ce royaume défunt ont migré vers les collines du Moyen Bénin. Ce sont les anciens soldats Egba qui ont pris la direction du groupe. Ils ont pu rétablir le pouvoir des Omo Jagu sur les autres Nago arrivés par vagues successives depuis le XIIIème siècle dans les grottes des collines du Moyen Bénin. Il s’agit pour l’essentiel des Iléma, des Ifita, des Ijehun, des Iwagu, des Ado, des Okéila, des Chachegu, des Kamaté, des Isho etc.

Les Omo Jagu du groupe ethnique Egba, ont fédéré ce monde de chefferies et des communautés en un ensemble cohérent appelé « le pays Idaacha des quarante et une collines » c’est-à-dire : « Ilu Idaacha oké giga logoji ». C’est ce pays qui a été organisé par l’aristocratie des Omo Jagu en un véritable royaume. Le royaume ainsi créé vérifie la plupart des critères élaborés par J.C Alladayè pour définir les royaumes, et en a créé d’autres.

2-Des critères de royauté nettement visibles

La royauté de Igbo Idaacha s’inscrit dans une profondeur historique d’au moins quatre siècles. Le royaume a été fondé au XVIIème siècle. Mais ces racines humaines remontent au XIIIème siècle. En effet, les populations Idaacha se sont installées dans les collines du Moyen Bénin à partir du XIIIIème siècle avec les bouleversements provoqués par le règne de Oduduwa à Ilé-Ifè. Quant à l’aristocratie dirigeante des Omo Jagu, son arrivée dans les collines du Moyen Bénin date du XVIIème siècle après la chute du royaume d’Oyo au XVIème siècle.

La tradition retient que c’est l’Ainé du groupe Oladégbo qui organise leur installation sur les collines et dans les grottes de Tré. Il est devenu roi sous le nom de Jagu Olofin. Son successeur Jagu Shagbonon est évincé du pouvoir dès son élection par Jagu Ogudu. Dès lors, le pouvoir Jagu s’est affirmé en une royauté sur le modèle des royaumes yoruba.

La perception du pouvoir chez les Jagu est celle de tous les Omo Oduduwa. Le pouvoir est d’essence divine et comporte deux composantes le « Ashè » ou pouvoir spirituel et l’ « Agbara », la force physique. Le Jagu de Igbo Idaacha comme le roi d’Oyo exerce le pouvoir physique « l’Agbara » sous le contrôle des divinités à travers « l’ashè ». Ce pouvoir est en outre contrôlé par des contre-pouvoirs institutionnels et familiaux.

La royauté Jagu est apparue avec le concept de propriété. Le roi à Igbo Idaacha comme à Oyo est une institution qui lui appartient. C’est ainsi que son titre « Jagu » est spécifique et personnel comme le « Daada » du Daxomè, l’ « Oni ifè », l’ « Alakétu » à Kétou. Jagu bénéficie de privilèges inscrits dans le droit de propriété comme la couronne (« aladé ») le palais « alafin ».

Jagu assurait la plénitude du pouvoir royal. Il définissait la politique, la politique extérieure. Il définissait la politique extérieure. Il était le chef des armées et le chef des cultes. Il exerçait le pouvoir avec l’aide d’un gouvernement composé des « Oba Alado » ou Ministres. Les principaux Ministres du Royaume Igbo Idaacha sont : « Owossa » est le premier Ministre, « L’Oba-Ilé » est le Ministre des affaires étrangères. Ces fonctions étaient assurées par les Omo Jagu et les « Idaacha Alakèma » ou Idaacha des classes populaires. Parallèlement à ces titres de « Obba Alado » portée par les hommes membres du gouvernement, il y avait également des femmes qui portaient les mêmes titres précédés du terme « Inan » qui signifie mère. Les « Inandi » ou mères du palais ne participaient aux travaux du gouvernement mais siégeaient au palais où elles pouvaient le cas échéant, donner leur avis au Rois sur des questions d’intérêt public du royaume.

Le pouvoir royal était géré au niveau local par les « Oba » ou chefs de village. Il s’agit en fait des démembrements de l’administration au niveau local qui sont confiés à des princes ou des notables issus des milieux populaires .Dans ce dernier cas, l’Oba était toujours assisté par un prince ou une princesse qui lui a été « donnée » comme épouse. C’est ainsi qu’ont été créés des titres ou noms de Balèma (Oba Iléma), Baatré (Oba Itéré), Bajéhu (Oba des Ijehun), Bananja (Oba de Imuja), Bajagu (le père des Jagu), Baso ( Oba Isopa ) etc …

A côté de ces Oba de l’administration locale, il y avait des dignitaires des royaumes et chefferies intégrés au royaume d’Igbo Idaacha. Il s’agit entre autres de « Olulu Ifita » ou roi de (Ifita), d’ « Olulu Bêtu » ( chef de Bêtu ), « Olulu Kpingni (chef de Kpingni ) etc.

Le pouvoir ainsi identifié, son gouvernement avait trois objectifs spécifiques. Il s’agit d’une part, de la recherche de l’harmonie entre l’Homme et la Nature. D’autre part, le gouvernement Jagu visait la sécurité de la Communauté et enfin la solidarité ou la cohésion entre les différentes composantes du royaume.

Dans le cadre des rapports entre l’Homme et la Nature, les initiatives des Jagu visaient à protéger l’environnement. Concrètement il s’agissait de préserver l’équilibre des blocs de rochers entreposés les uns sur les autres par la Nature. Un certain nombre d’interdits ont été édictés à cet effet. Le plus important est l’interdiction de toucher à certains rochers au cours des déplacements sur les collines. En cas d’infraction, que vous ayez été vu, non vous devez déposer un petit caillou au pied du rocher. La vue des tas de cailloux incitait les passants à faire attention.

Le deuxième souci majeur des Jagu était celui de l’eau potable. Tout un dispositif de protection a été élaboré et mis en œuvre. Le plus spectaculaire est celui relatif à la marre Arigbo au pied de Oké Eyinté, le site actuel de la grotte mariale de Dassa-Zoumè. L’accès de ce plan d’eau est interdit à toute femme en menstruation. En cas d’infraction, la divinité protectrice de la mare fait disparaitre la mise en cause par noyade. L’objectif visé ici, est d’éviter que l’eau soit souillée. Il est par ailleurs interdit de pêcher les nombreuses et grosses silures (poisson chat) qui peuplent Arigbo. La tradition raconte que même pêché et découpé en morceaux et mis à cuire, le poisson d’Arigbo se reconstitue. Le pêcheur est obligé de revenir le déposer dans la mare. L’objectif visé par la tradition est d’éviter le comblement de la mare par le système traditionnel de pêche qui consiste à « casser » les plans d’eau.

Tous ces systèmes de protection de l’environnement sont placés sous la garde vigilante des divinités de la royauté au rang desquelles on peut citer : Omolu, Nana Buku et Jaadugu. La tradition dit en particulier de cette dernière qu’elle voit tout. C’est dans ce sens qu’un dicton idaacha dit : « celui qui salue Jagu dans l’obscurité en étant debout, Jaadugu le voit ».

Un autre souci pour les Jagu était la sécurité collective. La sécurité collective est en effet, une exigence fondamentale chez ces peuples qui ont fui les pouvoirs englobants d’Oyo et du Danxomè pour venir se réfugier dans ces sites de refuge que constituent les collines du Moyen Bénin. Pour assurer cette sécurité ; les Jagu ont mis sur pied un système de défense populaire qui s’appuie sur deux stratégies. La première a exploité les possibilités de protection naturelle qu’offrait la configuration des collines. L’Administrateur des collines Henri Hubert notait à ce propos du village de Modji dont « la porte d’entrée déjà fortifiée naturellement, a été rendue absolument inviolable par les ouvrages dont on l’a entouré ». Quant à Shamaya (l’actuel village de Kèrè) on y entre selon l’Administrateur, après avoir suivi un chemin en corniche large d’une cinquantaine de centimètres au plus et fermé par une cassure de la roche au-dessous de laquelle il y a un vide. Mais à Kamaté poursuit-il la pente est si abrupte et si glissante que les habitants eux-mêmes éprouvaient des difficultés à la gravir. Ce système de défense passive est parachevé par la plantation au pied et autour des collines d’un épais massif forestier de plusieurs essences de plants à épines ou « éwan » en langue idaacha. Cette forêt est protégée par l’interdiction formelle d’y mettre le feu.

La deuxième stratégie de défense des Rois de Igbo Idaacha est fondée sur une armée populaire dont les troupes sont élevées périodiquement dans les villages. Son commandement est permanent ainsi qu’un contingent composé essentiellement de princes qui est affecté à la garde du palais et de Jagu. A la tête de cette armée, on trouvait un « Oga Ogu » ou chef de guerre. Le plus célèbre d’entre eux est le légendaire « Oruku Triku » capable de réaliser des « travaux d’Hercule » tels que le déplacement de gros blocs de rochers du haut des collines pour écraser et ensevelir en contrebas les troupes ennemis. En définitive, la qualité de la gouvernance des Jagu leur a permis de réaliser le rêve et la mission de tous les groupes dynastiques yoruba. Ils ont en effet réussi, à construire un véritable pouvoir royal qui a été stable pendant environ deux siècles. Ils ont parallèlement réussi à édifier dans un milieu difficile voire hostile, un pays relativement prospère selon le témoignage de Burton, premier voyageur européen qui s’est rendu dans la région en 1845.

3-Des traditions royales riches et variées

La vie du royaume d’Igbo Idaacha , était par ailleurs rythmée par un certain nombre de tradition destinées à célébrer la puissance et la cohésion de l’aristocratie Omo Jagu et à exalter la communion entre les Omo Jagu et les Alèkèma qui constituent le peuple.

La première de ces traditions royales est la fête « ika odun » (Ikodoun) littéralement le « comptage de l’année ». Cette fête qui marque le début de l’année avait deux objectifs. Le premier objectif est de consolider le système de clientélisme entre Jagu et les différents Oba. Ceux -ci devraient livrer à « Odi » le palais une partie des récoltes, des produits de la chasse et de la pêche de l’année. Le deuxième objectif de ikodun est de renforcer l’adhésion populaire au pouvoir royal. Le peuple était en effet appelé à participer aux manifestations et aux festivités.

L’autre tradition festive est la cérémonie de « iru » C’est une cérémonie propre aux princes et aux princesses. Son objectif est double. Il s’agit d’une part de responsabiliser les jeunes princes et princesses en leur remettant le bâton d’identification ayant appartenu à leur père défunt. Le deuxième objectif est de renouveler la toiture de la demeure de leur ancêtre Ogudu sur la colline à Yaka. Très tôt le matin, les princesses réveillent et battent le rappel des princes et princesses quartier par quartier. En rang et en chansons tout ce monde se met en route en direction des zones de récolte de la paille. Après la récolte de la paille, princes et princesses prennent le chemin de retour toujours en chant ; La cérémonie se termine après renouvellement de la toiture de Jadougou et la restauration des participants.

La troisième tradition est la cérémonie dite « Ranni l’assé » qui signifie « commander à préparer à manger ». Cette cérémonie consiste à inviter les princesses mariées à offrir à manger à la communauté des dignitaires Omo Jagu. Il s’agit d’un important festin dont le financement dépasse les capacités de la plupart des princesses. Elles tournent alors vers leurs parents, leurs amis et surtout leurs époux pour réaliser cette commande. Mais en réalité, il s’agit d’impliquer les époux dans les manifestations des dignitaires Omo Jagu de façon à élargir la base sociale du pouvoir des Jagu. Dans la pratique la cuisine mobilise d’importants moyens ainsi que la participation de nombreuses personnes. La désignation des princesses se fait à tour de rôle et jamais de façon groupée. Le repas est livré intégralement et en entier à Yaka sur la colline.

Mais la tradition la plus spectaculaire, ce sont les cérémonies d’enterrement des membres de l’aristocratie Omo Jagu. En effet, la dépouille mortelle de cet Omo Jagu emprunte lors de son inhumation, le chemin supposé parcouru par l’ancêtre Jagu Ogudu quand il a quitté le monde des vivants. La dépouille « sort » de son domicile dans un cercueil couvert par un grand pagne de luxe étendu sur le cercueil. Elle est portée par de jeunes gens complètement mobilisés et aguerris.

En effet, ces jeunes Omo Jagu ont la mission de porter le corps sur la colline, le sommet le plus élevé d’Oké Eyinté, à Yaka à l’endroit où se trouvait la résidence de l’ancêtre fondateur de la dynastie Jagu Ogudu. Cette ascension est difficile et pénible. Mais la descente du corps est périlleuse. Puisque tout ce déplacement se faisait au pas de charge et en chanson. A Yaka, le corps bénéficie du rituel d’identification qui lui permet de rejoindre ses ancêtres. Après cette cérémonie d’identification dans l’Au-delà, la dépouille prend le chemin de retour en descendant de la colline.

Au pied de la colline, le corps est accueilli par une immense foule de parents, d’amis et d’obligés. L’endroit est appelé « Egba Koku » ce qui signifie « Egba est vivant ». Le défunt a les dernières conversations avec ses parents et le monde des vivants. Il termine ce bain de foule en « parcourant » un dernier marché en vue de ses courses pour l’au-delà. Ensuite, le défunt fait son entrée à « Igbo N’la » la grande forêt où se trouve le cimetière des princes. La foule des personnes qui suivaient le cortège funéraire s’arrête à l’entrée de la forêt. Celle-ci est un lieu sacré interdit à tous ceux qui ne sont pas des Jagu.

Les différentes traditions qui ont été répertoriées ici s’accompagnent dans leurs manifestations de chansons qui les fixent dans la mémoire des hommes et dans l’histoire des peuples. La plus célèbre et populaire est la chanson destinée à célébrer les rois en récitant la liste de leurs règnes .De même, un certain nombre de monuments sont des lieux de pouvoir et symbolisent le pouvoir des Jagu. Ainsi, devant le palais royal « Odi » qui en lui-même un haut lieu de pouvoir, s’étend la grande place « Egba Koku ». Cette place abrite un certain nombre de sanctuaires. Le plus important est l’ « œil de la terre » l’endroit où l’on célèbre la divinité Jadugu et où on l’invoque pour résoudre les problèmes exceptionnels qui se posent au royaume. La place abrite également le lieu où les morts font leur dernier marché sur cette terre. On y trouve aussi le monument « ébé méta » (les trois billons) qui recouvrent les traces du « passage » du Jagu Ogoudu décédé à « sa sortie » du palais. Enfin, toute la partie nord de la place est réservée au marché principal de Dassa La présence du marché devant le palais (Odi) est un autre facteur d’appartenance du pouvoir royal des Jagu au monde Yoruba.

Conclusion

Le royaume nago de Igbo Idaacha a été créé au XVII ème siècle. Il est ainsi largement plus vieux que le Bénin et ses institutions. En conséquence le Roi de Igbo Idaacha ne réclame pas un renouveau démocratique d’être reconnu comme Roi, mais comme le 26ème souverain sur le trône de Jagu Ogoudu. Ce trône est actuellement occupé par Jagu Affoman, Egbakotan II. Le royaume de Igbo n’est donc pas un mythe. La faible connaissance de ce royaume est due à plusieurs facteurs. Le premier est sa position dans un site de refuge que constituent les collines du Moyen Bénin. Le deuxième facteur est que le nom de ce royaume a été effacé par les interprètes Mahi de l’Administration coloniale. Au lieu de répondre Igbo Idaacha à l’Administrateur qui voulait savoir le nom de la localité, les interprètes ont annoncé « Dassa-Zoumè ». Le troisième facteur est que la recherche scientifique universitaire nationale qui ne produit son premier élément qu’en 1978. Le retard de la connaissance scientifique est également dû à l’absence de travaux de synthèse et de vulgarisation. Ma responsabilité scientifique personnelle est ici engagée. Mais le scientifique ne peut pas tout faire.

* BIBLIOGRAPHIE EXPLOITEE*

1-Adédiran (B), The emergence of West Kingdoms Story in the process of State formation among Yoruba. Thèse Doctorat, Ilé Ifè, 360 pages.

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3- - Akpaki (S.R.) 1985, Mise en place des peuples et relations intercommunautaires à Idaaça. Mémoire de Maitrise d’Histoire, Université Nationale du Bénin.

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5- Anignikin (C.S.) :

-2010, La gouvernance dans l’Afrique ancienne, in IMO-IRIKISII, Vol.2, N°2, La revue des Humanistes du Bénin, FLASH, Décembre 2010.

-Histoire des populations Idaatcha : A propos des manipulations du discours historique in Annales de la FLASH n°9, Décembre 2004.

-La participation des autorités traditionnelles à la gestion des collectivités locales : expérience béninoise. Fondation Konrad-Adenauer, Porto-Novo 1998.

- La participation des Autorités traditionnelles à la gestion des collectivités locales : expériences béninoises. Fondation Konrad-Adenauer, Natitingou, Novembre 1998.

-2000, La participation des Autorités traditionnelles à la gestion des collectivités locales : expériences béninoises : Actes du Séminaire sur la décentralisation et chefferies traditionnelles dans l’espace culturel nago, Fondation Konrad Adenauer, Pobè 15 au 18 Août.

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8- Ig2 (J.) 1970, La civilisation agraire des populations Yoruba du Dahomey et du Moyen -Togo, Thèse de Doctorat, Paris 1970, 293 pages.

9- Karl (E.) 1970, Les traités de protectorat français dans le Dahomey (1892-1894), F.L.S.7, Doctorat de 3éme cycle, Université de Toulouse.

10-Lombard (J.) 1967, Autorités traditionnelles et pouvoir européen en Afrique Noire : le déclin d’une aristocratie sous le régime colonial, Paris Armand Colin, 292 pages.

11-Morel (A.), 1975, Un exemple d’urbanisation en Afrique Occidentale : Dassa-Zoumè …Cahiers d’Etudes Africaines 56 XIV – 4, pp 727-748 ;

12-Palau Marty (M.), 1957, Notes sur les rois Dassa, in journal de la Société des Africanistes, Paris.
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