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Prostitution infantile: Les filles à l’épreuve du travail du sexe

Publié le jeudi 1 septembre 2022  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Prostitution infantile: Les filles à l’épreuve du travail du sexe
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Par Maryse ASSOGBADJO,

Malanville, commune située à environ 735 km de Cotonou, le marché du sexe impliquant les enfants a pignon sur rue. Conducteurs de camions gros-porteurs et autres viennent satisfaire leur libido, moyennant de l’argent.
Elle chuchote. Une voix si timide et triste qui laisse entrevoir les séquelles psychologiques de son mariage forcé avec le nommé Issifou Nassirou. Malia S. (âgée de 17 ans aujourd’hui) raconte dans les moindres détails les peines qu’elle a endurées pendant ces vingt-quatre derniers mois chez son bourreau. Orpheline de père, elle a été donnée en mariage par son oncle paternel avant de fuir pour retrouver sa mère à Garoutédji, (arrondissement de Malanville). Loin du domicile conjugal, elle vit encore sous la hantise de ces épisodes douloureux, avec la crainte d’être à nouveau capturée par son ‘’mari’’. Si Malia a eu la chance d’être orientée aujourd’hui vers le Centre de promotion sociale (Cps) de Malanville, d’autres filles victimes du mariage infantile, trouvent plutôt refuge dans la rue à la merci des prédateurs sexuels. A défaut de subir le mariage forcé, elles se livrent à la prostitution et en font très tôt leur gagne-pain. Dans cette localité située au nord du Bénin, la prostitution des mineures est connue.


Malia, encore soucieuse des souffrances vécues chez son »ex mari » (1)

La situation géographique de la zone offre des conditions favorables aux conducteurs de camions gros-porteurs en provenance ou en partance pour les pays de l’hintherland qui peinent à maîtriser leur libido. Salimatou A. a intégré ce cercle vicieux très tôt. « Je parle souvent avec les garçons qui viennent chez ma sœur et quand elle est contente, elle me donne de l’argent. Souvent, ma sœur me laisse dans la chambre avec un garçon. Quand je parle avec les garçons, on couche ensemble et ça me fait mal, mais depuis un moment, ça ne me fait plus mal», dévoile-t-elle. Malanville est une commune carrefour.


Dans les couloirs d’un site de prostitution

Elle est frontalière au Niger, au Burkina Faso, au Nigeria. « A la recherche du gain facile, les petites commerçantes tombent inconsciemment dans le piège des conducteurs en transit ou de leurs apprentis », explique Issifou Alassane, promoteur d’Ong. Ce phénomène a pris de l’ampleur aujourd’hui et il pense que les premières personnes que l’on doit interpeller sont les géniteurs : « Lorsque les petites commerçantes ne font pas de bonnes recettes, leurs parents les sermonnent. Ces filles sont obligées de déambuler, avec leurs marchandises sur la tête (arachide, orange, maïs frais…), sur les sites de stationnement des camions, au niveau des gares routières, et des lieux de forte présence humaine afin de vite écouler leurs produits. Certains conducteurs n’hésitent pas à les soudoyer au point où elles tombent facilement dans leur piège », fustige-t-il. Ainsi s’ouvre la boîte de pandore. Les heures de travail et les sites sont connus : à Malanville, le parc des camions gros-porteurs à l’entrée de la ville, la gare routière, les marchés et derrière certaines stations-service. Sans projet de vie, les filles mènent une vie de débauche. La pratique est à la fois si populaire, mais si discrète que seuls les habitués en connaissent le code.


Les conducteurs de moeurs légères transforment ces véhicules en chambre de passe

Un site de prostitution infantile à Malanville. Le décor qui accueille est loin de refléter le vrai visage de la prostitution: juste quelques appareils de jeux et de sonorisation dans le hall d’accueil. Il faut arpenter les petits couloirs dans les locaux pour découvrir la réalité. Les filles qui connaissent déjà le mode opératoire ne se font pas prier. Sous le couvert de leurs activités génératrices de revenus, tout se joue en quelques minutes. Après avoir proposé leurs marchandises aux visiteurs dans le hall d’entrée, elles poursuivent leur chemin pour se retrouver à l’autre bout du site où les attendent leurs partenaires sexuels occasionnels. ‘’La marchandise’’ à livrer cette fois-ci n’est ni de l’arachide, de l’orange ou des galettes, mais le sexe. Chemin faisant, celles qui prennent goût à la chose se résolvent à prolonger leur séjour de plusieurs jours sur le site, moyennant paiement au tenancier. Le principal responsable de cette maison close, Alidou (nom d’emprunt), 29 ans, ne s’en plaint pas.


Autorités communales et Cps échangent avec un groupe de filles sauvées des abus

Ce Burkinabé, résidant au Bénin depuis 23 ans, a déjà fait une grande partie de sa carrière dans ce business. Pour celui qui a fait ses premières armes à 8 ans sous le couvert de son oncle paternel avant de monter sa propre entreprise en 2020, il serait préjudiciable aujourd’hui de changer d’activité. « Je ne connais que ça. Je n’ai pas appris d’autres métiers», jure-t-il. Aux heures fastes, la dizaine de ‘’chambres de passe’’ sur le site réservées à la prostitution, notamment des mineures est parfois insuffisante. Alidou est fier de participer à l’économie locale à travers son job : « Je paye régulièrement l’impôt et la taxe du Bureau béninois du droit d’auteurs (Bubedra), tous les ans. En plus, mon loyer ici s’élève à 300 000 F Cfa par mois et je paye également le salaire à mes employés (gérant, comptable, servantes) ». A quelques encablures de ce site, la buvette ‘’Agbèrè Junior’’ filtre ses travailleuses de sexe. Le schéma ici est tout autre. Le principal responsable, Rodrigue Tossou, apparemment plus conscient du tort fait aux enfants dit composer uniquement avec les adultes pour ne pas enfreindre les lois protégeant les enfants. Technicien de laboratoire à la base, Rodrigue jure qu’il ne mettra jamais en place des espaces dédiés à la prostitution infantile. Par contre, il faut attendre la nuit pour vivre une autre ambiance du marché du sexe impliquant les enfants sur l’autre site dans la même ville.

Source

Selon Gado Guidami, maire de Malanville, ce phénomène trouve sa source dans les mariages polygamiques et la pauvreté. « Qui multiplie les femmes, multiplie le nombre d’enfants. Lorsque les maris n’arrivent plus à assumer leurs responsabilités, ils passent la main aux femmes. A bout de souffle, ces dernières abandonnent les enfants à eux-mêmes. Lorsque les filles doivent se débrouiller pour subvenir à leurs besoins, elles tombent dans le piège de la prostitution », conçoit-il. Roger Ouinsavi, travailleur social de la rue, évoque également la thèse de la pauvreté. « Les ménages envoient leurs enfants se prostituer pour assurer leur survie. Partout où les gens ont faim, les droits de l’Homme sont bafoués », tranche-t-il. De sa position de responsable du Centre de promotion sociale de Malanville, Alain Elégbédé est mieux placé pour aborder le sujet. Il parle de l’irresponsabilité des parents pour justifier le phénomène. « Nous sommes dans un milieu où les hommes sont plus doués à faire des enfants qu’à s’en occuper. Les charges familiales reviennent alors aux femmes qui n’arrivent pas à combler, elles seules, les besoins des enfants. Du coup, ces derniers sont livrés à eux-mêmes. Ils sont dans la plupart des cas, sans projet d’avenir. C’est ce qui justifie la persistance de ce phénomène», relève-t-il. Le rapport final de l’enquête de l’Unicef sur la prostitution et la pornographie impliquant les enfants en 2016 atteste cette malheureuse réalité. « L’un des fondements de la présence des enfants dans la prostitution et la pornographie réside dans leur environnement familial. En effet, des enfants sont appelés à travailler et à assumer des responsabilités d’adultes afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Lorsqu’ils ne parviennent pas à s’acquitter convenablement de ces devoirs, ils peuvent faire l’objet de pressions de tous genres, voire de violence.


Issifou Alassane offre un abri aux victimes d’abus

Pour éviter ces pressions ou réduire leur ampleur, certains se livrent à la prostitution. Les mauvaises compagnies aussi corrompent les bonnes mœurs, c’est la preuve que les enfants de toutes les catégories sociales peuvent se retrouver dans la prostitution ou dans la pornographie », conclut l’Unicef. Dans d’autres cas, les filles imitent les adultes. « Les prostituées adultes aiment souvent faire beaucoup d’achats. Lorsque les enfants fréquentent leur milieu, elles s’intéressent rapidement à l’ambiance qui y prévaut, parce qu’elles apprécient leurs accointances avec les hommes», explique Issifou Alassane, promoteur d’Ong. A la question de savoir les catégories d’enfants qui s’y adonnent, le maire répond : « Il n’y a pas que les étrangères qui se livrent à cette pratique. Cela a gagné les autochtones au point de devenir une concurrence entre les enfants ». Roger Ouinsavi, travailleur social de la rue, a une vue sociologique sur la problématique. C’est entre 1992 et 2014 qu’il est tombé pour la première fois sur des nids de gamines prostituées au marché Dantokpa à Cotonou. A Malanville, l’ancien expert de l’Union européenne, avait pour mission de sécuriser les enfants dans les marchés. Grâce à son statut, il a découvert rapidement l’existence des mineures prostituées dans la ville. « Ce sont des filles majoritairement étrangères en provenance du Niger et du Nigeria fuyant le poids du mariage forcé et précoce », témoigne-t-il. Une fois au Bénin, elles tombent dans les mains des entremetteuses. « Les rôles sont dévolus par ancienneté. Nous sommes arrivés à dénombrer environ dix-neuf sites de prostitution des mineures à Malanville », explique-t-il. Pendant ce temps, plusieurs Ong dénombrent une trentaine de sites de prostitution dédiés aux enfants.

Fruits non mûrs

Roger Ouinsavi relève l’immaturité biologique des filles. La plupart des prédateurs étant en quête de ‘’pomme fraîche à croquer’’, les petites filles sont les premiers choix. « Je n’ai jamais vu de jeunes garçons frotter avec les petites filles sur ce terrain. Les filles mineures sont en quête de ressources financières, et les hommes en abusent », dénonce-t-il. L’âge des filles qui se livrent à la prostitution est compris entre 8 et 16 ans. Dans son étude intitulée ‘’La prostitution des enfants et éducation’’ publiée en juin 1992, Rachida de Souza-Ayari soulignait déjà que « la naïveté des prostituées mineures, leur inexpérience et leur immaturité facilitent leur exploitation, qu’elles se voient dans des tarifs dérisoires qu’elles pratiquent et dont la conséquence se mesure à la masse de sollicitations charnelles dont elles font l’objet». Ce que confirme Salimatou A. : «L’argent que je trouve ici n’est pas mal, mais j’ai compris qu’on ne me donne pas tout. Si ma grande sœur ne vient pas ici, moi-même je ne viens pas ». A Malanville, la prostitution des mineures est avant tout une question de réseautage. « On retrouve beaucoup d’enfants provenant de Gaya au Niger et du Nigeria au Bénin.


Maire de Malanville

Plusieurs d’entre elles quittent également Madécali, Kamba, Loulou au Bénin et vont au Niger pour la même activité », explique le Cps de Malanville. L’ancien point focal de la Police républicaine à Malanville met en avant le brassage entre les populations de cette ville et celles des autres pays. «Les gens ont plus de facilité à pénétrer le sol béninois dans le cadre de la prostitution », souligne-t-il. Le phénomène est entretenu par plusieurs acteurs au Bénin et dans les pays limitrophes. On retrouve au premier rang les entremetteuses. Elles servent de courroie de transmission entre les filles et leurs clients. Roger Ouinsavi connaît bien le modus operandi. « L’entremetteuse qui est à Niamey recrute les filles et les conduit vers celle de Malanville. Le premier contrat concerne la prostitution et le partage des ristournes. Les coûts de l’acte varient en fonction de l’utilisation ou non des préservatifs », s’offusque-t-il. Issifou Alassane renchérit ; « Ce sont des jeunes dames qui débauchent les filles et les amènent vers les ‘’gargotes’’. Ces entremetteuses profitent des revenus issus du travail (prostitution) des filles. Elles les font travailler et les sous-traitent après ». Pour contenter les entremetteuses, les filles doivent se donner à fond afin de faire un maximun de gain. Autrement, elles subissent des remontrances ou des sanctions. « Soit les filles sont exposées au groupe, soit elles en sont exclues. Dans le dernier cas, elles sont livrées à elles-mêmes», poursuit-il. Dans ce réseau, le rôle des conducteurs de taxis-motos n’est pas négligeable. L’ancien point focal de Police républicaine à Malanville note avec désolation le rôle de ces derniers qui servent aussi d’intermédiaires. « Les conducteurs de taxis-motos assurent le déplacement des filles de 20h à 1h du matin. Chaque acteur prend sa part en fonction de son rôle », confie-t-il. Il pense que le phénomène sera difficile à éradiquer tant que la loi ne sera pas rigoureusement appliquée. En 2016, l’Unicef avait déjà donné l’alerte : « Les enfants sont introduites et socialisées dans la prostitution et la pornographie par diverses personnes qui en tirent profit mieux qu’elles-mêmes, ce qui fait globalement de la prostitution une pratique défavorable à tous les points de vue pour les enfants. C’est un acte déviant qui prépare les enfants à ne plus avoir une vie propre à elles-mêmes. Le ‘’marché du sexe’’ est entretenu par des proxénètes, des clients mais aussi par des souteneurs, véritables parasites qui jouent sur la naïveté des enfants pour les exploiter ». Avec le temps, d’autres filles prennent goût à l’activité. Elles développent donc des stratégies plus durables afin de ‘’demeurer dans le système’’. « A défaut d’exercer dans des maisons closes, elles forment de petits groupes de deux ou trois et s’entendent pour louer une chambre commune. Cela leur offre plus de facilité pour satisfaire leurs clients », explique Issifou Alassane. Malgré l’ampleur du phénomène dans la ville, la Police républicaine est parfois obligée de marcher sur les œufs pour ne pas subir la colère de certaines communautés. « J’ai mené plusieurs démarches en direction de la Police républicaine, qui se sont révélées infructueuses parce qu’elle n’aurait pas été saisie formellement par des plaintes des victimes », regrette Roger Ouinsavi. Dans ces conditions, le pouvoir de persuasion de la Police républicaine se limite aux sensibilisations et visites inopinées sur les sites. Abdouramane Ali, point focal artisan à la mairie de Malanville, est très connu pour son engagement en faveur de la lutte contre les violences faites aux filles. Ce quadragénaire à l’apparence frêle, aux cheveux bouclés et au teint clair consacre désormais tout son temps à la cause des filles victimes d’abus. Il affiche une détermination inébranlable. « Je représente une famille d’accueil pour les filles victimes de mariages forcés et d’abus. Je les accueille chez moi en attendant que le Centre de promotion sociale les récupère et les insère », témoigne-t-il. Il fait un travail bénévole, mais son élan n’est pas apprécié de tous. Dans la localité, il doit faire attention pour ne pas s’attirer la colère des obsédés sexuels et de certaines gens impliquées. Quoique conscient des menaces auxquelles il s’expose, il n’est pas prêt à abandonner la bataille. Le bien-être social et l’avenir des filles le préoccupent.
Maladies et autres

Par peur de représailles au sein de leurs familles, beaucoup d’enfants subissent la prostitution et des viols à leur corps défendant. A défaut de contracter des maladies sexuellement transmissibles (Mst), certaines contractent des grossesses non désirées. Les spécialistes de la santé sont unanimes sur le fait que les rapports sexuels précoces et fréquents exposent au cancer du col de l’utérus et aux fistules obstétricales. «En plus, leurs chances de se marier et de vivre sous le toit d’un homme dans le futur sont réduites », analyse Issifou Alassane. Beaucoup d’entre elles font de l’automédication pour se doper et se prémunir contre les Mst. Aussi, la prostitution infantile fait-elle le lit à d’autres dérives. Roger Ouinsavi parle du trafic d’êtres humains. « Le phénomène prend de l’ampleur avec la célébration des mariages forcés à l’approche du carême musulman. Pour avoir le revenu de la prostitution, il faut faire le tour de plusieurs marchés du département. En suivant ces itinéraires, les filles ne reviennent pas toujours sur les lieux du départ et on ne maitrise jamais leur point de chute. Si la fille n’a pas de références familiales solides, elle peut facilement être livrée aux trafiquants d’êtres humains», révèle-t-il. Le chef du Cps de Malanville évoque le banditisme, le viol, le vol, la délinquance…, qui s’ajoutent à la prostitution. Par ailleurs, le manque de disponibilité des centres de prise en charge des prostituées expose les victimes aux Mst.


Actions de veille

Le phénomène de la prostitution infantile n’est pas étrange à Zaliath Bagri, chargée de l’hygiène et assainissement en milieu scolaire à Catholic relief service (Crs) de Kandi. Elle côtoie beaucoup de cas de grossesses précoces dans le cadre de son travail. C’est pour cela que le Crs se concentre sur la gestion du cycle scolaire des jeunes filles afin de réduire les déviances dans leurs rangs. La sensibilisation par les pairs est un outil efficace à cet effet. « Nous avons mis en place un système de mères éducatrices et de pères éducateurs afin de sensibiliser les élèves. Les relais communautaires sont aussi d’une grande contribution», fait-elle savoir. Beaucoup croient également en la force de persuasion du Tribunal de première instance de première classe de Malanville. Mais les phénomènes sociaux ayant la peau dure, il faudra dupliquer les initiatives du genre dans toutes les localités du Bénin et les pays impliqués afin de gagner le pari. De leur côté, certaines Ong participent à la lutte à travers l’organisation des dépistages gratuits au profit des prostituées en collaboration avec les centres de santé, la distribution de préservatifs et la mise à disposition de médicaments contre les infections et maladies sexuellement transmissibles. « Pour infléchir les tendances à l’implication des enfants dans la prostitution ou la pornographie, il est utile aux pouvoirs publics de déployer sur le terrain, l’arsenal juridique de répression des promoteurs de ce phénomène (gestionnaires de maisons de passe, proxénètes, souteneurs, etc.) ; de promouvoir les infrastructures éducatives et socioéconomiques dans les localités de provenance des enfants afin de répondre quelque peu à leurs besoins », propose l’Unicef. En outre, Roger Ouinsavi préconise la réalisation de tests psychologiques sur les auteurs afin de comprendre leurs motivations. Sinon, s’interroge-t-il, « la gamine de 12 ans a quelle charme à vendre pour qu’on lui saute dessus ? » A terme, le Projet d’autonomisation des femmes et des jeunes filles et de dividende démographique au Sahel (Swedd) prévoit d’impacter trois millions trois cent deux filles, de jeunes garçons et de femmes au Bénin. En attendant, le Cps de Malanville prend en charge certains cas d’abus sur mineurs. Mais qu’en est-il des cas non connus ?

Atouts économiques et appétences

Malanville est une commune frontalière au carrefour du Bénin, du Niger et du Nigeria. C’est une localité où l’affluence des transporteurs et des véhicules (camions gros porteurs, bus voyageurs, véhicules de transport,…) est perceptible et dont les conducteurs sont souvent loin de leurs familles. Les déplacements entrant dans le cadre de leurs activités économiques sont souvent ponctués d’escales au cours desquelles, ils profitent pour satisfaire toutes sortes de besoins, même ceux pulsionnels. Le volume impressionnant de flux de produits vivriers de la ville constitue également des atouts sur le plan économique. A côté de ces flux de marchandises, les filles aussi se déploient à travers la vente ambulante de divers produits qu’elles portent vers les parkings gros porteurs, les chantiers et dans la rue. C’est justement au niveau de ces lieux que naissent les appétences entre ces petites vendeuses en quête de clients et les conducteurs de véhicules à la recherche d’une partenaire sexuelle pour passer du temps n L’enfant et la loi La législation béninoise protège l’enfant et son intérêt supérieur, notamment à l’article 26 de la Constitution. Le Code pénal interdit la prostitution des mineures et leur incitation à la débauche. Cependant, des insuffisances sont notées. Selon l’Unicef, « La législation béninoise ne dispose d’aucune définition du concept de prostitution des mineurs, tel que défini à l’article 2 (b) du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ».


Bruno Montcho , sociologue

L’article 2 (b) dudit protocole définit « la prostitution des enfants comme le fait d’utiliser un enfant aux fins d’activités sexuelles contre rémunération ou toute autre forme d’avantage ». Selon l’article 3, le fait « d’offrir, d’obtenir, de procurer ou de fournir un enfant à des fins de prostitution » doit être criminalisé. La tentative et la complicité doivent également être criminalisées. La loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et reproductive interdit toute forme d’abus et de violence sexuelle à l’encontre des enfants, et notamment la prostitution des mineurs, mais cette loi également ne possède pas de véritables dispositions spécifiques concernant ce crime. Néanmoins, la loi n° 2011-26 du 9 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes définit la prostitution forcée comme « le fait d’amener une ou plusieurs personnes à accomplir un acte ou plusieurs actes de nature sexuelle, par la force, par la menace de la force ou de la coercition ou encore en profitant de l’incapacité desdites personnes à donner librement leur consentement en vue d’obtenir un avantage pécuniaire ou autres ». Ce crime est puni d’un à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 à 10 millions de francs, et si la victime est mineure de moins de 16 ans, la peine de prison est élevée à dix ans au moins. Pourtant, les auteurs enfreignent sans crainte ces dispositions.
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