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Valérie Mitokpè à propos de la lutte contre le chômage : “il y a des secteurs que les jeunes sous-estiment”

Publié le jeudi 15 septembre 2022  |  Fraternité
Valérie
© Autre presse par DR
Valérie Mitokpè à propos de la lutte contre le chômage : “il y a des secteurs que les jeunes sous-estiment”
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Quelles sont les raisons du chômage des jeunes diplômés ? Quel est l’état actuel du marché de l’emploi au Bénin ? Comment se présente le rapport entre la formation et le secteur privé ? Valérie Dékouhoué Mitokpè, jeune entrepreneure et spécialiste en science de l’éducation, a répondu à nos questions liées à la lutte contre le chômage des jeunes. Décontractée et sans détour, la Consultante-Formatrice a ouvert l’esprit des jeunes apprenants à travers des conseils et des solutions pratiques pour les libérer du manque de l’emploi. Lisez l’entretien.
Le chômage frappe une bonne partie de la jeunesse béninoise. Quelles sont les raisons selon vous ?

Merci. Ce phénomène de chômage n’est pas propre au Bénin. Dans notre pays, il découle du fait qu’aujourd’hui il y a une mauvaise orientation des jeunes durant leur processus de formation académique et professionnelle. Nous remarquons aussi une méconnaissance de certains secteurs d’activités par les jeunes diplômés sortis des écoles et universités. Ces deux constats constituent des obstacles dans la problématique de l’emploi des jeunes au Bénin. Pour renverser cette tendance, il va falloir prendre des initiatives pour faire la lumière sur des secteurs d’activités peu connus des jeunes diplômés et les orienter vers ces domaines pourtant porteurs d’avenir. Pour impacter les jeunes, on doit les sensibiliser sur l’exercice de ces activités, la formation et les prédispositions nécessaires qui ouvrent la voie aux débouchés. Donc, la valorisation de certains métiers vise à réduire davantage le cercle du chômage. Sinon, il y a des métiers qui existent mais que personne ne veut pratiquer parce qu’ils sont stigmatisés et considérés comme des sots métiers.
Des jeunes diplômés réfusent de s’y engager, ils aiment travailler au bureau, tout propres en chemise et cravate pour se sentir fiers. Un bon travail n’est pas forcément derrière le bureau. Il faut aussi nécessairement des gens pour exercer sur le terrain où on a besoin des ressources humaines. Par exemple, un mécanicien-auto rend un grand service à la communauté. Il faut valoriser de pareils secteurs, pourtant minimisés par la jeune génération.

Que pensez-vous alors de la campagne d’orientation au profit des nouveaux bacheliers ?

Je précise d’abord qu’il y a plusieurs sortes d’orientations. Il s’agit surtout de l’orientation scolaire, l’orientation académique et l’orientation professionnelle qui sont très importantes dans la vie d’un homme. Vous savez, l’information est très nécessaire dans la vie. Avant de s’engager dans un domaine ou autre chose, il faut s’informer auprès des personnes ressources pour montrer la voie à suivre. C’est cela le sens de l’orientation. De plus, il faudrait aller beaucoup plus en profondeur, plutôt que de passer en revue les différentes formations dans les écoles et universités. On doit montrer aux apprenants les débouchés des filières sans passer sous silence les compétences et prédispositions réquises à avoir avant de les choisir.

Le choix d’une filière pour sa formation est très importante au point ou tout suivisme risque de compliquer l’avenir professionnel du jeune bachelier. A ce titre, les parents doivent surveiller les enfants dès le bas âge pour cette opération très déterminante pour leur avenir. Ils doivent rester quotidiennement attentif aux réactions de leurs enfants sur certains domaines de la vie. Par exemple, l’observation des réactions d’un enfant devant un écran de télévision sur certains faits. A partir de cet instant, le parent doit vite se rendre compte que l’enfant dispose de certaines compétences à exploiter pour l’orienter très tôt. Ainsi, ils doivent essayer de se renseigner sur les filières qui répondent à l’aspiration de l’enfant. Les parents sont les premiers formateurs de l’enfant. C’est en procédant ainsi qu’il faut orienter votre enfant pour lui permettre de réussir son parcours universitaire et par ricochet sa vie professionnelle.

Donc on a trois niveaux d’orientation ?

Non. Il y a même l’orientation dans la vie sociale. De façon générale, on doit toujours s’orienter pour ne pas se perdre. Aujourd’hui, c’est pour régler le problème de chômage que l’Etat initie la campagne d’orientation académique au profit des jeunes dans les universités nationales. Déjà après le BEPC, il y a une orientation qui se fait pour le choix de la série pour la classe de seconde. Dans certains pays, c’est dépuis le premier cycle qu’on oriente l’enfant vers les centres de formation professionnelle, et même vers les lycées techniques. L’orientation ne se limite pas seulement aux personnes bien portantes. Des apprenants en situation de handicap bénéficient aussi d’une orientation. En somme, ce n’est pas seulement au campus qu’on aura à parler d’orientation. Plusieurs orientations s’opèrent dans la vie d’un homme. Cela peut être, par exemple, au plan matrimonial c’est-à-dire dans le choix de votre conjoint ou conjointe. C’est à l’université qu’on parle spécifiquement de l’orientation académique. Et normalement après le diplôme universitaire (Licence ou Master), on doit subir une orientation professionnelle. Même dans la gestion de votre carrière, une orientation est primordiale. Le psychologue du travail et le responsable des ressources humaines ont pour missions, entre autres, d’orienter les travailleurs et de faire la gestion de leur carrière.

Comment observez-vous le marché de l’emploi au Bénin ?

Sur le marché de l’emploi, nous avons toujours le mythe de ‘’Akowé’’ au Bénin. Ce mythe, depuis le temps colonial, demeure dans l’esprit des jeunes diplômés. Nous avons un grand problème parce qu’il y a des secteurs que les gens sous-estiment. Alors qu’il ne manque pas du travail sur le marché de l’emploi. Dans le secteur agricole, nous avons des terres à notre disposition pour cultiver des produits de premières nécessités. Beaucoup d’emplois sont générés par l’agriculture. Les jeunes apprenants peuvent choisir d’être éleveurs, pêcheurs et même producteurs. De nombreux jeunes diplômés ignorent ces atouts et se plaignent tout le temps du chômage. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas d’emploi. Le problème est que nous voulons être tous des employés. On doit réfléchir pour trouver des alternatives. C’est pourquoi, les géniteurs doivent développer l’esprit de créativité chez les enfants dès le bas âge. Aussi, depuis l’âge de deux à trois ans, il faut aiguiser la curiosité chez eux.

La compétence seule suffit-elle pour s’auto employer ?

Sincèrement, ce n’est pas tout le monde qui doit s’auto employer. Si tout le monde s’auto employait, qui allait travailler pour l’autre ? La promotion de l’entrepreneuriat vise aussi à augmenter le nombre des entreprises sur le marché de l’emploi et pour lutter contre le chômage des jeunes. Mais tout le monde ne peut pas être patron d’entreprise. On a besoin des prédispositions naturelles. Les études sont importantes mais il faut des connaissances données avant de s’y engager. Ce n’est pas forcément de connaissances livresques ou de grands diplômes. Un petit passionné du métier de mécanicien fait son apprentissage dans un atelier quelque part dans un coin de rue. Il fait trois ou quatre ans d’apprentissage, il obtient son diplôme en mécanique (Auto ou Moto). Il n’a pas besoin d’une Maîtrise à l’université pour pouvoir réparer une voiture ou une moto. Il a acquis des compétences et se prend au sérieux pour ouvrir son garage.

Il y a des jeunes qui prennent l’auto emploi comme une situation d’attente. Quel est votre point de vue ?

Il faut comprendre notre société. Tout le monde se cherche dans la vie professionnelle. Ces jeunes se cherchent encore. On ne peut pas leur jeter la pierre pour leur vision de pouvoir travailler quelque part. C’est toujours le mythe de “ Akowé” qui les anime. Moi en ma qualité de consultante, je peux toujours postuler pour des offres. La vie c’est un combat de tous les jours. Les échecs en entrepreneuriat sont inévitables et doivent faire grandir. L’essentiel pour les jeunes diplômés est d’avoir un mental fort. Ce n’est pas parce qu’on a échoué aujourd’hui que tout est fini dans sa vie. A force de toujours foncer, on finit toujours par trouver son chemin. L’autre chose est de toujours continuer à se former pour rester au pas.

Votre message pour conclure.

J’invite tous les jeunes à s’armer de courage. Je les invite à ne pas croire que la vie est facile. Ils doivent se méfier des vendeurs d’illusion. Les jeunes diplômés doivent penser que rien n’est auto-auto dans la vie. La vie professionnelle est un parcours d’amazone. Il faut s’armer mentalement, psychologiquement et même physiquement. Il faut se lever tôt tous les jours et savoir que tu as une mission à accomplir sur cette terre.

Propos recueillis par Joël SÉKOU (Coll.)
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