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Réforme du Code de procédure pénale: Aïvo-Madougou : le dilemme d’une libération contrôlée

Publié le mercredi 28 septembre 2022  |  Matin libre
Patrice
© Autre presse par DR
Patrice Talon invité à libérer les opposants Madougou et Aïvo
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Au Conseil des ministres du mercredi 21 septembre 2022, le gouvernement a adopté le projet de loi portant modification et complément de la loi n°2018-14 du 18 mai 2018 portant Code de procédure pénale en République du Bénin. L’innovation majeure porte sur la possibilité offerte au chef de l’Etat de suspendre l’exécution d’une peine. Autrement dit, une fois que la loi sera votée par l’Assemblée nationale, ensuite promulguée par le chef de l’Etat, Patrice Talon peut décider de suspendre pendant 5 ou 10 ans la peine d’un condamné pour raison humanitaire ou sociale. Aussitôt la nouvelle rendue publique, les médias n’ont pu s’empêcher de trouver que sont dans le viseur Reckya Madougou et Joël Aïvo. Pour l’opinion publique, les célèbres opposants en prison seraient les probables bénéficiaires d’une telle suspension de peine. Interrogé sur la question, le Secrétaire général adjoint et Porte-parole du gouvernement Wilfried Léandre Houngbédji n’a pas lui aussi écarté cette possibilité. « Ce sont des justiciables béninois. S’ils remplissent les conditions pour bénéficier, demain, de ces mesures, il leur appartient de prendre l’initiative, ainsi que le projet de loi l’indique, de formuler une demande. Dès lors que le Csm (Conseil supérieur de la magistrature, Ndlr) aura donné son avis favorable, ils pourront bénéficier de cette mesure comme n’importe quel autre justiciable condamné par les tribunaux et les cours du Bénin », a laissé entendre Wilfried Léandre Houngbédji. Mais quel besoin avait-on de recourir à une loi suspensive alors que le chef de l’Etat a la possibilité de gracier les personnes concernées ou de prendre une loi d’amnistie ? Une fois encore, le Porte-parole du gouvernement a établi la nuance entre une loi d’amnistie, la grâce présidentielle et la loi suspensive de peine sur la table des députés. Reçu lundi dernier sur l’émission Débat Matinal de la radio nationale, le Porte-parole du gouvernement a laissé entendre ceci : « La mesure d’aménagement envisagée qui vise la suspension des peines n’emporte ni effacement de l’infraction, ni interruption définitive de la peine, mais suspension. Ce qui veut dire que le justiciable qui bénéficierait demain de cette mesure, et je précise que c’est en raison de la gravité de l’infraction qui aura conduit ce justiciable en prison, que l’on envisage ni l’amnistie, ni la grâce. Et donc le justiciable qui bénéficiera de cette mesure, quand il va sortir, on va dire trivialement qu’il demeure un prisonnier ambulant. Un prisonnier ambulant pour la simple raison qu’une fois sorti, si son comportement l’amène à se comporter comme un récidiviste, il pourra rapidement retourner. Lorsque le comportement est de nature à inquiéter ou à montrer qu’il ne s’est pas amendé, bien qu’avant de bénéficier de cette mesure il a affiché un certain comportement dans l’espace carcéral qui plaidait en sa faveur, au bénéfice de cette mesure, le Procureur de la République peut sur réquisition obtenir qu’il retourne dans l’espace carcéral. Et là-dessus, le Projet de loi envisage que quelqu’un qui aura bénéficié de cette mesure qui n’est valable que pour un délai de cinq ans maximum, renouvelable une seule fois, s’il bénéficiait d’un renouvellement, ce qui ferait qu’à la fin il aurait eu une suspension de 10 ans parce qu’il faut savoir que des gens sont condamnés à 20 ans, 25 ans, 30 ans ou plus. En ce moment-là seulement, lorsque ce délai est écoulé et qu’il n’y a plus eu d’actions on peut considérer que la mesure vaut grâce et donc va produire les mêmes effets qu’une mesure de grâce qui aurait pu être prise. »

Une manière de donner le mouton et de garder en même temps la corde

A travers les explications du porte-parole du gouvernement, la nuance avec les mesures de grâce et d’amnistie, c’est que la première annule la peine et la seconde l’efface. La mesure suspensive, quant à elle, met une pause. La personne qui en bénéficie peut retourner à tout moment en prison dès qu’il adopte un comportement qui n’est pas apprécié. C’est un prisonnier ambulant. Se référant au contexte actuel, Reckya Madougou et Joël Aïvo, s’ils décident de faire la demande afin de bénéficier d’une telle mesure, et que la demande est acceptée, ils doivent savoir qu’ils seront toujours sous la menace de retourner en prison à n’importe quel moment. Ils seront en liberté certes, mais une liberté contrôlée. Ils ne peuvent rien faire qui mette en colère l’institution qui leur aura accordé une telle mesure de suspension de peine. En absence de grâce présidentielle et de loi d’amnistie, si la libération des opposants en prison tenait à cette seule condition, quel feront Reckya Madougou et Joël Aïvo ? Tel doit être actuellement le dilemme.

B.H



Que craint la Rupture ?

Dans les conditions actuelles, difficile de ne pas lier la possibilité d’une libération corde en main pour Reckya Madougou et Joël Aïvo, à travers le projet de loi modifiant et complétant le Code de procédure pénale. Le cas échéant, ces deux figures de l’opposition sont-elles si influentes pour nécessiter une telle précaution ? Constituent-elles à ce point une menace pour le pouvoir de la Rupture ? N’est-on pas alors en droit de craindre pour l’avenir de l’activisme politique surtout quand on ne partage pas la vision du pouvoir en place ? N’est-ce pas aussi une façon de contraindre certains au silence et d’empêcher chez eux la concrétisation d’ambition politique ? Au cas où les soupçons s’avéraient, on peut se demander si ce n’est pas la théorie de la maîtrise des grands électeurs développée par le candidat Talon devenu président qui se poursuit ?
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