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Patrick Lecompte, fondateur de Automobile Club du Bénin sur la sécurité routière : « Il n’y a pas de code de la route au Bénin…Un accident, c’est toujours une responsabilité partagée »

Publié le vendredi 21 octobre 2022  |  Fraternité
Patrick
© Autre presse par dr
Patrick Lecompte, fondateur de Automobile Club du Bénin sur la sécurité routière
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Résidant au Bénin depuis plus de 3 décennies et connu sous le nom de papa Fèmi, Patrick Lecompte est fondateur de Automobile Club du Bénin. Il s’agit d’une association qui s’investit dans le domaine de la sécurité routière depuis sa création en 2008. Il passe ici au peigne fin ce à quoi les usagers font face sur les routes au Bénin.

Quelle lecture faites-vous des accidents qui se répètent sur nos routes ces derniers temps ?
D’abord, je dirai qu’avec l’Automobile Club du Bénin, je bénéficie aujourd’hui d’une grande expérience et sans fausse prétention, je dirai même une grande expertise. Concernant votre préoccupation, je dirai clairement qu’il s’agit de la méconnaissance des règles élémentaires du code de la route et l’un des drames du pays, c’est qu’il n’y a pas de code la route au Bénin. Donc, il s’agit aussi de la méconnaissance du comportement individuel en circulation.

Pourquoi selon vous, il n’y a pas de code de la route au Bénin ?
Tout simplement parce que les règles de circulation sont toujours basées sur un arrêté qui date de juillet 1956 pour règlementer la circulation sur la voie publique. Vous imaginez, notre pays, plus de 60 ans après son indépendance, n’a toujours pas élaboré et voté ce que l’on appelle un code la route. Je n’irai pas jusqu’à dire avec malice qu’il est dommage que les députés ne se soient pas penchés là-dessus. Mais il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Un arrêté colonial du mois de juillet 1956 qui gère la circulation depuis l’indépendance et même depuis la conférence nationale, c’est en encore plus criant. Il y a eu des évolutions établies par des arrêtés, établies par des décrets et non par des décrets-lois. Les décisions qui ont été mises en place par des arrêtés interministériels. Le plus facile à retenir, c’est l’utilisation du téléphone portable que ça soit en deux roues ou en quatre roues, le port de la ceinture de sécurité, le port du casque etc. Le code de la route ne saurait se limiter à ces seuls essais.

Vous avez aussi fait mention du fait qu’il s’agirait de la méconnaissance du code de la route par les usagers. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
J’ai toujours l’habitude de dire que dans un accident, il y a trois responsables. Il y a le concepteur des routes. Ce ne sont pas les usagers qui conçoivent les routes. Les usagers eux-mêmes, qu’ils soient coupables ou victimes, ils sont responsables. C’est toujours une responsabilité partagée parce que quelles que soient les circonstances, même si vous passez par un carrefour ou un feu vert, vous devez être maître de votre véhicule. C’est-à-dire que le feu vert ne vous donne pas la priorité absolue. Et là, on tombe sur cette problématique très profonde de la priorité. Le citoyen, l’usager de la route finit par galvauder ce terme alors que notre constitution est très claire. On est tous égaux en devoirs et en droits. Donc sur la route, on doit être aussi égaux. Il n’y a aucune raison que dans un code, il y ait aujourd’hui au XXIe siècle des gens qui soient plus prioritaires que d’autres. Le brave cultivateur qui sort de son champ en vélo et qui veut s’engager sur la grande voie de Parakou doit avoir les mêmes droits qu’il vienne de droite ou qu’il vienne de gauche. Quand vous êtes sur la grande route de Parakou, vous devez être vigilant en toute circonstance et ne pas dire "je suis prioritaire, j’ai le plus haut véhicule, c’est moi qui ai raison ". Ce n’est pas un bon comportement sociétal.

Que pensez-vous de la manière dont les routes sont conçues et construites dans le pays ?
Voilà ! C’est assez fantaisiste, c’est assez dommage. Il y a un texte de l’Uemoa qui oblige en principe chacun des États membres dont le Bénin d’impliquer les associations dans la sécurité routière et de dégager un budget de 15% pour couvrir les frais d’expertise, les frais de visite de route, les frais de l’analyse des plans parce qu’on pourrait déjà mettre sur plan, voir les anomalies et dire : est-ce que ça ne pourrait pas être construit autrement parce que c’est probablement une source d’accident. L’un des exemples les plus significatifs c’est la route construite il y a une vingtaine d’années maintenant à Porto-Novo. Il était bien évident qu’en faisant des caniveaux à ciel ouvert du côté opposé à la pharmacie de l’abattoir, cela allait créer des accidents. Et cela n’a pas raté. Ça je l’avais déjà vu sur plan sans avoir pu être entendu à l’époque alors que des experts français du cabinet Iris Conseil qui étaient venus de Paris ont donné des avis techniques, et ça leur avait échappé.

Si dans un cas d’accident, tous ceux qui y sont impliqués ont leur part de responsabilité, comment pensez-vous qu’on peut situer les responsabilités ?
D’abord bien concevoir les routes, quel que soit le profil du terrain, quel que soit l’environnement. Je prendrai comme exemple deux Carrefours importants de Calavi : le carrefour IIta et celui de Kpota. Comment on a pu construire des carrefours aussi dangereux pour les usagers quels qu’ils soient. Alors si vous me demandez une des solutions, je dirai la solution la moins mauvaise, malheureusement ce n’est pas celle que je préfère mais je dirai que c’est celle qu’il faut sans doute appliquer. C’est de construire systématiquement aux intersections un dos d’âne pour obliger les usagers quels qu’ils soient à réduire leur vitesse parce que la construction des dos d’âne est normalisée et ils sont conçus pour être franchis à une vitesse maximum de 30km/h ce qui donnerait le temps à tout un chacun de freiner, de ralentir en fonction d’un obstacle prévisible ou imprévisible. Puisque le code de la route est très clair. Vous devez être maître de votre véhicule en toute circonstance. Que l’obstacle soit prévisible ou imprévisible.

Le contenu du code de la route prévu pour les peines semble ne pas concorder avec la réalité d’aujourd’hui. Un toilettage des textes n’est-il pas opportun ?
Je ne dirai pas toilettage puisqu’on ne peut pas toiletter quelque chose qui n’existe pas. Pour qu’on conçoive vraiment un code de la route pertinent, il faut qu’une fois que la commission des lois a élaboré le meilleur texte possible, elle puisse ensuite s’ouvrir auprès de la société civile, pour que cette société civile via deux ou trois associations de bonnes compétences, puisse effectivement faire des suggestions, des amendements et puisse arriver à avoir un véritable code de la route béninois qui tienne compte de la sociologie béninoise et qui mette en place un système de pénalisations, de sanctions appropriées à l’état d’esprit et au niveau de vie du béninois. On s’aperçoit parfois que la sanction la plus efficace , c’est toujours celle qui touche le porte monnaie. Qu’on le veuille ou non, ça fait mal mais quand la sanction touche au porte monnaie, c’est là que l’usager de la route se sent le plus fortement conscientisé et interpellé.

La majorité des usagers sont motocyclistes et le permis à eux imposé n’est pas pris en rigueur. Aves-vous fait le même constat ?
Oui tout à fait. Il y a deux choses dans cet aspect-là. Effectivement, vu le nombre de véhicules en circulation les deux roues étant très largement les plus nombreux, on sait très bien que les deux roues a 80% n’ont aucune notion du code de la route. Et je dirais même que ceux qui ont le permis B , c’est-à-dire le permis voiture et qui laissent la voiture à la maison pour utiliser un engin pour aller au service ont les mêmes comportements que ceux qui n’ont pas du tout le permis. C’est vraiment symptomatique. Ce qui paraît extrêmement curieux et puis on oublie que le permis de conduire n’est pas comme le Bac, c’est que quand vous avez le bac, vous l’avez une fois pour toute mais le permis de conduire n’est qu’un permis que l’on peut vous retirer à tout moment. Malheureusement on ne retire pas à tout moment , on ne le retire pas dans de bonnes conditions. En 1999, donc il y a plus de 23 ans, j’ai été membre de la commission de retrait du permis de conduire du CNSR . C’était assez stupéfiant et manifestement c’était un des problèmes. Les Sanctions ne sont pas appropriées.

Quel appel aux différents usagers de la route au Bénin ?
Malheureusement je pense que l’appel n’est pas à l’endroit des usagers mais plutôt à l’endroit des autorités. Sinon le mot autorité n’a plus de sens. C’est l’autorité qui peut impacter l’usager. Uniquement l’autorité. Il est évident que l’Automobile club comme les autres associations n’a pas autorité. A titre d’exemple nous ne sommes jamais investis au bord de la route parce que les associations n’ont aucun droit d’intervention même si c’est pour la sensibilisation sur la voie publique. Même le CNSR, s’il veut intervenir sur la voie publique, il ne peut pas le faire tout seul . Pour intervenir sur la voie publique, il faut au minimum un officier de police judiciaire. Au CNSR, il n’y en a pas. C’est pourquoi quand vous voyez les gens du CNSR intervenir, c’est simplement un problème légal. Il leur faut un policier qui ait la qualification ou dans le temps passé un gendarme qui a la qualification puisque même le DG du CNSR n’a pas la qualification. Il est administrativement le directeur général mais il n’a pas autorité sur la voie publique. J’ai souvent contesté cet aspect là en regrettant de voir des associations financées parfois par le CNSR qui étaient en intervention sur la voie publique mais de manière illégale. Si l’autorité encourage l’illégalité, c’est problématique. Donc je pense que ce n’est pas auprès des usagers qu’il faut lancer un appel mais vraiment auprès des autorités pour qu’elles prennent la véritable problématique de l’accidentologie sur la voie publique par le bon bout. Et elle ne pourra le prendre par le bon bout qu’avec un code de la route pertinent, pensé pour les béninois et qui mette en place des sanctions idoines. Et ces sanctions, si elles sont efficaces pécuniairement, elles le seront également socialement.

Votre mot de la fin
J’espère que la mobilisation de la presse autour de cette problématique touche l’ensemble des professions. Je sais aussi que la plupart des journalistes se déplacent avec leur engin personnel. Donc ils sont toujours concernés par cette problématique des accidents. Récemment je discutais avec l’un d’entre eux et il me disait qu’à chaque fois qu’il prend son engin pour partir il fait une prière espérant arriver à bon port. Et quand il repart au journal il renouvelle une prière. Donc vous imaginez que ça peut lui faire cinq ou six prières par jour. Si l’association des journalistes béninois dans les rubriques société , dans les rubriques mobilité qui sont en train de se mettre en place dans plusieurs organes arrivaient de manière collective à faire une pression sur les autorités, pas une pression méchante mais une pression au sens philosophie du terme à travers leur éducation, ce serait déjà un grand pas.
Propos recueillis par Fidégnon HOUEDOHOUN
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