Simplice Togbé, Directeur de l’emploi salarié, de l’orientation et de la prospection (DESOP) à l’ANPE : « Les candidats réalisent un bon CV qu’ils défendent très mal »

Publié le vendredi 28 octobre 2022 | Fraternité

© Autre presse par dr
Simplice Togbé, le Directeur de l’emploi salarié, de l’orientation et de la prospection (DESOP)

Quel est l’état des lieux des curricula vitae réceptionnés par l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) ? Simplice Togbé, le Directeur de l’emploi salarié, de l’orientation et de la prospection (DESOP) de cette agence publique qui s’occupe, entre autres, du recrutement du personnel pour les entreprises désireuses a répondu à cette question en faisant un bilan du point de vue qualitatif des CV reçus. Mais, le recruteur a déploré le manque de confiance en soi qui mine certains demandeurs d’emploi. Lisez l’entretien.

Comment se déroule le processus de recrutement à l’ANPE ?

Merci beaucoup. En fait, je clarifie que l’ANPE ne lance pas des appels à candidature. Car, ce n’est pas nous-mêmes qui recrutons les employés. Notre agence est l’intermédiaire entre les demandeurs d’emploi et les employeurs, les patrons d’entreprises qui ont besoin des compétences. Lorsqu’une entreprise s’adresse à l’ANPE, c’est dans la vision de demander des compétences. C’est dans ce cadre que l’ANPE, dans sa posture d’intermédiaire, publie des offres de recrutement commanditées par les entreprises au profit des jeunes diplômés.
Nous avons une base de données des candidats à l’emploi ayant des compétences dans plusieurs domaines professionnels.
La publication des avis de recrutement permet aux offreurs de services de postuler en envoyant les dossiers notamment le curriculum vitae dans l’une des 13 agences proches de leur lieu de résidence. Je précise que le curriculum vitae est le premier outil de recherche d’emploi pour un diplômé en quête du travail. Dans le traitement de la commande d’un employeur sur des compétences requises, l’ANPE dispose de trois niveaux de services. Il s’agit, d’abord, du premier niveau où on discute avec l’entreprise qui cherche des compétences. A cette étape, l’entreprise demande à nos agents de ne pas s’occuper entièrement du traitement du dossier des candidats. Il s’agit ainsi de collecter seulement les curricula vitae et de les transmettre aux entreprises demandeuses des profils qui à leur tour se chargent du recrutement des profils. Par l’exemple, une entreprise recherche un maintenancier en informatique. Sur sa requête, nous ne lui envoyons rien que des CV des maintenanciers. Si une autre compétence se trompe en déposant son CV, la personne est considérée comme un intrus et est d’office éliminée. Son curriculum est mis à l’écart par nos agents. C’est un travail de fond qui se mène dans notre agence pour identifier les candidats dotés de bonnes compétences.
Ensuite, nous avons le deuxième niveau de service qui exige un peu plus d’approfondissement. Dans ce cas, l’employeur demande à l’ANPE de faire un pré-travail. Cela signifie que si 100 personnes ont déposé des curriculums vitae, nous procédons à leur étude. C’est à cette occasion que nous invitons les chercheurs d’emploi à un entretien physique d’embauche à l’issue duquel nous proposons à l’entreprise quatre (04) ou (05) meilleurs candidats à l’emploi conformément aux profils qui lui semblent convenables. Enfin, le troisième et le dernier niveau qui prend en compte tout le processus de recrutement. L’entreprise n’a pas de temps pour organiser une embauche. Alors elle demande aux agents de l’ANPE de faire tout à sa place et de lui envoyer les produits finis prêts à être utilisés.

Quelle est alors la qualité des CV réceptionnés ?

Notre activité à tous les niveaux, se focalise seulement sur l’outil curriculum vitae.
Aujourd’hui, il faut avouer que les choses évoluent en ce qui concerne les recrutements. Il existe des candidats qui réalise des curricula vitae irréprochables.
Des fois, nous sommes vraiment étonnés par l’ingéniosité de certains postulants. Mais, je dois préciser qu’à chaque publication des offres de recrutement, nous recevons beaucoup de CV des candidats qui ne sont pas dans la base de données de l’ANPE. En revanche, je soulève que le problème n’est pas au niveau des curricula vitae. Nous recevons des candidats qui ont du mal à défendre leur CV devant les recruteurs. Les candidats réalisent un bon CV qu’ils défendent très mal à l’entretien. Lorsque les recruteurs leur posent des questions sur leur profil et leurs compétences, les chercheurs d’emploi capitulent. Un comportement qui m’étonne vraiment en tant que recruteur. Cela nous pousse à nous interroger sur la sincérité de certains candidats au job.

Qu’est-ce qui peut être à la base de ce problème ?

Nous sommes à l’ère du numérique où certains jeunes curieux font des recherches pour réaliser des CV présentables. C’est vrai qu’un curriculum vitae présentable permet aux candidats de marquer un point devant le recruteur, mais le plus important se trouve à l’entretien d’embauche. Ils doivent sortir le grand jeu pour convaincre le jury. Le CV est un outil de communication et de marketing personnel pour un demandeur d’emploi mais ne lui garantit pas une embauche. Il permet aux postulants d’être invités à un entretien d’embauche.

À l’entretien, il faut que le candidat possède son CV pour se montrer à la hauteur de son poste. Forcément, il doit répondre efficacement aux questions du recruteur. Que peuvent subir les candidats en question comme conséquences ?

C’est clair. Les recruteurs auront un doute sur leur sincérité dans la rédaction de leur CV. C’est bien de se vendre sur papier mais c’est mieux de savoir se vendre aux recruteurs. Il faut que les jeunes diplômés apprennent à se défendre devant le recruteur. Si non, on a l’impression que c’est une autre personne qui se trouve derrière leur CV.

Quels sont vos conseils à l’endroit des jeunes diplômés ?

Les conseillers en emploi de l’ANPE ont un niveau de compétence très élevé pour s’occuper des demandeurs d’emploi. Malheureusement, beaucoup de jeunes ne savent pas saisir les opportunités qui s’offrent à eux. Les opportunités, il y en a mais pas pour tout le monde au même moment. Il faut que les jeunes se battent dans la vie pour réussir.
Propos recueillis par Joël SEKOU (Coll.)

Commentaires

Dans le dossier