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Pêche Illicite, Non déclarée et Non réglementée (INN) au Bénin: Environ 02 milliards Fcfa de pertes causées majoritairement par des navires chinois

Publié le jeudi 13 avril 2023  |  Matin libre
Ganvié
© aCotonou.com par Didier Assogba
Ganvié sur le Lac Nokoué après l`interdiction de l`utilisation de l`Acadja,les pêcheurs de Ganvié demandent à Francis da Silva d`être leur porte-parole auprès du chef de l`État
Ganvié sur le Lac Nokou, le 16 novembre 2019. Ganvié sur le Lac Nokoué après l`interdiction de l`utilisation de l`Acadja,les pêcheurs de Ganvié demandent à Francis da Silva d`être leur porte-parole auprès du chef de l`État
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Les eaux maritimes béninoises subissent des affres de la Pêche Illicite, Non déclarée et Non réglementée (INN), menée par des navires chinois en majorité. Si des efforts continuent d’être déployés pour renforcer la surveillance en haute mer, les pertes économiques restent énormes pour un pays dont les recettes sont essentiellement fiscales.

Environ deux milliards de Franc Cfa de pertes causées ces cinq dernières années (2017-2022) par des navires impliquées dans la pêche INN au Bénin, des navires majoritairement chinois. C’est approximativement la facture salée que paie le Bénin quant aux conséquences économiques liées à la pêche illicite dans les eaux maritimes béninoises.

En effet, le Bénin dispose d’une façade maritime de 121 kilomètres et d’un espace en mer représentant 40% de sa superficie terrestre. La pêche qui s’y mène contribue à hauteur de 3% au Produit intérieur brut (PIB) du pays et nourrit plus de 600 000 personnes, selon le rapport de l’enquête cadre de la pêche artisanale maritime au Benin réalisée en 2014. Les eaux béninoises regorgent une faune de plus de 257 espèces de poissons, en plus des espèces de crustacés et autres, selon les informations contenues dans le Plan d’actions national visant à prévenir et à éliminer la pêche illicite. Le potentiel exploitable de poisson serait de 12 000 tonnes par an, selon l’Inventaire nationale de collecte de données sur la pêche au Bénin. La dernière estimation faite est de plus de 74 000 tonnes de poisson, selon la Direction des pêches (Dph).

Malgré ce potentiel, la sécurisation des eaux maritimes est encore loin d’être effective. Conséquence, les ressources halieutiques du Bénin sont illégalement exploitées par des navires en haute mer, ce que confirme le Préfet maritime, le Capitaine de Vaisseau Maxime Fernand Ahoyo : « Nos ressources se font piller du fait de notre absence en haute mer ». Le Préfet maritime est l’autorité nationale chargée de l’action de l’Etat en mer. Il a arraisonné ces dernières années, plusieurs navires coupables de plusieurs infractions dont les pêches en zone interdite, la capture d’espèces interdites, les conditions d’hygiène exécrables, la pêche sans autorisation ou encore sans licence.

Les navires chinois en ligne de mire : Les nouveaux pirates de mer…



Selon l’ONG Eco-Bénin, entre 2019 et 2020, plus de 10 chalutiers ont été arraisonnés par les autorités béninoises avec l’appui de Sea Shepherd. Si cette ONG ne donne pas d’indication sur l’origine des navires arraisonnés, d’autres sources les identifient.

Pour le Préfet maritime, de 2015 à 2022, une quinzaine de navires ont été arraisonnés au Bénin dans le cadre de la lutte contre la pêche illicite. Des précisions apportées, il ressort que la plupart des navires arraisonnés ont des équipements chinois.

Selon le rapport de Financial transparency coalition (FTC), sur les 10 premières entreprises impliquées dans la pêche illégale, 8 sont d’origine chinoise. Contacté, Alfonso Daniels, auteur du rapport, affirme que des navires chinois ont été identifiés dans les eaux béninoises mais, le rapport ne renseigne pas sur le nombre exact de navires chinois concernés dans les eaux béninoises.

Socialter, dans une publication datant de 2021, renseigne qu’à l’issue d’une opération dans les eaux béninoises, « 5 navires, tous chinois » ont été arrêtés.

Les navires chinois constituent sans nul doute, la menace principale à une gestion durable des stocks halieutiques y compris dans les eaux béninoises.

Les facteurs favorisant la pêche illégale au Bénin : Des sanctions “très attractives“ aux difficultés logistiques et matérielles…

Le premier facteur est d’ordre matériel et logistique. En effet, ce n’est que récemment que le Bénin s’est doté d’un patrouilleur de haute mer. Ceci, grâce à un programme d’équipement de la marine nationale. «La Marine nationale depuis sa création n’a disposé que de patrouilleurs côtiers. Nos capacités opérationnelles ne nous permettent pas de sortir des eaux territoriales pour aller en haute mer, c’est-à-dire jusqu’à 22 km à l’intérieur de la mer », reconnait Maxime Ahoyo.

Après plusieurs mois d’essais, le patrouilleur désormais opérationnel, n’est toujours pas disponible pour renforcer la lutte contre la pêche INN. De sources bien renseignées, le patrouilleur serait affecté sur une autre mission notamment un projet pétrolier mis en œuvre entre le Bénin et le Niger. Ce patrouilleur de haute mer de 50 mètres et une vedette qui l’accompagne pourra rester deux semaines en haute mer, se réjouit Maxime Ahoyo.

La solution trouvée, en réponse au défaut de patrouilleur, a été donc de signer un mémorandum d’entente en avril 2019 avec l’Ong Sea Shepherd. Cette dernière met gracieusement à la disposition du Bénin, un navire de 50 mètres qui embarque un fusiller marin pour aller jusqu’à 200Km de la côte. Mais ce navire reste au Bénin pendant 3 semaines maximum avant de rejoindre un autre pays partenaire. Ceci voudra dire qu’en dehors de la période de séjour dudit navire, les eaux béninoises maritimes semblent donc très peu ou pas surveillées.

Alors qu’en mai 2022, le Bénin a signé un mémorandum d’entente avec Global Fishing Watch afin de disposer des renseignements fiables sur des activités qui se déroulent dans la zone économique exclusive en vue des interventions, il faudra espérer que le nouveau patrouilleur soit vite opérationnel pour lesdites interventions.

Outre les problèmes logistiques, le deuxième facteur favorisant la pêche illégale reste la faiblesse des sanctions qui ne dissuadent pas. Les sanctions semblent plutôt « attractives », déplore le préfet maritime, Maxime Ahoyo. « Les peines ne sont pas assez lourdes pour freiner l’élan de ces contrevenants », estime le Chef Service Aménagement et Gestion des Pêcheries à la Direction des pêches et de la production halieutique (DPH), Herman Gangbazo.

Leurs dires se basent sur le fait que les navires arraisonnés et traduits en justice écopent d’une amende qui varie entre 2 ou 3 millions F FCFA. Ces navires arraisonnés et traduits en justice écopent des peines et amendes jugés “dérisoires“. Pourtant, dans la même période un autre navire a été arraisonné au Ghana et a payé environ 600 millions FCFA. En effet, selon les dispositions pénales de la loi-cadre, la peine maximale d’emprisonnement est d’un an alors que l’amende maximale n’excède pas 25 millions de Fcfa avec une possibilité de règlement à l’amiable. Alors qu’au Ghana, le plafond est de 1,5 milliards de dollars, fait constater Maxime Ahoyo. Et de rassurer du démarrage du processus relecture de ladite loi-cadre.

Le manque de volonté politique pour lutter contre le phénomène reste un facteur important. Si les autorités béninoises sont conscientes de l’impact de la pêche illicite sur l’économie nationale ainsi que sur les pêcheurs locaux, les mesures de renforcement de la lutte sont encore faibles.

Le Bénin s’est doté récemment des postes VMS (Vessels monitoring système) grâce à l’appui du CPCO, pour suivre les navires en temps réel. Seulement, la surveillance reste limitée aux navires autorisés qui seront contraints d’avoir des balises à bord lors des activités de pêche. Les auteurs de pêche illégale ne sont pas concernés et sont informés des quelques opérations de contrôle. « La veille d’une opération, il a été observé un mouvement d’ensemble de retrait des navires des eaux béninoises et ceci, durant le temps passé par le navire de Sea Shepherd en haute mer. Chose curieuse, une fois le navire de Sea Shepherd sur les côtes béninoises, il a été également observé un mouvement d’ensemble de navires revenant dans les eaux maritimes béninoises », témoigne le préfet maritime.

Le manque de transparence des missions d’inspection des navires reste un autre facteur. Selon nos investigations, les missions d’inspection des navires sont prises en charge par les propriétaires desdits navires. Toute chose qui ne garantissait pas une indépendance et une crédibilité des rapports d’inspection et de contrôle.

De même, une fois les licences attribuées, l’administration des pêches ne dispose d’aucun mécanisme de suivi-contrôle des activités de pêches.

Les pertes économiques énormes

A combien peut-on estimer les pertes économiques du Bénin liées à la pêche illicite ? La facture reste salée concernant le manque à gagner ou encore les pertes économiques liées à la pêche illicite dans les eaux maritimes béninoises. Mais les autorités béninoises ne disposent pas de données fiables sur la pêche illicite au Bénin. Même la Direction des pêches admet ne disposer de données pour quantifier les pertes économiques. Dans cette situation de faiblement documentaire, il est impossible d’évaluer les pertes économiques, estime Maxime Ahoyo, préfet maritime.

Mais si Matti Kohonen de Financial Transparency coalition confirme cette réalité, il fait savoir que les pertes économiques imputables à la pêche illégale pourraient être « l’équivalent de la pêche légale comme dans d’autres pays ». Quelle est la contribution de la pêche légale ?

Ces cinq dernières années, les recettes de la pêche légale sont estimées à près de 2 milliards F Fcfa, selon Brito Urbain, Chef service contrôle et suivi des produits halieutiques et post-capture, désormais promu Directeur de la production halieutique. Sur la base de cette estimation, on peut considérer que les pertes économiques du Bénin causées par la pêche illégale pourraient bien être estimées à hauteur de 02 milliards F Fcfa environ sur les cinq dernières années dont les recettes liées aux licences des navires sont estimées annuellement à environ 500 millions de Francs Cfa même si ces dernières sont en baisse ces dernières années du fait de la piraterie maritime au large des côtes béninoises. Elles seraient passées à 104 millions de Francs Cfa en 2021 et 90 millions de Francs Cfa en 2022. Des pertes énormes qui auraient pu aider le gouvernement à construire davantage des infrastructures scolaires et sanitaires afin de garantir un meilleur accès à l’éducation et aux soins de santé.

Encadré

La pêche illégale fait perdre à l’Afrique environ 100.000 tonnes de poisson chaque année

Selon Financial transparency coalition (FTC) dans son rapport publié le 26 octobre 2022, l’Afrique perd environ 100.000 tonnes de poisson chaque année à cause de la pêche illégale. Elle est le troisième crime contre les ressources naturelles le plus lucratif après le bois et l’exploitation minière, selon ce rapport, déplorant l’absence d’informations sur les vrais propriétaires de ces navires qui utilisent souvent des sociétés fictives, des sociétés écrans et des co-entreprises pour dissimuler leur identité.

Les pertes économiques liées à la pêche illicite sont estimées à 1,9 milliards de dollars par an dans le Golfe de Guinée. Mais selon le rapport de Financial Transparency coalition publié le 26 octobre 2022, les pertes sont davantage inquiétantes.

Une assertion que partage le rapport «Fishy networks: uncovering the companies and individuals behind illegal fishing worldwide» pour qui, les 195 navires qui opèrent illégalement en Afrique de l’Ouest (soit 40,2%), engendrent des pertes estimées à 9,4 milliards de dollars US.

“Cet article a été rédigé par Aziz Badarou

Dans le cadre de “La Richesse des Nations”,

un programme panafricain de développement

des compétences médias dirigé par la Fondation Thomson Reuters.

Plus d’informations sur http://www.wealth-of-nations.org/fr/ .

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