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Grèves au Bénin : les réponses de deux responsables syndicaux aux propos du chef de l’Etat à Boni Yayi
Publié le mercredi 29 janvier 2014   |  L`événement Précis


Dieudonné
© Autre presse par DR
Dieudonné Lokossou, actuel secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin)


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Dieudonné Lokossou, Secrétaire général de la CSA-Bénin
« Le dialogue social est, aujourd’hui, dans les caniveaux et votre plateforme revendicative est banalisée »
« Je crois que les déclarations tonitruantes du Chef de l’Etat ne font qu’augmenter la tension dans le pays et au niveau des travailleurs. Je vous apprends, avec plaisir, que les professeurs d’universités ont déjà déposé une motion de grève illimitée suite aux défalcations opérées illégalement sur leurs salaires du mois de janvier et surtout pour les propos injurieux tenus, ce lundi, pendant plus de deux heures de temps par le Chef de l’Etat à l’endroit des syndicalistes accusés à tort et à travers. Donc, on ne peut pas prôner la vertu et nous conduire dans cette forme de gestion du pouvoir. Je crois, tout simplement, que tout ce qu’il a dit n’engage que lui parce que nous ne cachons pas que nous avons des relations avec certains partis politiques. Et moi, j’ai même dit, le dimanche dernier, sur une chaine de télévision, par rapport à tout ce qui s’est passé le 27 décembre 2013 où on estime qu’on a passé des produits en banalisant le bain de sang versé…j’ai donc dit que si, même les gens des FCBE venaient, on va les recevoir. Personne n’a, à nous dicter la conduite à tenir. La constitution n’a jamais interdit aux secrétaires généraux d’échanger avec les partis, que ce soit de l’opposition ou de la mouvance. Puisque le gouvernement utilise les rois, les féticheurs, les pasteurs ; des syndicalistes manipulés ; il ne doit pas être aussi gêné si on a des contacts avec des partis. Moi, je ne connais pas Talon. Je ne l’ai jamais vu. Donc, nous accuser, aujourd’hui, en affirmant que Talon nous utilise pour le renverser, je crois que moi, je ne suis pas dans cette logique. Nous avons une mission, celle de défendre les intérêts des travailleurs. Ce ne sont que des arguments pour abrutir le peuple. Donc, nous, nous sommes là, très sereins dans notre position de voir nos revendications satisfaites. Et il faut lui faire comprendre que cela va prendre d’autres allures si le Chef de l’Etat ne revient pas à de meilleurs sentiments. Je vous fais comprendre que le dialogue social est, aujourd’hui, dans les caniveaux. Le vendredi dernier, le Haut-commissaire à la gouvernance concertée devait nous recevoir. Et cela nous a été notifié 72 heures avant.

Ensuite, nos confrères de la confédération générale des travailleurs de la France (Cgt-France) et la Cfdt ont demandé à nous rencontrer, de retour, d’une mission effectuée au Togo et nous avons marqué notre accord. Et c’est ce vendredi à 09 heures que le ministre Sounton nous appelle pour dire que le Chef de l’Etat veut nous rencontrer à 11h30 quand on lui a donné notre agenda. C’est donc dire qu’il est bien au courant. Donc, par fraternité et respect à l’autorité, nous avons demandé s’ils peuvent déplacer la rencontre pour l’après-midi. Après, c’est le conseiller technique au dialogue social du ministre du travail qu’on envoie soliloquer, c’est-à-dire, faire des débats solitaires et mentir au peuple, disant que le chef de l’Etat a appelé mais qu’on l’a laissé poireauter jusqu’à 15 heures. Nous n’avons jamais dit au ministre Sounton que nous irions, ce matin-là, rencontrer le chef de l’Etat. S’il lui a dit cela, alors, il a fait économie de vérité.
Vos attentes à l’endroit du gouvernement
Il y a notre plateforme revendicative qu’il banalise. Il y a aussi le secteur de la justice. Ce que nous attendons et qui fait partie des préalables, c’est la restitution de toutes les défalcations opérées illégalement sur les salaires des gens. Nous sommes d’accord pour les défalcations lorsqu’il s’agit de nouvelles revendications. L’article 25 de la loi qui gouverne la grève n’a jamais dit qu’il faut faire des défalcations à tort et à travers lorsqu’il s’agit des droits acquis. Et lorsqu’il s’agit de la question des libertés, on ne doit pas défalquer. Le gouvernement ne sait donc pas là où il va. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout. Ils peuvent nous emprisonner, encore que les magistrats sont en mouvement de cinq jours. Je ne sais par quelle alchimie ils le feront. Nous attendons qu’il y ait un dégel sur le plan social. Mais ça dépendra de ce que le gouvernement va mettre dans le plan. S’ils viennent les mais vides, cela veut dire que le mouvement va se poursuivre ».
Noël CHADARE, Secrétaire général de la COSI-BENIN
« Boni Yayi a manqué l’occasion de faire baisser la tension »
« Moi, j’ai été stupéfait après cette sortie. J’attendais de voir un Chef d’Etat prendre vraiment la mesure de la situation de crise dans laquelle nous sommes pour dire des paroles d’apaisement. Mais, j’ai constaté que c’est le contraire. J’ai vu en lui un homme qui voit le mal partout. Un peu partout, il y a Talon, et mon pays souffre désormais de la « talonphobie ». On entend que les gens en veulent à sa personne, l’enfer, c’est le syndicalisme. C’est Talon qui serait leur commanditaire. Mais, je suis désolé. Il n’a pas pris la mesure de la situation. Nous, nous n’avons rien à foutre avec Talon. Moi, je ne le connais pas et il faut dire que si nous nous battons, c’est pour les libertés démocratiques. Allez jusqu’à dire qu’on a versé un produit sur le corps, c’est dommage. J’ai été très choqué qu’il banalise ce que nous autres, avons vécu ce jour-là. Je crois que ça signifie, quelque part, que ce qui nous est arrivé a été commandité au plus haut niveau. C’est bien dommage qu’on voit le mal partout. Si on n’avait pas été gazé, et que cette marche avait eu lieu tranquillement, on n’en serait pas là, aujourd’hui, à aller en grève. J’ai été vraiment déçu. Il a manqué vraiment une occasion de faire baisser la tension. Il devait se mettre au-dessus de la mêlée et ne pas tenir ces propos. Notre pays ne mérite pas ce qui arrive ».


Propos recueillis par Emmanuel GBETO

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