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Le Matinal N° 4277 du 29/1/2014

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Edwige Edjèkpoto , une femme atypique dans l’univers des petits métiers
Publié le jeudi 30 janvier 2014   |  Le Matinal




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Pour des raisons liées à son statut et à la pesanteur sociologique, il était impossible à la femme de s’inscrire dans un métier autrefois réservé aux hommes. Edwige Edjèkpoto a sauté le verrou de ces appréhensions et brisé ce mythe en choisissant la vulcanisation, un métier qu’elle exerce sans complexe aux côtés des hommes à Abomey, cité de la féodalité où le principe est de mise.


Houndjroto est un quartier de l’arrondissement de Hounli, commune d’Abomey. Il est 6 heures 30minutes. L’horizon luit. Le soleil sort de son enveloppe et annonce le jour. Une silhouette apparaît sur la voie pavée venant du château et avance tout droit. Derrière, l’on découvre une femme pas comme les autres. Edwige Edjèkpoto, maîtresse vulcanisatrice.

En dépit de la brise qui couve encore la ville, elle a très tôt abandonné le lit conjugal en sacrifiant sa grâce matinale pour se rendre dans son atelier en vue d’accueillir les premiers clients. Taille effilée enveloppée dans une tenue de travail de couleur grise, elle dépose son sac à main, le farfouille, trouve la clef et ouvre la porte de l’atelier mis en service depuis 2012. Sans perdre de temps, elle donne quelques coups de balaie à l’espace qu’occupe le hangar de fortune qui l’abrite et met en place ses matériels de travail. Il sonne 7heures 10minutes. Son premier client de la journée se pointe, le visage dégouttant de sueur pour avoir trainé sa moto crevée sur des dizaines de mètres. Edwige Edjèkpoto va à sa rencontre, prend la moto et la positionne.

Aussitôt, elle se met à l’œuvre pour vite le libérer. Etonné de voir une femme exercée ce métier, l’homme essoufflé, saisit le banc, s’assit et se met à l’observer. Satisfait de ses gestes coordonnés autour du travail à faire et du sérieux qui la caractérise, le client, avant de prendre la route, la félicite parce qu’il n’en croyait pas ses yeux. « Courage et persévérance ma fille ! Faut pas te laisser traîner par tes amies qui se promènent dans la rue » conseille l’homme à la vulcanisatrice. Fière des encouragements, elle range ses clics et clacs.

Etant la seule femme dans ce métier à Abomey, chacun cherche à découvrir ses compétences. Ainsi, les hommes et les femmes préfèrent travailler dans son atelier. Débordée par la ruée des clients, elle sollicite auprès de son patron un de ses apprentis qui lui prête main forte. Pendant qu’elle faisait un chiffre d’affaire de 6000FCFA la journée, des hommes, exerçant le même métier qu’elle, font à peine la moitié de sa performance. C’est dire donc qu’elle ravit la vedette à ses aînés parce qu’elle réussit à gagner la confiance de plusieurs clients, rien que par son travail et son accueil. A Abomey, qu’on le veuille ou non, elle est la plus en vue dans le secteur de l’artisanat de service.

L’atelier et le foyer

L’atelier et le foyer constituent tous un art que Edwige Edjèkpoto n’a pas du mal à concilier. Selon elle, tout dépend de l’entente au sein du foyer et de l’organisation mise en place. « Chez moi, nous sommes un jeune couple d’artisans et nous nous complétons. Il est un maçon et moi, une vulcanisatrice. Cependant, je ne dérobe pas à mes obligations conjugales. Je m’organise toujours pour satisfaire ses besoins. Compte tenu du dialogue franc et sincère qui existe entre nous, la confiance est établie et nous nous comprenons. Il me soutien et m’encourage à exercer ce que je sais faire. Moi aussi je m’arrange pour ne pas le décevoir. Dans cette condition, il ne peut qu’avoir forcément l’harmonie au sein du foyer quelle que soit la fonction exercée », explique-t-elle.

La maîtresse vulcanisatrice a été un peu plus explicite. Préoccupée par le bien-être et la préservation de la paix dans le foyer, elle se lève tôt les matins, apprête le petit déjeuner et le déjeuner qu’elle conserve dans une glacière avant d’aller au service. Les soirs, elle rentre autour de 19heures pour assurer le repas du soir. Au cas où elle ira au-delà, elle appelle son époux pour l’en informer. « Si l’heure avance, je l’invite à l’atelier où il prend le dîner que je paie de ma propre poche, histoire de lui garantir le manger à temps » précise-t-elle. Comblée, elle évoque sa vie en apprentissage et les raisons qui ont motivé son choix.

Comment est-elle allée à ce métier ?

Si Edwige Edjèkpoto s’est inscrite dans la vulcanisation, ce n’est pas le hasard. Elle a bien des raisons de son choix. Pour elle, les métiers traditionnels dédiés aux femmes, c’est-à-dire, la coiffure, la taillerie et autres sont saturés au point où le marché devient exigu et tous ceux qui apprennent ces métiers n’arrivent plus à l’exercer. Pour éviter ces peines perdues, Edwige a fait un choix d’avenir : la vulcanisation. Mais incomprise dans sa démarche et dans sa vision, ses parents ont contesté ce choix.


Si Claire Kantoungnon, sa mère, a semblé marquer son accord à l’époque, malgré elle, son père Sévérin Edjèkpoto a été, quant à lui, catégorique dans son refus. La fille, ferme dans sa décision, a fait recours à des personnes qui ont su convaincre son père de l’importance de la vulcanisation. Convaincu, Sévérin a, en 2007, inscrit sa fille Edwige chez Paulin Kinhou où elle a appris aux côtés des hommes le métier durant 4ans.

Parmi les seize apprentis que comptait l’atelier à l’époque, elle était la seule femme. « Au départ, mon patron n’avait pas voulu me recevoir parce qu’il avait estimé que je ne pouvais pas tenir. Mais à l’œuvre, il a fini par découvrir l’artisane que je suis » raconte-t-elle. Par sa détermination, elle s’est battue pour se tirer d’affaire malgré qu’elle soit menacée d’harcèlement sexuel de la part de ses collègues et des clients de l’atelier. En témoigne la célérité avec laquelle, elle a assimilé les connaissances que lui transmettaient le patron et les réalités du travail.

« En son temps, j’étais la référence parce que les hommes étaient moins dynamique que moi. Mieux j’ai été libérée en 2012 avant certains parmi eux qui étaient pourtant là avant moi » précise-t-elle. Devenue maîtresse vulcanisatrice, elle s’installe à son propre compte et intègre à cet effet l’Association des vulcanisateurs d’Abomey (Ava). Dans ce creuset, elle s’est retrouvée encore solo au sein des hommes.

Mais étant une habituée du monde masculin, elle s’impose au cours de leurs rencontres par ses prises de parole et surtout en réussissant à faire passer quelques unes de ses préoccupations. Après tant d’expériences capitalisées, elle invite ses sœurs à s’engager résolument dans les métiers d’avenir pour leur émancipation afin de se faire une place dans la société et affronter le défi de l’emploi.

Zéphirin Toasségnitché

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