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La Presse du Jour N° 2058 du 27/1/2014

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Pascal Irénée Koupaki et la nouvelle conscience : Ce que j’en ai retenu
Publié le jeudi 30 janvier 2014   |  La Presse du Jour


Lancement
© aCotonou.com par DR
Lancement du livret bleu de Pascal Koupaki
Samedi 26 Octobre 2013, Palais des Congrès, Cotonou : L`ancien Premier Ministre Pascal Irénée Koupaki lance son livret bleu Photo : M. Pascal Irénée Koupaki


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Une qualité constitutive de tout texte fondateur est sa capacité de sortir le lecteur de son confort intellectuel. Si de nature, toute prescription est prétentieuse, l’invitation à la réflexion/méditation est un acte d’humilité, parce que tourné résolument vers la recherche de l’être-ensemble-fondamental.


La transformation de l’Etre béninois par la vertu et le travail pour la production n’est ni une doctrine ni une idéologie, mais un lancement d’alerte. Le Vocabulaire utilisé n’est pas celui de l’activisme politique d’une opposition impatiente qui attend – dans un rapport de reproduction systématique du champ politique – son tour du festin. Fait significatif, ce signal d’alarme nous vient d’un haut fonctionnaire qui a traversé, pendant sa longue carrière, les plus hautes sphères du pouvoir, rompu à la gestion des affaires publiques et a priori prédestiné à une retraite paisible.


La démarche est d’autant plus déroutante que l’intéressé ne nous livre guère ses secrets pour sortir le Bénin de son marasme économique, politique et environnemental, sujets qu’il maitrise parfaitement bien. Il nous invite au contraire à la recherche de nous-mêmes. Approche rous-seauiste dira-t-on.

L’auteur du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, nous a appris en effet, que dans le devenir historique, les modifications morales et les acquisitions techniques sont interdépendantes : « Il n’est point de changement dans les méthodes de subsistance et de production (c’est à dire dans l’économie) qui ne s’accompagne, corrélativement, d’une transformation de l’outillage mental et de la disposition passionnelle des hommes2 ».


Mieux, Pascal Irénée KOUPAKI refuse de désarticuler le corps social en deux univers distincts : d’une part, ceux qui dirigent et que nous avons l’habitude d’affubler, à juste titre parfois, de tous les maux, et d’autre part, le monde des gouvernés/dominés. Lointain écho à l’appel historique de Mathieu Kérékou aux béninois lors de son retour démocratique: « Si vous êtes prêts, moi aussi je suis prêt ».


Pascal Irénée KOUPAKI nous révèle dans une simplicité déconcertante que la folie du pouvoir et l’échec de l’action publique ne sont pas consubstantiels au champ politique mais à un monstre multiforme et réticulaire, difficilement saisissable qui n’a d’existence réelle que dans sa capacité de saboter l’action publique salutaire : « Dans le feu de l’action, j’ai été confronté aux contraintes multiples, d’ordre anthropologique, structurel et social, qui pèsent sur la définition, la mise en œuvre et l’efficacité de l’action publique3 ».

Par son pouvoir d’ubiquité, ce monstre traverse tous les secteurs de la vie politique et sociale.
La frugalité de l’auteur du Livret bleu se prête mal à la nomination virulente des maux qui nous rongent. Par une sorte d’exorcisme conceptuel et pour conjurer le mauvais sort, il nomme ce monstre au travers des remèdes à lui opposer : vertu, force d’âme, nouveau souffle, éthique partagée, Etre juridique et Ethique, courage, patience, audace, abnégation, fermeté, rigueur, discipline, etc. Subtile pédagogie, car, ce qui s’énonce est ce qui n’est pas évident.

Or nous connaissons bien nos maux et il n’a point besoin de nous les rappeler.
Toute lecture de ce livret bleu doit être une démarche intérieure. Pour ma part, je n’y vois pas un livret de catéchisme à visée moralisatrice, ni un doigt professoral pointé sur les mauvais élèves que nous sommes, mais un instrument de travail dont la fécondité pourrait dépasser l’imagination de son auteur.

De ce point de vue, l’étincelle que monsieur KOUPAKI espère voir jaillir à la fin de son opuscule est suspendue à la compréhension que chacun de nous aura de son projet, et surtout la multiplicité des répertoires d’action, notamment les formes non conventionnelles d’intervention citoyenne que nous lui donnerons. Je voudrais ici proposer ma compréhension de la conscience citoyenne.

A quoi invite donc la nouvelle conscience proposée par monsieur Koupaki ?

Si la démocratie est appréhendée dans une perspective classiquement normative, aucune comparaison utile n’est vraiment possible : on ne dressera que la liste des échecs et des réussites, des typologies, des valeurs particulières et des mécanismes spécifiques à sacraliser. C’est de ce point de vue que je partage le pessimisme de l’ancien premier ministre quant à la capacité de nos institutions classiques à bousculer les pesanteurs anthropologiques et sociologiques :

« Nous devons – écrit-il – en prendre conscience, car, les institutions sont inefficaces pour faire surgir d’elles-mêmes l’Etre de l’individu-citoyen4. En effet, la généalogie du mal est plus complexe qu’il n’y parait. Si notre conscience a décroché, c’est bien parce que le mal réside dans les structures sociales qui sont d’abord des structures mentales. La nouvelle conscience n’est pas une conscience solitaire qui erre dans le désert à la recherche d’un puits moral.


Pascal Irénée KOUPAKI inverse la démarche classique en partant des problèmes que doit résoudre- au-delà des institutions démocratiques- l’entité la plus irréductible de la République, c’est à dire l’être consciencieux. Une nouvelle conscience est une modalité du pouvoir que la science politique n’a point défini. Une nouvelle conscience est plus qu’une discipline sur soi-même, elle est un organe de contrôle, une vigilance, car, seul l’homme vertueux peut demander des comptes à ceux qui le gouvernent.

Dès lors, une telle disposition n’est plus seulement rapportée à l’agent qui la manifeste : elle participe de la construction d’une qualité globale de la sphère publique. C’est donc à l’extérieur des mécanismes conventionnels de la régulation sociale qu’il faut aller chercher ce nouveau souffle, porteur de vertus cardinales. Cela exige du peuple béninois, comme l’indique Pascal Irénée Koupaki, un vrai combat contre lui-même.

La nouvelle conscience comme source de connaissance

Symbole d’une construction future, la nouvelle conscience nous oblige également à effectuer un déshabillage/ré-habillage de notre esprit. Ainsi, la figure du citoyen-vertueux et vigilant excède-t-elle celle du citoyen électeur. C’est à une longue marche à l’intérieur de nous-mêmes que nous invite la nouvelle conscience. Il faut bousculer les idées rancies, briser notre familiarité à l’incivisme, rejeter les analyses apprêtées et quelque peu maussades. En bref, se dessiller les yeux. Dans l’arsenal conceptuel de PIK, l’Etre juridique et Ethique qui doit engager la transformation de l’Etre béninois est un cheminement spirituel. Spiritualité n’est pas religion.

La religion maintient son adepte dans l’ordre prescrit par un Etre Suprême tandis que la spiritualité est le désir profond de connaitre ce qu’on a et ce qu’on est de plus originel. La spiritualité est une révélation. Or il n’y a de révélation que s’il y a de l’auscultation.
Mais si la nouvelle conscience peut être considérée comme source de connaissance, c’est parce qu’elle est appelée à nous libérer de notre accoutumance au désordre.

La prise de conscience est un instrument de libération, c’est-à-dire un contre-pouvoir.
En effet, dans une société d’éloignement que nous sommes devenus, pour reprendre une formule de Michel Walzer, les bases matérielles de l’établissement de la confiance s’effritent. Les individus se fient moins les uns aux autres parce qu’ils ne se connaissent plus. Pire, le mensonge politique5 est entré dans nos mœurs et est devenu électronique, instantané, global.

Bref, il est désormais le produit d’une organisation rationnelle et d’une stricte division du travail. Le mensonge de médisance, de détraction, de calomnie et de diffamation est devenu l’arme avec laquelle on dépouille quelque grand homme de la réputation positive qu’il a acquise à juste titre, de peur qu’il ne s’en serve pour renverser dans la conscience du peuple, le désordre érigé en règle par une masse de crédules prête à répéter, répandre, disséminer partout les fausses nouvelles que d’autres ont forgées.

Or si le relais des dupes est autant indispensable, c’est parce qu’il est nécessaire pour maintenir le peuple dans son indifférence approbative, son état de somnolence et d’abrutissement. Il faut donc éviter à tout prix les scandales parce que le scandale pousse à une conversion des regards. Mieux le scandale a un rôle d’éducation morale et politique. Marcel Aymé écrivait à juste titre que : «

Le scandale est la fontaine de jouvence où l’humanité va rincer la crasse de ses habitudes, le miroir où la société, la famille, l’individu, découvrent l’image violente de leur vie6 ».
Si nous donnons à la nouvelle conscience toute sa dimension éducative, elle nous libèrera de notre ignorance, elle sera pour nous source de la liberté démocratique, car : « La liberté, la vraie, disait le sociologue français Pierre Bourdieu, est celle que nous donne la clé des mécanismes qui fondent notre méconnaissance collective7 »

La nouvelle conscience est aussi une marche vers le progrès par le travail

Pascal Irénée KOUPAKI n’appelle pas à une transformation de l’Etre béninois comme idéaltype destiné à la contemplation. Il le veut concret et inextricable du triptyque Vertu-Travail-Progrès. Le nouvel Etre en tant qu’éthique de l’esthétique doit germer dans l’amour du travail bien fait. Homme d’expérience et fin analyste de nos représentations sociales, l’auteur du livret bleu a bien senti que la vraie vertu ne peut se mesurer qu’à travers le don de soi dans le travail et pour le progrès de la cité. Si nos dirigeants sont condamnés à ne plus être aimés, c’est aussi parce qu’ils nous donnent trop souvent l’impression qu’on n’a guère besoin de travailler durement pour être riche, mais d’être bien situé socialement, institution-nellement, pour ne pas dire politiquement.

Dans un article paru en août 2010 dans le Quotidien Le Matinal et consacré à l’affaire ICC-Service, j’analysais la portée sociologique et historique de l’entrée du vendeur d’adoyo, du conducteur de moto Zémidjan, de la vendeuse d’arachides grillées sur la place de la spéculation boursière version béninoise. Avant d’être économique, l’affaire ICC est une affaire éminemment sociologique. Elle témoigne de la dissymétrie croissante entre notre travail et le fruit que nous en espérons.

Or, comme nous l’apprend une fois encore le philosophe J-J Rousseau, « Le travail implique une durée qui s’organise au contact de l’obstacle ; la réflexion est l’agent de cette organisation8 ». Voilà que nous ne voulons plus trop réfléchir avant d’être trop riche : tel était l’enseignement à tirer de l’affaire ICC-services.
La nouvelle conscience ne nous contraint pas à la discipline du travail, elle nous en donne le goût.

Une chose reste cependant à faire

J’ai insisté au début de mon analyse sur l’étendue des possibilités de réflexions et d’orientations que chacun pourrait et devrait donner au livret bleu. Mais malgré son caractère portatif, il ne suffit pas de le glisser dans sa poche pour en avoir la clé de lecture. Malgré la clarté de l’expression écrite, les pensées qui nous viennent des triples ne livrent pas aussi facilement leur secret.

L’auteur du livret bleu doit aller, tel un pèlerin avec son bâton, à la rencontre de tous les béninois et dans toutes les contrées du pays. Seul ce marathon, sans intermédiaires et sans interprètes, pourra implanter des relais solides dans nos cœurs et marquer la germination de l’Etre béninois auquel il nous convie.

Patient GANDAHO

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