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Fraternité N° 3539 du 10/2/2014

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Tension sociopolitique : Serviteur jusqu’au bout… La dernière mission
Publié le mardi 11 fevrier 2014   |  Fraternité


3eme
© Abidjan.net par Atapointe
3eme Assemblée générale ordinaire de l`Association des médiateurs des pays membres de l`UEMOA
Mardi 10 septembre 2013. Golf hôtel (Cote d`Ivoire). Les membres de l`Association des médiateurs des pays membres de l`UEMOA se sont réunis à Abidjan pour débattre et échanger sur leur rôle dans la gestion des conflits et crises sous-régionaux. . Photo: Albert Tévoédjéré, médiateur de la République du Bénin.


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Au lendemain du 12 mars 2008, après la sortie politique de Kouhounou, je reçus un appel téléphonique du Cardinal Gantin. Nous nous parlions, nous nous voyions souvent pour diverses raisons... et parfois sans raison... juste parce qu’il fallait se voir et se parler. Mais le 13 mars, le Cardinal voulait que j’agisse en Médiateur dans ce climat politique qui commençait à se détériorer. Je n’y étais pas enclin. Il m’y a fraternellement contraint. C’est ainsi que je pris le chemin de la Mairie de Cotonou. Cela me paraissait la première démarche, essentielle. Elle fut assez réussie, il fallait ensuite s’assurer la possibilité d’une rencontre entre le Chef de l’Etat et le Président Soglo. Cela devint complexe, très difficile, surtout après l’interview sur RFI. La rigidité et le blocage étaient sans appel. Alors, retour chez le Cardinal :
« Maintenant, Eminence, c’est à vous d’agir. Nous avons besoin de votre aide ». A mes yeux, en effet, l’analyse de la situation à laquelle
j’avais associé Stanislas Kpognon – homme de conseil efficace et désintéressé – exigeait qu’un message de caractère très personnel soit adressé de bonne manière au Chef de l’Etat. Seul notre illustre prélat, agissant en père spirituel et en tête-à-tête, pouvait accomplir une telle mission. Comme toujours, le Cardinal m’écouta avec attention, bienveillance et compréhension. Il ne prit aucune décision. Mais quelques heures plus tard, il me rappela et me proposa le texte d’une lettre qu’il enverrait au Président Boni Yayi. Ce texte mérite aujourd’hui d’être connu. Il ne s’agit pas d’un secret d’Etat. C’est une simple demande de rencontre à laquelle j’ai contribué. Mais son caractère particulier mérite aujourd’hui qu’on en dévoile le contenu. Voici ce texte qui date du 26 mars 2008 :

« Excellence, Monsieur le Président de la République,
Ce n’est pas par une lettre que j’aurais voulu vous exprimer mes souhaits en cette semaine pascale où tous les croyants de chez nous prient pour notre chère patrie. Mais j’y suis contraint à cause de mon état de santé.
J’aimerais vraiment vous parler en tête-à-tête comme dans un testament personnel. Puis-je vous demander de venir me voir dans ma
maison déjà plusieurs fois honorée par votre visite ? Je suis souffrant, faible, à cause de mon grand âge. Mais plus que de cela, c’est de notre pays que je suis malade par les temps qui courent.
J’ai le ferme espoir que votre bienveillance à mon égard accueillera mon humble requête dès que vos nombreuses et lourdes responsabilités vous le permettront. Vous savez, Monsieur le Président, combien sincère est ma respectueuse et haute considération.

Bernardin Cardinal Gantin ».
Au lecteur attentif, cette lettre révèle plusieurs éléments importants. Je ne veux en retenir que trois :

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Cardinal Bernardin Gantin
1 - Le ton très déférent de ce courrier- Le Cardinal, personnalité dont chacun sait la qualité et la célébrité, s’adresse au Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement en termes de très grand respect. Il parle de son « humble requête »....
2 - Ce texte est sans doute le dernier adressé à Boni Yayi par le Cardinal Gantin. Il parle de testament personnel.
3 - Se sachant ainsi appelé ailleurs, il nous dit à tous son dernier message : « je suis souffrant, faible, à cause de mon grand âge. Mais plus que de cela, c’est de notre pays que je suis malade par les temps qui courent ».
Je livre ces pensées, ce comportement à la méditation de chacun. Le Président Boni Yayi en recevant cette lettre l’a parfaitement comprise. L’entretien voulu par le Cardinal a bien eu lieu à son domicile le 5 avril.
Aussitôt après, Boni Yayi et Nicéphore Soglo ont fini par se parler.
L’intelligence et la grâce de l’humilité avaient touché les cœurs. Ce n’était pourtant qu’un début.
L’épisode des « cinquante mille cartes » alourdissait encore le climat. Je devais de mon côté accomplir une mission impérative à l’étranger. Le Cardinal m’encouragea à partir : « Nous ferons pour le mieux en ton absence ». Et de fait, il poursuivit la mission. Il s’entretint avec Nicéphore Soglo et aussi avec Adrien Houngbédji que je n’avais pas réussi à rencontrer.
Il accueillit une délégation du Conseil des Ministres. Il prodigua à tous des conseils avisés qui permirent la tenue à bonne date des élections du 20 avril. A mon retour de mission, avant même que j’aie pu me manifester, le Cardinal me fit appeler.
Dans un long entretien, le 22 avril en fin de matinée, il me livra l’essentiel des échanges avec les uns et les autres en concluant avec un sourire malicieux : « Albert, maintenant reprends ton dossier... »
Le dialogue se poursuivit par les nouvelles qu’il me donna sur la santé de Monseigneur Agboka. Il me parla sérieusement de ses inquiétudes et de ses espoirs pour notre Eglise en invoquant la situation de chaque diocèse (les évêques étaient en conférence au Séminaire Saint Gall à
Ouidah), séminaire où il rappela qu’il voulait être inhumé non loin de Monseigneur Parisot. Il évoqua encore Aimé Césaire, admirant l’illustre poète et son engagement mais restant interrogatif sur sa dimension spirituelle chrétienne. Je lui répondis timidement que l’Eucharistie nous réconcilie sur ce point lorsque nous y prions le Seigneur « pour les hommes qui ont quitté ce monde et dont Toi seul connais la droiture ». Il acquiesça généreusement, puis il parla de l’Académie française qui venait d’admettre en son sein Claude Dagens, évêque d’Angoulême qu’il était heureux de voir ainsi honoré, rêvant de l’inviter au Bénin si le temps et les circonstances pouvaient le permettre. La fatigue vint... Quelques minutes de silence, puis ce fut l’accolade, un souvenir pour Isabelle, mon épouse, et je pris congé - Nous ne devions plus nous revoir.
Le 8 mai, en téléphonant chez lui pour célébrer ses 86 ans, la sœur me répondit la gorge serrée :
« Papa, cela ne se passe plus bien ». Le 13 mai, jour anniversaire de l’attentat contre Jean Paul II et jour anniversaire de la Vierge de Fatima, le plus fidèle d’entre nous, le plus illustre sans doute, Bernardin Gantin, est devenu immortel à tout jamais. Immortel parmi nous.
Deo gratias ! Magnificat ! Alléluia !
Albert Tévoédjrè
La Croix du Bénin, Numéro 943 du 16 mai 2008

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