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Fraternité N° 3553 du 28/2/2014

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Dictée dans les lycées et collèges : Un exercice instructif rangé ans les placards
Publié le mardi 4 mars 2014   |  Fraternité




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La dictée dans les écoles primaires, les lycées et collèges a cessé d’être une réalité. Du moins, cet exercice, qui était autrefois obligatoire, n’est plus une priorité dans le système éducatif actuel. A ce sujet, différents acteurs justifient le retrait de cette matière des programmes d’étude, mais le problème de la qualité des enseignements demeure.


L’enseignant est désormais face aux élèves ayant des carences en langue française

Marqué par ses aventures d’enfance avec les exercices de dictée, José raconte : « Je ne peux l’oublier. Je me rappelle ces temps-là où notre maître, pendant l’exercice de dictée, nous donnait 5 coups, pour chaque faute… Aujourd’hui, ces temps sont révolus… ». Ces propos laissent entrevoir un sentiment de regret et de nostalgie chez José qui était en discussion avec ses anciens camarades de classe.

La dictée, qui autrefois faisait l’objet d’exercice matinal, a disparu au profit de la lecture. La substitution d’une autre méthode d’apprentissage à celle-ci rompt le pont entre l’ancienne génération et la nouvelle voire celle à venir. Pour certains enseignants, la dictée a laissé des traces indélébiles. Raconter ses aventures et ses déboires crée parfois chez certains une émotion particulière. Pour la jeune génération, le goût pour la dictée n’existe plus, puisque la lecture a pris le dessus.

Qualité remise en cause

Il est de notoriété publique que les apprenants, produits des Nouveaux programmes d’études (Npe), ne sont pas à la hauteur des attentes. Au secondaire et même au supérieur, des élèves et étudiants peinent à écrire correctement des mots et à formuler des phrases. La plupart des élèves rencontrés affirment qu’ils ne connaissent pas la dictée en tant que situation d’évaluation, mais les professeurs d’autres matières telles que l’Histoire-géographie, les Sciences de la vie et de la terre, la philosophie dictent les cours.

C’est à travers cela qu’ils estiment qu’avec cet exercice dans d’autres matières, ils découvrent les lacunes des apprenants. Eléonore, élève en classe de 2nde souhaite la réinsertion de la dictée dans le programme. « Je le souhaite parce qu’après les études universitaires, nous aurons forcément à montrer ce dont nous sommes capables. Si nous écrivons des demandes d’emploi ou des lettres de motivation émaillées de fautes, nous sommes sûrs à 90% que nous ne serons pas retenus », explique-t-elle. Edwige Assogba, professeur de français, marquée par les notes obtenues par ses élèves en classe de 2nde, déclare : « Je garde une classe de 2nde.

Avant les congés de fêtes, j’ai évalué mes élèves, mais j’ai constaté que les notes obtenues n’étaient pas reluisantes. Les élèves écrivaient au son. Au retour des congés, j’ai donc demandé ce qu’il faut faire pour remédier à cela. Ils ont à l’unanimité répondu qu’il faille avoir recours à la dictée », raconte-t-elle.

Les parents d’élèves qui ont très tôt compris que l’enjeu était de taille, ont pris les dispositions idoines. Selon eux, il n’est pas question de laisser tomber la dictée. « Arrivé chez moi, vous verrez que tous mes enfants font la dictée.

J’ai mis à leur disposition des livres de dictée, d’orthographe et de grammaire. Je vous assure que mes enfants ont un très bon niveau en français », raconte Tohinnou Komlan, un parent d’élève. Pour Juliette, un autre parent d’élève, le niveau de son enfant était appréciable pendant les vacances. « Récemment, je l’ai sollicité à m’écrire un texte.

A ma grande surprise, je découvre que mon enfant commettait des fautes inimaginables. J’ai donc décidé de reprendre les exercices de dictée avec lui », dit-elle. D’autres parents préfèrent se conformer aux exigences des Nouveaux programmes d’études. Ils achètent les manuels de français sur le marché et font travailler leurs enfants.


Ramener la dictée proprement dite dans le système éducatif actuel serait pour Dénis Adjanonhoun, Conseiller pédagogique en Histoire-géographie, une utopie voire un coup de massue. Pour lui, la capacité d’assimilation des apprenants de nos jours diffère de celle d’il y a 20 ou 30 ans. « A notre époque, c’était des apprenants d’un âge avancé qui allaient à l’école. A eux, la dictée proprement dite est permise, parce qu’ils avaient la capacité de mémoriser tout un livre.

Aussi, en ce moment, le mot « divertissement » n’était pas dans leur langage. Mais, les apprenants de nos jours ne peuvent en aucun cas tenir longtemps, car à 3 ou 4 ans, ils commencent l’école. Leur cerveau n’est pas, à cet effet, assez stable pour mémoriser plusieurs connaissances à la fois. Et en tant qu’enfants, ils adorent se divertir, ce qui est normal. Ils n’ont pas l’esprit posé pour vraiment affronter les notions de grande portée », explique-t-il.

Plus loin, l’Inspecteur de Français Céphas Gbénou Sagbohan a adressé un document au Conseil national de l’éducation (Cne) pour montrer que l’Approche par compétence (Apc) ne pose pas problème. Mais ce sont, selon lui, les méthodes d’application de l’Apc qui ne respectent pas les compartiments du cerveau chez l’enfant. « Il y a le cerveau gauche, analytique, qui s’occupe des formes et sons et celui droit, qui est analogique, qui s’occupe du dessin.

Quand on combine les lettres avec les mots, le cerveau est embrouillé. Ainsi, l’enfant ne peut pas apprendre. Pire, on exige qu’il apprenne le texte par cœur. Or, Decroly qui a parlé de la lecture globale n’a pas recommandé d’apprendre un texte par cœur. Il a plutôt recommandé de partir d’une phrase, pour aller au mot, ensuite à la syllabe et à la lettre. Ce qui veut dire que la méthode alphabétique actuelle est contraire à ce qui est recommandé », indique-t-il.

Failles de l’exercice
La dictée, selon Céphas Gbénou Sagbohan n’est pas une compétence, mais une habilité. Cet exercice n’est pas écarté, mais il pose parfois des problèmes, lors des examens de fin d’année. « Au cours d’un examen au Ceg Gbégamey, par exemple, on peut être en train de dicter un texte quand un train en déplacement peut siffler et tout perturber. Conséquence, les candidats peuvent faire des erreurs », dit-il. L’inspecteur trouve que l’on ne peut prétendre sanctionner les apprenants, si l’on sait que l’erreur est humaine, alors que les hauts diplômés ne sont pas exempts de commettre des fautes.

A ce sujet, l’Inspecteur Céphas Gbénou Sagbohan a émis une série d’interrogations. « Quand on fait une dictée, qui évalue-t-on ? Le lecteur ou l’apprenant qui écoute et reproduit le texte ? Et si ce lecteur n’a pas une bonne prononciation des mots, comment les apprenants peuvent-ils reproduire fidèlement le texte ? », se demande-t-il. Autant de préoccupations qui amènent l’inspecteur à qualifier la dictée de méthode d’apprentissage à polémique.

Et pour contourner cet exercice, les enseignants peuvent se servir des textes lacunaires. L’apprenant a, toujours selon l’inspecteur Céphas Gbénou Sagbohan, l’habilité de comprendre rapidement à travers cet exercice. Aussi, l’enseignant peut-il utiliser la méthode de la copie des textes qui forme l’apprenant à l’orthographe et à la grammaire.

« Vous faites copier un texte de 3 ou 4 phrases à force d’éveiller la mémoire orthographique de l’élève », dit-il. Noël Chadaré, Conseiller Pédagogique en Français au Ceg Godomey est allé dans le même sens. A l’en croire, la dictée n’est pas complètement rangée de côté. Des dispositions sont en cours pour réinsérer l’exercice dans la situation d’évaluation de la lecture.

« Il y aura, à partir de l’année prochaine, une rubrique consacrée à la dictée lacunaire, fautive ou à trou », dit-t-il. Selon lui, les Conseillers pédagogiques sont à pied d’œuvre pour trouver la formule juste afin de faire venir ces formes de dictée. Aussi, ajoute-t-il que les points ne seront plus attribués comme avant.

La situation relative à la dictée préoccupe plus d’un. Et le fait de la supprimer en tant qu’exercice incluant également la pratique de la grammaire dans les anciens programmes d’étude n’était pas une décision salutaire pour la plupart des enseignants de Français et il faille remettre l’Approche par compétence en cause. A ce sujet, l’Inspecteur Céphas Gbénou Sagbohan met les choses au clair.

« Au cours d’une séance de lecture, les apprenants trouvent les éléments de grammaire qu’ils exploitent. Et cela ne suffit pas. L’enseignant demande aux élèves d’aller préparer les aspects qu’il n’a pas étudiés avec eux. Après avoir préparé ces aspects, l’enseignant, à une autre séance, désigne un groupe qui fait un exposé pour évoquer les aspects non étudiés. L’enseignant doit avoir, quant à lui, préparé son cours sur la notion de grammaire.

Cela ne veut pas dire qu’il va dicter le cours en classe. En présentant leur exposé, les apprenants ont déjà fait la grammaire fonctionnelle. Après cela, l’enseignant remédie en leur donnant sa préparation sans pour autant la dicter », explique-t-il. La grammaire dictée, poursuit-il, est aussi facile, mais elle vient ex-nihilo. Or, l’enseignement a trois points capitaux. « Il y a les connaissances déclaratives ou notionnelles, les connaissances procédurales et les connaissances conditionnelles, c’est-à-dire comment adapter les connaissances à ces conditions », explique-t-il.

La grammaire, un pan de la dictée fonctionnelle
Personne ne peut interdire à un enseignant de faire des exercices de dictée à ses apprenants, puisque, selon l’inspecteur Gbénou Sagbohan, l’enseignant connaît les difficultés de ses apprenants, et par conséquent, il peut y remédier en utilisant cet exercice. Les insuffisances relevées au sujet de la dictée n’amènent nullement à l’interdire ou à la supprimer du programme actuel.

Il est plutôt donné à chaque enseignant de français la possibilité de faire avec les apprenants cet exercice qui implique la grammaire fonctionnelle. Ainsi, s’explique-t-il : « Une expression écrite implique un sens. En cherchant le sens, l’apprenant découvre le sujet, le verbe et le complément : Qui a fait quoi, quand et où ? De ce fait, conclut l’inspecteur, la syntaxe oblige l’apprenant à faire un habillement grammatical.

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