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Le retard à l’école : De l’inconscience des parents à l’insouciance des apprenants…
Publié le vendredi 21 mars 2014   |  Educ'Action


Barthélemy
© Autre presse par DR
Barthélemy Abidjo, Inspecteur de l`Enseignement Secondaire


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Aux portails des lycées et collèges publics et privés du Bénin, s’attroupe très souvent un nombre important d’apprenants qui sont en retard soit aux cours de 7 heures ou de 8 heures et même de 15 heures. Les apprenants et les parents évoquent souvent une litanie de raisons pour justifier le mal. A quoi attribuent-ils leur retard et parfois leurs absences? Quels sont les mots utilisés par l’école béninoise pour bannir ces maux ? Que perdent les apprenants qui arrivent en retard aux cours ? Le dossier de cette semaine se penche sur la question et vous en livre ici la quintessence.

Nous sommes au lundi 03 février à Porto-Novo, un peu avant 7 heures du matin. Sur la route, les élèves se dirigent, à pas alertes, les uns vers leurs collèges d’Enseignement Général et les autres vers leurs collèges privés. Devant le CEG ‘‘Djassin’’, se trouve un grand nombre d’élèves qui se restaure afin de pouvoir supporter les cours du matin qui débutent généralement à 8 heures pour les classes intermédiaires et à 7 heures pour les classes d’examen (3ème et Terminale). Ces cours, parfois, peuvent prendre fin soit à 10 heures ou à 12 heures selon l’emploi du temps établi pour chaque niveau d’étude. Le soir, ils commencent à 15 heures ou à 17 heures et prennent fin soit à 17 heures ou à 18/19 heures. Soudain, on aperçoit un homme de la cinquantaine tenant un petit bois en main s’avançant, à pas feutrés, vers le portail. C’est le gardien du Ceg ‘‘Djassin’’ qui se tient prêt à fermer le portail à 7 heures 15 minutes. Aussitôt, les élèves qui remarquent sa présence, prennent d’assaut la porte d’entrée. Dès que leurs camarades aperçoivent de loin le mouvement, ils se ruent à leur tour vers le portail pour essayer de se frayer un chemin. Ceux qui mangeaient laissèrent leur repas pour rejoindre leurs camardes qui entraient en file indienne. Ailleurs, tels que le Ceg ‘‘Djègan-Kpèvi’’ à Porto-novo ; les Ceg ‘‘le Nokoué’’; ‘‘Vêdoko’’ ; ‘‘Dantokpa’’ à Cotonou et bien d’autres collèges, le constat est presque identique. A certains endroits, on note des négociations avec le gardien moyennant quelques pièces de 100 francs ou de 200 francs cfa pour pouvoir rentrer dans l’école; il y en a, par contre, qui se désolent parce qu’ils ont parcouru parfois à pied de très longues distances sans pouvoir suivre les cours.

Pourquoi les élèves sont-ils en retard ?

ZOUNNON Jacques surveillant général au Ceg GbégameyPlusieurs raisons expliquent le retard des élèves. Moïse Acakpo, élève âgé de 17 ans en classe de Terminale C au Ceg ‘‘le Nokoué’’ renseigne: « je vais à l’école en retard parce qu’après les cours de 19 heures je n’arrive pas à vite me lever pour les cours du lendemain. Je vais aussi parfois en retard parce que certains professeurs ne sont pas ponctuels aux cours. » Chez certains apprenants leur retard est dû au fait que leur domicile est distant de leur collège. Tel est le cas de Zidane Migan, âgé de 12 ans et élève en classe de 5ème au Ceg ‘‘Djassin’’ : « je suis en retard au cours de 7 heures parce que ma maison est loin de mon collège. » Chez d’autres, leur retard est aussi dû au fait que les parents déménagent en pleine année scolaire pour se réfugier dans des zones périphériques lointaines. Une élève, âgée de 22 ans et en classe de 1ère au Ceg ‘‘Dantokpa’’ : ayant requis l’anonymat, a déclaré : « mes parents ont déménagé le 12 janvier passé pour rejoindre notre nouvelle maison qui se trouve à Pahou, ce qui fait que l’embouteillage me surprend et je suis en retard aux cours de 7 heures. » Quant à d’autres élèves tels que Iréné Vodounon, âgé de 13 ans et en classe de 6ème au Ceg ‘‘Djassin’’, leur retard est lié aux activités sportives auxquelles ils ont participé la veille. Pour d’autres encore, il s’agit ni plus ni moins d’une mauvaise foi et d’une négligence notoire face à l’éducation qui leur est proposée. Murielle Kpanou, âgée de 14 ans et élève en classe de 4ème au Ceg ‘‘le Nokoué’’ reconnaît qu’elle ne se réveille pas tôt du lit pour aller à l’école quels que soient les cours de 7 heures ou de 8 heures. En ce qui concerne Stéphane Loko, élève en classe de 3ème au Ceg ‘‘Akpakpa Centre’’ et âgé de 17 ans, il affirme qu’il va souvent aux cours en retard parce qu’il « kife » c'est-à-dire qu’il profite des facilités offertes par les réseaux GSM pour communiquer très souvent avec ses amis à l’aide de son portable.

Que pensent les surveillants et les parents ?
Pour plusieurs surveillants interrogés, le retard des élèves se situe à deux niveaux. D’abord, les apprenants accusent leurs parents de leur retard. Ensuite, les parents rejettent le tort sur les enfants. Dénis Azagba, vice-préfet de discipline au collège catholique Père Aupiais de Cotonou explique : « les apprenants soutiennent qu’il y a embouteillage sur la voie. Ce n’est pas de leur faute mais plutôt celle de leurs parents. En controverse, les parents accusent les enfants de leur lenteur à quitter le lit et à prendre leur bain. Avant que les enfants ne se lavent, les parents tempêtent beaucoup d’abord et menacent avant qu’ils ne quittent la douche pour les classes…» Hubert Topkanou, surveillant général du Complexe Scolaire Protestant de Gbéto reconnaît que « compte tenu de la pression sociale, les élèves et leurs parents quittent le centre ville et vont vers les zones périphériques telles que Coco codji et autres.), ce qui allonge la durée du trajet et le retard d’un certain nombre d’apprenants. » Quant à Adamou Abraham, surveillant général du collège privé la ‘‘Rosette’’ à Porto-Novo, les élèves viennent en retard aux cours de 15 heures compte tenu du fait qu’ils se livrent à des activités personnelles : passer dans une salle de jeu vidéo avant de venir aux cours. En outre, d’autres surveillants ne cessent de remarquer le caractère inconscient et insouciant que manifestent la plupart des élèves. Aussi, pour ces surveillants si les enfants viennent en retard cela est aussi dû aux professeurs qui manquent de ponctualité. Expédit Missikpodé, surveillant général au Ceg ‘‘Djègan-Kpèvi’’ s’explique : « les apprenants viennent en retard parce qu’ils sont inconscients pour la plupart qu’il y a aussi le laisser-faire de certains professeurs qui autorisent ces élèves retardataires dans les salles compte tenu du fait qu’eux-mêmes ne viennent pas très souvent à l’heure aux cours... » Barthélemy A. Abidjo, inspecteur de l’enseignement secondaire se prononce « Le professeur étant un pédagogue des valeurs ne peut pas venir en retard en permanence. Une fois en passant, on peut comprendre. Mais qu’il en fasse son sport favori, c’est inadmissible dans un établissement. »
Par ailleurs, il faut remarquer que la plupart des parents ont démissionné dans le suivi de l’éducation de leurs enfants. Pour Jacques Zounnon, surveillant général au Ceg ‘‘Gbégamey’’ les élèves fréquentant les collèges publics ne se font pas aider par leurs parents dans l’acquisition de la culture de la ponctualité. Pour Pétronille Kobo, secrétaire de direction dans un collège de la place, les enfants sont paresseux et ne veulent pas quitter le lit pour les classes. Mais pour d’autres parents, la négligence fait qu’ils vont aux cours en retard. Fifamè Agbéssi, chercheuse en Sciences de l’Éducation « si les enfants finissent d’étudier, ils ne rangent pas leurs cahiers et le lendemain ils passent plus de 15 voire 20 minutes à chercher leurs cahiers. » Pour d’autres encore, le jeune-âge des enfants ne leur permet pas de prendre conscience du retard. Rufin Goudjo, financier dans une société agro-alimentaire « nos enfants sont beaucoup plus précoces car à 12 ans déjà ils se retrouvent en classe de Seconde et à 14 ans en Terminale. Visiblement ils n’ont pas la conscience de ce qu’ils font…Ils attendent que les parents les réveillent d’abord… »

Que disent les statistiques au sujet du retard ?
Justin Goussikindé surveillant général du Ceg Djassin 1Au Ceg ‘‘Djassin’’, plus de 200 élèves étaient venus en retard aux cours après 7 heures 10 minutes suivis de quelques professeurs le lundi 3 Février. Au Ceg ‘‘Le Nokoué’’, plus d’une centaine d’élèves étaient attroupés au portail pour cause de retard aux cours de 8 heures d’après le constat fait sur le terrain. Justin Goussikindé, surveillant général du Ceg ‘‘Djassin’’ affirme qu’« au moins 25% des apprenants viennent à l’école en retard par jour dans nos collèges publics et lycées du Bénin…». Dans les collèges privés de Cotonou, le retard se fait aussi remarquer jusqu’à un pourcentage élevé par jour. Hubert Tokpanou, surveillant général du Complexe Scolaire Protestant de Gbéto donne les statistiques de son collège « avec un effectif de 1000 élèves que nous avons, il n’est pas rare de trouver jusqu’à 50% de retardataires certains jours. Ils viennent en retard aux cours de 7 heures et de 8 heures… » Dénis Azagba, vice-préfet de discipline au collège catholique Père Aupiais de Cotonou abonde dans le même sens qu’Hubert Tokpanou en soutenant que le lundi 03 février passé, plus de 150 élèves étaient en retard à l’école.

Double sanctions pour les apprenants
Dans le règlement intérieur, la sanction prévue pour les retardataires est de « deux heures » de retenue précédées auparavant d’une sensibilisation. Jacques Zounnon, surveillant général au Ceg ‘‘Gbégamey’’ le confirme bien en ces phrases : « le règlement a prévu une sanction qui consiste à donner deux heures pour le retard. Mais il y a une première phase qui consiste à les sensibiliser sur les méfaits du retard… S’ils persistent, nous leur donnons deux heures. » En outre, cette sanction est double dans certains établissements publics et privés. Justin Goussikindé, surveillant général de Ceg ‘‘Djassin’’ précise qu’il leur colle deux heures et ces retardataires nettoient proprement le collège. Pour d’autres collèges, l’attribution de la sanction évolue par une triple récidive. Dénis Azagba, vice-préfet de discipline au collège catholique Père Aupiais de Cotonou s’explique : « si vous venez trois (03) fois en retard à l’école, cela équivaut à deux heures de retenue. Cinq (05) fois de retard équivalent à la convocation des parents. Et six (06) fois de retard, une lettre d’avertissement officielle est adressée aux parents. » Au Complexe Scolaire ‘‘Sainte Bakhita’’, les apprenants reçoivent un châtiment corporel que cela soit pour le retard de 7 heures ou de 8 heures et de 15 heures. Richelle Hodéhou, élève en classe de 1ère D en parle : « Le surveillant général vient de me donner deux coups de fouets dans les mains. » Mais pour d’autres collèges privés, une sanction réelle n’existe pas aux retardataires compte tenu de la protection aux droits de l’enfant. Hubert Tokpanou, surveillant général du Complexe Scolaire Protestant de Gbéto se justifie : « la culture de la sanction n’existe véritablement pas … sous prétexte qu’il s’agit là d’une atteinte aux droits de l’enfant, ce qui fait que l’enfant ne se trouve plus dans les contraintes de ‘‘je dois aller à l’école à l’heure’’. »

Les conséquences sur les apprenants
Pour Venance Agboton, inspecteur de l’enseignement secondaire, les conséquences peuvent être lourdes : « l’élève qui va aux cours en retard a une mauvaise compréhension et une mauvaise assimilation des cours dispensés. Il accroît une mauvaise performance en évaluations et un résultat probable aux examens. » Auguste Takpé, docteur en sociologie estime que l’apprenant qui va aux cours en retard perd le fil conducteur du cours et produit un mauvais rendement. Quant à Modeste Ognin, professeur Assistant au Département de Psychologie et des Sciences de l’Éducation, il constate que le retard laisse des « conséquences négatives sur les résultats scolaires de l’élève. Il manque les explications de son enseignant. Lorsqu’il occupera des postes stratégiques, les citoyens ne lui feront pas confiance pour l’associer à des travaux importants. Ce faisant, il impacte sur ses propres relations et sur le développement de son pays. »
Si l’adage « mieux vaut tard que jamais » peut s’appliquer dans certaines circonstances de la vie courante, il est totalement en déphasage avec la réalité de l’école qui affirme d’elle-même qu’il vaut mieux jamais que tard ! A vos horloges, donc, parents, enseignants et élèves !

Hermann SAGBOHAN

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