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A la découverte d’un village lacustre, Ganvié : la face inconnue de la Venise d’Afrique
Publié le mardi 25 mars 2014   |  Educ'Action


La
© Autre presse par DR
La cité lacustre de Ganvié


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A quelques encablures de l’hôtel de ville de la Commune d’Abomey-Calavi, non loin du carrefour Calavi-Kpota, au nord de Cotonou, se dresse à perte de vue, une vaste étendue d’eau, découverte à la suite des affrontements sanglants à Adja Tado. C’est Ganvié, la Venise de l’Afrique qui s’offre généreusement avec ses constructions sur pilotis, son goût prononcé de la pêche et sa diversité culturelle et cultuelle.

5 heures du matin, en face de l’Auberge carrefour Ganvié chez ‘’M’’, un double bruit vous réveille soudain de votre long sommeil. Le bruit abasourdissant d’un groupe électrogène matinalement mis en marche qui ronfle de toute sa capacité, puis des voix de femmes versées dans de longues disputes en langue locale Aîzo. Chacune d’elles dans de longue pirogue lourdement chargée de tonneaux en plastique vide, tente de s’effrayer un chemin sur l’eau pour rallier le site de l’un des deux forages creusés pour cette population de 30.000 âmes. Parfois, des voix et des invectives, elles en arrivent aux mains pour la conquête du précieux liquide, l’eau. Elle reste une denrée rare et la moins partagée dans cet arrondissement d’Abomey-Calavi. De petits enfants, tout aussi aguerris, se mêlent parfois au désordre, activant les chicanes. De longues files d’hommes, de femmes et d’enfants se constituent, au même endroit, tous les matins, tous les midis et tous les soirs pour la recherche de l’eau, même si Ganvié reste une cité totalement lacustre. « Le tonneau d’eau se vend à 50 francs CFA et les petites bassines à 25 francs », a renseigné Régis Agossou, petit-fils de Madina Kiki, promotrice de l’Auberge carrefour chez ‘’M’’.

Du marché sur l’eau

Vente sur pirogue à GanviéNon loin de ce forage qui mobilise du monde presque toutes les heures, s’anime le marché de Ganvié. Selon Gérard, piroguier et natif de Ganvié, ce marché flottant appelé en langue locale ‘’Agbodji’’ s’anime dès 4 heures du matin jusqu’à 13 heures voire 14 heures sous le chaud soleil dont les rayons éclatants taraudent la surface de l’eau. Les femmes vendeuses, dans leurs pirogues, forment une masse concentrée de personnages actifs à vendre divers articles aux clients qui se réfèrent à eux. Dans leurs barques flottantes sur l’eau, elles vendent des tomates, légumes, oignons, bois de feu, huiles, cubes, crevettes, poissons et des repas… Gérard explique : « Le marché s’anime très tôt parce qu’il permet aux pêcheurs de s’alimenter avant d’aller à la pêche le matin ». Une dame, la quarantaine, ayant requis l’anonymat, informe que le commerce du poisson devient moins florissant de nos jours. « Nous vendons le panier de 20 gros poissons à 5.000 francs CFA, ce qui n’était pas le cas avant », a-t-elle dit, attristée. Selon elle, la situation critique de la pêche à Ganvié a forcé leurs maris pêcheurs à la démission. Très peu d’entre eux continuent à jouer pleinement leur rôle d’époux. « Nous, femmes de pêcheurs, souhaitons que vous aidiez nos époux à changer de métier, si possible les faire partir à Cotonou pour qu’ils exercent d’autres activités », a-t-elle ajouté, marquant son désamour pour l’activité de la pêche.

De la pêche à Ganvié

Un pêcheur à GanviéLa pêche au filet très développée est l’activité principale des populations de Ganvié et des villages lacustres environnants tels que Sô-Ava, Sotchanhoué, Awomè. La pêche aux crevettes se fait dans la nuit profonde alors que celle aux poissons commence tôt le matin à 6 heures. Les pêcheurs dans leurs pirogues parfois à voile restent sur l’eau jusque dans l’après-midi, entre temps rejoints par les femmes vendeuses de poissons ou des produits de pêche. Adahoun Djengnitin, la cinquantaine, pêcheur depuis 20 ans, indique que la pêche est pour lui un héritage légué par ses parents. « Si la pêche est fructueuse, je peux vendre par jour jusqu’à 5.000 francs CFA. Parfois, je reviens à la maison bredouille », a-t-il martelé. Selon lui, la pêche à Ganvié devient très pénible et de moins en moins intéressante. Il justifie ceci par le fait que le nombre de pêcheurs s’est accru considérablement d’une part, et que les outils de pêche deviennent de moins en moins performants, parce que usagés. « Pour acheter un filet de pêche de qualité à Cotonou ou au Nigéria, il faut prévoit jusqu’à 60.000 francs CFA », a-t-il renseigné, lassé. Pour la vente du poisson aux vendeuses, indique Adahoun « nous avons des paniers de 3.000 francs, 5.000 francs, 10.000 francs … qui nous servent de mesures ». « Nous, pêcheurs, souhaitons souvent qu’il y ait pluie parce que en saison de fraîcheur, les poissons remontent à la surface de l’eau et ceci accroit notre moisson », a-t-il dit.

Des maisons sur pilotis

Maison sur pilotisLes maisons sur pilotis constituent la caractéristique singulière de la cité lacustre de Ganvié. La légende raconte que les premiers occupants de Ganvié ont quitté Adja Tado, chassés par la guerre. Arrivés à Abomey-Calavi, une ville mitoyenne à Cotonou, ils ont découvert une vaste étendue d’eau à l’Est qu’ils ont pu traverser, domptant des crocodiles dont les dos leur auraient servi de moyens de transport. De l’autre côté de la rive, ils se sont installés pour le calme et la paix qui y régnaient. D’où le nom ‘’Ganvié’’ qui signifie, traduit en français, « Nous sommes sauvés ». Pour vivre sur l’eau, ils ont développé une forme architecturale particulière : les maisons sur pilotis. Eric Kankpè, la trentaine, spécialiste des constructions sur pilotis depuis 1999, informe que ce type de construction se réalise en trois parties : la fondation de la bâtisse qui consiste à implanter dans l’eau jusqu’à une profondeur de 1 mètre des bois d’ébène antérieurement trempés dans l’eau pendant un mois ; puis l’élévation des murs faits de bambous et enfin la toiture en paille. « Pour construire une maison de taille moyenne (chambre + salon) sur pilotis à Ganvié, il faut prévoir jusqu’à 1 million de francs CFA », a dit le jeune architecte. Pour lui, toutes les périodes sont favorables à la construction d’une maison sur pilotis et seuls les natifs de Ganvié peuvent prétendre à un logis sur l’eau. Trois grands hôtels respectant cette architecture, s’offrent à la vue des visiteurs : hôtel chez Raphaël, hôtel chez ‘’M’’ et hôtel chez Germain.

De la religion à Ganvié

Guerrisseur Traditionnel à GanviéGanvié est un havre de plusieurs religions qui se côtoient pacifiquement. A côté du vodoun, la religion endogène, se sont installées deux églises catholiques, des églises évangéliques, le christianisme céleste et l’islam. Pour Théodore Agbozo, curé de la paroisse St Pierre Paul de Ganvié, la population est difficile à cerner à cause de la forte solidarité qu’elle développe en son sein. « Ils se marient entre eux, travaillent entre eux et se vouent une confiance sans limite. Ceci ne facilite pas l’insertion sociale pour des personnes étrangères à eux », a-t-il confié. Même réaction du côté du Père Eric Bassale, curé de l’Eglise catholique de Sô-Ava, un village lacustre mitoyen à Ganvié. « 25% des populations se sont totalement convertis, 75% développent le syncrétisme parce qu’ils restent attachés à leur religion originelle, le vodoun », a-t-il informé.

Samédé kokou, chef du culte vodoun à Ganvié, vante les mérites du dieu Kokou dont il est le prête. « Kokou protège contre le malheur, apporte la paix et le bonheur à l’humanité », a-t-il dit, précisant que le nombre des adeptes est important.

Koudédo El hadj Mahmoud est alpha à la mosquée ‘’Alaou Wahid’’ de Ganvié. Selon lui, le nombre des musulmans de cette cité lacustre avoisine 300 voire 400 personnes. « Nous ne recevons aucun soutien des autorités du lac. Ce qui multiplie nos difficultés. N’ayant pas de salaire, nous sommes obligés d’aller exercer notre métier dans la journée avant de venir prêcher le coran », a-t-il dit, très démotivé. « Nous n’avons pas de bancs pour l’école coranique. L’hôpital de la mosquée construit en faveur des fidèles et des populations de Ganvié n’est pas encore fonctionnel, faute de moyens », a- t-il martelé.

De la santé des populations

Ganvié sur l’eau abrite un centre de santé publique ouvert aux populations depuis bientôt 20 ans. Dix personnes (infirmiers, infirmières, aides soignants, médecin) en constituent l’effectif. Eliane Quenum, aide soignante, indique que le centre avec ses 15 lits n’est pas alimenté par le réseau électrique de la SBEE, Société béninoise d’énergie électrique chargée de la distribution de l’énergie électrique. « Nous disposons ici d’un panneau solaire et d’un groupe électrogène qui nous aident pour les soins », a-t-elle affirmé. Le paludisme, la diarrhée, la fièvre typhoïde sont les maladies les plus traitées au niveau du centre de santé. « Le traitement du paludisme simple chez les enfants de 0 à 5 ans et les femmes enceintes est gratuit », a déclaré l’aide soignante. La situation devient plus difficile pour le centre lorsqu’il s’agit des chirurgies ou des cas d’urgence. « Nous n’avons pas ici les équipements nécessaires pour intervenir sur les malades. Nous les référons donc à l’hôpital de zone d’Abomey-Calavi ou directement au Centre National Hospitalier et Universitaire de Cotonou (CNHU) », a-t-elle informé, précisant que le taux de natalité est très élevé à Ganvié. « Un homme peut avoir jusqu’à 30 enfants », confesse-t-elle. Outre ces centres, il existe également à Ganvié des cabinets privés de soins.

De l’éducation des enfants

Le système éducatif à Ganvié n’est pas des plus reluisants. Au Collège d’enseignement général de Ganvié, un établissement public, sont inscrits 783 élèves répartis en 16 groupes pédagogiques, de 6ème en 3ème. Leur âge varie de 9 à 19 ans. A en croire James Kpossou Tchatcha, directeur dudit collège, le problème de manque d’infrastructures se pose avec acuité, associé aux difficultés pour les apprenants de rallier le collège à l’heure. « Ils arrivent en pirogue parfois tout mouillés », a-t-il martelé. Le taux de scolarisation des filles est très faible à Ganvié, indique le directeur, entre 10 et 12%. Cela s’explique par le fait que traditionnellement, les filles ne sont pas orientées vers l’école. « Elles sont souvent sollicitées pour les travaux de maison », a-t-il déclaré. Le Ceg Ganvié présentera cette année ses premiers candidats au BEPC après 4 ans d’existence. James Kpossou Tchatcha « espère un taux de réussite à l’examen de 50% » alors que du côté des apprenants, on rêve grand : 100% de réussite.

Non loin du collège, se dresse l’Ecole maternelle de Ganvié érigée par l’Etat. Elle compte 113 écoliers (53 garçons et 60 filles). 4 enseignants (3 femmes, 1 homme) s’évertuent à leur dispenser les connaissances. Clément Tokponnon, directeur de l’école, indique que la traversée du lac est difficile pour les parents qui viennent tard chercher les enfants. « Le futur est prometteur et l’espoir permis pour l’éducation des tout petits», rassure l’homme, la quarantaine.

Tout comme ce directeur, l’espoir de voir fleurir Ganvié, la Venise de l’Afrique, est sans ambages et les touristes, comme de grands explorateurs, défilent sur la cité lacustre, pour jouir de ses merveilles. A vous de venir à la découverte de Ganvié.

Réalisation : Serge-David ZOUEME



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