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Condamnée à 7 ans de travaux forcés pour empoisonnement et de complicité d’empoisonnement
Publié le vendredi 4 avril 2014   |  24 heures au Bénin


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 Dans le dossier

C’est d’une affaire d’empoisonnement et de complicité d’empoisonnement que la cour d’assises de la cour d’appel de Parakou a connu hier mercredi 2 avril. Dans ce dossier, le troisième inscrit au rôle de cette première session de l’année 2014, les nommés Barikissou Yacoubou et Séidou Salifou étaient appelés à comparaître. Au terme de l’audience, la Cour présidée par Me Aleyya Gouda Bako a condamné Barikissou Yacoubou à 7 ans de travaux forcés ; en revanche son co-accusé Séidou Salifou a été purement et simplement acquitté.
Par Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori
Un mariage forcé tourne au drame à Kouandé. On déplore un mort qui serait victime d’un empoissonnement. Une accusation pour laquelle deux présumés auteur et co-auteur ont été présentés hier à la barre. La principale accusée répond au nom de Barikissou Yacoubou. Ménagère, âge ignoré, elle est jugée parce qu’elle aurait administré un poison dans le repas de son mari, du moins celui qu’on lui a donné de force et avec qui elle a passé environ quatre mois de « calvaire », selon ses déclarations. Le second accusé devant les juges s’appelle Séidou Salifou, inculpé de complicité d’empoisonnement, parce qu’il aurait fourni le produit qui a servi à tuer la victime, à en croire la principale accusée lors de l’enquête préliminaire. A toutes les étapes comme hier à la barre, Séidou Salifou a nié les faits. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Courant 2007, retient-on à travers l’exposé des faits par le président de céans, Me Aleyya Gouda Bako, dans l’arrondissement de Kouandé, la nommée Barikissou Yacoubou fut donnée en mariage forcé à Adamou Abanna Moumouni alors qu’elle aimait le nommé Moussa Sanni du village de Tikou. Très tôt, des difficultés surgirent au sein du nouveau ménage relativement aux rapports sexuels. C’est donc dans cette ambiance que le 14 juillet 2007, Barikissou Yacoubou aurait servi à son mari la pâte mélangée à une substance communément dénommée « gamma 20 », un insecticide qui lui aurait été fourni par Séidou Salifou dit « Kotolou », oncle de son bien-aimé Moussa Sanni. Quelques instants après la consommation du repas, Adamou Abanna Moumouni s’est mis à se plaindre de malaises, à baver abondamment avant de s’évanouir.Après de vaines tentatives occultes pour le réanimer, Adamou Abanna fut transporté à l’hôpital de zone de Kouandé où il rendit l’âme. Interpellée, Barikissou Yacoubou a reconnu les faits mis à sa charge au cours de l’enquête préliminaire avant de se dédire à la phase de l’instruction. Quant à Séïdou Salifou, il a toujours nié son implication dans les faits.
L’enquête de moralité est favorable à la principale accusée reconnue comme une fille de bonne éducation ; en revanche son co-accusé ou du moins celui qu’elle accuse d’être son complice n’a pas une bonne réputation selon l’enquête, même si le moindre antécédent judiciaire ne l’a épinglé. En effet, le bulletin n°1 des casiers judicaires des deux inculpés ne porte mention d’aucune condamnation antérieure

La principale accusée serait lucide au moment des faits. Mais le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique a montré que Barikissou Yacoubou a été troublée par les faits ; ce qui justifierait que c’est plusieurs années plus tard qu’elle a pu raconter ce qui se serait vraiment passé.
Ouverture et débats
La Cour est composée du président Aleyya Gouda Bako, des assesseurs Fortunato Ehounsa Kadjègbin et Maximilien Claude C. Olympio et de cinq jurés dont un suppléant tirés au sort. Soulignons qu’avant d’aller au terme du processus de désignation de tous les jurés, le ministère public et la défense avaient déjà épuisé le nombre de récusations admis pour chacun à raison de deux pour le ministère public et trois pour les avocats-conseils. Le greffe est tenu par Ambroise Alassane.A la barre pour relater ce qui s’est passé, Barikissou Yacoubou n’a pas nié les faits. « Je reconnais que j’avais menti. C’est moi qui ai mis une poudre, un raticide, dans la sauce que mon feu mari a consommée.
Ce n’est pas Séïdou Salifou qui m’a fourni le produit mais c’est mon mari lui-même qui l’avait acheté quelques jours plus tôt pour qu’on tue les rats qui nous dérangent dans la chambre », a-t-elle déclaré devant la cour. A la question de savoir quel est exactement le produit dont elle a fait usage entre le « gamma 20 » et le raticide en poudre, l’accusée est restée constante et a répondu que c’est le raticide. Mais quels effets attendait-elle en introduisant ce produit dans le repas de son mari ? Barikissou Yacoubou répond qu’elle voulait juste affaiblir son mari ce soir là pour qu’il ne se mette pas à lui donner des coups comme il en a l’habitude, quand il consomme de l’alcool et qu’elle refuse de tenir des rapports sexuels avec lui. Une fois, raconte-t-elle, devant sa belle-famille et sa famille convoquée au domicile conjugal suite à plusieurs refus de tenir des rapports avec son mari, on l’aurait obligée à tenir des rapports sexuels devant tout le monde.
Pourquoi a-t-elle impliqué le nommé Séidou Salifou dans cette affaire ?
L’accusée Barikissou répond que c’est pour lui rendre le coup parce que ce dernier a eu à vendre la mèche de sa volonté de fuir le domicile conjugal à son feu mari et que si elle était déjà partie, tout ce qui s’est passé par la suite n’arriverait pas.Quant à Séibou Salifou, comme à son habitude, il est resté invariable dans ses propos : « Je n’ai rien à voir dans les faits qui me sont reprochés. Je n’ai pas remis une substance à Barikissou à administrer à son mari ». En effet, c’est Barikissou qui avait déclaré à la brigade qu’il lui a remis la substance « gamma 20 » qu’elle aurait dissimulé dans le repas de son mari. Interpellé après son accusation par la jeune dame, il déclare avoir ce produit à son domicile mais souligne qu’il l’a acquis pour le traitement de son champ de coton.
Instruction à charges et décharges
L’avocat général Jules Chabi Mouka a dit à l’entame de sa réquisition que le mariage forcé est un fléau qui continue de détruire la société, constituant très souvent un enfer aussi bien pour la fille donnée en mariage de force que pour le conjoint. Mais cela suffit-il pour ôter la vie à un homme, se demande-t-il ? « Non. La loi l’interdit », répond-t-il. Parlant de la constitution de l’acte d’empoisonnement, les éléments légal, matériel et intentionnel sont réunis, affirme-t-il.
Il rappelle que les articles 59, 60, 301 et 302 du Code pénal prévoient et punissent le crime d’empoisonnement et de complicité d’empoisonnement par la peine de mort qui n’est plus certes appliquée. Barikissou a-t-elle attenté à la vie d’Adamou Abanna Moumouni ? Oui, répond le ministère public qui ajoute qu’elle-même a avoué avoir administré du poison dans le repas de son mari. L’acte est perpétré donc par l’effet d’une substance nuisible (du poison). Dès lors, l’acte matériel est effectivement constitué, conclut-il. Qu’en est-il de l’intention ? « On ne peut pas empoisonner quelqu’un sans y avoir pensé auparavant. Et il faut chercher le moment propice, le moyen pour réussir son acte », laisse entendre Jules Chabi Mouka. Pour tout cela, complète-t-il, l’accusée a eu, selon lui, la volonté et la pleine conscience de commettre son acte.
Contrairement à l’accusée à la barre, le parquet général affirme que ce qui peut tuer une souris peut bel et bien tuer un homme. Compte tenu de ce développement, il a demandé qu’il plaise à la Cour de retenir Barikissou Séidou dans les liens de l’accusation pour empoisonnement tout en invitant les membres de l’auguste cour à tenir compte des circonstances favorables, notamment sa bonne moralité, son casier judiciaire vierge, le fait qu’elle est victime du mariage forcé et de viols répétés au domicile conjugal. Il requiert alors contre elle une peine de 15 ans de travaux forcés. Quant au co-accusé Séidou Salifou, l’avocat général demande à la Cour de l’acquitter au bénéfice du doute, du fait du flou qui entoure son inculpation réelle dans le dossier.
Plaidoiries en attendant la décision
L’avocat-conseil de Séidou Salifou, Me Mamadou Samari Moussa, fait remarquer que « Devant l’évidence, on ne peut se détourner ». Il plaide d’emblée non coupable et demande l’acquittement pur et simple de son client et non au bénéfice du doute comme le souhaite le ministère public. « C’est le destin comme l’a dit mon client, sinon il ne se retrouverait pas ici aujourd’hui. Il n’a pas sa place ici car il n’a rien à voir dans cette affaire. Mon client a perdu banalement 7 ans en prison pour une faute qu’il n’a pas commise mais il ne lui en veut pas. Moi non plus », indique-t-il.
L’avocat en charge de la défense des intérêts de Barikissou Yacoubou, Me Wilfred Kounou, dans sa plaidoirie, a quant à lui essayé de démontrer que les éléments matériels et intentionnels ne sont pas réunis dans l’acte posé par son client. Il plaide au principal la non constitution des faits d’empoisonnement contre son client, en exhibant un exemplaire du sachet du produit et en soulignant que de par ses recherches sur Internet et ses discussions avec des médecins, le raticide en question ne peut donner la mort à un individu de 50 kg qui en consomme un gramme qu’au bout de trois jours peut-être.
C’est certainement l’effet combiné de l’alcool et du produit qui aurait entraîné la mort, suppose-t-il. Son client n’avait pas l’intention de donner la mort à son conjoint mais plutôt de l’affaiblir pour ne pas recevoir ce soir-là des coups après refus de tenir des relations sexuelles, comme elle en subissait depuis trois ou quatre mois après son mariage forcé, tente-t-il de convaincre. Il parle de dol général qui est constitué et de dol spécial qui n’est pas effectif selon sa compréhension du dossier, en évoquant une jurisprudence de juin 2003 en France dont il dit détenir copie et est en mesure d’en donner aux membres de la Cour au besoin. Aussi, ajoute-t-il, l’autopsie du corps n’est pas faite pour savoir ce qui a vraiment tué feu Adamou Abanna Moumouni.
L’objection du ministère public qui balaie du revers de la main ces affirmations, ne s’est pas fait attendre. Mais si au subsidiaire, la Cour devrait retenir Barikissou Yacoubou dans les liens de l’accusation, son avocat dit qu’il plaiderait alors la clémence des membres qu’il invite à tenir compte de la bonne moralité de son client, du pardon que l’accusée même demande et surtout de son jeune âge, pour la condamner seulement au temps déjà passé en geôle. Peut-être qu’elle était mineure au moment des faits, avance-t-il.De retour de son délibéré, la Cour a condamné Barikissou à sept ans de travaux forcés et aux frais envers l’Etat. Incarcérée depuis le 24 juillet 2007, elle a déjà passé en prison six ans et huit mois et devra attendre encore trois mois et 21 jours, soit jusqu’au 24 juillet prochain, pour recouvrer sa liberté.Quant à son co-accusé, Séïdou Salifou, il est acquitté par la Cour qui a ordonné sa libération immédiate si d’autres charges ne sont pas retenues contre lui. Séidou Salifou pourra rejoindre dans les heures qui suivent ses six enfants à Kouandé, après avoir passé près de sept ans en détention sur la simple accusation d’une femme qui a voulu se venger de lui. La cour se penchera ce jour sur une accusation de coups mortels imputés au sieur Alimiyaou Aboubakari.

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