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Le Matinal N° 4336 du 23/4/2014

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Transhumance dans les départements du Zou et des Collines : un cauchemar pour les éleveurs, agriculteurs et populations
Publié le jeudi 24 avril 2014   |  Le Matinal




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La transhumance pastorale est devenue une source de conflits sanglants entre l’administration, les éleveurs, les agriculteurs, et les populations des départements du Zou et des Collines.


Chaque passage du bétail en quête de l’eau et de pâturage est souvent source de conflits parfois sanglants et meurtriers pour les éleveurs et les agriculteurs. Depuis peu, c’est devenu chose récurrente et il est difficile de voir éleveurs et agriculteurs cohabiter. Bien qu’étant régie par la loi, la transhumance est aujourd’hui une situation qui fait réfléchir tous les acteurs concernés. C’est la loi n°87-012 du 11/09/87, renforcée par les lois n° 87-013 du 21/09/87 et n°89-385 du 24/10/89 qui définissent respectivement le cadre légal et le code de conduite à adopter par chaque acteur.

Emmanuel Zinsou est Responsable du développement rural (Rdr) dans la Commune de Covè. Il définit la transhumance comme étant le déplacement saisonnier des individus et des bêtes d’une région à une autre à la recherche de l’eau et de nourritures. Après les études diagnostiques, note Joseph Akpaki, expert en gestion des conflits, on constate sur le terrain la petite transhumance et la grande transhumance.

La petite transhumance, encore appelée transhumance nationale, s’effectue sur une distance de moins de 5km des points d’attache juste après les récoltes du mois d’octobre. Elle dure 5mois environ et vise seulement à éloigner les animaux des champs de cultures. La grande transhumance ou transfrontalière concerne un nombre important d’éleveurs nationaux et étrangers. Elle s’effectue par des éleveurs des pays voisins vers le Zou et les Collines à partir de décembre sur de très grandes distances et dure cinq mois.

Cette forme de transhumance qui, auparavant, n’avait pas d’ampleur est la plus dangereuse en raison des crises écologiques, de la densité des champs, des pratiques de cultures de décrue, souligne Joseph Akpaki. Autrement dit, la transhumance transfrontalière est la plus dévastatrice. Ce qui fait dire à Emmanuel Zinsou que la transhumance évoque aujourd’hui l’idée de destruction des cultures et des champs.
Les désastres de la transhumance

Au regard des conditions climatiques, les zones du centre ne sont pas appropriées à l’élevage de grands ruminants. Les populations n’ont donc pas coutume de faire l’élevage du bovin. Mais les grandes sécheresses des années 70 et 80 ont contraint les éleveurs avec leurs troupeaux à descendre dans la partie centrale du Bénin.

Ce contact brutal entre les groupes socioculturels du Zou et des Collines a occasionné une crise de méfiance au sein des agriculteurs et les populations. De ce fait, la transhumance est devenue une équation difficile à résoudre aux éleveurs, aux agriculteurs et aux élus locaux. « Lors de mon séjour de près de 5mois à Djidja, il survient, par moment, des dégâts dans les champs » à en croire Banni Allou, un éleveur peulh. Plusieurs agriculteurs en sont donc victimes. C’est le cas de Pierre Houndjo, agriculteur à Ouinhi, qui n’a rien récupéré d’un hectare de culture de maïs qu’il a fait l’année dernière. « A cause du retard des pluies, je n’ai pas pu faire la récolte du maïs avant que les bœufs ne viennent tout dévaster. Tous mes efforts fournis sont restés vains » déplore-t-il. Il faut souligner que les victimes sont souvent indemnisées.

« S’il y a des dégâts portés à notre connaissance, on évalue et on paye », confie El Hadj Abou Saliou Ayokou, président de l’Union communal des organisations des professionnels éleveurs de ruminants (Ucoper) de Dassa.

Malgré leur bonne foi de collaborer, les habitants de la terre d’accueil ne facilitent pas la vie aux transhumants. Des individus leur jouent de sales tours. « Des gens, au cours de notre passage, se camouflent dans les touffes d’herbes ou nous tendent des embuscades pour tuer nos animaux qui traînent derrière », dénonce le président de l’Ucoper Dassa.

« On nous interdit, dit-il, de passer dans les champs où il n’y a rien. Au même moment, des agriculteurs bloquent sciemment les passages naturels et labourent aussi les espaces des couloirs réservés aux bêtes en nous obligeant à traverser leurs champs. Lors de cette traversée, ils s’en prennent à nous même ou à nos enfants qui, parfois, abandonnent les troupeaux », ajoute El Hadj Abou Saliou Ayokou.

La transhumance ne fait pas que des dégâts matériels. Elle est aussi meurtrière parce qu’on enregistre dans les localités touchées par ce phénomène, des pertes en vies humaines. « Les peulhs transfrontaliers sont plus dangereux que les locaux. Ils dévastent tout sur leur passage au point où on enregistre des morts d’hommes.

Un forestier a été même victime à Savè la saison dernière », témoigne Emmanuel Odjo, responsable de l’Union communal des producteurs de Savè. Dans cette région comme à Ouèssè, Glazoué, Ouinhi, Djidja, Covè et Zagnanado, le phénomène est criard puisque les populations ne sont généralement pas informées de la venue des peulhs transhumants ; ce qui ne facilite pas la collaboration. Une allégation que les éleveurs balaient du revers de la main.

Selon leur représentant, les autorités locales sont toujours informées de leur installation dans leur localité. Cependant, les divergences surgissent et débouchent le plus souvent sur des batailles rangées. « Lorsque les bêtes dévastent même une portion congrue d’un champ, le propriétaire va à la brigade nous convoquer.

Au cours de la procédure, les gendarmes protègent les agriculteurs et nous amendent. Pas souvent de règlement à l’amiable parce que nous payons une amende qui varie de 160.000 Fcfa à 200.000 Fcfa. Après paiement, le propriétaire du champ partage la cagnotte avec les gendarmes », dénonce Banni Alliou.

Le Chef de brigade (Cb) de la gendarmerie de Covè n’admet pas cette affirmation. Selon lui, cet argument n’est pas fondé étant donné que les forces de l’ordre, dans leur mission régalienne, assurent la sécurité de tout le monde sans distinction aucune. Les résultats des études commanditées par le Haut commissariat à la gouvernance concertée (Hcgc) confond le Cb et prouve clairement que les conflits de la transhumance sont mal gérés.

L’étude a révélé que les règlements des conflits qui surviennent sont arbitraires et créent beaucoup de sentiments de frustration.
Les comités de gestion en panne

Par arrêté interministériel n° 010/Misat/Sat/Mdr/D-Cab du 20/01/92, des comités de gestion de la transhumance ont été installés dans presque toutes les Communes. Mais ils n’ont malheureusement pas comblé les attentes des acteurs en raison des dysfonctionnements qui les caractérisent. Les cadres de concertation et de dédommagement, ne sont pas opérationnels dans toutes les régions. « Le cadre de résolution des conflits et de dédommagement des agriculteurs existe à Ouinhi mais il manque de dynamisme » a confié un agriculteur.

Désiré Ahouigbamè, Rdr/Ouinhi, est du même avis. « La transhumance dans la zone Agonlin, à l’air d’être suivie à Covè et à Zagnanado. Mais à Ouinhi, nous n’avons pas pu faire honnêtement grand-chose. Le comité n’a pas été opérationnel pour des raisons d’ordre organisationnel et politique » renchérit-il. Poursuivant ses explications, il précise que le maire de la commune n’a jamais raté l’occasion de dire que la population est contre la transhumance.

Cet argument, dit-il, ne tient pas, puisqu’à Covè et à Zagnanado, elle est plus ou moins organisée. Quand les animaux quittent ces deux communes, ils rentrent dans la commune de Ouinhi qui n’est pas du tout organisée. Profitant de ce vide, les peulhs prennent appui sur les élus locaux.

En dehors du dysfonctionnement des comités de gestion de la transhumance, s’ajoutent le défaut du traçage des couloirs de passage, l’insuffisance des points d’eau et des espaces de pâturage sont autant de facteurs qui accentuent le phénomène. Selon le rapport 2009 de la direction de l’élevage, le Zou et les Collines disposent de 43 points d’eau. Mais plus de la moitié de ces retenues d’eau réalisées sont dans un état de dégradation avancé par manque d’entretien.

De l’avis des protagonistes, l’Etat central et les communes doivent apporter leur soutien aux différents comités de gestion de transhumance pour les rendre fonctionnels. Les couloirs de passage doivent être également bien délimités. Conscients de tous ces risques, le Haut commissariat à la gouvernance concertée (Hcgc), essaye de créer l’ambiance et faciliter le dialogue et l’entente entre les acteurs.

Zéphirin Toasségnitché

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