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La Presse du Jour N° 2120 du 24/4/2014

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Politique et argent au Bénin
Publié le mardi 29 avril 2014   |  La Presse du Jour




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Si un éminent philosophe a pu écrire que l’homme pauvre possède un Dieu riche, on peut aussi bien dire à sa suite que les pays pauvres ont toujours des élites riches. Cela est particulièrement vrai des pays d’Afrique : qui ne voit pas qu’il y a dans nos pays, des gens qui vivent de l’oppression des autres et ces autres qui sont malheureux à cause de cette oppression ? La vieille chanson Guélédé de mon enfance disait : okùsè ko jeun ko yo, apajiba ko sunbè, baba, ki seun rere. Parce qu’il en est ainsi, notre pays est traversé de divisions qui sont à fleur de peau et qui sautent aux yeux du premier touriste venu, s’il prend le temps de s’intéresser à autre chose qu’au soleil, au Parc national de la Pendjari et à Ganvié1. Ces divisions dessinent la géographie du pays, la sociologie des quartiers, la carte scolaire dans nos grandes villes et déterminent l’accès aux soins de santé pour ceux qui en ont besoin.
Aux esprits sceptiques qui seraient tentés de faire des gorges chaudes en lisant les lignes qui précèdent, on voudrait suggérer de se reporter à l’intéressante enquête, en douze pages, de Jeune Afrique2 sur les riches de nos pays. On est conduit, à longueur de pages, un peu comme à tâtons, pour éviter le vertige, à un…«voyage à l’intérieur du monde onirique des fortunes africaines»3. Du Maroc à l’Afrique du Sud en passant, entre autres pays, par l’Algérie, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Burkina-Faso, le Nigeria, le Gabon et le Cameroun, on y voit décrits, sur un mode plus léger que celui de ce texte, «les goûts et les fantaisies de ces heureux favoris de la fortune», vivant hors-sol, un peu comme en serre, insensibles aux intempéries sociales, et pour cela même, au mieux, indifférents, au pire, méprisants vis-à-vis du reste des populations de ces pays. Une absence regrettable dans ce tableau : l’enquête ne parle pas du Bénin. Mais, toutes choses étant égales par ailleurs, cette absence du Bénin dans l’enquête de Jeune Afrique a l’avantage de permettre à ceux qui le désirent, de reprendre sans extrapolation, un exercice du genre pour le Bénin et d’en tirer toutes les conséquences. On aimerait pour dissiper tout malentendu, préciser que les journalistes de Jeune Afrique dont certains sont bien établis, ne sont ni des anarchistes ni surtout des révolutionnaires. C’est pourtant eux qui nous suggèrent ainsi de porter un regard, pour le moins circonspect, sur nos riches d’Afrique4. Au demeurant, ce sont les acteurs politiques de nos pays eux-mêmes qui ne cessent de se lancer par-dessus la tête des accusations infâmantes de malversations financières et de détournements de deniers publics. Pour mémoire, il suffit de rappeler qu’une des premières mesures législatives du président Abdou Diouf accédant au pouvoir en 1981, après Senghor, concernait la répression de l’enrichissement illicite, ce qui était sa manière à lui de tuer le père Senghor une fois pour toutes et de tenir en respect, les autres enfants qui étaient tentés de lui disputer l’héritage. Abdoulaye Wade va reconduire la même mesure législative, 19 ans plus tard avec la même intention de se débarrasser de ceux qui seraient tentés de lui disputer le pouvoir. Après son départ du pouvoir, son propre fils, Karim Wade, va être mis en prison au motif d’avoir profité des deux mandats de son père à la tête du pays, pour s’enrichir illicitement. Marx écrit quelque part que lorsqu’on joue du violon au sommet, il ne faut pas s’étonner que les gens d’en bas esquissent des pas de danse. Symptomatiques de cette contagion de la société par le rapport problématique à l’argent, au sommet de l’État sénégalais, Le mandat de Sembène Ousmane et cette expression désabusée de l’auteur selon qui, l’honnêteté est un vice de nos jours.
Ce texte est un effort maladroit pour essayer de dire ce qu’il en est de l’argent et de la politique dans notre pays et d’apporter un début de réponse à cette question qui me taraude l’esprit, ces temps derniers, à savoir : qu’avons-nous fait au Dahomey-Bénin de notre indépendance? Sa thèse centrale consiste à soutenir que le besoin d’enrichissement qui est surtout le propre des élites ne passe pas par la médiation du travail, la seule qui aurait pu permettre, en même temps que ces élites s’enrichissent, d’enrichir aussi le pays. Comme ce n’est pas le cas, nous vivons dans un pays officiellement pauvre mais dans lequel des élites paradoxalement riches ont des moyens que beaucoup de gens aisés des pays dits riches ne peuvent que leur envier. Nous sommes les habitants d’un pays pauvre dont les élites prennent leurs vacances à Paris, à New York, à Londres, à Montréal, à Dubaï…, et y font leur shopping. Pendant ce temps, le prix prohibitif du litre d’essence à la pompe empêche même ceux qui ont des voitures et qui n’ont pas les fameux «bons d’essence» d’aller de Cotonou à Parakou. Il faut bien pouvoir trouver une explication à ce décalage persistant entre riches et pauvres dans notre pays.
Les riches de chez nous eux-mêmes, lorsqu’on prend la peine de les écouter, parlent souvent comme s’ils devaient leurs richesses à des dons naturels ou à leurs mérites personnels : l’argent qui tombe du ciel ou tout simplement, l’esquisse d’un principe de sélection naturelle à la béninoise, en somme. Si, par la suite, chacun, surtout en milieu adja-fon, peut répéter à l’envi, Dàn dò n’ì, pour justifier le fait d’être riche, chacun, riche ou pauvre, répète ainsi une justification qui a été élaborée préalablement dans les milieux riches. Ce type d’explication n’a qu’une seule fonction : complexer ceux, toujours plus nombreux parmi nous, qui aimeraient être aussi dans les bonnes grâces de Dàn mais qui n’y parviennent pas. Au surplus, cette façon de justifier la richesse aura pour effet de les installera dans une espèce de mauvaise conscience qui comme on sait, est toujours génératrice de paralysie et d’impuissance. Celles-ci, dans une sorte d’enchaînement funeste, vont à leur tour les installer dans la rancœur, l’aigreur et le ressentiment qui font le lit de la sorcellerie et de la course aux différents artefacts (bô).
Pourtant, les peuples de chez nous n’acquiescent qu’à moitié à ce type d’explication aux effets pervers considérables, puisqu’ils distinguent plusieurs formes d’argent, donc plusieurs mécanismes d’enrichissement : owò jìbìtì, owò lukùdi en yorùba, axìzì kwè en fon, indiquant par là, l’origine plus ou moins frauduleuse de certains enrichissements. Certaines de nos commerçantes veillent particulièrement à ce que l’argent qu’elles estiment avoir honnêtement gagné et, pour ainsi dire, à la sueur de leur front, ne soit pas contaminé par l’argent d’origine frauduleuse. L’argent fait donc l’objet d’une classification, une classification qui rend problématique le statut de certains enrichissements, pour ne pas dire le statut de la richesse en général dans notre pays. C’est, en effet, dans le même pays où on peut dire allègrement Dàn dò n’ì qu’on chante aussi : àkwè nò dé ma d’àkwè tòn, wamònò mé vo. Yatònò é zin dò dò bò dò jè dokùn.
C’est dire que la question de l’origine de la richesse fait l’objet, chez nous, d’un discours contradictoire. Cette contradiction a toutefois une fonction épistémologique, explicative. Elle est même doublement féconde : elle permet de lire les divisions de la société et les conflictualités qui la travaillent. Elle témoigne des efforts entrepris, en son sein, pour donner un sens aussi bien à la richesse qu’à la pauvreté. Mais elle est aussi l’indice du fait qu’à l’intérieur de la société, des forces opposées sont à l’œuvre, les unes pour maintenir et perpétuer les inégalités sociales, les autres pour en réduire le champ. Cette contradiction n’est donc pas seulement d’ordre intellectuel, purement spéculatif. Elle est autant sociale que politique. Certes, l’argent prend la forme d’un objet, d’une chose sacralisée5 mais les rapports que les hommes entretiennent avec cet objet-fétiche sont toujours l’expression des rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Ce sont ces rapports que tente de masquer l’expression : Dàn dò n’i. Ce sont ces mêmes rapports que tente de mettre à nu, l’expression : àkwè nò dé ma d’àkwè tòn wamònò mè vò. L’argent est donc, pour tout dire, un fait social. Autant certaines commerçantes procèdent à des classifications, répartissent l’argent en fonction de la manière dont il a été acquis, autant l’argent paie bien en retour ces commerçantes puisqu’il les classe aussi en fonction de son volume dans leurs sacs, comme il assigne à chacun de nous, une place spécifique sur l’échiquier social. Il est, dans notre pays, le critère par excellence de classement des individus, de la distinction6 : il structure les relations hommes-femmes, détourne certains clercs de leur vocation et détermine la capacité de nos femmes et de nos hommes politiques. Le classement auquel l’argent donne lieu dans notre pays et les nominations qui l’accompagnent, àkwè nò, wamamònò, gbajùmò (igba ojù mò), ne sont pas des indices, parmi d’autres, de la lutte des classes. Ils sont les expressions mêmes de cette lutte qui, selon certains, n’existerait pas dans notre pays. Ainsi, les classes, au Bénin, sont comme le diable dans le Spleen de Paris : leur ruse est de nous faire croire qu’elles n’existent pas. D’où ces formes de «camaraderie horizontale» qui se nouent autour du clan, du village, de la région, de la tribu, qui permettent ainsi de masquer les violences de fait, à l’intérieur de la société, et empêchent toute interrogation sur la légitimité des hiérarchies qui la structurent, faisant, in fine, de nos populations, les éternelles obligées des notables qui n’ont cure d’abuser de leur confiance. Ce qui revient à dire qu’une véritable analyse de classe de nos sociétés, dont toute politique démocratique doit pouvoir tirer les conséquences, reste encore à faire.
On voudrait seulement ici poser les linéaments de cette analyse à venir, en examinant de plus près les relations hommes-femmes, la relation que la religion entretient avec la politique, chez nous, à l’aune de l’argent.
Le chansonnier aura beau chanter : «Assiba, tu m’as quitté…, l’amour ne s’achète pas», il sait bien que c’est l’argent qui l’a constitué en époux d’Assiba et que, c’est bien à cause de l’usage qu’ils en ont fait, Assiba et lui, que leur mariage a tourné court, même si dans un pays comme le nôtre où les préjugés du patriarcat sont toujours tenaces, l’échec du mariage relève de la faute d’Assiba et d’Assiba seule. Ce qui autorise le chansonnier à nous servir la mise en garde suivante : Yégé, nòvi cè lè mi, mi ma xwè dó ny6nù din ò. C’est que, malgré les apparences, l’argent est au cœur des relations hommes-femmes dans notre pays. Il est la clé de voûte du système d’oppression des femmes, l’instrument de chantage qui permet de transformer certaines filles du peuple en monnaie d’échange.
On ne viendra pas à bout d’un tel système par la fausse politique de parité, une des nouvelles trouvailles de l’actuel chef de l’État qui laisse intactes les bases matérielles et psychologiques du patriarcat et qui permettra, au mieux, de promouvoir quelques femmes qui étaient déjà confortablement installées, par mariage ou par allégeances de toutes sortes, dans les cercles du pouvoir ou dans son antichambre. Les chauffeurs qui conduisent nos élites, les gardiens de nuit, les filles qui viennent de nos villages du fait de l’exode rural7 et qui servent de bonnes à tout faire à Cotonou, les femmes des milieux populaires qui accouchent dans nos maternités et qui ne sont pas du nombre de celles qu’on appelle, en prenant mille précautions, Maman ou Tantie, connaissent bien ces femmes qui ne sont pas toujours plus tendres à leur égard que leurs homologues masculins. Ainsi, le slogan vite abandonné de Yayi Boni : «Les femmes au pouvoir !», ressemble un peu au célèbre : « Ça va changer, ça doit changer !» qui l’a mené au pouvoir. On a envie de s’exclamer : quel paradis en perspective !
Mais il ne faut pas céder à cette tentation. Toutes les personnes qui ont à cœur le devenir des filles et des femmes du peuple dans notre pays et qui savent qu’on peut utiliser certaines d’entre elles comme butte-témoin, comme des alibis commodes pour masquer l’immense détresse de l’ensemble des filles et des femmes dans le pays, doivent éviter soigneusement d’apporter leur caution à ce slogan, porteur d’illusions, illusions qu’elles perdront aussi vite qu’elles y auront prêté foi. Parce que, même si ce slogan bénéficie d’un puissant effet de mode et justement à cause de cela, il n’a rien de subversif. Pour qu’il soit investi de ce potentiel de subversion, il aurait fallu qu’il cesse d’abord d’être un slogan, puis qu’il s’inscrive dans une politique de lutte systématique contre les différentes poches de privilèges dans notre pays. Cette lutte contre les privilèges aura pour effet de rétablir l’égalité entre les citoyens et de mettre chacun d’eux, homme ou femme, à égale distance de l’État. Après cela, on pourra parler, sans démagogie, de parité entre hommes et femmes en politique. Pour prendre un exemple éclairant parmi bien d’autres : tant qu’il y aura dans notre pays de «bonnes» écoles privées pour les héritières et les héritiers8 qui vont parachever leurs formations dans les grandes universités européennes ou américaines, et une mauvaise école publique, avec le boulet des nouveaux programmes d’études ( NPE) pour beaucoup de filles et de garçons du peuple qui en sortent illettrés, le slogan de la parité ne sera qu’une tentative de diversion : il aura peut-être le «mérite», s’il est appliqué, de mettre les héritières et les héritiers à égalité au sommet de l’État. Sur ce point au moins, il faut donner raison au chef de l’État, lui qui n’a de cesse de vouloir donner des gages de fidélité à ses prédécesseurs et qui, pour cela, a dû faire entrer, à un moment donné, leurs héritiers au gouvernement. Il serait temps de faire un peu de place aux héritières. C’est une bonne chose que le chef de l’État s’en soit préoccupé et qu’il nous l’ait fait savoir.

Mais revenons à la question de l’argent. Il n’y a pas jusqu’aux églises qui ne soient prises dans les rets de la toile d’araignée de l’argent. Saint Paul, le fondateur du christianisme, recommandait aux chrétiens de ne pas se conformer au monde actuel et de vivre en paroisse9 comme s’ils étaient en séjour, nécessairement provisoire dans le monde qu’ils sont appelés à transformer, en se transformant d’abord eux-mêmes. Mais l’attachement au monde prend à ce point le dessus que bon nombre de pagano-chrétiens de chez nous qui voudraient que le pays change ne sont pas prêts à se changer d’abord eux-mêmes. Arc-boutés sur leurs maisons, leurs voitures, sur quelques arpents de terre, sur le pouvoir qui donne et garantit la richesse, en somme sur ces petits riens, bien ou mal acquis, ils ne veulent justement céder sur rien>

La moindre égratignure portée contre ces petites choses auxquelles ils s’identifient et qu’ils sont prêts à défendre, bec et ongles, est vécue comme une atteinte à leur vie. On aurait pu croire que ces chrétiens possèdent ces biens. Non. Ce sont ces biens qui les possèdent. Nous sommes, quoi qu’en pensent nos pagano-chrétiens, en pleine idolâtrie.
Voilà, à grands traits, l’état d’esprit qui prévaut chez bon nombre de nos compatriotes, pagano-chrétiens ou non, surtout s’ils sont petit-bourgeois et qu’ils sont, de surcroît, passés « du col mao au rotary» ou aux nouvelles églises et sociétés secrètes qui font florès dans notre pays, en renonçant, une fois pour toutes, à faire la révolution qui, contrairement aux idées reçues, n’a pas encore eu lieu chez nous. Non pas qu’il y ait une incompatibilité absolue entre ces nouvelles appartenances et la révolution. L’indifférence au pouvoir, l’indépendance face aux pouvoirs de toutes sortes, sans lesquelles il n’y a pas de génie, sont les thèmes majeurs de La flûte enchantée de Mozart qui fut, semble-t-il, un grand franc-maçon. Les différentes formes de protestantisme qui jouèrent un rôle déterminant dans la modernité européenne deviennent méconnaissables dès qu’elles sont transposées dans notre pays. Il est vrai qu’entre ces protestantismes originels (celui de Luther qui, selon le mot de Henri Heine, créa d’un coup la langue et la culture allemandes ; celui de Calvin) et nous, il y a d’abord le colonialisme qui a instrumentalisé les religions chrétiennes à des fins d’oppression, mais il y a aussi le détour, le passage par l’Amérique du nord et surtout le capitalisme qui ont transformé une religion qui pouvait apparaître, hier encore, comme dynamique en un simple produit de consommation10.
C’est dans cette ambiance générale qu’est intervenu, à la suite de beaucoup d’autres, le scandale dit de l’ICC-Services et Consorts. Ce type de scandale est monnaie courante dans le monde depuis quelques années : Madoff aux États-Unis d’Amérique, Lacroix au Québec, les coopératives en Haïti, les maisons de placement ou «banques volantes» en Côte-d’Ivoire. Dans ce dernier cas, les acteurs et le mode opératoire sont les mêmes qu’au Bénin : des responsables politiques qui semblent avoir fermé les yeux, des épargnants et des pasteurs que leurs victimes ont pris pour des «hommes de Dieu»11. D’où la tendance à la banalisation de ce qui est arrivé chez nous. Cette tendance a été surtout perceptible dans certaines déclarations de l’Inspecteur général d’État au moment dudit scandale. On voudrait rappeler à son attention que comparaison n’est pas raison. La nécessaire comparaison avec ce qui se passe ailleurs ne doit pas masquer la spécificité de ce qui est arrivé dans notre pays.
Il y a déjà eu dans l’histoire, des prophètes complaisants vis-à-vis des pouvoirs établis et qui, au lieu de prévenir leurs peuples des malheurs à venir, les ont précipités dans l’abîme. Mais de là à ce que des gens qui se présentent comme des pasteurs et qui sont suivis comme tels par leurs brebis, succombent à l’esprit des affaires triomphant dans le pays, et ce, en connivence avec certaines sphères du pouvoir qui ont estampillé leurs activités du sceau de la légalité, on n’aura pas eu le temps d’y penser. Ce sont pourtant des pasteurs qui, dans cette affaire, ont surpris des brebis passablement dévotes, une première fois, en leur promettant plus qu’elles n’espéraient et une deuxième fois, en ne tenant pas leurs promesses. Ce sont des pasteurs qui ont organisé de propos délibéré et en toute bonne conscience, cette vaste escroquerie dite de l’ICC-Services et Consort pour se constituer une solide base de classe au détriment de la communauté des croyants qu’ils sont censés protéger. Ainsi, chez nous, on peut, contrairement au précepte évangélique, servir deux maîtres à la fois et on les sert allègrement : On peut y faire de bonnes affaires et gagner le ciel.
Toutefois, à y regarder de près, ces pasteurs ne sont que des boucs émissaires qu’on livre en pâture à l’opinion publique. Je ne sais plus quel Général d’armée a dit que chaque fois qu’il était confronté à un début d’incendie, il «faisait sauter une dynamite». La dynamite, dans son souffle, éteignait l’incendie. C’est ainsi qu’on fait aussi chez nous : faire sauter des fusibles pour protéger le système. Nos élites militaires et civiles sont coutumières du fait. Les différents coups d’État qui ont ponctué l’histoire politique du pays, de 1960 à 1972, faisaient le même effet que la dynamite du Général. Il s’agissait d’abord d’éteindre un début d’incendie. L’écran de fumée qui accompagnait, chaque fois l’explosion, nous brouillait la vue. En 1972, le chef de bataillon, Mathieu Kérékou, avait affiché son intention de mettre un terme à l’injustice dans notre pays : «Je gagne quinze francs, disait-il. C’est ma solde et elle me suffit. Je veux seulement que tu saches qu’il y a eu dans ce pays, trois hommes, trois politiciens qui gagnaient chacun inutilement vingt-cinq francs. Désormais et à compter du vingt-six octobre 1972, les soixante-quinze francs resteront dans les caisses de l’État.12». Nous y avons cru et nous l’avons, pour cela, soutenu malgré toutes les ambigüités de son discours et même si les plus clairvoyants parmi nous, n’ont pas cessé de nous mettre en garde : à une période de relâchement relatif des libertés démocratiques, disaient-ils, allait succéder une période de fascisation du régime. Cela ne tarda pas à venir. Après une « drôle de guerre» qui dura du 26 octobre 1972 au mois d’avril 1974, le pouvoir appuyé en cela, par certains transfuges de la Jeunesse unie anti-impérialiste du Dahomey (JUD) prit les premières grandes mesures liberticides de notre histoire. Nous n’en connaissons que trop bien la suite : le marabout Mohamed Cissé qui a trouvé des points d’ancrage dans des pratiques qui avaient déjà cours avant lui, au sein de la Banque commerciale du Bénin ( BCB) et dans la vénalité de certains de nos cadres, n’a pas pu se contenter des soixante-quinze francs du Conseil présidentiel. Le président Mathieu Kérékou voulait liquider l’ancienne politique ! Comment pouvait-il le faire en privant le pays et en se privant lui-même de toute lumière, en réprimant férocement tout esprit critique qui aurait pu lui permettre de voir clair et nous avec lui? C’est pourtant ce qu’il fit.
L’ histoire autant que la coutume que nous venons de rappeler devraient nous inciter à nous méfier des écrans de fumée, en ce qui concerne nos pasteurs et leur implication réelle dans le scandale dit de l’ICC-Service et consorts : au bout du compte, ces pasteurs apparaissent davantage comme de bons élèves, appliquant scrupuleusement les leçons qu’ils ont apprises à l’école de nos élites politiques, élites qu’ils fréquentent assidûment et dont ils prétendent assurer la protection et l’invincibilité à coup de récitation de psaumes, de postillons et d’eau bénite. On est tenté de dire : pour si peu ! Toujours est-il que, armées de ces boucliers de l’invincibilité, les psaumes que certains savent à peine murmurer, mais surtout les postillons des pasteurs ainsi que l’eau bénite davantage porteuse de germes qu’on ne le soupçonne, nos élites politiques qui jurent leur grand Dieu, d’avoir tourné le dos à la prétendue idolâtrie de nos traditions, se sentent à l’abri de tout mauvais œil pour organiser, en toute impunité, la grande braderie des ressources du pays. Nous sommes en présence d’un échange classique de bons procédés : des élites qui vivent, en permanence, dans l’âge de la peur, malgré ou à cause de toute l’armada et de l’arsenal de textes juridiques dont elles disposent pour étouffer toute velléité de révolte dans le pays, laissent les coudées franches, au prix de quelques intentions de prière et de quelques étrennes sonnantes et trébuchantes, à des pasteurs qui ont renoncé à leur vocation pour dépouiller les populations de leurs petites économies. Toutefois, ce qui est en jeu dans le scandale de ICC-Service et Consort dépasse les petites économies. On aimerait savoir un jour qui sont les gros épargnants de l’affaire et où ils ont puisé les épargnes qu’ils ont déposées dans les structures de l’ICC- service.
Ces pasteurs constituent la face inversée de nos élites politiques. C’est pourquoi, il faut refuser de les isoler les uns des autres, si l’on veut bien comprendre ce qui s’est joué dans ce scandale. Le plus étonnant, c’est que les uns et les autres sont convaincus d’être sous la protection du Dieu qu’ils prétendent servir et dont ils auraient entendu la voix… Il est vrai qu’il y a là, -entendre la voix de Dieu ou de ses anges-, tout un bonheur et un privilège qu’on ne peut que leur envier, mais ces élites politiques et leurs pasteurs devraient prendre garde : même s’il est écrit qu’il ne dort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël13, il y a toujours un danger à se prendre pour le nazir de Dieu. Samson, celui qui croyait à la vertu des cheveux longs, l’avait appris à ses propres dépens.
Pour le moment, ce qui fait la force de toutes nos élites, de tous ces pasteurs ainsi que d’autres, c’est moins la présence de Dieu qui les accompagne que la crédulité de nos populations, cette foi naïve que nous mettons dans les capacités de ces élites à nous aider à changer la vie, notre vie. Cette foi naïve nourrit et entretient la domination qu’exercent nos élites sur nos populations. C’est pourquoi elle est aussi nourrie et entretenue par nos élites. L’illustration la plus frappante de cette crédulité et du fait que ces élites en tirent profit, c’est qu’on s’apprête, dans deux ans, à nous rejouer le coup. En 2016, nous serons appelés à choisir les mêmes, dans un camp ou dans l’autre, pour continuer à faire les mêmes choses.
Les mêmes choses ? Oui, en effet. Il suffit de réactiver deux ou trois slogans pris, au hasard, dans notre histoire, pour s’en convaincre. On voudrait, pour cela, rappeler à l’attention des jeunes générations, que l’Union Démocratique Dahoméenne (UDD-RDA) est née en 1955, à Atchoukpa, avec le slogan «Il faut que ça change !». Puis, l’UDD-RDA qui était de loin, le parti le plus progressiste de l’époque, a fini par s’adapter au statu quo régionaliste, idéologie encore largement dominante, dans notre pays, aujourd’hui. Le «vrai démocrate» nous a promis, en 1968, le renouveau avec son Union pour le Renouveau du Dahomey (URD). En fait de renouveau, nous aurons eu droit à une véritable chasse à courre dans les rues de Cotonou et à une confiscation de toutes les libertés démocratiques dans le pays. Maga et le Conseil présidentiel nous ont promis « le papillon tricolore, symbole d’une véritable aube nouvelle » et nous avons eu droit à « une bienheureuse anarchie » au sommet de l’Etat avec son lot de scandales financiers. L’actuel renouveau démocratique lui-même aura tout juste fait l’effet d’une aubaine, une mine de fortune pour quelques-uns : la fameuse prime à la démocratie aura plutôt contribué à vicier ce qu’il s’agissait de promouvoir, avec son cortège d’ONG, par-ci, d’ONG par-là…et de « petits projets » mis en chantier sans cohérence les uns avec les autres. Jaurès disait que quand on ne peut pas changer les choses, on change les mots. Chez nous, les slogans changent pour que rien ne change. Ainsi, plongés dans une ambiance d’attente permanente, nos peuples sont régulièrement récompensés en monnaie de singe.
Où a-t-on jamais vu un pays se développer à coups d’ONG et de « petits projets » ? Où a-t-on jamais vu un pays compter sur la prodigalité de l’extérieur pour se développer ? L’Espagne enfoncée aujourd’hui dans une crise profonde fait les frais de l’illusion d’être riche du fait des investissements étrangers pour ne rien dire de la Grèce et surtout, sur notre continent, du Mozambique cité depuis peu en exemple par les fameux bailleurs de fonds. Chez nous aussi, l’argent qui vient massivement de l’extérieur a toujours été et reste une fausse monnaie14 plutôt dédiée à satisfaire ce qu’un grand penseur haïtien, Jean Price-Mars, a appelé le bovarysme de nos élites15. C’est aussi de l’argent qui retourne par toutes sortes de canaux à sa source. En tout cas, pour le peuple, le bilan de toute cette agitation du renouveau démocratique est si ténu qu’on ne peut que rétrospectivement donner raison, même si on ne partage pas ses attendus implicites, à Me Robert Dossou qui dans un accès de colère, aurait déclaré dès 1990 que la Conférence nationale était un coup d’État civil16. Nous sommes donc aujourd’hui aux prises avec le lot de désillusions qui a, de tout temps, accompagné les coups d’État dans notre pays. Comment peut-on faire confiance17 à des gens qui nous ont toujours trompés par de fausses promesses et qui ont surtout intérêt, à continuer de nous tromper ?
De ce que, pour emprunter une expression de Rabelais, il faut se résoudre à appeler le tourniquet des fausses promesses, il va falloir essayer, un jour, de se sortir. Mais comment ? Et à quelles conditions ? À condition de commencer ici et maintenant, sans faux-fuyants, à comprendre que le véritable enjeu de la démocratie, dans notre pays, n’est pas d’abord un enjeu politique. Il est encore moins économique. Tant s’en faut. L’enjeu premier de la démocratie est d’ordre culturel : c’est celui des lumières que Kant définit comme la sortie de l’homme de l’état de minorité dans lequel il se maintient par sa propre faute. Le mot d’ordre des lumières, c’est : ose penser par toi-même. Un tel mot d’ordre n’a rien de spécifiquement occidental. L’assignation à résidence des Lumières qui permet d’en faire un mouvement essentiellement européen ou occidental procède d’un tragique malentendu. Qui ne voit pas que dans ce scandale de l’ICC-Service et Consorts comme dans beaucoup d’autres, c’est la faculté de juger de nos populations, -celle qui aurait pu leur permettre de distinguer le vrai du faux et d’échapper aux vendeurs d’illusion- qui a été prise en défaut. La faculté de juger de chacun est fondatrice de l’appartenance et de l’espace public eux-mêmes, dans une société démocratique. Il suffit de voir toutes les conséquences politiques et sociales de cette affaire de l’ICC- Service et Consorts pour s’en convaincre. Il est vrai aussi que le flot de la misère de nos populations monte tellement vite qu’elles sont tentées comme bien de nos élites de prendre des chemins de raccourci pour s’en sortir. Nous sommes ici en plein désir mimétique. Un désir mimétique qui entraîne un comportement mimétique dont l’effet a été déterminant dans le succès des affairistes de l’ICC- Service et Consorts. Comment aider nos populations à sortir de ce mimétisme ? Comment rompre le charme que nos élites exercent sur nos populations ? Voilà les questions brûlantes auxquelles nous sommes confrontés dans notre pays aujourd’hui, celle de l’émancipation de nos populations du joug de nos élites : cette émancipation est d’abord auto-émancipation. D’abord parce que s’émanciper, c’est-à-dire s’arracher des mains de celui qui opprime ne peut se faire que par l’opprimé lui-même. Ensuite, parce qu’il n’y a plus de Messie dans notre pays si par Messie (Mashiah), il faut entendre le guerrier qui meurt au combat. Tous nos adjuvants, à l’exception notable de quelques-uns, sont morts au pouvoir. Le PRPB a été leur tombeau18. Ceux qui, parmi nos élites, ont conservé la fraîcheur de leur jeunesse, peuvent aider à initier et à accompagner nos populations sur le long chemin de l’émancipation. Jamais, ils ne feront le bonheur des populations à leur place. Notre conviction est que cette émancipation des populations de chez nous va exiger des réformes hardies dans tous les domaines mais prioritairement dans le système éducatif. Aucun de nos gouvernements ne semble s’être engagé sur ce chemin depuis 1960. On ne peut même pas dire que les nouveaux programmes d’études (NPE) nous en rapprochent. Est-il nécessaire de rappeler que ces nouveaux programmes trouvent leurs origines, leurs concepts et leurs modalités de mise en application dans les mutations survenues dans les pays occidentaux ces cinquante dernières années ? La notion de programme qui permettait au départ de donner une cohérence et une unité à la formation a perdu son sens originel. En réalité, il faut dire programmation, comme on dit en informatique pour bien rendre compte de ce dont il s’agit, avec tout ce que mot de programmation charrie de rigidité, une rigidité difficile à mettre en œuvre dans des sociétés encore «souples» comme les nôtres où l’imprévisibilité en toute chose reste largement dominante. L’obsession des compétences permet d’achever la transformation des enseignants et de l’école elle-même en de simples auxiliaires de l’entreprise capitaliste. Le présupposé de cette approche par compétences est que la démarche pédagogique ne peut être efficace que si elle est découpée en morceaux. C’est le travail pédagogique en miettes qui fait perdre toute autonomie à l’enseignant. L’ingénierie, le processus, le côté mécanique des choses, la gestion interactive de la classe, le savoir-faire prennent le pas sur le savoir19 et paralysent sa transmission que le pédagogisme officiel prétend, malgré tout, vouloir favoriser. On a dans ces conditions des raisons de douter que des enseignants auxquels on enlève à ce point toute autonomie, puisse former, en retour des élèves autonomes. Mais qui a dit que la société de consommation a besoin de travailleurs autonomes ? Cette absence d’autonomie prend encore un tour plus tragique dans notre pays où l’indépendance représente moins un présent qu’une chose à conquérir. Il ne s’agit pas de soustraire notre pays à toute influence étrangère mais, de là, à en faire un pays-sans-qualités20, un pays-éponge21 dont les habitants seraient comme des êtres humains par défaut, en permanence, à l’affût du dernier prêt-à-porter pédagogique à la mode, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir et que nos élites ont déjà franchi plus d’une fois. Qui donc les réveillera de leur sommeil sur cette question comme sur bien d’autres22 ?
Notes de bas de page
1 Le paradoxe sera même déjà perceptible à Ganvié plus que partout ailleurs où les héritiers des peuples dont on donne ainsi à voir l’esprit de créativité et d’inventivité, bénéficient à peine des produits de l’activité touristique. Et cela, pour ne rien dire du Parc de la Pendjari, lui-même. Les dirigeants de notre pays mettent un zèle inexplicable à protéger la nature, dans un environnement où on se moque de la vie de l’homme comme d’une guigne. Certaines populations de chez nous expriment l’inanité d’une telle politique en ayant, de temps en temps, l’audace de s’opposer aux prétentions des garde-forestiers qui tentent, contre toute logique, de les empêcher de pratiquer la chasse aux gibiers qui leur servent, au quotidien, de maigres pitances.Tout laisse penser que nos dirigeants réfléchissent à peine aux impacts des politiques qu’on leur propose-impose de l’extérieur. Pour nous, l’obligation de protéger la nature doit être pensée de façon globale, en prenant en compte les besoins de l’homme.
2 Jeune Afrique, numéro 2528, 21- 27 juin 2009
3 Ibid.
4 On lira également avec intérêt Jeune Afrique, numéro 2744-2745, du 11 au 24 août 2013.
5 Sur les mécanismes de cette sacralisation, on relira toujours, avec intérêt, le premier livre du Capital de Marx.
6 Bourdieu Pierre , La distinction : critique sociale du jugement, Minuit, Paris 1979, 670 pages.
7 L’exode rural est le fait social majeur de ces trente dernières années dans notre pays. De la ville de Cotonou qui a fait, au cours de ces trente dernières années, l’objet d’une urbanisation sauvage et mal maîtrisée, on peut déjà prendre la mesure de la misère qui sévit dans nos campagnes. D’un point de vue historique qui est le sien, on peut lire, pour se faire une idée de
l’histoire de la ville de Cotonou elle-même, l’intéressant travail de Sotindjo Dossa Sébastien, Cotonou : l’explosion d’une capitale économique (1945-1985) L’Harmattan, Paris 2010, 336p.
8 Bourdieu Pierre et Passeron Jean- Claude, Les héritiers : les étudiants et la culture, éditions de minuit, Paris 1964, 192 pages.
9 Le mot paroisse vient du grec paroikein qui signifie « être en séjour ».
10 On sait que Marx aussi voyait en Luther plus qu’un grand théologien. C’était pour lui, un grand Allemand, un véritable marqueur anthropologique. Calvin était, lui-même, dans son genre, cette sorte de marqueur anthropologique dont les fidèles se sentaient comme appelés, saisis par quelque chose qui les dépassait et qui les engageait sur ce chemin des Amériques, avec pour mission, la fondation de la Nouvelle Jérusalem. Nous autres Africains, nous avons payé un prix lourd pour l’accomplissement de cette promesse. Mais ce n’est pas de cette histoire dont il s’agit ici. D’entrée, le calvinisme a toujours posé un problème qui est d’actualité, dans notre pays: celui de la confiance et de sa signification. Comment peut-on se sentir appelé par quelqu’un, sans d’autres critères, d’autres cautions que l’appel lui-même? Il est vrai que tous les prophètes du judaïsme, du christianisme et de l’islam ont eu à faire face, chacun pour son propre compte, à cette énigmatique question. Mais au moins pensaient-ils obéir ou parfois même, désobéir à leurs voix intérieures, à Dieu. Mais à qui ont donc obéi les fidèles qui, dans notre pays, ont déposé leurs épargnes dans les structures de l’ICC-Service et Consort? Pour répondre à une telle question, avec toute la rigueur qui s’impose, il faut d’abord prendre acte du glissement, du tournant historique qui a transformé, sur le sol américain, le calvinisme en capitalisme. Mais pour cela, nous aurons besoin d’apprendre dans un premier temps à distinguer l’un de l’autre : cette distinction doit s’effectuer au travers de l’histoire qui les a reliés. Une appréhension correcte de cette histoire pourrait nous aider à mieux comprendre le calvinisme fraîchement tropicalisé qui sévit, aujourd’hui, dans maint pays d’Afrique. Et surtout à faire attention à tous les émules des pharaons qui, chez nous, se présentent, tantôt comme Joseph, tantôt comme
Moïse.
11 Chacun conviendra qu’il y a, ici, matière pour une interrogation plus profonde sur la fonction, le rôle social et la légitimité de certaines églises et de leurs pasteurs dans notre sous-région.
12 Je cite de mémoire
13 Psaume 121 verset 4
14 On lira, avec profit, La fausse monnaie, in Baudelaire Charles Le Spleen de Paris
15 Jean Price-Mars, Ainsi parla l’oncle, Port-au-Prince, Imprimeur II, 1998, p. XXXVII
16 En réalité, Me Robert Dossou n’était pas seul à avoir pensé ainsi. C’est ce que pensait Kérékou lui-même. C’est aussi ce que pensait paradoxalement l’actuel candidat de l’UN, Adrien Houngbédji qui espérait ardemment, à l’époque, devenir le premier Ministre de Kérékou. Sur cette question de coup d’État civil, on se reportera avec intérêt à Noudjenoumè Philippe, La démocratie au Bénin : bilan et perspectives, L’Harmattan, Paris 1999, pp 160-161
17 On aura deviné tout au long de ce texte, une hypothèse dont il restera à faire une démonstration plus large dans un projet en chantier, à savoir que notre société est une société de confiance, confiance sans laquelle, elle aurait été déjà disloquée, depuis longtemps, par les conflictualités qui la travaillent. Un scandale comme celui de l’ICC-Service et Consort est le produit même de l’état de confiance qui règne dans notre société. Mais la question de la confiance elle-même est une question purement secondaire. La tâche urgente à accomplir est celle d’une mise à nu théorique des liens visibles et invisibles dans lesquels s’enracine la confiance, dans notre pays. Quels sont ses ressorts, ses points d’ancrage à l’intérieur de la société? Ce qui revient à dire que les questions de la confiance ou de la méfiance considérées indépendamment de ces points d’ancrage ne sont pas essentielles, même si elles ne sont pas anodines : La confiance, l’absence de doute ne sont que des représentations, des signes, des symptômes sociaux. C’est Sigmund Freud, plus radical en ces choses que nous, qui se demandait, avec pertinence : pourquoi les enfants se détestent-ils? Est-ce parce qu’il y a un problème d’héritage que les enfants se détestent? Est-ce parce que les enfants se détestent qu’il y a un problème d’héritage? Les populations Péda de chez nous qui n’ont pas lu Freud n’en renchérissent pas moins : Amugo nè wè son lò….Amugo nè wè son là? C’est ce type de questionnements qui doit nous préoccuper.

18 On lira sur la question des intellectuels et du pouvoir Lyotard Jean-François, Tombeau de l’intellectuel at autres papiers, Galilée 1984, 96 p.
19 Waters Lindsay, L’éclipse du savoir, Allia 2008, 137 pages
20 Musil Robert, L’homme sans qualités, Seuil, Paris 1995, 864 pages
21 J’emprunte cette image d’éponge à Bachelard Gaston, La formation de l’esprit scientifique : contribution à une psychanal
yse de la connaissance objective,. Librairie philosophique J. Vrin, 2000
22 On nous propose aux dernières nouvelles pour toute réponse de sanctuariser cette école de l’inégalité et de la soustraire pour jamais aux mouvements de grève des enseignants. Non, ce n’est pas ainsi qu’on triomphe de la fatalité. Nos charlatans doivent relire avec toute l’attention requise ce passage de la proclamation du 26 octobre 1972, lue à la radio par le Chef de bataillon Mathieu Kérékou : «Dans l’enseignement public et privé, parents, maîtres et professeurs s’interrogent sans cesse sur le sort de leurs enfants hypothéqués par une réforme hâtivement conçue et mal élaborée. Ces promoteurs n’ont même pas le courage et la loyauté de l’appliquer scrupuleusement » (Je cite de mémoire). Ce passage est encore plus vrai encore aujourd’hui qu’en 1972. Ne pas en avoir conscience d’un pur aveuglément.

Daniel Eléguédé

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