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L’octogénaire N’tcha Kouagou écope de 15 ans de réclusion criminelle
Publié le mercredi 30 avril 2014   |  24 heures au Bénin


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© Autre presse par DR
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Dura lex, sed lex : la loi est dure, mais c’est la loi ! Un vieillard octogénaire a été condamné samedi 26 avril dernier à 15 ans de réclusion criminelle par la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. Une peine qui sonne comme une condamnation à perpétuité pour le nommé Tchanati N’tcha Kouagou, âgé de 88 ans et emprisonné depuis plus de neuf ans pour pratique de charlatanisme et menaces verbales de mort sous condition.

C’est à une incursion dans le monde de l’irrationnel, du surnaturel, que la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou était invitée samedi dernier dans le cadre de l’examen du dossier n°037/PG-09, le 23e inscrit au rôle de cette première session 2014. Il est relatif à une affaire de pratique de charlatanisme et de menaces verbales de mort sous condition, infractions imputées au sieur Tchanati N’tcha Kouagou, cultivateur, 88 ans, condamné au terme de l’audience à 15 ans de réclusion criminelle.La cour qui a connu de ce dossier est composée du président Aboudou Ramanou Ali, des assesseurs Essowé Batamoussi et Mathieu Kakpo Assogba et des jurés François K. Gbaguidi, Antoine N’tcha Natta, Poulo Amadou Sambo et Justin Franck Kantchémè. Le greffe est assuré par Me Brice Dossou-Yovo.


Au cœur de l’irrationnel africain


Pour les faits, ils remontent aux années 2003 et 2004 dans le village de Kouwotchigou dans la commune de Boukombé. Le nommé Tchanati N’tcha Kouagou, revenu de son aventure au Togo, a constaté que ses cousins se sont accaparés des terres laissées par ses parents. En novembre 2003, il est allé au domicile de son cousin, le nommé Mathias N’dah M’betty pour lui réclamer la somme de 6000 F CFA au titre de loyer du domaine de leur grand-père qu’il exploitait depuis un certain moment. Face au refus de celui-ci, il aurait proféré des menaces soit disant à celui-ci qu’il verra s’il ne quitte pas ledit domaine. Il aurait ajouté qu’il a déjà tué trois personnes, à savoir les nommés M’po Tchanati, Elisabeth N’koua N’toua et N’koti Simba et que ce serait son tour s’il ne quittait pas le domaine. Plus tard, le vieux Tchanati N’tcha Kouagou serait allé accrocher un gris-gris à un baobab situé dans la cour de la maison de Mathias N’dah M’betty. Cela aurait provoqué la mort d’un des frères de ce dernier, en la personne de Michel Yoroukoua et rendu malade Mathias N’dah M’betty lui-même qui finit aussi par trépasser plus tard alors que l’accusé était déjà dans les liens de la détention préventive.Interpellé, Tchanati N’tcha Kouagou sera arrêté début novembre 2004 et poursuivi pour pratique de charlatanisme et menaces verbales de mort.Le casier judiciaire de l’accusé est vierge. L’enquête de moralité lui est favorable mais il est reconnu comme un homme violent qui se bagarre et profère souvent de menaces, souvent sous l’effet de l’alcool. Il serait néanmoins lucide au moment des faits.


Des procédés maléfiques ?


C’est un vieillard croulant sous le poids de l’âge : 88 ans, complètement fatigué par la sénilité, titubant sur ses deux jambes qui est conduit clopin-clopant à la barre samedi dernier. Malgré le poids de l’âge, Tchanati N’tcha Kouagou conserve encore apparemment ses facultés mentales. Il tient des propos cohérents. Il remonte les faits dans le temps et explique que ce sont ses aïeux qui le vengent dans le dossier d’usurpation de domaine. Il dit avoir perdu son petit frère et son grand-frère et qu’il reste le seul encore en vie de sa famille. C’est pour cette raison que ses cousins veulent lui arracher les terres. Le vieillard dit les avoir prévenus mais en vain, après les avoir signalés à la Police puis au Tribunal. Il reconnaît avoir mis un gris-gris fait d’herbes attachées sous forme de serpent sur un baobab et que si quelqu’un met pied sur le domaine, il paierait de sa vie par une morsure de serpent, s’il ne vient pas le voir lui pour trouver la guérison.
Même à l’hôpital, on ne peut guérir ça, signale l’octogénaire à la barre. Tchanati N’tcha Kouagou déclare aussi qu’en désespoir de cause après les autorités légales, il s’est plaint aux fétiches et à ses aïeux à qui il offre de la boisson, du poulet. Le prévenu dit n’être pas féticheur mais avoue avoir hérité d’une calebasse de son père contenant, entre autres, des têtes de différents serpents qui peuvent prendre corps dans la réalité et aller mordre des « fautifs » par la force des choses de l’ombre. Dans son récit des faits lors des débats, il cite quatre des cinq personnes décédées dans cette affaire sans toutefois dire clairement que ce sont les fétiches qui les ont effectivement éliminées. « Ce sont mes aïeuls qui m’ont vengé parce qu’ils voient que je suis seul et que mes cousins veulent m’arracher toutes les terres dont j’ai hérité », a-t-il constamment servi à la barre. A l’enquête préliminaire, le vieux Tchanati aurait déclaré : « A mes fétiches, j’ai dit qu’ils ont pris mes terres. Ils sont plus nombreux que moi. J’invite mes ancêtres à les diminuer un à un. Moi je ne peux rien mais je vais leur faire des offrandes ». Il a fini par reconnaître avoir appelé les noms des personnes décédées aux fétiches et ce, grâce à la dextérité du président de la cour, Aboudou Ramanou Ali qui a conduit les débats.


Le ministère public requalifie les faits


Il n’en fallait pas plus pour que le ministère public qui était parti, selon ses propos, pour acquitter le vieillard, décide de changer de fusil d’épaule en demandant une suspension d’une quarantaine de minutes pour rédiger de nouvelles réquisitions, laquelle interruption aura duré au finish plus de deux heures d’horloge. « J’étais parti pour l’acquitter faute d’éléments suffisants dans ce dossier, mais j’ai été convaincu ce matin par ses propres propos à la barre », confie Thomas Mahougnon Dassi. Il prend au mot le vieux Tchanati N’tcha Kouagou et fait remarquer que l’intention de nuire de l’inculpé est perceptible. Pour lui, il ne s’agit pas de pratique de charlatanisme dans ce dossier parce que l’inculpé n’a pas escroqué, référence faite à la définition du mot « charlatanisme » par le dictionnaire Larousse. Il s’agit plutôt, rectifie-t-il, de « pratique de magie » et de menaces de mort sous condition. D’ailleurs l’accusé lui-même a reconnu être l’auteur directement ou indirectement des décès enregistrés. En effet, le vieux Tchanati N’tcha Kouagou fait savoir que dans leur tradition, au cours d’une cérémonie, le cercueil d’une victime de pratique occulte se dirige vers la maison de celui qui serait à l’origine de sa mort et c’est ce qui s’est passé avec les décès enregistrés. A la question de savoir s’il croit ou pas en cette pratique, il a répondu par l’affirmative.


Thomas Mahougnon Dassi évoque la loi n° 87-011 du 21 septembre 1987 en son article 1er qui stipule : « Les dispositions de l’article 264 (nouveau) du Code pénal sont abrogées et remplacées par celles qui suivent : Article 264 bis... stipule : ‘’Sera puni de travaux forcés : ... - de quinze (15) à trente (30) ans, quiconque sera livré ou aura participé à des pratiques de sorcellerie, de magie ou de charlatanisme, et toutes pratiques du genre, susceptibles de troubler l’ordre public ou de porter atteinte aux personnes et aux biens’’ ». Aussi, la menace verbale de mort faite avec ordre ou sous condition est-elle punie d’emprisonnement par le Code pénal.Puisque le rapport psychiatrique et médico-psychologique établit qu’il possédait toutes ses facultés mentales au moment des faits, l’avocat général en conclut que l’accusé est accessible à la sanction pénale. Il requiert 20 ans d’emprisonnement ferme contre le vieux de 88 ans et qui a déjà passé plus de neuf ans en prison et ce, compte tenu du bulletin n°1 de son casier judiciaire qui ne porte mention d’aucune condamnation antérieure et de l’enquête de moralité qui lui est favorable, même s’il serait violent, taquin et menaçant de mort souvent sous l’effet de l’alcool.


La défense réplique mais hélas !


A la suite des réquisitions du ministère public, la défense s’est indignée de certains arguments évoqués par celui-ci en tenant à infliger coûte que coûte une sanction à son client. Me Dieudonné Mamert Assogba dit avoir l’impression d’écouter les anciens colons en Afrique lorsqu’ils parlaient de l’irrationalité africaine. Il indique que c’est sur de l’imaginaire, des affirmations gratuites et non fondées qu’on juge son client, pour des faits qui échappent à la connaissance scientifique.


L’avocat déplore qu’aucun certificat médical du décès des personnes mortes, ne figure au dossier ; ce qui aurait permis de voir de quoi elles sont réellement décédées. Il s’insurge contre « le lien de causalité établi de toutes pièces » par l’avocat général entre la pratique de « magie noire » et la mort des présumées victimes. « Qui d’entre nous n’a pas au niveau de sa collectivité des temples, des divinités qu’on implore ou des prêtres ou des prêtresses qui invoquent les mânes des ancêtres pour demander des faveurs ou la règlement de tel ou tel problème… », demande le conseil de la défense. Si on reproche le fait d’invoquer des mânes des ancêtres alors que la Constitution béninoise, la loi fondamentale le reconnaît, c’est que tout le Bénin irait en prison, fait remarquer Me Dieudonné Mamert Assogba.Il est dit à l’audience que le témoin cité dans l’affaire : Théophile N’dah refuse de venir témoigner, parce qu’il redouterait encore le vieux Tchanati et qu’il n’aimerait pas mourir de si tôt. Si c’est vrai que l’accusé a pu tuer tous les autres, pourquoi lui n’est pas mort ? Il n’y a pas de certitude mais plutôt des accusations fantaisistes et infondées, opine l’avocat. Sur le bénéfice de ses observations, il plaide et sollicite la cour, dans le secret de ses délibérations, de relaxer purement et simplement son client.


La cour après en avoir délibéré conformément à la loi, déclare non sans surprise pour certains, Tchanati N’tcha Kouagou coupable de pratique de charlatanisme et de menaces verbales de mort sous condition, le condamne à 15 ans de réclusion criminelle et aux frais envers l’Etat. Il dispose de trois jours francs pour se pourvoir en cassation.Mis sous mandat de dépôt le 5 novembre 2004, son séjour carcéral se poursuit jusqu’au 4 novembre 2019. Difficilement, aidé des gendarmes, le vieillard s’est mis assis pour ramper et descendre des marches de la Cour d’appel pour être embarqué, direction prison civile de Parakou. Si Dieu lui donne encore longue vie, l’accusé aurait 93 ans à sa sortie de prison.


Par Claude Urbain PLAGBETO

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