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Bénin/Affaire Talon : a qui profite le pardon présidentiel ?
Publié le samedi 17 mai 2014   |  Le Pays


Patrice
© Autre presse par DR
Patrice Talon, un ancien proche du président Thomas Boni Yayi


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Serait-ce la fin de l’affaire Patrice Talon ? En tout cas, mercredi dernier à Cotonou, le chef de l’Etat béninois a agréablement surpris tout le monde en exprimant son pardon à l’endroit de ceux qu’il accusait d’avoir voulu attenter à sa vie. Comme s’il voulait les émouvoir, Thomas Yayi Boni s’est adressé à ses compatriotes en direct depuis la présidence, sur la chaîne nationale, l’ORTB.

« J’ai décidé, en mon âme et conscience, et en toute liberté, de pardonner. Ce pardon s’adresse à monsieur Patrice Talon, Bocco Olivier et à tous les détenus. Le pardon accordé, je serai reconnaissant au système judiciaire de mon pays des dispositions appropriées qui seront prises en vue de rendre la liberté à tous les détenus, et garantir à tous la liberté de circulation aussi bien dans notre pays que dans le reste du monde », a-t-il déclaré.

Le refus de la France d’extrader Patrice Talon constitue un vrai camouflet pour le président Thomas Yayi Boni

Une déclaration intervenant 10 jours après la décision de la Cour suprême de casser les arrêts de non-lieux de la cour d’appel de Cotonou, et de renvoyer le dossier devant la Justice. Ce non-lieu avait été prononcé il y a exactement un an par le juge d’instruction Angelo Houssou réfugié depuis, aux Etats-Unis. Depuis, six détenus croupissent en prison. En janvier dernier, la France s’était opposée à l’extradition de Patrice Talon et de son collaborateur Olivier Bocco, demandée par le Bénin.

L’affaire avait éclaté en octobre 2012, avec la tentative présumée d’empoisonnement du président à l’aide de médicaments. En février 2013, il avait été également question de tentative présumée de complot contre l’Etat. Au centre des deux cas : Patrice Talon, ancien soutien du président, accusé d’avoir tout organisé. L’allocution du président Yayi Boni arrive au moment où l’on s’attendait à voir désignés de nouveaux magistrats pour examiner les dossiers. On va donc devoir passer rapidement à la libération des six personnes détenues. En la matière, le refus de la France d’extrader Patrice Talon constitue un vrai camouflet pour le président Thomas Yayi Boni.

Fort curieux tout de même de le voir pardonner à des gens qu’il accusait d’avoir attenté à sa vie. Curieux hasard, que ce pardon qui tombe au moment où les choses semblent évoluer de manière très défavorable pour l’actuel chef de l’Etat béninois. « La peau du tam-tam s’est rompue au moment où le batteur lui-même présentait des signes de fatigue », dit l’adage, pour signifier que ce pardon ne pouvait mieux tomber.

En effet, en termes d’image, il est incontestable que Yayi Boni a beaucoup perdu. Ce qui se passe aujourd’hui à Cotonou donne l’air d’un arrangement. En fin de mandat, et à défaut de pouvoir changer la Constitution pour pouvoir rempiler, il voudrait sans doute que les Béninois gardent de lui l’image d’un bon père de famille. Soigner son image devient également impératif, puisque le premier des Béninois a hâte de se montrer à nouveau fréquentable dans certains milieux. L’homme est en effet attendu en France, au tout prochain sommet des chefs d’Etat, devant échanger sur la question du terrorisme et les moyens de le contrer dans la sous-région, particulièrement au Nigeria et au Sahel.

L’on semble être allé un peu trop loin dans le dossier Talon. Comment quelqu’un de l’envergure du président Yayi Boni a-t-il pu se laisser entraîner dans un tel engrenage ? Nous l’avons toujours dit : l’entourage des princes qui gouvernent nos Etats est en général mal inspiré. L’entourage du chef de l’Etat béninois ne nous semble pas avoir vraiment travaillé pour son bien. Il est tout aussi vrai que le prince lui-même se trouve parfois au centre d’intrigues qui finissent par lui coûter cher.

Le président Yayi Boni pourrait ne pas subir les foudres de ceux qu’il a traînés devant la Justice pour fausse accusation

Le pardon du président est ambigu, mais il arrange tout le monde, le chef de l’Etat béninois en premier. Avec ce non-lieu en première et deuxième instance, la fuite du magistrat à l’origine du premier non-lieu, la porte était devenue trop étroite. Le calvaire semble avoir pris fin avec le pardon du chef de l’Etat. A présent, à supposer qu’ils le veuillent, l’accusé et sa famille pourront-ils jamais aller encore plus loin dans leur quête de réhabilitation, si tant est qu’ils demeurent convaincus de leur innocence ? Cette question se révèlera encore plus opportune quand Yayi Boni cessera d’être président du Bénin. Mais il est presque certain que des pressions s’exerceraient sur l’homme d’affaires et ses proches afin que les choses en restent là.

La conception africaine des relations entre le pouvoir et le citoyen lambda est si complexe que dans le cas d’espèce, il est demandé au plaignant de ne point aller au-delà d’un certain seuil. Le président Yayi Boni pourrait donc ne pas subir les foudres de ceux qu’il a traînés devant la Justice pour fausse accusation. Cette affaire porte un coup sérieux à la réputation du Bénin qui avait pourtant séduit par son cheminement au plan de la démocratie. Aujourd’hui, la fuite du magistrat tend à confirmer que l’exécutif de ce pays a de réelles faiblesses. En effet, il partage avec celui de nombreux pays africains le souci constant de vouloir mettre la Justice aux ordres. Encore heureux qu’il s’en trouve toujours quelques magistrats bien déterminés à dire le droit, quelle que soit la qualité des personnes concernées. Sans doute faudra-t-il prendre des dispositions particulières afin que nos experts du droit se sentent en sécurité, lorsque vient le moment de dire le droit.

Dans ce dossier-ci, le camp présidentiel s’est heurté à la double nationalité de l’accusé. Patrice Talon aura ainsi été sauvé du guêpier présidentiel parce qu’il est à la fois Béninois et Français. Une preuve qu’il sera toujours difficile pour nos princes, de s’en prendre à des citoyens bénéficiant d’une couverture extraterritoriale.

Ce dossier aura révélé qu’en Afrique, les gouvernants usent et abusent du pouvoir exécutif autant que du pouvoir judiciaire. De même, l’amitié disparaît promptement dès lors que l’autre devient esclave d’une ambition qui heurte celle du prince. Dans le cas présent, Saint Thomas aura fini par sauver Thomas Yayi Boni en l’investissant d’une sagesse divine. En fait, le pardon présidentiel profitera, avant tout, à Yayi Boni et accessoirement à Patrick Talon. Les autres acteurs n’auront été que les dindons d’une farce qui n’avait que trop duré.

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