Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



Educ'Action N° 0043 du

Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Société

Formation et insertion professionnelle des personnes handicapées au Bénin : Et si le handicap cessait d’être un critère d’exclusion
Publié le mardi 20 mai 2014   |  Educ'Action


La
© Autre presse par DR
La ministre en charge de la Famille, Marie-Laurence Sranon Sossou.


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Ratifiant en 2012, la Convention relative aux droits des Personnes Handicapées, la République du Bénin s’est, de ce fait, engagée à améliorer les conditions de vie et de travail des personnes présentant des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles dans notre pays. Des écoles de sourds muets, des centres de formation professionnelle, des programmes et des projets placés sous la tutelle du Ministère de la Famille, des Affaires Sociales, de la Solidarité Nationale, des Handicapées et des Personnes de 3ème âge, ne comblent toujours pas les atteintes des bénéficiaires. Sorties de l’Université avec des diplômes, les personnes intellectuelles souffrant d’un handicap font l’objet de discrimination dans les concours de recrutement à la fonction publique. Projecteur sur la formation des personnes handicapées et de leur insertion professionnelle au Bénin, c’est à travers ce dossier.



Vieille de 37 ans, l’Ecole Béninoise pour les Sourds (EBS) est la seule école à caractère public qui forme les enfants sourds muets à l’enseignement primaire au Bénin. Située à Vêdoko dans une zone marécageuse difficile d’accès en saison pluvieuse, l’EBS abrite un effectif de 60 écoliers du CI au CM2 encadrés par sept (07) enseignants selon sa capacité d’accueil. Le reste des enfants sourds muets désireux de se faire scolariser, sont ensuite accueillis dans les écoles primaires privées qui se trouvent le long du territoire national. Les parents doivent donc débourser un peu plus qu’ordinairement pour l’inscription de leurs progénitures. Sur les deux modules de classes disponibles dans l’établissement, seul un est fonctionnel à l’heure actuelle et joue le rôle des deux. Le second étant dans un état de délabrement avancé, il n’est accessible en partie qu’en saison sèche. Une triste réalité pour Bienvenu Komaklo, le Directeur de l’école, qui, avec ses collègues, sont obligés de gérer cette situation pour le moment tout en gardant l’espoir que leur condition de travail s’améliorera avec le temps. Concernant la qualité de la formation dispensée aux écoliers, Jonas Adjahouinou, maître de la classe du CI explique que le programme qui est enseigné à l’EBS est le même que celui enseigné dans les autres écoles primaires publiques au Bénin, à la seule différence que l’enseignement des écoliers sourds muets se fait à base du langage des signes comme l’écriture à la braille chez les personnes aveugles. Le souhait de ces enseignants actuellement, c’est que l’Etat assure leur formation continue, tout au moins de façon trimestrielle. A la fin du cursus primaire sanctionné par l’obtention du Certificat d’Etudes Primaires (CEP), les enfants dont les parents ont les moyens financiers consistants inscrivent leurs enfants dans un centre de formation privé des sourds basé à Porto-Novo, pour poursuivre la formation dans le cursus secondaire. Quant aux parents dont les moyens sont limités (moins nantis), leurs enfants poursuivent la formation dans les écoles d’apprentissage de métiers pour s’installer au finish à leur propre compte. Il a fallu donc la rentrée académique 2013-2014 pour que le collège d’enseignement secondaire public des sourds muets ouvre ses portes. Coup de théâtre, ce collège qui est basé à Akogbato ne compte que deux classes. Seuls les élèves sourds de la 6ème et de la 5ème ont accès aux cours dispensés dans l’établissement. Les autres qui ont poursuivi la formation jusqu’à l’enseignement supérieur deviennent après l’obtention de leur diplôme d’études supérieures, des chômeurs, des personnes handicapées sans emploi parce que marginalisées dans les concours de recrutement à la fonction publique. Ouorou Rahman Baré est le président de l’Association Handisport, une association sportive qui encourage la pratique du sport chez les personnes vivant avec un handicap. Pour lui, la formation professionnelle des personnes vivant avec un handicap au Bénin se passe mal et il incombe à l’Etat de revoir sa stratégie. Celle-ci, propose t-il, devrait consister à les sortir du cadre familial pour les placer dans des centres internats appropriés. « Pour moi, vous les amenez hors de la société » ajoute-t-il, convaincu. Si les personnes vivant avec un handicap sont plus affectées par le chômage, la pauvreté, la famine, Ouorou Rahman pense que c’est parce qu’elles n’arrivent souvent pas à s’installer à leur propre compte après la formation professionnelle, faute de moyens financiers. De même, à l’en croire, ceux qui ont la chance de bénéficier de l’appui du Fonds d’Appui à la Réadaptation et à l’Intégration des Personnes Handicapées (FARIPH) ne font toujours pas l’objet d’un suivi. Et finalement, ces personnes handicapées retombent dans le couvert de la pauvreté et donc de l’assistance de leur famille, affirme t-il, tout déçu.

Formées comme les autres, mais exclues de la fonction publique

Qu’il vous souvienne, l’Etat béninois a lancé du 18 au 19 juin 2011, un concours pour le recrutement d’auditeurs de Justice, donc de magistrats pour le compte du ministère en charge de la justice. Les personnes vivant avec un handicap visuel remplissant les conditions à ce concours, au même titre que tous les autres candidats ont vu leurs dossiers rejetés. Le motif était que l’écriture en braille n’est pas admise pour le concours. En juillet 2011, un concours d’entrée au profit du ministère de la famille avait été organisé par le ministère de la fonction publique. Sur 335 postes ouverts, seulement 5 sont réservés aux personnes vivant avec un handicap (Handicapés moteurs et visuels). Ces deux exemples illustrent bien, les barrières discriminatoires qui sont érigées à l’égard des personnes vivant avec un handicap au Bénin, faisant ainsi d’elles, des personnes marginalisées et exclues de la société. Quelle est donc la chance pour les personnes handicapées intellectuelles de se faire recruter dans les services publics? Sur la question, Ouorou Rahman Baré, pense que cette chance est nulle parce que la société béninoise n’est pas encore prête à accepter les personnes vivant avec un handicap comme leur semblable et les personnes handicapées font face à de sérieuses discriminations. Donc pour un recruteur, qui, après avoir accepté le dossier d’une Personne Handicapée sourds par exemple, constate avec regret le défaut de communication avec le candidat (le postulant). C’est le lit tout dressé au licenciement, déduit Ouorou Rahman Baré. Autre exemple pour illustrer cette discrimination, quand le handicap se fait perceptible lors de l’entretien ou du dépôt du dossier, c’est le rejet qui s’en suit et bonjour le chômage, informe Ouorou Rahman Baré. De même, si par chance, une personne vivant avec un handicap se faisait recruter dans un service, il n’est pas payé suivant la grille salariale qui régit les employés de l’entreprise et à laquelle est assujetti l’ensemble du personnel dont ceux dit normaux (celui qui ne présente aucun handicap et qui a le même diplôme que lui). « C’est une situation préoccupante et la société doit en faire sa priorité. Donc chacun doit en faire une préoccupation pour voir comment faire disparaître d’abord les préjugés, parce quand une personne handicapée vous présente un diplôme Bac plus cinq, c’est parce qu’elle l’a mérité. Les gens ne veulent pas vous donner une chance, on vous dit tout simplement qu’on ne veut pas de vous. Alors qu’on a fait les mêmes universités », a-t-il témoigné déçu.

Une société béninoise hostile aux personnes vivant avec un handicap

Généralement, c’est le regard de la société qui favorise le handicap, selon Ouorou Rahman Baré. Pour lui, suivant la Convention relative aux droits des Personnes Handicapées, une personne handicapée est définie comme toute personne qui présente des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation dans la société sur la base de l’égalité avec les autres. Toujours aux dires de Ouorou Rahman Baré, les instruments internationaux mettent l’accent aujourd’hui sur l’environnement et sur son appropriation par les personnes handicapées. Il s’agit donc pour elles de pouvoir fonder un foyer, faire le sport, bénéficier de l’éducation, aux loisirs, etc. Si l’environnement dans lequel cette personne vit l’empêche de le réaliser, Ouorou Rahman Baré pense qu’il y a bien un problème. « Si les immeubles de la ville de Cotonou sont rendus accessibles aux Personnes Handicapées, je n’aurai pas de la peine à faire deux étages en fauteuil roulant. C’est l’environnement qui est hostile à cette personne qui le met dans cette position de handicap. Lorsque les barrières vont tomber, lorsque le regard va changer, je vais participer sur la base de l’égalité de chance. Je ne serais pas une Personne Handicapée. Du moment où je participe à l’action, je ne me sentirai pas handicapé. Donc il est fondamental que le regard de la société change », suggère Ouorou Rahman Baré.

Les dispositions de la Convention relative aux droits des Personnes Handicapées pourtant ratifiée par le Bénin

Voici ce que dit l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées à propos du travail et de l’emploi.

1- Les Etats Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepter sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouvert, favorisant l’inclusion et accessible aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l’exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d’emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment :

a- Interdire la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l’emploi sous toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d’embauche et d’emploi, le maintien dans l’emploi, l’avancement et les conditions de sécurité et d’hygiène au travail.

b- Protéger les droits des Personnes Handicapées à bénéficier, sur la base de l’égalité avec les autres, de conditions de travail justes et favorables, y compris l’égalité des chances et l’égalité de rémunération à travail juste égal, la sécurité et l’hygiène sur les lieux de travail, la protection contre les harcèlements et des procédures de règlements des griefs.

c- faire en sorte que les Personnes Handicapées puissent exercer leurs droits professionnels et syndicaux sur la base de l’égalité avec les autres.

d- Permettre aux Personnes Handicapées d’avoir effectivement accès aux programmes d’orientation technique et professionnel, aux formations professionnelles et continues offertes à la population en général.

e- Promouvoir les possibilités d’emploi et d’avancement des Personnes Handicapées sur le marché du travail, ainsi que l’aide à la recherche et à l’obtention d’un emploi, au maintien dans l’emploi et au retour à l’emploi.

f- Promouvoir les possibilités d’exercice d’une activité indépendante, l’esprit d’entreprise, l’organisation de coopérative et la création d’entreprise.

g- Employer des Personnes Handicapées dans le secteur privé en mettant en œuvre des politiques et mesures appropriées, y compris le cas échéant des programmes d’action positive, des incitations et d’autres mesures.

h- Faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en faveur des Personnes Handicapées.

i- Favoriser l’acquisition par les Personnes Handicapées d’une expérience professionnelle sur le marché du travail en général.

j- Promouvoir des programmes de réadaptation technique et professionnelle, de maintien dans l’emploi et de retour à l’emploi pour les Personnes Handicapées.

2- Les Etats Parties veillent à ce que les Personnes Handicapées ne soient tenues ni esclaves ni en servitude, et à ce qu’elles soient protégées, sur la base de l’égalité avec les autres, contre le travail forcé ou obligatoire.

Les actions du FARIPH pour améliorer les conditions des Personnes Handicapées au Bénin

Créé par décret 507 du 2 Octobre 2009, le Fonds d’Appui à la Réadaptation et à l’Intégration des Personnes Handicapées (FARIPH) a pour mission la réadaptation et l’intégration sociale des Personnes Handicapées en vue de leur participation au développement local. A ce titre, il est investi des missions suivantes :

- contribuer à la mise en œuvre de la politique nationale de l’intégration des Personnes Handicapées ;

- œuvrer pour l’épanouissement et la promotion des Personnes Handicapées toutes catégories confondues ;

- appuyer les Personnes Handicapées pour leur réadaptation en vue de favoriser leur pleine participation au développement national ;

- apporter aux Personnes Handicapées le soutien matériel et financier nécessaire à leur épanouissement et à leur intégration sociale ;

- mettre en place un mécanisme permettant une bonne collaboration avec toute structure nationale ou internationale impliquée dans la prise en charge des Personnes Handicapées ;

- appuyer l’installation des Personnes Handicapées formées ou détentrices d’un diplôme de formation professionnelle ;

- promouvoir les activités génératrices de revenus au profit des Personnes Handicapées et de leurs familles en vue de favoriser leur intégration sociale dans leur milieu de vie.

Thétoni K. Soumaïla, le Directeur du FARIPH définit sa mission en trois (03) axes d’interventions. Le premier, est de promouvoir l’Education et la formation des Personnes Handicapées. Au niveau du primaire, le FARIPH accompagne les élèves et écoliers en Kits de fournitures scolaires à la veille de chaque rentrée. Au niveau du supérieur, il appuie les étudiants handicapés non boursiers et non secourus à travers des enveloppes financières. Donc, chaque étudiant handicapé non boursier et non secouru reçoit chaque année, cent mille (100.000) FCFA du fonds. Il est envisagé que cette subvention soit apportée à 110.000 à compter de cette année. Pour le second volet, il a rapport à la formation professionnelle. Le FARIPH essaie d’orienter ou d’accompagner les Personnes Handicapées vers des entités de formation professionnelle. Le deuxième axe d’intervention est de promouvoir la mobilité des Personnes Handicapées. Au niveau de cet axe, il y a le volet aide technique, c’est-à-dire, le tricycle, les cannes blanches, les cannes anglaises qui sont mises à la disposition des Personnes Handicapées pour faciliter leur mobilité. Intervient ensuite l’appui aux soins qui est destiné à accompagner les Personnes Handicapées par rapport aux interventions chirurgicales, à l’appareillage pour ne citer que ceux-là. Enfin le troisième axe stratégique du FARIPH selon son Directeur, est de promouvoir l’insertion socio-économique des Personnes Handicapées. A ce niveau, des kits appropriés sont octroyés aux Personnes Handicapées qui ont appris un métier afin de pouvoir les aider à s’installer à leur propre compte. Le fonds accorde également des enveloppes financières aux Personnes Handicapées pour leur permettre de pouvoir mener des activités génératrices de revenus. Au niveau de ce dernier axe, le fonds essaie de promouvoir l’auto-emploi des Personnes Handicapées.

Des défis restent encore à relever

Le Fonds d’Appui à la Réadaptation et à l’Intégration des Personnes Handicapées (FARIPH), disposant de ressources limitées, n’arrive pas encore à combler les attentes et satisfaire les besoins de toutes les Personnes Handicapées au Bénin. L’augmentation de la cagnotte du budget du FARIPH, est la doléance d’Ouorou Rahman Baré envers le gouvernement afin de soulager les peines des Personnes Handicapées. Conformément aux dispositions contenues dans la convention relative aux droits des Personnes Handicapées, ratifiée par la République du Bénin en 2012, les autorités tant au niveau communal que national, ont la responsabilité d’agir de sorte à garantir à la Personne Handicapée, ses droits par son inclusion dans le processus de développement. La situation de handicap n’étant pas une fatalité, n’importe quelle personne peut se retrouver du jour au lendemain dans cette situation. Les facteurs responsables du handicap étant également des amputations liées aux accidents de circulation et les Accidents Viscéraux Cérébraux (AVC). N’importe qui peut donc se retrouver dans cette posture, préviennent la plupart des Personnes Handicapées rencontrées au cours de notre enquête. Il est donc primordial que les barrières tombent et que le regard de la société change envers les Personnes Handicapées pour leur épanouissement et que le Bénin promeuve l’égalité des chances pour tous.


Réalisation : Edouard KATCHIKPE

 Commentaires