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Le Matinal N° 4354 du 21/5/2014

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Frappée, la Police toujours sous le choc
Publié le mercredi 21 mai 2014   |  Le Matinal




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La police béninoise qui a subi une foudroyante perte, le 12 mai 2014 lors d’une attaque à main armée des braqueurs contre la Caisse locale de crédit agricole mutuel (Clcam) de Mênontin à Cotonou est toujours sous le choc. Les autorités tentent de relever le moral de la troupe atterrée.


La mort du fonctionnaire de Police Sergio Dênon, au cours du braquage perpétré, le 12 mai 2014 à la Clcam de Mênontin a été ressentie comme un grand choc dans le pays, mais plus encore dans le rang des flics. Une semaine après la sale et effroyable attaque, l’atmosphère est toujours lourde à la base de la Compagnie républicaine de sécurité (Crs) à Zogbo, Cotonou, où le brave policier servait. Dans les conversations et même sur les visages, on découvre la présence d’une peur permanente.

Le moral est touché. Il est très bas et difficile à redresser. Beaucoup d’entre les flics redoutent de quelque chose : « cela risque de nous arriver aussi, vu les conditions dans lesquelles nous exerçons », a confié un gardien de la paix. Saisi d’effroi suite à la mort de leurs collègues, les flics ne cachent plus les conditions exécrables dans lesquelles ils travaillent. L’injustice, l’affairisme, la surexploitation, l’absence de motivations, le trafic d’influence, l’abus de pouvoir sont devenus monnaie courante et désarment beaucoup d’agents au sein d’une corporation qui ne cesse de faire appel aux jeunes pour tenir le pari de la lutte contre l’insécurité.

Le plan de recrutement de 1.000 policiers par an lancé depuis 2010 et dont le gardien de paix de deuxième classe, Sergio Dênon est issu, est devenu sujet à polémique. Les vieilles pratiques qui consistent à « pousser » tel frère ou telle connaissance dans la Police, ou à imposer un quota par département l’ont vidé de ses objectifs qui sont entre autres, régler peu à peu le problème de manque d’effectif dans les structures policières et réduire le chômage.

Des problèmes sans solutions ?

Lorsque ces sujets refont surface à chaque fois que les braqueurs dictent leur loi aux policiers, les questions de rançonnement et de patrouilles nocturnes à des fins pécuniaires ne manquent pas de s’inviter dans le débat. En tout cas, il est souvent reproché à nos flics d’être plus emportés par l’argent que par la mission de sécurisation et de maintien de l’ordre dont ils sont investis. Le braquage du 12 mai dernier à Mênontin a brutalement mis en lumière tous ces problèmes que le tonitruant et remuant Directeur général de la Police nationale, Louis-Philippe Houndégnon n’arrive pas à régler, malgré ses marges de manœuvres pas des moindres avec le chef de l’Etat.

L’arrivée de l’ancien patron de l’Unité Raid et du Commissariat central de Cotonou à la tête de la Police nationale a suscité d’immenses espoirs chez de nombreux flics. Plus d’un an après sa prise de commandement, la question qu’on se pose aujourd’hui, est de savoir si quelque chose a changé dans la vie des policiers.

Beaucoup de faits militeraient en faveur du non. La situation des fonctionnaires de police ne s’est pas améliorée outre mesure. Le Syndicat national de la Police (Synapolice) toujours actif dans son combat habituel qu’on lui connaît l’a habilement souligné lors d’une cérémonie officielle à l’école de Police. En présence du Dg Louis-Philippe Houndégnon, le Synapolice emmené par l’intrépide Waïdi Akodjènou, a touché des questions primordiales qui manquent de solutions.

C’est par exemple le salaire de misère du Policier, la gestion opaque des fonds de patrouille destinés aux agents sur le terrain, la faiblesse des primes de risque et de grades sont autant de préoccupations portant sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires de Police. Des problèmes auxquels, Louis-Philippe n’est pas étranger.

Ça va mal à la Crs

Interpellé sur ces questions, notamment en ce qui concerne des primes d’opérations de sécurité de patrouille, il a promis se battre contre tous et envers tous pour que tout ce qui doit revenir à la Police lui revienne. Et d’ajouter : « Ce n’est pas le ministre de l’Intérieur qui déploie la troupe sur le terrain, c’est bien la Police ». Ses propos sont considérés comme une prise de position contre sa hiérarchie à qui il reproche sans doute de s’occuper de ce qui ne doit pas l’être.

Cette dénonciation du patron des flics met en relief une situation floue qui caractérise la gestion des fonds de patrouille. Si, le Synapolice a exprimé au grand jour ces problèmes, c’est parce que l’écho qui parvient dans les structures policières n’est pas de nature à rassurer quant à la détermination et l’engagement qui doivent animer les personnels de sécurité.

Il y a un sentiment général de ras-le-bol qui prédomine et pousse parfois des agents à l’angoisse, à l’anxiété. En avril 2012, la Crs avait été endeuillée suite à un acte de suicide commis par un agent. Le jeune flic de 26 ans s’est fait explosé la cervelle au moyen de son arme avant de succomber. En effet, Urbain S. Boni excédé par les méthodes de fonctionnement de sa hiérarchie et dépassé par le fardeau d’injustice dont il était victime, s’est donné la mort.

A la Crs, les conditions de vie et travail sont insupportables et révoltantes. Les agents travaillent sans moyens et sont laissés à eux-mêmes. Conséquence, ce qui devrait arriver, arriva le 12 mai 2014. On n’a pas souhaité que les vies humaines tombent avant que les autorités policières tirent les leçons qui s’imposent, mais on aurait souhaité qu’elles se retrouvent fortuitement dans les mêmes conditions que Sergio Dênon.

Ce qu’on souhaite, c’est que toute la Police se mobilise pour protéger ses éléments. Pour un moins que le drame de Mênontin, on a vu comment, sous l’impulsion du Synapolice, les flics se sont mobilisés pour protéger le Dg/ Police nationale qui était en situation délicate avec la justice béninoise.

Alors que celle-ci a convoqué Louis-Philippe Houndégnon aux fins de lui demander des comptes suite à l’interpellation du juge Angelo Houssou, le 17 mai 2013 à la frontière bénino-nigériane de Kraké, elle s’est heurtée à un front de lutte des policiers. Il faut que cette spontanéité et cette promptitude qui ont caractérisé la réaction des forces de sécurité puissent être observées sur le terrain et surtout face aux assaillants.

Une Police toujours sans moyens

La politique du pays en matière de sécurité mérite d’être repensée afin que face à des situations comme celle qu’on a connue, le 12 mai dernier à Mênontin, les agents interviennent promptement en nombre suffisant et bien équipés.

Car, il faut le souligner, si le jeune policier Sergio Dênon a été abattu avec une extrême sauvagerie, c’est bien parce qu’il s’est retrouvé seul sur le théâtre des opérations, ayant appelé du renfort en vain et après avoir été abandonné par l’un de ses collègues qui face à la furie des braqueurs, a pris la poudre d’escampette.

Quelque soit ce qu’on dira de lui, le jeune flic a du mérite. Il est mort les armes à la main après avoir fait preuve de bravoure et de détermination face aux hors-la-loi. Le vrai problème qu’il y a eu, c’est qu’il n’a pas eu du renfort pendant plus d’une demi-heure. Le talkie-walkie dont il était muni serait déchargé après insistance à joindre sa base.

En clair, cet énième braquage dans lequel il a rendu l’âme met en évidence le problème de sous-équipement de la Police. Souvent sous équipée en comparaison aux armes sophistiquées et au dispositif qu’utilisent les braqueurs, la Police nationale doit se rééquiper et être mieux entraînée. Le minimum c’est de mettre à la disposition des agents sur le terrain des gilets par balles et des armes modernes. Le Dg Louis-Philippe Houndégnon ne se le cache pas en citant Pierre Joxe, ancien ministre de l’Intérieur du président François Mitterrand :

« J’ai hérité d’un service de Police sinistré, sinistré par la réduction de ses moyens, sinistré par son statut, sinistré par la Police qui lui est revenue dans la société ». Il reconnaît qu’il est injuste de sa part d’exiger de ses éléments d’être présents sur le terrain, mais avec quels moyens ?

Rehausser le moral à la troupe

Après le drame qui a frappé la Police, le haut commandement s’emploie à rehausser le moral de la troupe. Suite au passage du Dg Police nationale à la base de la Crs quelques heures après le braquage, pour exprimer sa compassion aux éléments et leur souhaiter du courage, son adjoint est arrivé sur les mêmes lieux pour répéter l’exercice.

Accompagné des cadres de la hiérarchie policière, Nazaire Hounnonkpè a constaté que le moral de sa troupe est en berne, d’où l’exercice difficile de trouver les mots justes pour chasser cet état d’esprit. Personne ne peut dire avec certitude qu’il a réussie sa mission. Il en faudrait plus sans doute pour rassurer les agents et les amener à se réarmer.

Il faut donner un nouveau statut à la Compagnie républicaine de sécurité (Crs), aux autres structures et unités spécialisées pour que ceux qui y travaillent le fassent avec bon cœur, professionnalisme, courage et détermination. Ce n’est pas en mutant un responsable, certes reconnu pour sa légèreté dans le braquage de Mênontin, qu’on aura de lendemains meilleurs à la Police. Chacun doit prendre conscience qu’elle est sinistrée et qu’il faut travailler à lui trouver les moyens de son bon fonctionnement.

Ce combat appelle plus d’actions de la part du Synapolice, plus d’initiatives venant des responsables et plus de volonté de la part du pouvoir. Par ailleurs, certaines sources annoncent que quatre des braqueurs du 12 mai dernier à Mênontin ont été retrouvés à Pahou et littéralement abattus, pendant que du côté de Porto-Novo, la Police aurait mis la main sur leur médecin. Dans les jours à venir, on en saura un peu plus. Que l’âme de Sergio Dênon repose en paix !

Fidèle Nanga

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