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Modification du calendrier des examens nationaux : La grève : bourreau des cadres de demain
Publié le lundi 26 mai 2014   |  Educ'Action


Alassane
© Ministère par DR
Alassane Djimba Soumanou, Ministre Béninois de l`Education


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Le conseil des Ministres a entériné, il y a quelques jours, les nouvelles dates des examens de fin d’année : CEP, BEPC et BAC. Un réaménagement technique qui rallonge les échéances de deux semaines après théoriquement un peu plus de trois mois de grèves. Pour justifier ce nouveau calendrier, certaines autorités en charge de l’éducation ont parlé de la pédagogie de l’essentiel qui devrait permettre aux enseignants de colmater les brèches et de finir l’année en beauté. Non ! Répliquent certains parents et éducateurs qui estiment que, ce faisant, le Bénin fait le lit à la médiocrité et au sous développement parce qu’on ne saurait, en deux semaines, rattraper un retard de plus de trois mois. Mais en réalité que devrait-il en être ? Votre journal Educ’Action, comme toutes les semaines, a donné la parole aux uns et aux autres pour vous permettre de mieux cerner les tenants et aboutissants de cette situation afin de porter un jugement équilibré sur l’école béninoise dans ses soubresauts. Nous voici dans le labyrinthe des conséquences insoupçonnées des divers mouvements de grèves ayant frappé l’année académique 2013-2014. Suivez mon regard…

27 janvier 2014. Comme un couperet, la nouvelle est tombée. Une motion de grève générale décidée conjointement par toutes les Confédérations et Centrales syndicales en réponse à ce qu’elles appellent « la provocation du gouvernement » qui aurait cautionné le passage à tabac, des manifestants du 27 Décembre 2013, réunis à la Bourse du travail pour battre pacifiquement le macadam, dans la capitale économique du pays, Cotonou afin d’exprimer leur mécontentement par rapport à la situation délétère que traversait le pays en ce moment-là. Les pages noires, édition 2014, de l’école béninoise allaient ainsi s’ouvrir, avec tout ce que cela impliquait comme conséquences…

Des apprenants formés au rabaisEvelyne Sossou-Hounto KANEHO

L’une des conséquences immédiates de ce débrayage, est l’insuffisance du temps scolaire intégral. Les élèves ne restent plus à l’école pendant le nombre d’heures nécessaire à leur apprentissage. Ils sont livrés à eux-mêmes avec les grossesses indésirées pour les filles, la délinquance juvénile pour les garçons, les IST, pour tous et leurs corollaires. Dans les classes déjà tenues par des mercenaires de la craie, parachutés dans l’enseignement par nécessité et non par vocation, la qualité de l’enseignement se fait rare. Les quelques titulaires qui ne font même pas les 25% du corps professoral des Etablissements Publics, étant totalement engagés dans le débrayage, le gros lot de la formation est assurée par des vacataires aux compétences approximatives. Du coup, les apprenants déjà faibles contractent le rachitisme intellectuel qui les prépare, sans transition, au sous emploi ou au chômage. Une situation qui alarme certains éducateurs et parents dont l’inquiétude s’accroît avec la rallonge de « seulement deux semaines » pour compenser les grèves à plusieurs vitesses, ayant fragilisé l’école.

Des éducateurs tristes, des parents inquiets …

Pour Rosemonde da Costa, informaticienne, dont les jumeaux sont en classe de troisième, il est inconcevable que les enfants maîtrisent leurs cours avant les prochains examens. « Qu’est-ce que ma fille Gloria peut aller écrire au BEPC alors qu’elle a passé tout le temps à la maison ? Même sa seconde qui travaillait mieux en Maths ne comprend plus rien aujourd’hui », a-t-elle déclarée, inquiète. Ce point de vue est partagé par l’ancien Ministre de l’éducation, Evelyne Kaneho, qui estime qu’il n’est pas possible de rattraper l’année en un si laps de temps. « Mon Non est net et catégorique. On ne saurait rattraper des grèves de plus de trois mois en deux semaines. Déjà en temps normal, le programme n’est pas bien exécuté. Maintenant, il y a eu la perturbation, trois (3) mois et demi de grève, on ne peut pas la rattraper en quinze (15) jours. Même les élèves des écoles privées ont été perturbés parce que lorsque vous êtes élève, que vous soyez en classe d’examens ou non, l’environnement social était tel qu’on n’avait pas le cœur à l’œuvre. L’année sera-t-elle blanche ou non ? Tiendra-t-on compte des efforts que je fais aujourd’hui ? Cette situation à coup sûr ne motivait pas les élèves au travail. Donc, même ceux du privé qui ont essayé de travailler régulièrement, n’ont pas donné le meilleur d’eux-mêmes», a-t-elle poursuivi. Pour l’autorité ministérielle, la pédagogie de l’essentiel pour justifier la rallonge de deux semaines, ne saurait s’appliquer en de pareilles circonstances. « On peut rattraper l’année, je ne dis pas non, mais avec une période plus longue parce que j’ai écouté les directeurs et syndicalistes, il y en a qui ont parlé de pédagogie de l’essentiel. Ça m’a rendu triste, j’ai eu mal, j’ai eu très mal. Je ne sais pas ce qu’on peut appeler pédagogie de l’essentiel. Y a-t-il un raccourci pour éduquer ? Le programme est fait pour neuf (9) mois. Déjà lorsqu’on soustrait les périodes d’inactivités et d’imprévus (la pluie, les kermesses, fêtes, journées culturelles et autres), on n’arrivait pas à exécuter le programme normalement. Donc, pédagogie de l’essentiel, je ne sais pas ce que cela veut dire, je ne comprends pas. » Pour Jean Tottin, directeur du CEG Ste Rita, qui se veut moins catégorique : « même s’il est vrai qu’à situations difficiles, mesures exceptionnelles, la matière sur laquelle on travaille ici, c’est l’homme. Et qui plus est, des enfants en apprentissage. La capacité de réceptivité varie d’une personne à une autre. Donc, cette rallonge sauvera ceux qui peuvent être sauvés et laissera sur le tarmac, les autres », a-t-il déclaré à Educ’Action avant d’ajouter qu’au collège Ste Rita, il a fallu du temps pour regrouper les apprenants. « Dès l’annonce de la reprise des cours, nous avons commencé à recevoir les élèves à contre goutte. Nous disons à ceux qui viennent d’informer leurs pairs que, effectivement, les cours ont repris. Donc, c’est ce travail de regroupement que nous avons fait et c’est seulement maintenant que nous retrouvons progressivement nos effectifs. Le pire, c’est que certains ont eu le temps de perdre leur cahier et d’autres de perdre la discipline imprimée depuis la rentrée. Donc, nous leur parlons à nouveau comme à la rentrée. » Selon ce directeur, certains élèves se sont même exilés au Nigéria à l’occasion des grèves pour aller travailler dans les champs et se faire un peu d’argent afin de revenir peut-être au bout d’un an ou deux continuer leurs études. Selon ses explications, ces élèves n’ayant plus de parents doivent pouvoir se prendre en charge, or, la grève a vidé leurs poches et ne pouvant plus subvenir aux besoins fondamentaux, ils se trouvent dans l’obligation de retourner puiser à la source moyennant leur force de travail. Jean Tottin reste néanmoins confiant au regard du taux d’exécution des programmes dans son établissement.

Et pourtant des inspecteurs et des professeurs rassurent…

Les rapports d’exécution fournis par les enseignants des classes d’examen au CEG Ste Rita indiquent clairement que les apprenants ont reçu un ensemble de connaissances à même de les aider à affronter vaillamment les épreuves des examens de fin d’année. Comme l’indique les tableaux ci-après, les enseignants sont en moyenne à 70% d’exécution des programmes et ce, malgré les grèves. Pour le directeur, le phénomène s’explique par le fait que les classes sont tenues à plus de 80% par des vacataires qui sont entrés un peu plus tard dans la grève et qui n’y sont pas trop restés parce que pourchassés par leurs propriétaires pour les loyers et tenaillés par la faim. Fiche Taux exécutionMieux, les lundis et vendredis qui n’étaient pas des jours de grèves étaient mis à profit pour faire avancer les choses. Allant dans le même sens, le directeur départemental Atlantique-Littoral, Yves S. M. da Conceiçao, a indiqué que dans les deux départements dont il a la charge, les CEG avaient déjà fini les deux devoirs du premier semestre avant le débrayage et mieux « certains enseignants faisaient travailler les enfants en weekend puisque se disant déjà qu’à un moment donné, la grève va prendre fin et qu’ils seront obligés de reprendre en mains leurs classes respectives. » Pour Yves S. M. da Conceiçao, si on soustrait les lundis et vendredis que le mot d’ordre n’incluait pas, si on enlève les heures de rattrapage effectués dans les weekends et les congés de détente et de Pâques, la grève n’aura réellement duré que quatre semaines. Et donc, « hors de toutes considérations de la CEDEAO ou de l’UEMOA, la rallonge de deux semaines est techniquement plausible et suffisante pour subir les examens. » Cette analyse vient conforter les propos de certains enseignants de la place rencontrés dans le cadre de ce dossier. Pour Igord Amahoumi, professeur de philosophie en classe de Tle D au CEG Pahou, les différentes situations d’apprentissage prévues dans le cadre de son cours ont été abordées et vidées. « J’ai déjà fini avec mes enfants, le contenu du programme et ils peuvent valablement être évalués », a-t-il déclaré, confiant.

Au CEG Ste Rita, les professeurs Zounon Djiffa et Innocent Adjovi ont déclaré être sur le point de terminer leurs programmes. Si le premier est à 65% d’exécution, le second a entamé la SA 5 en terminale. Jean TOTTIN

Au CEG Gbégamey, les professeurs rencontrés ont, pour certains, entamé les révisions, pour d’autres pratiquement fini la dernière situation d’apprentissage.

Hervé Agossa est professeur de SPCT 3ème au CEG Gbégamey. Il est un Agent contractuel de l’Etat : « J’ai fini mon programme et je suis en révision avec mes élèves », a-t-il fièrement déclaré, sourire aux lèvres. Pour Camille K., professeur de français tenant la 3ème au CEG Gbégamey, les apprenants ont reçu l’essentiel et peuvent espérer réussir. Ces différentes déclarations expliquent pourquoi les élèves interviewés se disent plus ou moins prêts.

Des apprenants se disent plus ou moins prêts…

La plupart des élèves interrogés que ce soit au CEG Dantokpa, au CEG Akpakpa Centre, à Ste Rita ou à Gbégamey, ils disent avoir fait le maximum. Il en est de même dans presque toutes les matières, ont-ils informé et se disent à ce jour, prêts à affronter les épreuves du BEPC. En SVT comme en Histoire-géographie, ils viennent de démarrer la dernière SA, en SPCT, le programme est presqu’achevé. Il en est de même pour l’Anglais et les Mathématiques. Bamba Djénéba, de taille courte, le visage affable, n’a pas hésité à témoigner de son assurance à réussir. « Avec les rattrapages en weekend et pendant les congés de Pâques, nous ne sommes en retard sur le programme. Seulement, il nous faut encore des révisions et beaucoup d’exercices », a-t-elle averti. Pour Shaïbou Moutalabi, élève en 3ème C1 à Gbégamey, en Anglais, ils sont sur la situation d’apprentissage (SA3).

En terminal C, comme le témoigne son cahier, Eric Habonou est sur le dernier chapitre, les structures coniques. Interrogée sur l’évolution dans les autres matières, sa camarade de classe, Nouhoum Riab, a affirmé : « on a évolué dans toutes les matières. On attend les examens pour nous mesurer. »

Visiblement, dans les écoles publiques, les professeurs ne sont pas si en retard, reste à voir la manière dont les programmes ont été conduits même si certains s’en défendent. Igord Amahoumi du CEG Pahou : « Nous avons évolué méthodiquement et je reste convaincu que mes enfants ont été bien formés. Même si on me donnait plus de temps, le contenu ne va pas changé. On fera peut être plus d’exercices. C’est tout. » Néanmoins le directeur du CEG Ste Rita reconnaît que tous les enseignants du système éducatif ne sont pas des techniciens. « Il y en a, et c’est malheureusement le gros lot, qui ont des connaissances générales mais qui n’ont pas la pédagogie. Allez donc comprendre à quel saint sont voués nos enfants. » En définitive, la question qui se pose est la problématique de l’apport des élèves béninois à la construction du Bénin du futur.

De la contribution des apprenants au développement du Bénin

Yves da ConceiçaoIl ne fait l’ombre d’aucun doute que le système actuel forme les apprenants au sous développement, à la précarité et au chômage. En effet, les entreprises béninoises ou étrangères installées au Bénin, à travers le Patronat, ont toujours exprimé leur insatisfaction par rapport à la main d’œuvre sortie des écoles du Bénin. Pour la Ministre Evelyne Kaneho, les élèves béninois ne peuvent pas contribuer au développement du pays parce que formés au rabais. Le drame se situe dans cet aspect répétitif et récidiviste des grèves perlées qui jalonnent le parcours des apprenants, laissant des séquelles indélébiles pour l’avenir du pays. La grève est devenue au Bénin un pèlerinage annuel au cours duquel, les gouvernants et les syndicats, biceps et torses bombés comme sur le terrain des Athlètes de Kouhounou, se livrent un combat sans merci au grand dam des enfants de ce pays. C’est ce que déplore l’inspecteur Yves S. M. Conceiçao lorsqu’il affirme que « les grands perdants de ces grèves sont les apprenants parce qu’ils sont sacrifiés. Si on devait bien faire les choses, à la rentrée prochaine, il faut continuer les programmes inachevés de l’année de grève avant d’y greffer les situations d’apprentissage de l’année suivante. » Jean Tottin, lui, préfère situer les responsabilités. « Dans cette situation, nous sommes tous coupables. Avec un peu de recul, je me dis que nous aurions pu réclamer nos droits autrement. Je ne sais pas comment, mais je sais que si nous murissons la question, nous avons les ressources nécessaires pour trouver d’autres palliatifs. Mais hélas !»

Pour Evelyne Kaneho, la grande interrogation est celle-ci : Quelle est la finalité des programmes d’enseignement ? Elle y répond : « on veut former un citoyen, on attend un profil. On ne va pas à l’école seulement pour ce papier, pour ce diplôme-là. On va à l’école pour avoir des connaissances et des compétences pour servir son pays et l’humanité. Et c’est là toute ma tristesse quand je reconsidère ce que nous vivons au Bénin. On est en train de sacrifier des générations. Et là, c’est dommage parce que pour moi, ce n’est pas seulement un crime, c’est un suicide. On ne respecte pas l’enfant et je ne vois pas où est le patriotisme. »

Ceci remet sur la table, la question fondamentale de l’école béninoise face au développement du continent. Quelle Ecole aujourd’hui pour quel Bénin demain ? Quelle Ecole béninoise pour quelle Afrique ? Quelle sera la contribution de notre Ecole à l’émergence du Bénin prospère et de l’Afrique présente aux rendez-vous de l’histoire ?

Ulrich Vital AHOTONDJI

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