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Erreurs médicales et paramédicales au Bénin: Comment les agents de santé tuent impunément dans les hôpitaux
Publié le mardi 7 mai 2013   |  L`événement Précis




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Quand les agents de santé deviennent des bourreaux

L’ampleur des erreurs médicales n’est plus à négliger aujourd’hui. Curieusement, la loi du silence recouvre d’un voile épais la multitude de ces cas où des professionnels de santé ont donné la mort ou mutilé des malades. Sans sanction.

Claude, instituteur, directeur d’école à la retraite traîne depuis 18 ans les séquelles d’une intervention chirurgicale qu’il a subie après une appendicite; Céline, à cause d’une fracture du tibia mal soignée, est contrainte depuis presque sept ans de boiter, son pied droit déformé à jamais; Valérie, horriblement mutilée, a vu sa vie se transformer en un calvaire quotidien. Chimène, Eléonore, Gloria, Ursule ont eu moins de ‘’chance’’ et ne font plus partie de ce monde. Vivantes ou décédées, ces personnes ont vu leur sort basculer dans une formation sanitaire, à cause d’une erreur médicale ou paramédicale. Commises aussi bien dans des structures sanitaires privées que publiques, ces erreurs font toujours parler d’elles. On ne compte plus les diagnostics erronés, les fautes techniques, le manque de surveillance, les détournements de malades du public vers le privé, ou même l’acharnement thérapeutique qui, chaque année, rallonge une liste déjà bien longue de victimes. Pour le Dr Soulé Daouda, le président du Conseil national de l’ordre national des médecins du Bénin, tout dépend de la qualité des soins et des niveaux de compétence des intervenants des formations sanitaires. «Il faudrait que ce soit des gens compétents qui accomplissent les actes médicaux. Or, on sait aujourd’hui sous nos cieux que beaucoup de gens exercent alors qu’ils n’en ont pas la compétence », note-t-il. Cet avis, Adrien Hounsa le partage très peu. Pour cet agent de santé à la retraite qui connaît bien le système pour l’avoir servi trente années durant, il ne s’agit pas que de la qualité des soins et des niveaux de compétence. Selon lui, si les erreurs médicales et paramédicales sont « de plus en plus nombreuses» au Bénin, c’est surtout parce qu’elles y ont trouvé un terrain des plus fertiles : le système de santé, dans son ensemble. Marqué par de profonds dysfonctionnements relevés en 2011 par la Banque mondiale dans son rapport n° AB5381 intitulé ‘’Document d’information projet (PID), Performance du système de santé au Bénin’’, ce système est décrié même par les acteurs du secteur. L’on se souvient de la montée au créneau en 2009 du Collectif des praticiens hospitaliers qui, dans une correspondance (Référence 025-2009/PH/KAG/P) au ministre de la santé et au président de l’ordre des médecins, avait attiré leur attention sur la « situation sanitaire extrêmement grave » du Bénin. De même, ce collectif avait interpellé « la responsabilité de l’ordre des médecins et du ministère de la santé » face aux « épineux problèmes de la profession médicale ». Quatre années après ce coup de gueule, les dysfonctionnements continuent. L’on assiste encore et toujours à des dérapages dont l’issue est parfois fatale pour les victimes. Un antibiotique injecté en intraveineuse pour soulager un mal de tête à Abomey-Calavi, du valium abondamment administré à un asthmatique en pleine crise à Porto-Novo, une compresse souillée du pus d’une plaie enfouie dans la bouche d’une malade se plaignant de douleurs à Abomey, une femme en plein travail descendue de la table d’accouchement et référée parce que considérée comme « récalcitrante », etc. et la liste est loin d’être exhaustive.

«Des garde-fous paralysés »

Si les choses en sont encore là, c’est parce que les ordres, syndicats, associations, ainsi que l’administration, donnent l’impression d’être « complètement paralysés», estime Adrien Hounsa, au point où l’impunité a fini par se tailler une « chaise en or ». En outre, peu de cas est fait de la législation dans la profession médicale, notamment du droit des malades et des devoirs de l’agent de santé. « Lorsqu’une erreur ou une faute est commise, le responsable n’est pas inquiété. Les autres agents de santé témoins de la chose ne réagissent pas, ne traduisent pas leur collègue devant le conseil de discipline pour éviter que cela ne se répète », s’inquiète Adrien Hounsa. Il stigmatise le manque de volonté au sein même des professionnels de santé. « Les sanctions disciplinaires et administratives n’existent pas. Personne n’a envie de sanctionner son collègue », fulmine-t-il avant de demander, presque révolté : « Le malade est-il un sous-citoyen ? Est-il inférieur ? Pourquoi devrait-il considérer les gens qui le soignent comme des demi-dieux à qui on ne peut rien demander concernant sa propre santé ? ». Pointé du doigt et accusé de passivité voire de complaisance envers les indélicats, l’Ordre des médecins, par la voix de son président, estime qu’il faut avant toute accusation, éviter l’amalgame. Si les procédures dépendent de chaque conseil, Dr Soulé Daouda explique la procédure généralement admise : « les plaintes doivent venir d’un organe public (…), d’un médecin qui a été témoin de quelque chose et qui renseigne le Conseil sur les faits répréhensibles. (…). Si les faits sont établis, les sanctions ordinales prévues au niveau des textes seront appliquées. Mais cela n’empêche pas non plus une action pénale. Le Conseil peut aussi s’autosaisir d’un certain nombre de situations qui défraient la chronique ». En dépit de certains cas ayant défrayé la chronique, le président de l’ordre reconnaît que le conseil n’a pas encore sanctionné, même si des cas existent, tout simplement parce que la chambre disciplinaire « n’a pas encore réussi à fonctionner normalement», selon ses propres termes.

Silence plat, on se tait

On est encore bien loin des grands procès retentissants comme celui du sang contaminé en France, ou celui, plus récent du Docteur Murray, le médecin de Michael Jackson accusé d’avoir commis une erreur médicale fatale à la star. Au Bénin, le mythe de la blouse, une confiance absolue en l’agent de santé, l’ignorance des populations, l’impunité et le fatalisme demeurent autant d’obstacles à la manifestation de la vérité. Si quelques téméraires, malgré tout, osent affronter le pouvoir médical, tous n’ont pas la chance de voir aboutir leur lutte. Depuis 2009, Gabriel Sèna Ganhoutodé se débat dans une procédure éprouvante pour connaître enfin la vraie cause de la mort de sa femme. Valérie Tonon, affreusement mutilée au cours d’une intervention chirurgicale attend toujours que justice lui soit rendue. D’autres cas existent. Pour le reste, c’est le silence plat. On se tait, préférant justifier par la volonté divine tout ce qui arrive à soi-même ou à un tiers. « Les plaintes au niveau de nos juridictions sont très rares. » confirme Me Filbert T. Béhanzin Avocat à la cour qui avoue n’en avoir connu que trois depuis 2006 qu’il exerce. Un constat qui, selon lui, ne résulte pas de la rareté des cas d’erreurs médicales et paramédicales, mais traduit plutôt l’ignorance des populations en la matière. « Très peu de gens savent ce qu’on appelle une erreur médicale, parce qu’avant de parler d’erreur médicale il faut détenir l’expertise qu’il faut. Pour parler d’erreur médicale ou décider de porter plainte, il faut être sûr de ce qu’on avance». Une première difficulté à laquelle viennent se greffer des pesanteurs familiales ou des considérations personnelles, sans oublier cette peur de l’agent de santé, et qu’Adrien Hounsa qualifie de « culte des agents de santé». Pour Me Filbert T. Béhanzin, il faut ôter cette peur du mental des Béninois et les convaincre de saisir les juridictions. Les médecins, agents de santé ayant une obligation de moyens, et non une obligation de résultats, la Justice pourra commettre un expert médecin pour établir la vérité, selon lui.

Un début de solution ?

Le jeudi 26 avril 2013, les députés de la 6ème législature ont interpellé le gouvernement au sujet de l’installation anarchique de centres de santé privés illégaux. A cette occasion, la ministre de la santé, Dorothée A. Kindé Gazard a annoncé les mesures prises par le gouvernement pour mettre un terme aux dérives. Et au nombre de celles-ci, la prise d’une loi corrective de celle en vigueur, la loi 97-020 du 17 juin 1997 qui régit l’exercice en clientèle privé. Mais elle reste évasive sur la répression des indélicats. Dorothée A. Kindé Gazard en a aussi appelé à la collaboration de tous pour que cesse « le silence coupable autour de ce problème très sérieux», avant d’énumérer quelques actions fortes comme la fermeture de certains centres de santé à Sèmè-Kpodji, Dassa, Abomey, etc., après des plaintes du ministère de la santé. Des actions encourageantes certes, mais qui gagneraient à être poursuivies afin que plus aucun agent de santé ne donne cette impression d’être au-dessus de la loi.

Témoignages bouleversants des victimes et de leurs proches

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