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La Presse du Jour N° 2159 du 23/6/2014

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Menace de retrait du droit de grève aux magistrats : Me Migan dénonce un grave recul de la démocratie béninoise
Publié le mardi 24 juin 2014   |  La Presse du Jour


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© Autre presse par DR
Me Migan dénonce un grave recul de la démocratie Béninoise


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Très alerte sur les sujets brûlants de l’actualité sociopolitique du Bénin, Me Jacques A. Migan, se refuse de participer par un mutisme carpien à l’imposture qui se prépare en ce moment contre le corps des magistrats du Bénin. Dans une analyse qui tranche avec toute hypocrisie, l’actuel Directeur du Centre international en Afrique pour la formation des avocats francophones (Cifaf) voit à travers la proposition de loi à examiner en procédure d’urgence sur l’interdiction du droit de grève des magistrats au Bénin une dangereuse « prédation d’un contre-pouvoir », un « recul grave de la démocratie béninois »…Voici ses observations.

Observations de Maître Jacques A. MIGAN sur la proposition de loi relative à la suppression du droit de grève aux magistrats
Prédation d’un « contre-pouvoir » au Bénin- Vers l’interdiction du droit de grève aux magistrats : La justice est un des attributs régaliens de l’Etat. Elle est exercée au nom de l’Etat par des magistrats qui sont seuls investis de la mission de juger. Pour soutenir l’indépendance nécessaire à l’exercice de leurs fonctions, des garanties constitutionnelles et statutaires ont été conférées aux membres de ce corps judiciaire. Ceux-ci jouissent d’un régime dérogatoire au droit de la fonction publique et bénéficient d’une garantie particulière, l’inamovibilité. L’Etat a le devoir d’assurer aux magistrats les conditions favorables à l’exercice, en toute dignité, et en toute impartialité, de leur charge.

Comme tous les autres fonctionnaires, les magistrats bénéficient de la liberté d’association, de réunion et jouissent du droit de grève. Le droit de grève est une liberté fondamentale consacrée par la Constitution. Récemment, les honorables députés ont initié une proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi 2001-35 en date 11 février 2003 relative au statut de la magistrature. Ladite proposition dont l’étude en procédure d’urgence a été adoptée, interdit le droit de grève aux magistrats, leur élection dans les assemblées politiques et leur implication dans l’animation des formations politiques. Or l’article 18 ancien de la loi portant statut de la magistrature qui reconnait aux magistrats au même titre que les autres fonctionnaires les libertés de croyance, d’expression, d’association, et de réunion ne prévoit aucune restriction à l’exercice de ces libertés en dehors de celles liées à la sauvegarde de l’impartialité et de l’indépendance du magistrat.

Recul certain de la démocratie : Alors que la République du Bénin passait il y a dix années pour un pays où l’exercice des libertés fondamentales ne se heurtait à aucune entrave juridique ou institutionnelle, l’on assiste depuis un certain temps à un musellement ou du moins à une restriction prononcée des libertés dans le milieu professionnel : après les douaniers, c’est désormais au tour des magistrats, – ceux là même qui détiennent et exercent le pouvoir judiciaire de se voir priver de ce droit fondamental prévu par les dispositions combinées de l’article 25 ( liberté d’association) et de l’article 31 ( portant sur le droit de grève) de la Constitution béninoise.

Justifications fallacieuses. Il convient de préciser que la reconnaissance du droit de grève permet de donner sens à l’obligation de l’Etat et de tous autres employeurs d’offrir au travailleur la juste rétribution de ses services ou de sa production. Dans ce contexte, ce droit permet aux magistrats de réclamer des conditions de vie et de travail leur permettant d’assurer leurs fonctions en toute dignité. En l’espèce, les revendications des magistrats s’articulent essentiellement sur la nécessité de mettre à leur disposition un garde du corps pour assurer leur sécurité personnelle et corriger les nominations intervenues au mépris des règles de l’avancement des magistrats savoir l’ancienneté et la promotion au grade. Or, cette démarche d’une frange de la représentation nationale à en croire les justifications avancées, fait suite aux grèves répétitives des magistrats. Des grèves qui constituent selon les signataires de ladite proposition, une violation des droits fondamentaux sans oublier les principes constitutionnels de la violation des Droits de l’Homme, le droit des détenus et le droit à la justice des citoyens etc.
L’article 18 du nouveau projet de texte interdit aux magistrats l’exercice de tout mandat politique et leur appartenance ou adhésion à un parti politique. Ces derniers en fonction du même article, ne peuvent se constituer en syndicat ni exercer le droit de grève. Cette option selon l’analyse des faits dans l’exposé des justifications, tire sa source des différents mouvements de grève organisés par l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB). Des actions qui n’ont pas respecté, selon les auteurs de la proposition de loi, le principe universellement établi dans la conduite des mouvements de grèves savoir : recourir à l’arme de la grève seulement en situation ultime, c’est-à-dire lorsque toutes les autres voies de recours sont épuisées.
Sur la légitimité et l’opportunité de la mesure : s’il est vrai que la consécration constitutionnelle du droit de grève n’exclut pas sa limitation, il est important de veiller dans une démocratie à ce que cette liberté ne soit point entamée par une limite excessive. Dans le cas d’espèce, il ne s’agit même pas d’un encadrement du droit de grève reconnu aux magistrats, mais de la suppression pure et simple de l’exercice de ce droit. Ce faisant, le Bénin créerait un précédent fâcheux préjudiciable à notre démocratie et une atteinte dissimulée à l’autorité du pouvoir judicaire.

De quels moyens disposeraient désormais les magistrats pour protester contre les abus et les atteintes ouvertes à leur indépendance ?
D’ailleurs, leur réclamation n’est pas sans fondement, la protection réclamée, les corrections sollicitées sont dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice. A titre de comparaison, tous les membres des Institutions constitutionnelles y compris les députés disposent chacun d’un véhicule de fonction, d’un garde du corps et de bien d’autres facilités pour exercer leurs fonctions. Pourquoi ne pas alors accéder à cette revendication légitime des magistrats ?
Une atteinte aux droits de toute la famille Justice annoncée : La remise en cause par les députés du droit constitutionnel de grève aux magistrats annonce une atteinte aux droits de tous les membres de la famille Justice. Bientôt les auxiliaires de Justice seront peut être interdits de la liberté de s’associer et de s’exprimer.

En conclusion, la bonne santé de notre démocratie ainsi que l’image de notre justice dépendent non seulement du respect de la séparation des pouvoirs, mais aussi de la promotion de l’indépendance du pouvoir judiciaire dont le chef de l’Etat est le garant.
La suppression de droit de grève aux magistrats marquerait la dégénérescence de notre démocratie et un mépris prononcé envers l’autorité judiciaire.

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