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Le Confrère de la Matinée N° 942 du 29/1/2014

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Bénin: Le droit de grève menacé (Quand le législateur se croit plus fort que le constituant)
Publié le jeudi 26 juin 2014   |  Le Confrère de la Matinée


Conseil
© Autre presse par Presidence
Conseil de l`entente: réunion des chefs d`Etat et de gouvernement à Niamey.
Mardi 17 Décembre 2013, à Niamey (Niger). Tenue de la 2 ème session ordinaire de Conférence au sommet des Chefs d`Etat et de Gouvernement du Conseil de l`Entente. Photo : Le president Boni Yayi.


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Inscrit dans la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, le droit de grève fait partie des moyens de lutte du travailleur pour la défense de ses droits et intérêts. Mais depuis quelques années au Bénin, ce droit semble touché dans sa quintessence reconnue par le constituant de 1990. La proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, en débat actuellement au parlement, et qui vise à interdire l’exercice de ce droit aux magistrats est illustrative.

L’effet d’entrainement devient réel. Interdit d’exercice aux paramilitaires il y a quelques années par la Cour Constitutionnelle d’alors, dirigée par le Professeur Robert Dossou, malgré la jurisprudence DCC 06-034 de la C.C. dirigée par Conceptia Ouinsou, la question de la jouissance du droit de grève par les travailleurs revient sur la table. La grève entamée par les magistrats depuis le dernier trimestre de l’année 2013, apparemment, l’a ressuscitée. Portée par les honorables Tchabi Cica et André Okounlola, tous deux de la mouvance Force Cauris pour un Bénin Emergent, la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature a été introduite au parlement à l’effet de priver les magistrats de l’exercice du droit de grève: « Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève ». Un peu plus loin, le texte proclame l’interdiction faite aux magistrats « d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer ».
« Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article », précise le texte, « est sanctionné par la mise à la retraite d’office ». Pour un texte aussi audacieux dans son contenu, le débat autour ne peut que s’enfler. Ceci dans un contexte où l’interdiction d’exercice du droit de grève aux paramilitaires est loin de faire l’unanimité.

Pourtant …
Aux termes de l’article 31 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : « L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi. ». A priori, ce texte institue d’emblée le droit de grève. Il n’émet aucune distinction quant à l’exercice de ce droit par telle ou telle catégorie de travailleurs. « Tout travailleur » peut en jouir. La loi n’intervient donc que pour fixer les conditions de son exercice. C’est là, tout le mérite de la C.C. dont les rênes tenues par Conceptia Ouinssou, a montré une fidélité stricte à l’esprit et à la lettre de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 (DCC 06-034). A cet effet, pourrait-on admettre l’hypothèse selon laquelle, la définition législative des conditions d’exercice du droit de grève, puisse aboutir à la suppression de l’exercice de ce même droit ? Ne serait-ce pas là, un renversement du principe de la hiérarchie des normes qui en droit constitutionnel place la loi fondamentale au- dessus de toutes les autres normes de la République ? Si la Cour Constitutionnelle dirigée par le Professeur Robert Dossou au prix de son argumentaire s’est inscrite dans cette logique, tordant le cou à la jurisprudence antérieure, qu’en sera-t-il de l’actuelle Cour dirigée par le Professeur Théodore Holo, dans l’hypothèse où la poposition de loi en débat au parlement serait adopté ?


Vers la suppression du droit de grève

Toute inscription dans la logique de la jurisprudence la plus récente, pourrait ouvrir la voie à une série de tentatives d’interdiction de l’exercice du droit de grève à d’autres catégories de travailleurs. Si des circonstances exceptionnelles ont pu fonder la juridiction suprême en matière constitutionnelle au Bénin a distingué là où le constituant n’a point distingué, celles-ci, décelées chez d’autres catégories de travailleurs, pourraient toujours conduire au résultat de l’interdiction d’exercice du droit de grève. Après s’être attaqué au droit de grève des paramilitaires et des magistrats, qu’en serait-il du droit de grève du travailleur des secteurs comme la santé, l’éducation… ? Quel secteur de l’Etat ne serait donc pas essentiel, pour que le droit de grève des travailleurs de ce secteur n’en soit atteint ? Le principe de continuité caractérisant le service public, peut-il justifier perpétuellement, les interdictions entamées ? Et ne serait-on pas là, face à une tentative de révision manifeste de la Constitution du 11 décembre 1990 ?


De quoi espérer…
Dans une décision rendue au sujet d’une requête introduite par l’ex garde des sceaux, Marie-Elise Gbedo, visant à remettre en cause la jouissance du droit par les magistrats, l’actuelle Cour s’était déclarée incompétente pour statuer. Ce qui permet donc de se faire une idée du verdict de la C.C. dirigée par l’Emérite Professeur Holo, dans l’éventualité de l’adoption du texte modificatif introduit au parlement par les Honorables Tchabi Cica et André Okounlola. Mais avant, cette proposition de loi bien que soutenue par 47 députés devra passer les étapes de l’étude et d’adoption. Des surprises peuvent donc toujours surgir, et la juridiction constitutionnelle n’aura même pas à réfléchir à propos. Au-delà, c’est le droit de grève reconnu à tout travailleur par la Constitution qui sera sauvegardé.
(Lire ci-dessous, le projet de loi portant modification de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature)

Mastiano Bernard DAVID

Encadré

Projet de loi portant modification de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature

"Proposition de loi n°…..portant modification de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature
L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté en sa séance du …..2014, la loi dont la teneur suit :
Article 1er : Les dispositions de l’article 18 de la loi n°2003-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature sont modifiées ainsi qu’il suit :

Article 18 nouveau :

Les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral ou politique. Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques.
Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par la mise à la retraite d’office.

Article 2 : La présente loi qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, sera exécutée comme loi de l’État.
Fait à Porto-Novo, le ……….2014"

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