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Le Matinal N° 4380 du 30/6/2014

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Tentative de suppression du droit de grève aux magistrats: Haro du juge Angelo Houssou contre les députés
Publié le lundi 30 juin 2014   |  Le Matinal


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© Autre presse par DR
Le Juge Angelo Houssou


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Depuis les Etats-Unis d’Amérique, le juge Angelo Houssou, persécuté par le régime Yayi, s’est prononcé sur la proposition de loi portant suppression du droit de grève aux magistrats. Dans son développement, il a expliqué que c’est la conséquence de la frilosité du Gouvernement à faire face au phénomène de la grève au Bénin, en général, et à celle des magistrats, en particulier. Lire sa tribune libre.

La guerre contre la magistrature fragilisera notre démocratie

Je suis très peiné de voir mon pays se déchirer dans les querelles intestines pendant que des millions de Béninois condamnés à la petite vie et ce, pendant encore vingt-un (21) mois environ, se morfondent pour les solutions devant venir des élites au pouvoir. Je suis davantage outré de constater que ces petites manœuvres qui nous mobilisent plus que de raison, soient érigées en système de gouvernance :

on utilise le pouvoir d’Etat et les moyens de la République pour régler des comptes personnels, organiser des scènes de vengeance et entretenir des crises de personnes. Si les institutions ne se battent pas comme des chiffonniers, elles s’accoquinent pour mettre en péril le pacte républicain et notre projet démocratique. C’est actuellement le cas entre le gouvernement et l’Assemblée nationale pour vassaliser le pouvoir judiciaire, clé de voûte de la démocratie et du développement durable.

Parmi les réalités nouvelles qui, pendant mon séjour aux Etats Unis, m’ont frappé, aucune n’a plus vivement attiré mon attention que la place accordée à la justice. Je suis en train de découvrir sans peine qu’aucune personne, même pas un pouvoir, que ce soit l’exécutif ou le législatif, ne s’amuse avec la justice, laquelle est traitée avec une dévotion due à une institution sacrée.

La prétendue réforme du droit de grève dans la maison justice actuellement en cours dans mon pays, ne peut laisser personne indifférent. Les réformes sont nécessaires au fonctionnement normal de la justice. Aucune personne sérieuse ne peut le nier.

Toutes réformes qui visent à assurer la sécurité juridique et judiciaire, la célérité et l’efficacité, sont vivement attendues. En ce qu’elles contribuent au progrès socio-économique, elles seront toujours soutenues par les acteurs de ce pouvoir comme un enjeu majeur pour que les droits du citoyen ne soient pas perçus simplement comme des articles cosmétiques dans notre univers démocratique.

Mais tant que les réformes serviront à réduire des droits fondamentaux, à agenouiller la magistrature et à se venger des juges qui ont eu le sens de leur serment, il est du devoir suprême de chaque Béninois de les combattre sans réserves jusqu’au bout.

J’ai été profondément abasourdi et particulièrement ahuri d’apprendre l’introduction d’une certaine proposition de loi au parlement pour retirer aux juges le droit de grève. Il me paraît superfétatoire de me prononcer sur la réputation des deux principaux initiateurs de cette loi, Gbadamassi et Okounlola. Je laisse l’histoire et le peuple juges de leurs agissements et manœuvres d’hier et d’aujourd’hui.


Cependant, cette démarche m’interpelle à plus d’un titre, parce que je reste très exigeant, à la limite impitoyable sur le traitement et le respect dus au pouvoir judiciaire. Les causes lointaines et immédiates de cette initiative ne sont étrangères ni aux « non-lieux » du 17 mai 2013 ni au combat subséquent et conséquent que l’Unamab a bravement mené depuis lors.

De façon holistique, cette initiative de suppression des libertés syndicales et de grève aux magistrats me pose quatre(04) problèmes majeurs :

1- La tentative d’annexer la Maison Justice n’a jamais été aussi forte et les assauts sont inlassables notamment depuis les ordonnances que j’ai prononcées le 17 mai 2013 dans les affaires de tentative d’empoisonnement contre le chef de l’Etat et d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Depuis lors, la création éhontée d’un second syndicat de la magistrature, les persécutions ignobles et inutiles contre ma personne, les nominations fantaisistes et illégales, les menaces de mort à peine voilées contre les braves et valeureux dirigeants de l’Unamab… sont autant d’attentats pour ruiner le moral des juges et les délester de leur pouvoir.

Sans ménagement, je combattrai la subalternisation du pouvoir judiciaire par l’Exécutif et la patrimonialisation de l’Etat tout court. Ce n’est pas une querelle de personnes. C’est le juste combat pour le régime des libertés. Nos aînés se sont battus pour mettre le pays sur la voie de la démocratie. C’est notre devoir aujourd’hui de l’y maintenir : il ne débordera ni dans l’égotisme de quelque candidat à la monocratie ni dans le pouvoir jouissif de quelque oligarchie. Le Bénin est voué à la démocratie et il n’y adviendra rien d’autre.

C’est le lieu de m’adresser aux députés chargés de la sale besogne et à leur conscience : leurs signatures au bas de l’acte de décès programmé des libertés syndicales de la magistrature, sont visibles par tous. Il pèse sur eux la responsabilité historique de liquider le pouvoir judiciaire. Cette liquidation rendra notre démocratie définitivement hémiplégique et le soutien attendu du fonctionnement de la justice pour dynamiser les investissements et conforter le développement deviendra une Arlésienne.

Quelle responsabilité… !

2- La proposition de loi introduite au parlement, en elle-même, est une reprise vile et servile de l’article 10 de l’ordonnance française du 22 décembre 1958. Cette plate reproduction aux allures de plagiat, sans aucun effort d’acclimatation, est dérangeante.

Il pose surtout le problème de la qualité du travail parlementaire qui, selon les spécialistes, est une exigence constitutionnelle (B. Mathieu, « La qualité du travail parlementaire : une exigence constitutionnelle », Mélanges en l’honneur de Jean GICQUEL, Constitutions et pouvoirs, Paris, Montchrestien, 2008, pp. 355-364). Cette exigence comporte deux principaux éléments. D’abord, la formation de la loi et sa qualité rédactionnelle dont les règles d’or sont la clarté, l’intelligibilité et l’accessibilité.

Ensuite, la sécurité juridique qui doit viser la protection des droits des citoyens. Tout cela recommande que le législateur élabore son texte à l’aune des aspirations de son peuple et non en y infiltrant des éléments venus d’une autre sociologie. En vrai, la fonction de député dans mon pays est en cause. Bien qu’il soit auréolé du titre pompeux d’« honorable », le député béninois n’échappe pas à la crise vocationnelle généralisée qui ronge le pays, depuis le petit enseignant jusqu’au grand cadre de la République.

Le parlement béninois se présente aujourd’hui comme une grande assemblée des miracles : certains y confondent arguments et injures, font des boycotts stériles pendant que d’autres pratiquent presque ouvertement la votation tarifée sur fond de transhumance et de traitrise à l’égard de leurs mandants. Le député de mon pays est fatalement devenu un vassal obéissant d’un exécutif dominant et surpuissant.

Heureusement, dans ce panier, toutes les tomates ne sont pas pourries. Nous avons encore des députés qui honorent le pays en élevant le débat, en ayant le courage de leurs opinions. Je parle de ceux qui sont capables de résister aux bruits de monnaie qui ont transformé, ces dernières années, le temple parlementaire en une grande place d’affaires où l’immunité joue le rôle de couverture contre le risque professionnel. C’est en partie sur cette poignée de députés, hommes de conviction etde courage, qu’il faudra compter pour faire échec à la restriction programmée des libertés concédées par la Constitution.

Aux autres qui se laissent béatement transformer en godillots par le gouvernement, je voudrais rappeler ce postulat de l’Union Interparlementaire qu’ils connaissent bien : le parlement « est l’institution centrale de la démocratie. Le parlement représente la société dans toute sa diversité. Il incarne la volonté du peuple. Les parlements ont la charge de concilier les intérêts divergents de différents groupes et communautés de la société et de traduire en politiques les accords qui en résultent. Ils y parviennent grâce au dialogue et au compromis ».

3- L’inefficacité d’une loi interdisant la grève aux magistrats est patente et probante dans les pays, comme la France, où de telles dispositions existent. Celles-ci, en effet, n’ont jamais empêché les juges de faire grève, notamment sur le tas.

En cas de restriction de leur liberté syndicale et de grève, le mode de protestation des juges est bien connu : « l’audience a bien lieu, les magistrats entrent dans la salle et quand l’huissier présente un dossier, le magistrat le renvoie d’office à une date ultérieure, assurant ainsi la continuité du service public ». Si l’objectif de cette proposition de loi est d’empêcher les juges de mener une « action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions », ses initiateurs ont perdu une belle jambe car les juges, dans l’hypothèse du vote de cette loi, conserveront toujours le pouvoir d’arrêter et d’entraver le fonctionnement de la justice. Donc, l’initiative est proprement inutile et simplement inefficace. C’est vain.

A la limite, c’est un « non-lieu ».

4- La frilosité du gouvernement face au phénomène de la grève lui a toujours inspiré la volonté de remettre en cause des droits syndicaux. Certes, la grève a toujours été, pour tout régime, une épreuve. Mais quand dans mon pays, elle est perçue comme une offense à un chef d’Etat, il est normal de constater cette débauche d’énergie et de moyens disproportionnés mis en œuvre pour frustrer les plateformes revendicatives et livrer les responsables syndicaux à la vindicte populaire si on ne tente pas purement et simplement d’acheter leur conscience. Au lieu de s’ingénier à trouver des solutions, on perd le temps à empêcher les gens d’exprimer leur ras-le-bol.

La grève illustre quelque peu l’impuissance des gouvernants à négocier et leur incapacité à tenir parole. Il ne servira à rien de s’acharner contre les magistrats sinon à fragiliser le pouvoir judiciaire et, partant, à vider notre démocratie de sa substance.

On s’en souvient, ce n’est pas la première fois que le gouvernement a essayé de faire bégayer le droit de grève au Bénin. Il a déjà réussi le coup de force chez les douaniers. S’il réussit chez les magistrats, ce sera à qui le prochain tour ? Aux corps de santé et enseignants ? Aux agents des eaux et forêts ? Aux agents des impôts, du trésor … ? La question mérite d’être posée, étant entendu que les chantiers de contestation au Bénin, ne sont pas l’exclusivité du seul pouvoir judiciaire.

Ils existent et ont été ouverts ici et là, donnant l’image d’un pays en déliquescence à tout point de vue. Il suffit d’aller au-delà des discours officiels tenus par les griots du pouvoir à titre de propagande, pour donner l’oreille à la rue, discuter avec les petites gens. Ce qui est remarquable et presque unanime dans leurs propos, c’est le rejet qu’ils font de la gestion du pouvoir de la refondation. Le Bénin est en train d’être abandonné aux échecs. C’est une lapalissade.

Les quarante-cinq (45) députés signataires de la proposition querellée, ont-ils conscience du rôle qu’on veut leur faire jouer dans un contexte d’insatisfaction généralisée dans tout le pays ? Est-ce cela leur rôle de prêter main forte à un gouvernement qui veut assassiner les libertés chèrement acquises ? Je voudrais leur dire, en paraphrasant Georges Clemenceau, que la mission d’un parlement est de « faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas ».

C’est pourquoi la mobilisation générale pour faire échec au projet funeste contre les magistrats est le sûr moyen pour empêcher le régime actuel de ratatiner la liberté d’expression et de liquider purement et simplement le droit de grève au Bénin.
Ce combat n’est pas celui des seuls magistrats réunis au sein de l’Unamab. Il est aussi celui de la dizaine de magistrats réunis au sein de l’Amab. Ces affidés et agents de renseignements du gouvernement ne doivent pas ignorer que cette décapitation du pouvoir judiciaire les concerne aussi.Je demande, pour ce faire, au collègue Cyprien Tchibozo et ses syndiqués de rendre immédiatement publique leur position sur cette question aussi préoccupante qu’essentielle.

Ce combat concerne également tous les chantres des libertés syndicales. Tout vrai patriote doit y mouiller le maillot. C’est de la survie de l’édifice républicain et de nos acquis démocratiques qu’il s’agit. Rien d’autre !
J’ai dit…

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