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Le Confrère de la Matinée N° 942 du 29/1/2014

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La chronique du jour du 17 juillet 2014 de Jérôme Carlos: Où sont-ils nos intellectuels ?
Publié le jeudi 17 juillet 2014   |  Le Confrère de la Matinée




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Gardons-nous de nous égarer sur les sentiers embrouillés d'une définition. Qui est intellectuel ? Qui a qualité d'être appelé intellectuel dans un Bénin qui résonne du silence assourdissant de ses sages ? Dans des situations de crise majeure, quand un pays prend l'eau de toutes parts, alors que le commun des mortels perd pied, il est des personnes autorisées vers qui se tournent tous les regards. Elles situent et recadrent. Elles rassurent et apaisent.

Les hommes et les femmes, investis d'une telle autorité, sont les gardiens du temple de l'esprit. Pourquoi ? Parce qu'ils savent et parce qu'ils peuvent faire usage, de manière critique et spécialisée, de cette faculté humaine commune qu'est la pensée. Nous appelons intellectuels ces gardiens du temple de l'esprit, ces privilégiés de la pensée. Ils produisent des idées dont s'alimentent leur société. Ils poursuivent l'aventure humaine de la recherche en déchiffrant les secrets de la nature. Ils révèlent et mettent au jour des rapports significatifs qui font reculer les frontières de l'ignorance. Ils bénéficient de l'avantage de frayer avec les Muses, d'investir le champ infini de l'imagination et de créer des œuvres de beauté.

L'intellectuel ainsi vu et ainsi compris nous éloigne, d'une part, de toute vaine querelle des anciens et des modernes. L'intellectuel n'est pas un produit exclusif des sociétés modernes. Il y a toujours eu des intellectuels dans toutes nos communautés de base. L'intellectuel ainsi vu et ainsi compris nous soulage, d'autre part, d'une confusion qui tend à faire de tout lettré ou diplômé un intellectuel. Il n'y a pas encore de diplômes qui confèrent à quelqu'un le statut d'intellectuel. Il y a, par contre, des diplômes, et non des moindres, qui peinent à conférer à leurs titulaires le statut d'intellectuel.

Cela dit, où sont-ils donc nos intellectuels ? Qu'est-ce qui explique leur absence de l'arène publique ? Qu'est-ce qui justifie leur silence dans les débats en cours dans leur pays ? Leur éclairage, sur la foi de leur autorité morale, aura toujours la force d'une caution, la valeur d'une référence. R.A.S. sur la longue grève des écoles, sur fond de fracture des syndicats et de mésentente entre les syndicalistes. Silence sur le projet de révision de la Constitution. Motus sur la proposition de loi portant retrait du droit de grève aux magistrats. Avançons trois raisons, comme autant d'hypothèses, pour expliquer cette absence et ce silence de nos intellectuels.

D'abord le mépris. Cela signifierait que nos intellectuels, des hauteurs où ils se situent, trouveraient dégradant de descendre dans la boue nauséabonde de nos marécages familiers. On suppose que, qui bénéficie du privilège de dialoguer avec les dieux, n'a pas et n'a plus beaucoup de place et de temps pour les mortels. Et pourquoi se salir les mains à défaire l'écheveau des problèmes socio-économiques d'un pays en crise, un pays qui peine à déchiffrer son avenir ? Le mépris, dans le cas d'espèce, serait l'expression d'un désintérêt, d'une démobilisation de nos intellectuels. " Le fait de considérer quelqu'un ou quelque chose comme indigne d'attention". Telle est la définition du mépris.

Ensuite le doute. A comprendre comme l'expression d'une lassitude profonde et générale, après qu'on a tout tenté. Ce qui a la résonnance résignée de cette triste interrogation : à quoi bon ? A quoi bon, en effet, opiner sur la marche en zig-zag d'un pays où l'on marche sur la tête, où chacun n'en fait qu'à sa tête, où tout le monde croit avoir des raisons d'avoir la grosse tête ? Le proverbe nous l'enseigne et nous le recommande : dans le doute, abstiens-toi ! Et nos intellectuels de s'abstenir de tout, en se recroquevillant sur eux-mêmes. Ils adoptent un profil bas. Ils rasent les murs. Ils laissent en friche le vaste champ de la réflexion critique, de l'interpellation publique, de l'objection de conscience. "Advienne que pourra".

Enfin, la démission. A tenir pour l'abandon d'un devoir, la renonciation à un engagement, la rupture d'un contrat social, la suspension d'une mission. Comme si nos intellectuels se sentaient obliger de se dépouiller de leurs toges de mages inspirés et inspirateurs. Il ne leur reste plus qu'à quitter la scène par la petite porte et sur la pointe des pieds couverts des haillons de l'impuissance et de l'abandon. Nous avons commencé la présente chronique en identifiant l'intellectuel par l'esprit. Il nous plaît de finir par ce proverbe malinké : "Si l'esprit de l'homme danse mal, Dieu empêchera le tambour de résonner".

Jérôme Carlos

La chronique du jour du 17 juillet 2014

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