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Fraternité N° 3653 du 23/7/2014

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A Cotonou : les précollecteurs d’ordures ménagères entre misère et survie
Publié le jeudi 24 juillet 2014   |  Fraternité


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© Autre presse par DR
A Cotonou : les précollecteurs d’ordures ménagères entre misère et survie


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Nul ne peut se passer des services des précollecteurs d’ordures ménagères et prétendre vivre dans un environnement sain. Mais eux, ils vivent dans l’insalubrité et la misère. Un tour à Cotonou pour découvrir le quotidien des précollecteurs d’ordures ménagères.

Sous un chaud soleil, tout en sueur, Jean, Frank et Romaric trimballent une charrette remplie d’ordures ménagères. Le visage crasseux et à peine reconnaissable, avec un accoutrement en haillons et dont la couleur et l’originalité ont complètement disparu sous l’effet des moisissures, des paires de chaussure en lambeaux, le tout coiffé par un sale bonnet, ils ressemblent à des êtres étranges. Ces agents précollecteurs d’ordures ménagères travaillent pour une Organisation non gouvernementale (Ong) de la place. Difficilement, ils avancent, se dirigeant vers un bas-fond pour y déverser des ordures ramassées dans les maisons, Jean traînant la charrette et les deux autres poussant par derrière. Leur corvée, ils l’ont débutée depuis 6 heures du matin comme à l’accoutumée. Il sonne 14 heures environ et ils ont déjà parcouru plus de la moitié des ménages abonnés. Ils marquent une petite pause pour reprendre de la force. Ils en ont encore jusqu’à 18 heures 30mn. Cependant ils ne sont pas tenus d’aller jusqu’à cette heure là. Il leur suffit de parcourir plus rapidement les abonnés à leur charge et la journée se termine. Un travail pénible que Jean et ses compagnons doivent accomplir six jours de la semaine sur sept pour mériter un salaire compris entre 25 000 Fcfa et 60 000 Fcfa à la fin du mois. Même lorsqu’il y a pluie, ils doivent accomplir cette mission. Et seuls les plus endurants résistent et n’abandonnent pas le travail.

La misère au quotidien

Pour les précollecteurs qui travaillent pour le bonheur des populations, leur santé au quotidien et l’hygiène de leurs maisons, c’est la misère. Ils arrivent à peine à assurer leur pain quotidien, leur santé, leur logement, leur habillement et même parfois, pas d’instruction pour leurs progénitures. Frank, un des agents précollecteurs confie qu’il se limite à deux repas, voire même un par jour, pour pouvoir subvenir aux besoins de sa petite famille et à d’autres besoins inhérents à la vie de l’homme. Mais Romaric, très comique affirme qu’il habite une maison en bambou qui lui revient à 7000 Fcfa le mois. Mais, il est parfois obligé de fuir sa maison à la fin du mois, ne pouvant pas honorer ses engagements vis-à-vis de son propriétaire. Sa vie, il la mène presqu’à crédit. « Actuellement, je dois 1100 Fcfa à la vendeuse de riz dans ma Vons et je ne peux pas encore payer », a-t-il déclaré. Jean, quant à lui, est bien plus malheureux. Il souffre de l’hernie depuis bientôt six ans. Il doit se faire opérer, mais ne dispose pas de moyens. Au service, son patron, bien qu’ayant été informé, n’a jamais rien fait pour aider son employé. « …il m’avait promis de m’accorder un prêt que je vais rembourser progressivement. Cela fait déjà près de deux ans, mais jamais je n’ai eu de suite… », déplore-t-il.

La situation de Jean est commune à presque tous les précollecteurs d’ordures ménagères. Ils travaillent dur, mais sont laissés pour compte par leurs patrons, même si la plupart de ceux-ci affirment le contraire. Pas de contrat de travail, pas d’assurance encore moins de protection sociale. Et pourtant, ils sont chaque jour en contact avec des microbes, des objets dangereux et sont même exposés aux infections respiratoires. Et pourtant, quelques-uns seulement disposent de gants et de bottes acquis à leurs propres frais. Tenez, Dossou, un agent précollecteur rencontré en train de déverser des ordures sur un tas d’immondices dans un bas-fond à Mènontin, un quartier de Cotonou, nous raconte sa mésaventure : « Nous étions venus ici un jour pour déverser des ordures, commence-t-il. Vivien, mon ex-coéquipier, qui devait sortir les déchets de la charrette avec le râteau est monté sur le tas d’ordures. Mais il s’est fait déchirer le pied avec une masse de métal tranchant bien qu’il était en basket. Mais il n’a pas pu se soigner à l’hôpital parce qu’il n’avait pas d’argent ». C’est ainsi que Vivien s’est vu amputer un orteil plus tard parce qu’il tentait de soigner son mal à la maison. Selon Dossou, leur patron avait été informé de la situation mais, s’est montré indifférent. Sur le terrain, ils font l’objet de mépris et d’injures de la part de nombre de citoyens. Une situation à laquelle ils finissent par s’habituer même si parfois, la réaction ne se fait pas entendre.

Vaincre la faim et la pauvreté


Jean et ses coéquipiers ont chacun amorcé la quarantaine. Ils n’ont jusqu’ici pas connu la joie d’avoir un job décent. Et pourtant, pères de famille, ils doivent subvenir chaque jour à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Dans un environnement où ils doivent composer avec la cherté et les difficultés inhérentes à la vie, ils ont décidé de se mettre au service de leurs compatriotes pour éviter l’oisiveté et les vices. « Avec toutes les charges que je dois assumer, je n’ai pas d’autres choix que de travailler dur, d’abord pour manger, donner à manger aux enfants, assurer leur scolarité… », explique Jean. Parfois, des gens de bon cœur leur viennent en aide avec de petits sous ou même de la nourriture. « Il y a une dame qui m’offre de temps à autre de l’argent. La dernière fois, elle m’a donné du gari et du riz que j’ai partagé avec mon second », témoigne Dossou.
Même sous l’emprise de la fatigue, rien ne les arrête. Quelques petites pauses intermittentes et le travail reprend. Tout cet effort, pour un traitement que Frank trouve peu satisfaisant, même si son patron lui promet de bonnes choses. « Il faut faire tout ceci pour espérer 45 000 fcfa à la fin du mois… », déplore-t-il. Il ajoute : « Mon patron m’a promis que mon salaire connaîtrait une augmentation et irait jusqu’à 60 000 Fcfa depuis un an. Mais depuis, c’est le statu quo… ». Mais il est bien obligé de subir, s’il veut tenir son pari : « vaincre la misère ».

L’espoir avec un cœur meurtri
Même si tout laisse présager que les chances d’une vie meilleure ne sont plus au rendez-vous, les trois hommes combattants de la vie, quant à eux, gardent espoir malgré leur âge bien avancé et le physique visiblement amorti et terni sous le coup de la pauvreté. Le soir venu, autour d’un verre de Sodabi, ils se retrouvent pour discuter et partager leurs peines. Selon Frank, c’est une manière pour eux de se venir en aide mutuellement. A l’entendre, il n’est jamais tard pour vivre des miracles. Pour lui, tout peut changer du jour au lendemain. Avec son niveau de la classe de 4ème et quelques formations diplômantes, il espère toujours un avenir meilleur. Véritable fervent, il prie que Dieu fasse pour lui tout ce qu’il a promis dans la Bible. « Tout ce que vous avez pu faire, vous en bénéficiez toujours. Seulement, il faut attendre le bon moment. Et il faut souffrir un peu aussi. C’est quand vous n’y croyez plus que Dieu vous ouvre les portes », révèle-t-il. Quant à Romaric et Jean, ils s’en remettent au sort. Lorsque leur amis ou les abonnés à leur structure se moquent d’eux, ils leur répondent simplement « vous vivez bien aujourd’hui, mais personne ne sait de quoi l’avenir est fait ». Cette leçon, ils l’ont bien apprise de par leurs expériences. Mais pour l’heure, ils doivent continuer à débarrasser les populations de leurs ordures pour survivre.

Eustache f. AMOULE

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