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Gestion du temps scolaire au Bénin : « Dans le meilleur des cas, on est autour de cinq cent cinquante (550) heures par an quand il n’y a pas grève au lieu de 1.008 heures »
Publié le jeudi 24 juillet 2014   |  Educ'Action


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La Loi n02003-17 du 11 novembre 2003 portant Orientation de l'Education Nationale en République du Bénin a balisé le chemin pour le calendrier scolaire validé chaque année par arrêté ministériel. D’une façon générale, l’année scolaire compte 36 semaines réparties en trois trimestres de travail de durées comparables séparées par 04 périodes de vacances. 36 semaines prélevées sur les 56 que compte l’année civile. 36 semaines à cheval sur deux années. Au niveau du primaire, la masse horaire prévue en semaine est de 28 heures. Et c’est donc sur la base des 28 heures que les emplois de temps sont élaborés. Donc au niveau du primaire, l’année scolaire, tourne sensiblement autour de 1.008 heures prévues. Mais sur ces 1.008 heures, combien de temps le système éducatif consacre-t-il effectivement à l’encadrement des élèves en classe ? C’est la grande question de ce dossier qui reçoit pour vous, un passionné du temps scolaire, Magloire Cossou, inspecteur des enseignements maternel et primaire, formateur des formateurs, consultant souvent associé aux travaux de la GIZ, du PNUD et de bien d’autres institutions internationales. Du haut de ses multiples années d’expérience, dans le cadre fleuri et reposant de sa résidence privée à Porto-Novo, il nous a fait l’honneur de nous recevoir malgré les béquilles circonstancielles qu’une chute impromptue lui a imposées.



Educ’Action : Comment peut-on définir le temps scolaire ?

Magloire Cossou : Le temps scolaire, c’est le temps prélevé réservé sur le temps social qu’on met à la disposition des établissements pour assurer la formation de la génération montante.

Le calendrier scolaire correspond alors à quoi ?

Dans une classe de CI a EBS 2Le calendrier scolaire, c’est généralement un arrêté pris par plusieurs ministères en charge de l’éducation nationale. Généralement, c’est le primaire et le secondaire ; parfois, il y a le primaire, le secondaire et le supérieur ; c’est ce que nous appelons le calendrier scolaire. Vous verrez que le calendrier scolaire prévoit toujours la date de la rentrée. A tout hasard, je prends le calendrier de l’année scolaire 2003-2004 qui se présente comme suit : 1er trimestre : du lundi 13 octobre au vendredi 19 décembre 2003 après le cours du soir ; ce qui fait 10 semaines ; congé de fin de trimestre : du vendredi 19 décembre 2003 après les cours de l’après midi au dimanche 04 janvier 2004 inclus. 2ème trimestre : du lundi 05 janvier au mercredi 31 mars 2004 après les cours de la matinée (12 semaines et 03 jours). Et enfin, 3ème trimestre : du jeudi 15 avril au vendredi 19 juillet 2004 ; et ça fait 12 semaines. Tout ceci fait 41 semaines. Dans les prévisions, on dépasse les 30 semaines et on tourne toujours autour de 36 semaines.


Alors sur les 36 semaines de prévisions, combien de temps servent réellement à encadrer les écoliers ?

Elèves dans la courSi vous suivez l’actualité, vous savez sans doute que dans la plupart des pays, c’est en septembre que la rentrée a lieu. Or chez nous, nous commençons au plus tôt en octobre sinon quelques fois en novembre. Alors que les autres commencent généralement le 1er jour ouvrable de septembre ; nos enfants passent les examens presqu’au même moment que les leurs. C’est un constat. Et quand on a de la chance, ce qui est rare au Bénin, l’année scolaire se déroule sans interruption. Mais le plus souvent, les années scolaires sont écourtées par de longues grèves, des grèves cycliques. Je ne suis pas entrain de remettre en cause le droit des enseignants à faire grève, mais je me demande pourquoi l’administration ne s’organise pas pour prévenir ou éteindre très rapidement les grèves. Parce qu’il y a certaines revendications des enseignants qui n’ont même pas besoin de décaissement. Mais pourquoi l’administration laisse toujours traîner les grèves ? Regardez ce qui s’est passé cette année !

Dans ce climat, la baisse de niveau tant décriée des enfants n’est-elle pas à imputer au système ?

En réalité, il y a deux dangers qui nous guettent : il y a le peu de temps consacré aux activités d’apprentissage et deuxièmement ce que nous appelons la discontinuité des apprentissages.



Soyez plus explicite, inspecteur ?

SAM 7955Vous voulez apprendre l’allemand. Supposons que vous n’ayez jamais étudié l’allemand et on prévoit vous former en 09 mois. On démarre, on fait 03 mois et on arrête. Et c’est au cours du 7ème mois qu’on vous reprend. Qu’est-ce qui se serait passé ? Vous auriez déjà oublié une bonne partie du peu que vous avez appris. Conclusion, à cause des grèves, une bonne partie de l’année scolaire est perdue et quand après une longue grève j’entends les gens dire on a rattrapé, je souris ! Il y a un seuil de fatigabilité et une vitesse d’assimilation, les capacités d’assimilation des enfants ne sont pas illimitées parce que dans tout apprentissage on apprend, on désapprend un peu, on révise, on réapprend, on continue. Mais on perd tout le temps ici et puis après, on dit ça y est on a rattrapé, bon ! Cà c’est l’un des facteurs qui entraine la mauvaise gestion du temps scolaire. Mais curieusement, ce n’est pas le facteur le plus important. Il y a autre chose, la mal gouvernance du système éducatif.



Qu’est-ce vous voulez dire concrètement ?

SAM 8017Prenons le cas de cette année qu’on a prolongé de quelques semaines. Dans les faits, depuis le déroulement du CEP ou mieux une semaine avant le CEP, plus personne ne va en classe ; ce qui fait qu’une partie du mois de juin est perdue alors que l’année est censée courir jusqu’à la troisième semaine du mois de Juillet. Donc ça fait déjà cinq (5) semaines de manque. Généralement nous perdons ainsi 06 ou 07 semaines à la fin de l’année. Ça c’est la fin de l’année. A la rentrée, l’Etat dit qu’il n’y a plus de droit d’écolage à payer, que les directeurs vont recevoir des subventions pour acheter les fournitures de démarrage. Ces fonds n’arrivent pas à temps; conclusion la première semaine est consacrée au sarclage, au recrutement etc. et dans la plupart des écoles, la quasi-totalité des écoles, les Directeurs n’ont pas prévu les fournitures de démarrage dans les fonds de l’année passée ; conclusion ils attendent. En conséquence, on perd en moyenne deux semaines au début de l’année. Ne soyez pas surpris quand vous rencontrez des écoles où on perd 3, 4, 5 semaines, la moyenne est deux semaines. Là je dis que ce n’est pas la faute aux enseignants, c’est la faute à l’administration scolaire. Maintenant au cours de l’année et vers la fin de l’année, on organise ce qu’on appelle pompeusement l’examen blanc et quand on dit examen blanc, c’est que généralement on focalise l’attention sur les élèves du CM2 parce que c’est eux qui vont à l’examen et on délaisse toutes les autres classes pour ne s’occuper que des classes d’examen, et généralement un examen blanc c’est 5 jours, 3 à 5 jours ça fait une semaine de perdue. Généralement il y a deux examens blancs ça fait deux semaines de perdue. Qu’il y ait grève ou pas c’est comme ça. En dehors de ça, il y a des formations tous azimuts qu’on organise au cours de l’année ; de plus, rares sont les écoles publiques qui aujourd’hui ont leurs personnels au complet à la rentrée. Si vous voulez vous en convaincre, choisissez 5 écoles et aller seulement demander au Directeur « s’il vous plait Monsieur le Directeur ou Madame la Directrice à la rentrée, vous étiez combien pour six classes ? », vous allez constater qu’il y a des classes qui sont restées sans maître jusqu’à la fin de l’année, sans aucun maître si je vous dis qu’approximativement il y a environ trois mille (3.000) classes qui sont restées sans maître jusqu’à la fin de l’année, ne sursautez pas. C’est la triste réalité. Et aux trois milles classes dont nous parlons, il va falloir ajouter six mille (6000) autres classes. Les normaliens en année de professionnalisation vont sur le terrain, ils vont sur le terrain pour apprendre comment tenir la classe à coté d’un titulaire. Mais la pénurie d’enseignants fait qu’on leur confie les classes directement, ce qui fait que nous nous comportons comme un moniteur d’auto école qui après avoir étudié un peu le code de la route avec ses apprenants, leurs remet la voiture et dit bon ! Allez-y. Les gens n’ont pas encore fini leur formation, mais pendant 9 mois à cause de la pénurie, on leur confie une classe. Si on devait mettre des enseignants dans chacune de ses classes, nous serions autour de dix mille (10.000) classes sans maîtres. Un enfant qui est au CE1 qui n’a pas de maître, quel temps scolaire a-t-il ? Comment évolue-t-il ? On fait du bachotage. Le programme est toujours exécuté à 30 et 50%.


Et pourtant le CEP donne depuis des années plus de 90% ?

SAM 8019Moi personnellement, j’accorde peu de crédit aux pourcentages que les gens affichent en fin d’année. J’ai vu une caricature dans un journal un jour et j’ai été interpellé par le message : Un bachelier qui revient pour dire qu’il veut faire la classe de terminale et le Directeur de lui dire : « mais, tu as eu le BAC l’année dernière n’est-ce pas ? » Le bachelier répond : « oui, je sais, j’ai eu le BAC l’année dernière mais je viens faire la classe de terminale». Cette caricature a tout dit. Moi je crois que si nous voulons garantir la qualité de notre système éducatif, il faudrait veiller à ce que au moins par an, par année scolaire, chaque enfant, chaque classe, reçoive huit cent (800) heures de cours parce que maintenant je n’ose pas dire ce qui se passe. Dans le meilleur des cas, on est autour de cinq cent cinquante (550) heures par an quand il n’y a pas grève au lieu de 1.008 heures. Allez imaginez ce que nous faisons quand il y a grève. L’éducation est un édifice dont l’enseignement primaire est la fondation. Quelle fondation bâtissons-nous pour nos enfants, pour quel rez-de-chaussée et tout ça pour soutenir combien d’étages ?

Est-ce que nous avons aujourd’hui une alternative parce que quand on regarde loin, on se dit que le spectre de la grève est permanent dans le système éducatif béninois ; quel sort est donc réservé à la relève de ce pays ?

Je suis tenté de vous demander monsieur le journaliste ce que veut le peuple béninois ? Les Béninois qui ont de grosses caisses, qui ont de belles maisons, ils doivent se dire que si les générations montantes ne sont pas bien formées, elles vont casser tout ça. C’est une bombe à retardement. Chaque fois qu’il y a braquage ou tentative de braquage et la presse, la télé montre des cadavres comme quoi ce sont des malfrats abattus, j’ai toujours eu des pincements au cœur. Je me dis ces malfrats comment en sont-ils arrivés là ? Est-ce qu’ils ont reçu l’éducation familiale qu’il fallait, est-ce qu’ils ont reçus l’éducation sociale, la dernière fois, j’ai lu dans un journal qu’un étudiant a volé une moto, et je dis, sans vouloir l’excuser, sans vouloir le soutenir, je dis comment, est-ce qu’on s’est demandé comment il en est arrivé là ?, alors je dis toutes les couches sociales de notre pays doivent exiger que le système éducatif soit remis à flot. Les enseignants, les écoles ont besoin de certains intrants pour fonctionner si on se réfère à la définition de l’école fondamentale. Parmi ces intrants, il y a le personnel enseignant. Est-ce que vous avez jamais vu les forces de sécurité publique, recruter des brevetés, ou des non brevetés, les habiller pour leur dire allez d’abord faire la sécurité et après on va vous former. Au grand jamais ! Est-ce que vous avez jamais vu les gens du développement rural envoyer des jeunes dans les champs d’abord pour leur dire d’aller encadrer les paysans d’abord ? Au niveau des hôpitaux, est-ce qu’on envoie d’abord des brevetés, des bacheliers ou des agents de maîtrise pour leur dire d’aller soigner les gens d’abord avant de se faire former. Pourquoi c’est seulement au niveau de l’éducation qu’on croit qu’il suffit que quelqu’un sache lire et écrire ou même qu’il ait mis pied à l’école, pour enseigner ? On a vu des cas dramatiques où des gens arrivés eux-mêmes à peine au CE2, sont devenus enseignants. Pourquoi ?



Qu’est-ce que vous proposez ?

SAM 8020Nos écoles ont besoin de ressources humaines de qualité et ces ressources humaines ont besoin selon moi d’être suivies et ont besoin d’être mises dans les meilleures conditions de travail. Mais la contrepartie, ce sont les résultats. Il y a certaines réclamations des enseignants qui ont entraîné des promesses du gouvernement ; pourquoi le gouvernement n’honore-t-il pas ses promesses au point où des gens qui n’allaient pas en grève, moi j’en connais qui avant n’allaient pas en grève et qui disaient « non ! Je vais m’occuper de mes élèves ». En fin de compte, ils constatent que ce qu’on leur a promis n’arrive jamais. Quand l’agent est frustré, tout est possible et ça fait le lit pour les agitateurs, donc moi je souhaite que le gouvernement, nos dirigeants, traitent équitablement les enseignants et qu’on fasse comme dans le privé. Tu as des obligations de résultats. Aujourd’hui quand j’enseigne 10% des contenus des programmes aux enfants, qui va m’en vouloir ? J’aurai quel compte à rendre ? Aucun ! Alors je dis bien ceci : les écoles ont besoin de ressources humaines de qualité mais de ressources humaines qui travaillent, qu’on motive et qu’on sanctionne ; moi je vois la sanction selon les deux aspects : sanctions positives et sanctions négatives. Pourquoi les enseignants du public qui sont allés à la retraite et qui se sont retrouvés dans le privé, pourquoi changent-ils radicalement et deviennent-ils travailleurs ou démissionnent-ils ? Parce que là-bas, on te paie mais la contrepartie tu dois travailler.

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