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La Presse du Jour N° 2183 du 25/7/2014

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Interview de Albert Tévoédjrè sur le dialogue islamo-chrétien : «La paix ne saurait être l’affaire d’une seule personne, d’un seul gouvernement. C’est l’affaire de tous»
Publié le mardi 29 juillet 2014   |  La Presse du Jour


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© Autre presse par DR
Le professeur Albert Tévoédjrè, médiateur de république


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Dans cette interview, le frère Albert Tévoédjrè parle en long et en large de l’«Initiative africaine pour le développement et la paix par le dialogue islamo-chrétien et interreligieux». Et pour lui, la paix doit être l’affaire de tous.

Le conseil des ministres du 23 juillet 2014 engage le Bénin à vos côtés pour le projet : «Initiative africaine pour le développement et la paix par le dialogue islamo-chrétien et interreligieux. »

Quel sentiment vous procure cet engagement du gouvernement béninois ?
Un grand soulagement, parce que porter seul une telle initiative, c’est de la prétention. Etre inspiré pour une telle œuvre, pour un tel engagement, c’est normal. Mais le porter seul, n’est pas possible. Et il faut absolument que ceux qui ont droit au chapitre de la communication mondiale, c’est-à-dire les gouvernements, soient impliqués. J’ai tenté de voir si les gouvernements qui sont directement au front dans cette affaire, prendraient les devants dans cette initiative.

Que ce soit le Mali, que ce soit la Centrafrique ou le Burkina Faso, que ce soit d’autres gouvernements. Mais cela traîne, parce qu’ils ont d’autres soucis. Et l’Archevêque de Bamako m’a dit, comme dans un discours prémonitoire, que « vous êtes au Bénin ; vous êtes au carrefour d’un certain nombre de situations qui concernent le Nigeria et autres. Prenez l’initiative au Bénin ». Je me suis donc adressé au gouvernement, et je n’ai eu aucune difficulté à me faire comprendre. Parce que, quand même, le Bénin est effectivement au carrefour de toutes les religions et de toutes les situations.

Nous sommes un pays trait d’union, un pays de liaison ; nous sommes un point sur la carte. Donc, le gouvernement du Bénin, acceptant de prendre en charge ce projet, c’est pour moi un grand soulagement, et en même temps, une occasion de dire que ce n’est pas une affaire personnelle.

C’est une grande idée. Mais on ne peut en faire une idée internationale, intéressante pour tout le monde que si un gouvernement, membre des Nations unies, membre de la CEDEAO, membre de l’UEMOA, porte la chose. Il fallait donc que le Bénin accepte. C’est une grande joie pour moi.

Maintenant que le Bénin a accepté de s’engager, comment va se poursuivre le processus de mise en œuvre ?

D’abord, si vous lisez bien le relevé du conseil des ministres, on a mis en place un comité de pilotage qui comprend le ministre le plus important chargé de l’Education. Il y a le ministre des Affaires étrangères qui a aussi un mandat précis. Il est dit de prendre contact avec toutes les institutions régionales, africaines, toutes les coopérations bilatérales et multilatérales, les gouvernements qui sont concernés par cette cause.

Nous allons nous réunir la semaine prochaine, déjà, pour définir les tâches. Premièrement, la bonne communication. Il faut d’abord que les décisions du gouvernement sur ce projet et la feuille du projet soient largement discutées. Deuxièmement, il faut que nous trouvions les moyens ; et là, je n’ai pas peur du tout.

L’idée est tellement prenante pour tout le monde que chacun – et le j’espère- voudra y contribuer. Car ce n’est pas une affaire d’argent. C’est une question de volonté et de programme. Nous espérons qu’en janvier, nous aurons une grande réunion, avec au maximum de 100 personnalités. La feuille du projet sera préséntée, ils vont l’analyser, la critiquer, la compléter, et dire maintenant, voilà ce sur quoi on peut s’entendre.

Comme disait le Cardinal Tauran, qui est venu ici, et qui a donné quatre points d’ancrage du dialogue, ce sont les actions communes à privilégier. Quelles sont les actions communes que les religions peuvent soulever ensemble pour permettre de travailler ensemble, pour se respecter, se tolérer, et s’estimer ? Que ce soit sur la famille, l’éducation, la santé, il y a des actions communes qu’on peut entreprendre, au profit d’une cause commune.

Sous quelle forme va se présenter finalement l’initiative dans sa phase opérationnelle et institutionnelle ?
Nous allons faire ce que nous pouvons. D’abord, nous allons donner les idées aux gens. Il y a des pays qui ont des expériences dans ce domaine.

Récemment, l’Indonésie a fait un travail avec chrétiens et musulmans, qui se retrouvent régulièrement pour voir les problèmes de société qui se posent à leur environnement, les prendre en charge et trouver des solutions partagées. Et chacun enrichit l’autre. On peut, par exemple, avoir des prières communes à des occasions particulières. Je prends un cas. Quand les musulmans fêtent chaque année la Tabaski, pour fêter la foi d’Abraham, notre père commun, on peut très bien la célébrer à l’échelle commune.

Et ensemble, se réjouir ce jour-là. On peut ensemble déplorer des morts, des accidents, des violences terroristes qui vont des ravages… On peut très bien aussi, ensemble, dire : « nous condamnons ! ».

C’est trouver le moyen de favoriser le « vivre ensemble », « le réagir ensemble », et « l’agir ensemble ». On ne va pas régler tous les problèmes. Mais lorsque la presse met l’accent sur les morts par terrorisme, qu’on mette aussi l’accent sur des actions communes qui sont menées par les religions pour éviter que cela ne se répète. Il y a ainsi une sorte d’équilibre dans l’information et dans la communication.

Pouvez-vous nous expliciter le concept de l’éducation pour le développement et la paix par le dialogue islamo-chrétien et interreligieux ?

L’UNESCO nous dit que : « C’est par l’esprit des hommes que naît la guerre. C’est dans l’esprit des hommes qu’il faut implanter les colombes de la paix ».

Et c’est dans l’éducation, dans le dialogue, que ces valeurs se construisent dans la belle école formelle, et dans l’école sociétale. Tout ce qui concerne apprendre de l’autre, ou apprendre ensemble, c’est cela. C’est pour mettre un accent sur l’éducation qu’il faut reprendre très fortement le concept de l’UNESCO. La paix ne saurait être l’affaire d’une seule personne, d’un seul gouvernement. C’est l’affaire de tous. C’est pourquoi c’était déjà un signe, un symbole, que la première institution qui a accepté de me donner son appui, soit le Programme des Nations Unies pour le développement.

Pourquoi avoir spécifié le dialogue islamo-chrétien ?

Vous avez raison. C’est parce que la réalité est là. Dans tous les pays du monde aujourd’hui, le point des achoppements, c’est la peur de l’Occident vis-à-vis de l’Etat islamique. C’est la peur de l’Islam vis-à-vis des institutions qui sont prétendument dominées par des judéo-chrétiens. Il n’y a pas de conflit aujourd’hui au Niger. Vous voyez ce qui se passe aujourd’hui en Israël, c’est terrible. Donc, il y a quelque chose à faire là.

Les religions judéo-chrétiennes et les relions islamiques doivent trouver un moyen d’avoir des boussoles. Mais on n’a oublié les autres religions mais les conflits n’y sont pas de même ampleur. Certes la conflit religieux concerne d’autres croyances, par exemple les Bouddhistes et les autres religions en Inde, c’est aussi préoccupant mais pas de même dimension.

Sur ce point on peut avancer que le Bénin paraît pour le moment assez privilégié ; en général tout le monde se côtoie, se respecte et se tolère. Mais cela peut aussi nous arriver aussi ! Donc, il faut que nous soyons ceux qui rassemblent et donnent l’exemple du rassemblement, plutôt que ceux qui sont dans la logique de l’attente du conflit avant d’y trouver des solutions.

Pourquoi l’initiative est africaine alors que les Nations Unies, l’UE et les Etats-Unis d’Amérique sont engagés sur le terrain dans des conflits, en mettant en œuvre des mécanismes de règlement et de prévention dans bien de zones du contient africain et ailleurs ?

C’est une question que les Africains devraient se poser eux-mêmes. Ils doivent se demander : « Qu’avons-nous à donner ? ». Nous n’avons pas d’armes, mais nous avons nos cultures, nos traditions, notre solidarité.

Il faut que l’Afrique elle-même prenne une initiative dans ce domaine. Pourquoi attendre que la France vienne sauver le Mali ? Si le Mali avait pu aller dans le nord du Mali, même par ces biais-là, on aurait limité les dégâts jusqu’à présent. Donc, il est important qu’on ne soit pas assisté, mais qu’on soit agissant, qu’on soit acteur. Pour être acteur, il faut au moins penser à l’action ; pour penser à l’action, il faut se mettre ensemble ; il faut accepter de vivre ensemble, de se tolérer ; et vivre ensemble, malgré tout, avec les méthodes qui sont les nôtres.

Pensez-vous que le dialogue interreligieux soit une alternative aux mécanismes mis en place ?
Non. C’est un complément. C’est un précédent et un complément. D’abord, les mesures de sécurité ne mettront jamais fin à une guerre.

Si vous faîtes la guerre, vous faîtes des victimes ; vous avez des ressentiments et de la haine ; vous avez la revanche qui est toujours là. Et par conséquent, il faudra toujours, après les avoir vaincus, apprendre à vivre ensemble pour rester ensemble.

J’ai peur que, si jamais, vous finissez une guerre en disant que : tel a tort et tel a raison, comme chez les Allemands et les Français, où cela a duré au moins 50 ans, vous mettiez trop de temps à mener les belligérant à vite coopérer. Parce qu’on n’oublie jamais qu’on a perdu des parents, qu’il y a eu des dégâts et des destructions. Donc, l’inimitié dure et reste ancrée très longtemps dans la tête des gens. Je me souviens d’une anecdote à ce propos.

Au cours de la cérémonie confirmation d’un enfant alsacien sans une église en France, en présence d’un évêque, le curé s’était trompé dans la manière de dire le nom de la personne qui s’appelait Germaine. En latin, il fallait dire Germana mais Le curé a mis Germania (signifiant Allemand). L’évêque a vu rouge et a rétorqué en latin que : « L’Allemand n’est pas à confirmer, il est à détruire ».

Un ressentiment anti-allemand. Pourtant, c’était dans une église. C’est pour vous dire qu’on garde le ressentiment très fort. Il faut toujours faire en sorte que les mesures de paix, de tolérance, de vivre ensemble atténuent ou éliment ces sentiments. Et c’est uniquement par le dialogue, la compréhension, la tolérance, la prière qu’on y arrive.

Quels sont les partenaires potentiels en Afrique et à l’international ?

Nous avons reçu un petit mot du Centre qui est le centre que le roi d’Arabie Saoudite a créé avec le Saint siège, l’Autriche et l’Espagne. Nous avons de très bons rapports avec la conférence islamique. Nous avons ici de discussions sur les religions endogènes. Nous continuons de l’avoir avec l’Epiphanie. Nous ne voulons pas que les religions soient premières et seules dans cette initiative. Nous vouons qu’un Etat dise : « nous sommes prêt à accueillir tout le monde et à préciser des actions communes qu’on peut engager ensemble et des messages communs qu’on peut lancer ».

Et le système des Nations Unies ?
Bien sûr. C’est eux les premiers. M. Mar Dieye, directeur du bureau régional Afrique du PNUD, et son institution viennent de donner le premier soutien pour nous permettre de préparer, comme il le faut, la conférence du mois de janvier prochain.

Lui, au niveau régional, va agir. Je le vois mardi (ce jour ; ndlr) pour cela. Au contraire, c’est eux qui sont les plus demandeurs et également l’UNESCO. L’institution est déjà avertie. Notre ambassadeur à l’UNESCO est en rapport avec Mme Irina Bokova, la directrice générale. Je suis persuadé que tout cela va nous permettre d’avoir un écho international suffisant. Le fait aujourd’hui que l’engagement du Bénin intervient pendant que le pays accueille la conférence ministérielle du groupe des PMA, et que le président de la République soit parrain de ce projet est bon signe. Dans tous les messages que le Bénin donnera désormais au niveau international, ce projet sera central.

Pour cette rencontre de janvier, qui attendez-vous, à part les institutions ?

Il y a aura un ou deux chefs d’Etat, mais surtout des experts importants et reconnus. Surtout du côté du Liban des professeurs, des Egyptiens, des aumôniers, des abbés, des pères, pour nous dire ce qu’on peut vraiment faire entre les religions pour aboutir aux objectifs du projet. Qu’il y ait des témoins politiques, oui. Mais peut-être plus tard. Mais au départ, que le projet ait de la consistance interreligieuse, avec des actions communes interreli-gieuses pour aller vers la paix. Et que les gouvernements sachent qu’il faut aussi passer par là pour régler les problèmes.

Autrement dit, ce n’est pas un projet intergouvernemental ?

Non. C’est un projet suscité par des gouvernements pour l’interreligion active pour la paix.

Quels résultats attendez-vous, après la mise en œuvre de ce projet ?
On attend un peu plus. Il faut que les Béninois conquièrent la paix, à l’intérieur, à l’extérieur et autour d’eux. Il faut que les Béninois comprennent l’éducation pour tous, la santé pour tous, le vouloir pour tous. Tout cela participe à l’éducation pour le développement et la paix par le dialogue. Ce sont des décisions d’audace intérieure, de conversion intérieure.

Ce qui se passe au niveau de la gestion des affaires publiques, au niveau de l’éducation… nous oblige à s’entendre pour régler les problèmes. Tout ceci dépend de notre volonté de changer de comportements. On ne peut pas continuer comme nous le faisons-là. Il faut un changement de comportements, sinon, nous rions à la catastrophe, même si pour le moment nous sommes mieux dans ce domaine que d’autres pays en conflit.

Le Bénin jouxte le Nigeria et il y a le problème Boko Haram. Par quelles voies on peut arriver à le régler, selon vous ?

La première réaction à l’engagement du Bénin en faveur de « l’initiative africaine pour l’éducation et la paix, par le dialogue islamo-chrétien et interreligieux » est venue d’un religieux du Nigeria. Dans quelques jours, celui qui viendra présider le pèlerinage de Dassa, c’est le Cardinal Archevêque d’Abuja.

Il est déjà averti de cela. Le nonce apostolique aussi est du Nigeria. Le fait même d’avoir eu l’idée, a suscité de l’espoir. Or, l’homme vit d’espoir. Un homme sans espérance, est un homme perdu. Nous avons-là, au moins le privilège, la grâce de susciter l’expérience. J’ai déjà 85 ans, et à travers mon action, j’aurai contribué à ce que ce sujet devienne une préoccupation centrale pour toutes les communautés et les gouvernants. Après moi, de très nombreuses contributions vont s’ajouter et faire progresser au mieux. Mais l’idée existe déjà et on ne peut plus la détruire. Surtout que c’est un gouvernement qui a pris l’engagement de soutenir le projet et qu’un Etat est symbole de pérennité. Le gouvernement du Bénin doit porter ce projet au niveau national comme international, et d’autres gouvernements s’y associeront.

Puis, il y a déjà un accord de l’appui de la CEDEAO. Je ne peux pas le publier parce que ce n’est pas encore une lettre de confirmation mais c’est déjà un mail que j’ai reçu pour dire que la Commission est aussi sur la même voie de solution à rechercher. L’UEMOA le fera de son côté, et également l’Union africaine. Or, pour que cette dernière le fasse, c’est le gouvernement béninois qui doit porter le projet. Au niveau international, je peux vous dire que le président français, François Hollande, soutient aussi l’initiative.

Un dernier souhait par rapport au projet ?
Je voudrais que vous aussi de la presse, vous nous aidiez à ce que tous les Béninois prient pour ce projet national. Je suis content de dire cela. J’ai vu le président Nicéphore Soglo récemment, à ce sujet.

Et je lui ai avoué que je ne le comprenais pas quand il avait lancé la fête des religions traditionnelles ; mais qu’aujourd’hui, cela prend à mes yeux, une valeur prophétique. Et que c’est important que le 10 janvier, nous soyons attentifs à une épiphanie partagée. Il était très content de ma réaction. Donc ce projet est pour moi, un projet national et populaire porté par tout le monde. Ensuite, nous devons aussi le traduire au niveau international par une manière de nous comporter nous-mêmes par rapport à notre pays. Nous n’allons pas nous diviser sur des bases régionales, religieuses, culturelles etc.

Il faut que nous sachions nous arrêter pour voir quel est l’intérêt général. Voilà ma contribution. A la fin de mon parcours, je voudrais laisser aux Béninois cette chance de se retrouver et d’avoir une vocation. La vocation d’un pays de trait d’union, qui encourage de contribuer à l’unité africaine autrement que par les voies politiques et autres. Il y a aussi la voie spirituelle, la voie de tout ce qui peut nous ramener à nos traditions, à nos cultures et qui donne au monde un espoir d’un autre chemin d’arriver au développement et à la paix.



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