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Fraternité N° 3661 du 5/8/2014

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Proposition de loi visant le retrait du droit de grève aux magistrats : Le rapport de la Commission des lois qui divise les députés
Publié le mercredi 6 aout 2014   |  Fraternité


Seconde
© aCotonou.com par TOP
Seconde marche des magistrats sur l`Assemblée Nationale
Jeudi 17 Juillet 2014, Porto-Novo : les magistrats et les centrales syndicales du Bénin tiennent une seconde marche sur le Parlement. Ils protestent contre le projet de loi visant à interdire le droit de grève aux magistrats. Dossier=1083 et Gallérie=0


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‘’Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion…’’. Voilà un extrait de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, dont la modification à travers une proposition de loi n’a pas reçu la bénédiction de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme de l’Assemblée nationale. L’étude en commission de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature avait donné lieu à deux amendements. Le 1er vise le maintien pur et simple de l’article 18 querellé, tandis que le 2nd penche pour sa modification, donc s’inscrit dans la logique des auteurs de la proposition de loi en question. Les commissaires n’ont pu s’accorder sur ces deux amendements qui ont été soumis au vote, et une majorité s’est dégagée en faveur du 1er amendement. Soit 6 voix pour et 2 contre. Et c’est le rapport de la commission signé par les députés Grégoire Akoffodji et Sacca Lafia le 11 juillet dernier, qui a été soumis à la plénière pour appréciation.
Assemblée nationale
Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme
A
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Objet : Transmission de rapport
Par la présente, j’ai l’honneur de vous faire parvenir le rapport de la Commission des lois relatif à la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi N° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.
Je vous en souhaite, Monsieur le Président, bonne réception
RAPPORT
DE LA COMMISSION DES LOIS, DE L’ADMINISTRATION ET DES DROITS DE L’HOMME
Objet : Proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi N°2001-35 du 21 Février 2003 portant statut de la magistrature
Saisie quant au fond par le Président de l’Assemblée Nationale de la proposition de loi modifiant l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, la Commission des Lois, de l’Administration et des Droits de l’Homme s’est réunie les 7, 10 et 11 juillet 2014. Ont pris part aux travaux, outre les membres de la commission, ceux de la Commission de l’Education, de la Culture, de l’Emploi et des Affaires Sociales saisie pour avis, les Députés signataires de la proposition de loi, le Garde des Sceaux, ministre de la Législation et des droits de l’Homme, le ministre chargé des relations avec les institutions et les cadres des deux ministères.
Le présent rapport se présente comme suit :
I- Exposé des motifs
II- Contenu de la Proposition de loi
III- Discussions
IV- Avis de la Commission
I- Exposé des motifs
Depuis le 24 janvier 2012, le Bénin assiste à des mouvements de grève intempestifs dans le secteur judiciaire à l’initiative de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (Unamab). Ces grèves sont sources de souffrances injustes infligées aux paisibles populations du Bénin.
A l’analyse, les différents mouvements de grève organisés par l’Union des Magistrats du Bénin n’ont pas respecté le principe universellement établi dans la conduite des mouvements de grève : recourir à l’arme de la grève seulement en situation ultime, c’est-à-dire lorsque toutes les autres voies de recours ont été épuisées. Le statut particulier de la magistrature fait des magistrats des fonctionnaires spéciaux gardiens des droits et libertés des citoyens garantis par la Constitution. Or, il apparaît que l’Unamab méconnaît la mission fondamentale du pouvoir judiciaire.
Alors que le droit de grève est interdit aux magistrats en France, au Sénégal et au Burkina-Faso, pour ne citer que ces exemples, ce droit a été formellement établi au Bénin par la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature. Les orientations prises par le législateur béninois en la matière semblent uniques dans notre espace de partage judiciaire.
L’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en France dispose : « Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ».
Au Sénégal, les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer. Les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électif : les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques, ils ne peuvent être élus députés, conseillers dans les assemblées locales ou régionales. Au surplus, les magistrats, même en position de détachement, ne peuvent adhérer à un parti politique.
Au Bénin, l’article 18 de la loi portant statut de la magistrature énonce : « Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en association ou en toute autre organisation ou de s’y affilier pour défendre leurs intérêts, promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la justice »

L’article 31 de la Constitution de la République du Bénin dispose : « L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi ».
Selon la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle (décision DCC 11-065 du 30 septembre 2011), « le droit de grève, bien que fondamental et consacré par l’article 31 précité, n’est pas absolu ; qu’en effet, est absolu ce qui est sans réserve, total, complet, sans nuance ni concession, qui tient de soi-même sa propre justification et est donc sans limitation et à toute contrainte ; qu’en disposant que le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi, le constituant veut affirmer que le droit de grève est un principe à valeur constitutionnelle, mais qu’il a des limites et habilite le législateur à tracer lesdites limites en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts, dont la grève est un moyen, et la préservation de l’intérêt général auquel la grève est de nature à porter atteinte ; qu’en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève par le constituant ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme la grève, a le caractère d’un principe à valeur constitutionnelle ; qu’en raison de ce principe, les limitations apportées au droit de grève peuvent aller jusqu’à l’interdiction dudit droit aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ; qu’ainsi l’Etat, par le pouvoir législatif, peut, aux fins de l’intérêt général et des objectifs à valeur constitutionnelle, interdire à des agents déterminés le droit de grève ».
L’organisation Internationale du Travail (OIT), dans son 336ème rapport, cas n°2383 affirme :« Les fonctionnaires de l’administration et du pouvoir judiciaire sont des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, et leur droit de recourir à la grève peut donc faire l’objet de restrictions, telle que la suspension de l’exercice du droit ou d’interdictions ».
Le législateur béninois se trouve devant un dilemme qu’il se doit de trancher : continuer de privilégier le droit de grève des fonctionnaires de l’administration et du pouvoir judiciaire, d’un côté, ou prendre parti au droit à la justice des populations, de l’autre. Les initiateurs de la proposition de loi à l’étude de la Commission ont pris parti pour la population dans un triple objectif :
- promouvoir les droits de l’Homme en général ;
- garantir les droits des personnes détenues ;
- assurer le droit à la justice des citoyens.
Eu égard à tout ce qui précède, l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, dans sa formulation actuelle, ne permet pas un bon fonctionnement de notre justice. Il expose le peuple béninois à des violations massives et répétées des Droits de l’Homme à cause de son laxisme avéré.
La proposition de loi, en modifiant l’article 18 de la loi susvisée, se conforme au fond, au droit et pratiques internationaux en la matière.
II- Contenu de la proposition de loi
La proposition de loi soumise à l’étude de la Commission comporte deux articles libellés comme suit :
Article 1er : Les dispositions de l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature au Bénin sont modifiées ainsi qu’il suit :
Article 18 nouveau : « Les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral politique. Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques.
Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par la mise à la retraite d’office ».
Article 2 : La présente loi qui abroge toutes dispositions antérieures contraires sera exécutée comme loi de l’Etat.
III- Discussions
Les discussions générales engagées ont permis de regrouper les arguments en trois positions que l’on peut résumer comme suit :
- opinions opposées à la proposition de loi ;
- opinions favorables à la proposition de loi ;
- opinions demandant une mission d’information temporaire.
Les débats au sein de la Commission ont permis de noter que les positions hostiles à la proposition de loi se fondent sur les arguments qui suivent :
- en évoquant l’article 10 de l’ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958, les initiateurs de la proposition de loi ont omis de noter qu’il s’agit d’une législation datant de 1958 et surtout qu’il s’agit d’une ordonnance et non d’une loi votée par les parlementaires français. Cette ordonnance, « en évoquant toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions », a soigneusement évité l’usage du mot grève. Nonobstant ladite ordonnance, les magistrats français sont allés en grève au cours de ces dernières années. Il convient de rappeler les grèves de 2001, 2003, 2005, 2010 et 2011 notamment. A ces occasions, les grévistes ont fait l’objet de retenue sur salaire conformément à l’article 2 de la loi du 19 octobre 1982 relative aux retenues pour absence de service fait, soit 1/30ème du salaire par jour de grève. Aucun magistrat français n’a fait l’objet d’une quelconque poursuite disciplinaire pour fait de grève. Il y a là une reconnaissance implicite du droit de grève ;
- le prétexte de la suppression du droit de se syndiquer et de se mettre en grève est en réalité un cheval de Troie pour annihiler l’indépendance de la justice ;
- en décidant d’interdire aux magistrats le droit de se présenter aux élections, les initiateurs ont décidé de violer l’article 13 de la Charte Africaine des droits de l’Homme qui dispose : « tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leurs pays soit directement soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis » ;
- les droits de grève sont inscrits dans notre Constitution et demeurent un acquis de la Conférence Nationale. Ils sont partie intégrante du pacte obtenu à la Conférence Nationale par le peuple béninois ;
- la restriction du droit de grève est un acte liberticide au sens où elle porte atteinte à l’exercice des libertés ;
- si tout le monde est sensible au motif de l’allègement de la souffrance des populations carcérales et de leurs familles, la grève ne saurait être retenue comme un élément contribuant aux contre-performances observées dans le secteur de la justice au Bénin. Le problème de la justice est ailleurs et il ne faut apporter aux problèmes réels des solutions inappropriées et non durables ;
- la comparaison du statut des magistrats au Bénin à ceux de la sous-région ou d’autres pays du monde ne peut prospérer car les conditions de vie et de travail ne sont pas comparables ;
- la paix dans notre pays ne peut s’accommoder de règlements de compte, de tensions sur fond d’une activité législative hâtive.
Les opinions favorables à l’adoption de la proposition de loi mise à l’étude de la Commission se résument comme suit :
- un pouvoir ne saurait détenir un droit de grève. Les membres du pouvoir exécutif, les membres du pouvoir législatif, les membres du pouvoir judiciaire ne sauraient détenir un droit de grève car exerçant un pouvoir qui s’autodiscipline ;
- le droit de grève est un droit acquis et consacré par notre Constitution mais le législateur a reçu les prérogatives d’encadrer le droit de grève conformément à l’article 31 de la Constitution de la République du Bénin. La proposition de loi soumise à l’Assemblée ne viole donc pas la Constitution ;
- on ne peut accepter que les fonctionnaires béninois, et en particulier les magistrats perçoivent indûment des salaires pour des journées de grève et ce, pendant plusieurs mois ;
- l’histoire des pays émergents nous montre que l’éradication de la pauvreté passe par le travail de leurs enfants. Dans les pays du sud-est asiatique, les horaires de travail dépassent les normes admises par l’Organisation Internationale du Travail mais c’est à ce prix que des pays émergents comme la Chine et l’Inde soutiennent l’investissement public au Bénin.
- la magistrature est un corps prestigieux doté de pouvoirs exceptionnels supérieurs aux pouvoirs législatif et exécutif. Le corps de la magistrature est organisé et protégé et peut défendre ses intérêts sans avoir recours à la grève.
Les commissaires porteurs de l’opinion suivant laquelle il faut mettre en place une mission temporaire de la Commission, conformément à l’article 120 du Règlement Intérieur de l’Assemblée, aux fins de compléter les informations disponibles pour éclairer les membres ont indiqué que les lois portant organisation judiciaire, statut des magistrats n’ont pas fait l’objet d’un audit pour apprécier si tous les textes réglementaires d’application ont été pris. Dans cette optique, il s’avère nécessaire de mettre à plat tous les dysfonctionnements du secteur de la justice, afin d’opérer un toilettage complet des textes applicables. Au nombre des préoccupations exprimées, on peut citer :
- la nécessité de faire le point sur la mise en œuvre des lois relatives au statut particulier des magistrats et à l’organisation judiciaire ;
- les problèmes d’effectifs des magistrats ;
- l’inapplication depuis 2004, en ses articles 3 et 7, du décret 2004-176 du 06 avril 2004 portant modalités de fixation des ristournes et des conditions d’attribution de la prime d’incitation et de rendement allouée aux magistrats ;
- l’application effective du nouveau code de procédure pénale en ses dispositions relatives au juge des libertés ;
- la non création depuis 2002 des chambres administratives et des chambres des comptes près les Cours d’Appel et les Tribunaux de Première Instance.
L’étude article par article de la proposition de loi a donné lieu à deux amendements qui se résument comme suit :
1er amendement : maintien pur et simple de l’article 18 initial de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.
2ème amendement :
• reformulation de l’intitulé de la proposition de loi qui devient : « proposition de loi modifiant et complétant la loi 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature ».
• reformulation de l’article 18 comme suit :
« Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en association pour promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature.
Toutefois, les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral politique. Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques.
Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par une mise à la retraite d’office ».
Les commissaires n’ont pu s’accorder sur ces deux propositions d’amendement qui ont été soumises au vote. Les résultats du scrutin sont les suivants :
1er Amendement :
Voix pour : 6
Voix contre : 2
Une majorité s’est dégagée en faveur de cet amendement
2ème Amendement :
Voix pour : 2
Voix contre : 6
Une majorité s’est dégagée contre cet amendement
La commission soumet à la plénière l’ensemble de ce rapport pour décision.
Telle est, Monsieur le Président, la substance de ce rapport que nous vous prions de soumettre à l’appréciation de la plénière.

Porto-Novo, le 11 juillet 2014

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