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La Nouvelle Tribune N° 2404 du 1/2/2013

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Gouvernance au Bénin : On ne gère pas un pays comme un «sac de patates»!
Publié le samedi 2 fevrier 2013   |  La Nouvelle Tribune




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Un Etat ne se gère pas comme une épicerie. Tout Etat est régi par des règles, normes et procédures contenues dans la Constitution, ainsi que dans les autres lois. Certaines de ces normes et procédures sont non écrites, uniquement liées à la coutume nationale, au bon sens ou à la pratique habituelle des institutions.



Dans tous les cas, l’on ne saurait se lever pour faire ce que l’on veut, surtout quand on est à la tête d’une grande institution républicaine, au risque de la décrédibiliser. Si nous avons évoqué ces préalables, c’est pour nous questionner sur la décision du Chef de l’Etat de gracier un prévenu dans une affaire judiciaire qui suit son cours : L’Affaire Lionel Agbo. Nos précisions…

Précisions sur la grâce présidentielle

La grâce est une prérogative exclusive reconnue au Chef de l’Etat pour mettre fin à l’exécution de la sanction contre certains auteurs de crimes ou délits, dès lors que la condamnation est déjà acquise, c’est-à-dire que les voies de recours sont épuisées : Première instance, Appel, Cassation… Puis vient la Grâce Présidentielle!

Dans nombre de pays, cette procédure est transparente et ce pouvoir du Président de la République est bien cadré et entouré de plusieurs garanties pour ne pas susciter des abus.

La grâce présidentielle intervient en général lors des célébrations républicaines, quand la nation, pour manifester sa joie (par exemple lors de la fête nationale ou à l’occasion du Nouvel an), efface l’ardoise de certains criminels ou auteurs de délits. C’est le cas, par exemple, en France lors de la Fête Nationale du 14 Juillet. Tous les auteurs de contraventions et entorses au code de la route, sont «pardonnés» par le Président de la République, avec une grâce collective.

La grâce pour être personnelle et nominative, doit être accordée par le Chef de l’Etat, suite à la demande de l’intéressé. Il s’agit donc là d’une condition sine qua non, la manifestation de la volonté de l’intéressé qui demande au Président de la République de le gracier car il a enfin reconnu ses fautes et le tort qu’il a causé à la nation, et voudrait que la nation, à travers son premier magistrat, lui pardonne, avec la grâce…

Précisons enfin que la grâce présidentielle, outre les procédures écrites, est également soumise à des règles coutumières, et au bon sens. Ainsi, il serait hors de tout propos, de gracier un individu reconnu coupable de crimes graves et d’atrocités sur la personne humaine, de crimes contre les bonnes mœurs ou d’atteintes graves à la morale ! Aucun Président de la République n’oserait franchir ce Rubicon, même si les règles écrites le lui permettent!

Pour terminer sur la grâce, retenons qu’elle est «une faveur accordée volontairement, remise de peine ou pardon… C’est le droit, qu’ont certains chefs d’Etat, de réduire ou de commuer une peine…»

Une clémence personnelle?!

Quant à la clémence dont a fait preuve le Chef de l’Etat, on se pose la question de savoir si c’est à titre personnel (en tant que «victime» de l’offense) ou en sa qualité de Président de la République. Car, on note nombre d’amalgames dans la décision publiée par la Présidence de la République en la personne de son Secrétaire Général.

Une définition de la clémence, avant d’en revenir à l’amalgame de la décision qui nous intéresse : «La clémence est une vertu qui consiste à pardonner les offenses, à modérer les châtiments des fautes que l’on punit»!

Donc, on punit d’abord, puis on recourt à la clémence pour minorer les sanctions, pour réduire le châtiment infligé. Et ce n’est pas une prérogative du Chef de l’Etat ! C’est à la Cour, les magistrats en toute qualité et autorité, qu’il revient de prononcer la clémence; c’est d’ailleurs à eux qu’on adresse une demande de clémence, hors tribunal ou en pleine procédure par la plaidoirie de l’avocat : «Faire appel à la clémence de la Cour»!

Un bel amalgame!

C’est vraiment le cas de le dire, car dans le communiqué publié par la Présidence de la République, voilà ce que nous lisons : «Le Chef de l’Etat a décidé de retirer sa plainte et de lui (Maître Lionel Agbo, Ndla) accorder son pardon et sa grâce, conformément aux prérogatives que lui confère la Constitution»!

Comment pourrait-on recourir à trois actions bien distinctes, la clémence, la grâce et le retrait de plainte, pour arrêter des poursuites judiciaires dans une affaire dont le juge connaît déjà et qui se poursuit?

C’est une immixtion intolérable dans le pouvoir judiciaire, et ce n’est point dans cet esprit que le Droit de Grâce a été accordé au Chef de l’Etat par la Constitution.

Dans le cas d’espèce, offense au Chef de l’Etat, on aurait pu assister à un retrait de la plainte, par le plaignant qui est le Président de la République… avant que l’affaire ne soit jugée ! Une fois que le juge a exercé son autorité, il n’y a plus lieu de retirer une plainte, sinon, c’est la Cour, qui se sentirait offensé : Outrage à la Cour…

On ne gère pas un Etat démocratique comme un sac de patates, comme une épicerie : Un jour on accuse, on poursuit et on condamne, le jour d’après on retire sa plainte, par clémence (nous arrangeons un peu, pour l’orthodoxie)… sinon on gracie. Il aurait fallu attendre l’épuisement des voies de recours… Et un décret du Gouvernement, non un simple communiqué!

Le juge s’est prononcé, «Dura lex, sed lex» (La Loi est dure, mais c’est la loi)! Seul un autre juge, supérieur au précédent, peut prononcer un jugement contraire, jusqu’au Président de la République, Premier magistrat… avec sa Grâce Présidentielle!

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