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La Nation N° 6051 du 19/8/2014

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Cumul des activités professionnelles et domestiques: Un frein à la participation des femmes aux instances décisionnelles
Publié le mercredi 20 aout 2014   |  La Nation




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C’est un fait avéré. Aujourd’hui plus qu’hier, les femmes fournissent d’énormes efforts pour avoir leur place aux côtés des hommes. Malheureusement, il y a un certain nombre d’obstacles qui freinent leur élan et par ricochet, leur participation aux instances de prise de décisions. Au nombre de ceux-ci, le cumul de leurs activités domestiques et professionnelles tient une importante place. En dehors des effets sur leur santé, une telle situation fait que leur apport au développement est insignifiant, quand bien même les sociétés et les ménages fonctionnent en s’appuyant sur cette main d’œuvre invisible qu’elles constituent..

Difficile aujourd’hui de concevoir un monde juste, équilibré et développé sans les femmes. Elles sont sources de vie et entretiennent la vie. Les femmes sont en amont et en aval de la chaîne de production et de reproduction, au cœur du développement. Mais au même moment, elles constituent la couche la plus marginalisée.Si traditionnellement, elles étaient confinées dans les rôles reproductifs, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Les contraintes de la société sont telles qu’elles doivent travailler pour appuyer les hommes dans les charges familiales. Le développement exige désormais que les deux qui forment le foyer, participent aux tâches de production. De ce fait, les femmes doivent aussi s’adonner aux activités génératrices de revenus, que ce soit dans la Fonction publique, le privé ou travailler à leur propre compte. Ce qui fait qu’elles se consacrent non seulement à leurs activités professionnelles, mais aussi aux tâches domestiques indispensables à l’équilibre de la cellule familiale et de la société. Elles qui autrefois, étaient appelées «Gnonnou Houessi», entendez «Femme, être destiné aux affaires de la maison», sont devenues des actrices incontournables du marché du travail, assurant ainsi désormais une double fonction sociétale dont les conséquences aux plans sociosanitaires et de leur implication dans les instances de prise de décisions méritent qu’on s’y attarde.
Conséquences sur la santé
Pour le socio-anthropologue Rodrigue Sohouénou, l’exercice du rôle traditionnel de gestionnaire du ménage que la femme joue au retour du travail, engendre une dose supplémentaire de fatigue et de sacrifice qui freinent à l’évidence sa présence dans les instances de prise de décisions.Du coup, il y a un surplus de tâches qui affecte son état de santé, sa rentabilité au travail et le nombre d’heures qu’elle consacre aux travaux domestiques, conçoit le directeur de la Famille et du Genre du ministère en charge de la Famille, Léonard Lalèyè.Il faudra se convaincre, selon lui, qu’il y a aujourd’hui une mutation sociale. Laquelle s’explique par le fait que dans la «société traditionnelle, la communauté avait la primauté sur l’individu et seuls les rôles reproductifs avaient de la valeur ».Or, poursuit Léonard Lalèyè, «nous assistons de plus en plus à une société moderne, extrêmement monétarisée, où tout s’achète à prix d’or ». Du coup, se mue le rôle des acteurs dans ces deux sociétés pour suivre le rythme de l’évolution du monde. Ce qui oblige, développe-t-il, «les deux acteurs du foyer à trouver les termes de l’échange dont l’une des clés passe par le travail professionnel de la femme ». Et pour que celle-ci soit efficace au service, elle doit être déchargée, au moins en partie, à la maison. Malheureusement, la mutation sociale tarde à être tolérée au sein des communautés, tant les valeurs sociétales ont pris le dessus.Un paradoxe tout de même. «Lorsque la lessive devient une affaire du blanchisseur ou lorsque, préparer à manger devient l’affaire du cuisinier, ce sont les hommes qui se retrouvent au premier rang». Dans le même temps, ce sont ces mêmes hommes qui s’adonnent à ces mêmes tâches en ville, qui refusent de les exécuter dans leur foyer. Cet état de choses, selon Léonard Lalèyè, est dû au ‘’construit’’ social que les peuples devraient surmonter en adoptant de nouvelles attitudes au regard des exigences du développement. En réalité, explique-t-il, il n’y a pas de travail inné pour la femme en dehors de la maternité.De l’avis du socio anthropologue de Développement, Rodrigue Sohouénou, le cumul des activités professionnelles et familiales des femmes pourrait impacter négativement leur santé sous plusieurs formes: «un degré plus élevé de dépression, d’anxiété et d’irritabilité, se manifestant parfois sous forme de frustration et de discourtoisie dans leurs comportements.» Une fatigue plus intense et continuelle associée à des maladies comme l’hypertension, des troubles cardio-vasculaires, des troubles alimentaires, la migraine ou des allergies, sont également des facteurs qui peuvent affecter leur état de santé, renchérit le gynécologue, Simon Bidossèssi.Ce qui, à certains égards, limite leur efficacité et n’est pas de nature à optimiser leur participation au développement social et économique du pays, conclut Rodrigue Sohouénou.
Un bénévolat informel
La spécialisation des rôles au sein des foyers est encore largement répandue, malgré les évolutions de ces dernières décennies. Dans les ménages, les femmes fonctionnaires sont les plus sollicitées. Bonnes à tout faire, ce sont elles qui s’occupent non seulement des enfants, mais bien souvent aussi des parents âgés et des membres de leur famille en cas de maladie, des tâches ménagères et de la cuisine. Or, plus elles s’efforcent de répondre aux charges familiales, plus elles sont confrontées à des contraintes de temps au niveau de leur service. « Pour une femme, être à la fois à la maison et vaquer à ses occupations professionnelles n’est pas facile à gérer. Dans ce contexte, il lui est vraiment difficile d’émerger et le rapprochement de deux facteurs (travail domestique et vie professionnelle) les maintient quelque peu dans l’ombre sur la scène politique», reconnaît le directeur de la Famille et du Genre. Selon lui, l’expression “travail domestique” ne rend pas bien compte de l’ensemble des activités et responsabilités assumées par les femmes. Car, ce sont elles qui font les courses, s’occupent de l’éducation et des soins des enfants, de l’entretien de la maison, du linge, de la préparation des repas. Tâches qui sont souvent invisibles et qui donnent peu de valeurs à celles qui les exercent.
Difficile conciliation
Les difficultés à concilier la vie professionnelle et familiale, constituent un facteur principal du retrait du marché du travail pour certaines femmes. Au nombre des facteurs qui expliquent également ce retrait, les grossesses figurent en bonne place. Elles contraignent généralement les femmes ayant une santé fragile, à abandonner le service au détriment du ménage. Dans le rang des employeurs aussi, la survenue des grossesses ne manque pas de pénaliser les femmes. Être une femme implique une probabilité plus faible d’avoir accès au marché du travail, au même titre qu’un homme. Ce qui les contraint à abandonner la vie professionnelle au profit de celle familiale, les réduisant ainsi au rôle de ménagères. La situation n’est pas non plus sans conséquence sur le fonctionnement des sociétés, à en croire, Evariste Hinbigbé, un dirigeant d'entreprise. D’aucuns estiment que l’employabilité des femmes a des conséquences négatives sur l'entreprise d’autant plus que lorsqu’elles tombent enceintes, leurs postes de travail deviennent vacants, par conséquent diminuent la rentabilité des sociétés qui les embauchent. Et pourtant, les grossesses sont un don et jusque-là, aucune compétence n’est encore donnée à l’homme de relayer la femme en la matière. Au contraire ! Avec ou sans grossesse, ce sont encore elles qui demeurent les mille bras des ménages, les premières à se lever et les dernières à se coucher. Mieux, elles sont des équilibristes qui partagent le destin de nombreuses personnes, entre deux statuts, deux emplois ou deux modes de vie. Il ne s’agit nullement à travers ce sujet, de sensibiliser à inverser les rôles sociaux de sorte que l’homme devienne le domestique de son épouse. Absolument pas ! Mais plutôt de sensibiliser les pouvoirs publics afin de faciliter la mise à disposition de la femme fonctionnaire, d’un certain nombre d’outils pouvant la soulager dans les tâches domestiques. Autrement, l’on ne saurait parler de promotion de la femme, étant donné qu’elle doit disposer d’un minimum de temps pour participer aux instances décisionnelles. Et pour que cette ambition puisse être véritablement concrétisée, il lui faudra répondre aux obligations professionnelles et familiales, avant de dégager le temps nécessaire pour assister aux réunions. En réalité, si elle doit tenir compte de ses activités professionnelles et familiales, de quel temps dispose-t-elle pour participer aux séances des instances de prise de décisions pour le développement? Le point focal genre de la mairie de Comè, Cornélie Vidémè, se plaint de cette situation qui constitue parfois un handicap pour certaines femmes désireuses de s’investir en politique et oblige d’autres à s’occuper de l’éducation de leurs enfants jusqu’à un niveau donné, avant de s’y engager réellement.Pour le directeur de la Famille et du Genre, Léonard Lalèyè, le facteur temps est une variable à ne pas négliger, étant donné qu’il fait partie des handicaps de la paticipation de la femme aux instances de prise de décisions.
Activités non déclarées et non rémunérées
Selon le point focal genre de la mairie de Comè, Cornélie Vidémè, le cumul des activités professionnelles et familiales pénalise les femmes en politique. « Ce sont des travaux qui nous pompent souvent ; ce qui favorise notre faible militantisme politique », déplore-t-elle. Au même moment, rares sont les hommes qui se retirent temporairement du travail, pour s’occuper des tâches familiales et parentales. Dans les couples où ils gagnent moins que leurs femmes, ils n’aiment pas non plus se consacrer à ces travaux. Une variable à ne pas négliger concerne l’emploi du temps des femmes, qui constituent en réalité les mille bras des foyers. Une étude du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), datant de 2009 a révélé que les femmes actives consacrent à leur profession, globalement plus de temps que les hommes. Près de deux heures de plus que les hommes en ville et plus de deux heures et demie que ceux en milieu rural, soit une journée de travail féminine de 11h en ville et de 11h30 en campagne, contre respectivement 8h35mn en ville et 9h45 en campagne pour les hommes. Mais, c’est surtout dans les tâches reproductives qu’elles investissent plus de temps : 17% supérieur à l’homme en milieu urbain et dépassant de 28% celui de l’homme dans les campagnes. En ville, les femmes inactives consacrent deux fois plus de temps dans les travaux domestiques que celles actives. Dans les campagnes, leur journée n’est inférieure que de 17% du temps des actives dans le même milieu. La variabilité de l’emploi du temps de la femme constitue un facteur capital dans tout processus de changement des conditions de vie de ces femmes et surtout pour leur accès à la sphère décisionnelle. En effet, leur participation aux instances décisionnelles est à l’évidence un des enjeux prioritaires de la lutte pour plus d’égalité perçue aujourd’hui comme une exigence de développement.L’image de la femme s’est dépréciée et elle a été marginalisée par rapport à la sphère décisionnelle; pourtant elle se trouve au cœur de la vie et devrait être associée comme un puissant acteur du développement au même titre que les hommes, étant donné que c’est elle qui «contribue à la mise à disposition des bras valides et des têtes pensantes au service de la nation pour son développement », a indiqué le consultant genre, Delphin Daké dans sa réflexion sur l’égalité entre les sexes.D’une manière générale, le cumul des activités professionnelles et domestiques laisse peu de temps aux femmes pour assister aux réunions politiques ou s’impliquer effectivement dans l’animation des partis politiques. Selon une étude du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), les femmes ont plus de 43% de temps de travail que les hommes, dans une journée, s’il faut comptabiliser toutes les activités exercées au cours d’une journée par les deux composantes de la société.Et pourtant, à l'instar des hommes, les femmes doivent aussi disposer de temps qui est une importante ressource, pour bâtir leur épanouissement et contribuer au développement de leur pays. Loin de s’en soustraire, elles sont appelées plutôt à bénéficier d’un certain nombre de privilèges pouvant les soulager dans l’exercice desdites tâches, afin que leur accomplissement constitue un plaisir et non une contrainte rigide. Mais pour le moment, cachées par la structuration des rôles domestiques sexués dans nos sociétés, elles s’y adonnent sans toujours bénéficier d’une attention particulière. Certains auteurs, faut-il le rappeler, ont essayé d’établir la valeur des activités de production domestique. Selon leurs études, l’apport du travail domestique des femmes est estimé entre 28 à 44 % du PIB.
Revaloriser le travail domestique des femmes
Tout comme l’homme, la femme constitue également un être fait de chair et de sang, qui du retour du service, a besoin de repos pour son développement personnel. En ce sens, la proposition de la coordonatrice du WILDAF-Bénin, Geneviève Boko Nadjo, aux pouvoirs publics prend en compte, la mise à la disposition des femmes, notamment celles travailleuses, des gadgets et des kits pouvant leur faciliter le travail domestique. Pour elle, il y a lieu de revaloriser le corps de métier que constitue le travail domestique, notamment par la création des structures pouvant les soulager de ces tâches.Aussi, la maternité ne devrait-elle pas retenir les femmes dans leur élan politique. Il faille alors penser à la mise en place des crèches pour faciliter la garde des enfants aux femmes. A l’heure actuelle, le Bénin ne dispose malheureusement que d’une seule crèche publique. Des efforts restent donc encore à faire à ce niveau.La promotion des activités génératrices de revenus au profit des femmes, le soutien à la mère et à l’enfant, la construction des écoles maternelles sont autant d’actions que les communes devraient intégrer dans les Plans de développement communaux (PDC) et dont la mise en œuvre sera bénéfique aux femmes.La femme étant partie prenante dans la transmission des valeurs ne serait-ce que par sa fonction d’éducatrice, il est urgent de reconsidérer l’image que projettent d‘elle les tâches professionnelles et familiales. L’Etat avec l’appui des acteurs politiques, de la Société civile et les partenaires techniques et financiers s’investissent déjà dans la promotion de la femme.Pour soulager celles qui sont fonctionnaires dans les tâches domestiques, Rodrigue Sohouénou, socio-anthropologue de développement pense qu’il est nécessaire de faire une large diffusion du contenu des dispositions réglementaires et institutionnelles qui ‘’protègent’’ les femmes (politique de promotion du genre, Code des personnes et de la famille, etc.) afin d’amener les citoyens à plus de conscience et d’équité dans leur traitement.

Des propositions
Mieux, il serait souhaitable, propose-t-il, de voter une loi sur la réduction de la durée de travail pour les femmes en fonction de leur statut matrimonial (marié, nourrice, enceinte, etc.), de définir pour celles qui sont des fonctionnaires des allocations familiales ou primes spécifiques destinées à acheter les services de gouverneure de maison (communément appelée domestique) et de poursuivre la lutte contre les violences basées sur le genre. Pourquoi ne pas penser à la mise en place des audiences d’échanges et de partage d’expériences sur la relation travail-famille des femmes de manière à leur permettre de porter elles-mêmes la gestion de ce phénomène ?Pour faire comprendre que les tâches domestiques ne doivent pas être sous-évaluées, il est important pour les pouvoirs publics de penser à des actions de plaidoyer et de lobbying. Cela suppose une mobilisation générale des femmes, des hommes et des Partenaires techniques et financiers (PTF), convaincus de l’enjeu et une série d’actions à mener dans le temps.Eduquer les filles et les garçons de la même manière, de sorte à favoriser une complémentarité des deux sexes en ce qui concerne les activités professionnelles et familiales, telle est la suggestion de la présidente de l’ONG Rifonga, Léontine Idohou. En tout cas, les pouvoirs publics gagneraient à prendre en compte ces différentes préoccupations si tant est qu’ils désirent aider les femmes à se positionner de façon confortable dans la sphère décisionnelle et les associer au développement.Repenser le statut de la femme
Il y a lieu de plaider pour un dispositif de validation des compétences dans le rang des femmes qui cumulent les activités professionnelles et familiales.A un moment où les Etats membres de l’Organisation internationale du Travail ont signé la Convention sur la Décennie du travail décent (2010-2020) et que le Bénin a ratifié le 10 juin 2010 à Genève en Suisse, le protocole d’accord, puis a conçu un programme pays pour la promotion du travail décent (2010-2015), la femme devrait s’attendre à connaître l’amélioration de son sort.Le soutien à accorder aux femmes doit suivre une démarche scientifique, intégrée aux réalités de chaque pays. « Pour une femme, être à la fois à la maison, au marché et dans la vie active, c’est autant de stress difficile à gérer », souligne le point focal genre de la mairie de Comè, Cornélie Vidémè.Il y aura toujours des inégalités dans le rang des femmes tant que les pouvoirs publics n’auront pas touché ce point, alors qu’ils veulent faire d’elles une actrice de développement, au même titre que l’homme, reconnaît le directeur du genre et de la famille, Léonard Lalèyè.Jusque là, il n’y a malheureusement pas de lois spécifiques sur la question. En principe, poursuit Léonard Lalèyè, le fait que le gouvernement ait pris sur lui la responsabilité d’appliquer l’approche genre au Bénin, devrait aider les femmes à s’épanouir dans tous les domaines de la vie sociale. Autrement, on fatigue l’un au détriment de l’autre et lorsque la femme tombe malade, cela engendre de nouvelles dépenses pour le couple, estime-il.Ce combat passe également par la communication de masse. Des productions documentaires, des magazines et des émissions sur les rôles domestiques constituent des canaux pour édifier progressivement la société sur le sujet.




Par Maryse ASSOGBADJO

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